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17/11/2022 | FRANCE | N°19/00289

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 17 novembre 2022, 19/00289


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 19/00289 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HHDX



LM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

13 décembre 2018

RG:16/01351



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Selarl Lexavoue















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022







Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS en date du 13 Décembre 2018, N°16/01351





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/00289 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HHDX

LM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

13 décembre 2018

RG:16/01351

[B]

C/

[N] [F]

[O]

[P]

Grosse délivrée

le

à Scp Delran...

Scp Coulomb...

Me Lextrait

Selarl Lexavoue

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS en date du 13 Décembre 2018, N°16/01351

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre,

Madame Laure MALLET, Conseillère,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [D] [B]

né le 08 Novembre 1981 à [Localité 17]

[Adresse 7]

[Localité 18]

Représenté par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Gilles RIGOULOT de la SELARL LEXIMM AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉES :

Madame [T] [J] [N] [F]

née le 05 Juin 1956 à FAMALICAO (PORTUGAL)

[Adresse 13]

[Localité 18]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [S] [O] ès qualités de tutrice de Madame [P] veuve [W] [A] décédée le 26/08/2020

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Grégory DELHOMME de la SELARL CABINET GRÉGORY DELHOMME, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Représentée par Me Christelle LEXTRAIT, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTERVENANT

Monsieur [V] [P], ès qualités de légataire universel de Mme [P] [A] décédée le 26/08/2020

assigné en intervention forcée à étude d'huissier le 10/03/2021

[Adresse 14]

[Localité 18]

Représenté par Me Stéphanie SERRE de la SCP SCP SIGMA AVOCATS CHAVRIER-FUSTER-SERRE, Plaidant, avocat au barreau d'ARDECHE

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Août 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 17 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 19 décembre 2011, Mme [A] [P] veuve [W] placée sous tutelle par jugement du 9 septembre 2010, exercée par Mme [S] [O], a vendu à Mme [T] [J] [N] [F] un ensemble immobilier situé à [Localité 18] (Ardèche), cadastré section AL numéros [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], qu'elle avait précédemment acquis en juillet 1978.

Cette propriété jouxte celle de M. [D] [B], propriétaire notamment de la parcelle AL numéro [Cadastre 10] suivant acte de donation-partage du 24 décembre 2008.

Un différend est né entre Mme [N] [F] et M. [B] concernant un chemin d'accès à la propriété de Mme [N] [F], situé en partie sur la propriété de M. [B].

M. [B] a sollicité un bornage auprès du tribunal d'instance de Privas, qui a rejeté sa demande par jugement du 1 er octobre 2015 compte tenu de l'existence d'un précédent bornage entre ces deux fonds du 6 novembre 1982.

Invoquant la prescription acquisitive trentenaire sur partie du chemin se situant sur la parcelle AL [Cadastre 10] de M. [B], Mme [N] [F] a assigné par actes d'huissier des 12 mai 2016 et 10 mai 2016 M. [B] [D] et Mme [O], ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W] aux fins d'être désignée comme propriétaire de l'empiétement litigieux et d'obtenir des dommages et intérêts de la part de M. [B] et subsidiairement de la part de Mme [O].

Par jugement en date du 13 décembre 2018. le tribunal judiciaire de Privas a:

-déclaré Mme [J] [N] [F] propriétaire, par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire, d'une partie de la parcelle actuellement cadastrée AL[Cadastre 10]. [Adresse 16] à [Localité 18] (Ardèche) délimitée à l'ouest par la limite actuelle entre la parcelle [Cadastre 9] et [Cadastre 10] (fixée dans le bornage de 1982), au sud par la limite avec le chemin communal, à l'est et au nord par la limite extérieure du chemin bétonné,

-rejeté les plus amples demandes des parties,

-condamné M. [B] [D] à payer à Mme [O] [S] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [B] [D] à payer à Mme [N] [F] la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 21 janvier 2019, M. [B] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 11 juin 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Privas du 13 décembre 2018.

Mme [P] veuve [W] est décédée le 26 août 2020.

Par acte du 10 mars 2021, M. [B] [D] a assigné M.[V] [P] en intervention forcée en sa qualité de légataire universel de Mme [P] veuve [W].

Saisi par Mme [N] [F] d'une demande aux fins de voir ordonner le sursis à statuer en l'attente des plaintes qu'elle a déposées à l'encontre de M. [E], géomètre, du chef de fausse attestation et de M. [B], du chef d'escroquerie au jugement, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 22 juin 2021, a déclaré la demande recevable, mais l'en a déboutée, la condamnant aux dépens de l'incident et à la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt, du 9 décembre 2021, la cour, statuant sur le déféré formé par Mme [N] [F], a confirmé cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 août 2022, auxquelles il est expressément référé. M. [D] [B] demande à la cour de:

-réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Privas le 13 décembre 2018, par lequel il a été

* déclaré que Mme [J] [N] [F] est propriétaire, par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire, d'une partie de la parcelle actuellement cadastrée AL [Cadastre 10], [Adresse 16] à [Localité 18], délimitée à l'ouest par la limite actuelle entre la parcelle [Cadastre 9] et [Cadastre 10] (fixée dans le bornage de 1982), au sud par la limite avec le chemin communal, à l'est et au nord par la limite extérieure du chemin bétonné.

*rejeté les plus amples demandes des parties.

*condamné M. [D] [B] à payer à Mme [O] [S] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

*condamné M. [D] [B] à payer à Mme [J] [N] [F] la somme de 2 500 € au titrede l'article 700 du code de procédure civile

*condamné M. [D] [B] au paiement des entiers dépens.

-statuer que le chemin d'accès empiétant sur la parcelle cadastrée n°AL [Cadastre 10], propriété de M. [D] [B] n'a pas été prescrit ni par les époux [W], ni par Mme [J] [N] [F], faute pour eux de démontrer la réunion des conditions de la prescription acquisitive trentenaire.

En conséquence,

-rejeter l'intégralité des demandes de première instance comme d'appel de Mme [J] [N] [F], de Mme [O] et de M. [V] [P], ès qualités de légataire universel de Mme [P] veuve [W],

-condamner Mme [J] [N] [F] à retirer son véhicule implanté en partie sur la parcelle n° [Cadastre 10],

-condamner in solidum Mme [J] [N] [F], Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W], et M. [V] [P], ès qualités de légataire universel de Mme [P] veuve [W], à verser à M. [D] [B] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 août 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [T] [J] [N] [F] demande à la cour de:

Vu les dispositions articles 2260,2265 et 2272 du code civil,

A titre principal :

-confirmer le jugement du 13 décembre 2018,

-débouter M. [D] [B], et M. [V] [P] ès qualités de légataire universel de Mme [A] [P] veuve [W] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de Mme [J] [N] [F],

Y ajoutant :

-condamner M. [D] [B] à payer à Mme [T] [J] [N] [F] la somme de 10 000 € en indemnisation de son préjudice moral,

-condamner M. [D] [B] à payer à Mme [T] [J] [N] [F] la somme 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [D] [B] aux entiers dépens de 1ére instance et d'appel,

-condamner solidairement Mme [O] ès qualités et M. [V] [P] à régler à Mme [J] [N] [F] une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en lien avec cette procédure.

-condamner M. [V] [P] à régler à Mme [J] [N] [F] une somme supplémentaire de 5 000 € de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire.

Vu les dispositions de l'article 1641 du code civil considérant que Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W] a volontairement omis de mentionner l'existence du plan de bornage de janvier 1982,

Considérant que M. [V] [P] ès qualités de légataire universel de Mme [P] est tenu de la garantie des vices cachés et a commis des man'uvres dolosives ayant vicié le consentement de Mme [J] [N] [F],

-condamner solidairement M. [V] [P] ès qualités de légataire universel de Mme [A] [P] veuve [W] et Mme [O] ès qualités de tutrice à régler à Mme [J] [N] [F] la somme de 25 700 € HT au titre de la dépréciation de son bien,

-condamner solidairement M. [P] ès qualités et Mme [O] es qualités à régler à Mme [N] la somme de 10 000 € au titre de son préjudice moral,

-condamner solidairement M. [P] ès qualités et Mme [O] à régler à Mme [N] la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 août 2022, auxquelles il est expressément référé, M. [V] [P] en sa qualité de légataire universel de Mme [P] veuve [W] demande à la cour de:

-confirmer dans toutes ses dispositions la décision dont appel,

-rejeter l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de M. [P],

-condamner au titre de la procédure d'appel, Mme [J] [N] [F] à verser au profit de M. [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile età supporter les entiers dépens,

-débouter M. [B], Mme [J] [N] [F], Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 mars 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [S] [O] en sa qualité de tutrice de Mme [P] veuve [W] demande à la cour de:

-confirmer le jugement entrepris, et ce faisant

-rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Mme [J] [N] [F] dirigées contre Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W],

-rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [B] dirigées contre Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W],

-condamner in solidum Mme [J] [N] [F] et M. [B] à verser à Mme [O] ès qualités de tutrice de Mme [P] veuve [W] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner in solidum Mme [J] [N] [F] et M. [B] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 25 août 2022 .

MOTIFS DE LA DECISION

En préliminaire, il y lieu de constater que Mme [O] qui demande la confirmation du jugement ne formule aucune critique contre le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

De même, M. [B] ne remet pas en cause la disposition du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [N] [F].

Enfin, Mme [N] [F] n' a pas fait appel du rejet de sa demande d'expertise.

Sur les demandes de Mme [N] [F],

Sur la prescription acquisitive,

Selon l'article 2258 du code civil « la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».

Selon l'article 2272 alinéa 1 du code civil « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ».

Selon l'article 2261 du code civil, anciennement 2229, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Selon l'article 2265 du code civil , anciennement 2235, « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux ».

Il appartient à celui qui invoque la possession en vue d'usucaper de démontrer des actes matériels de possession et d'établir que cette dernière revêt les caractéristiques édictées par l'article 2261 du code civil.

Mme [N] [F] soutient que ce chemin est possédé depuis plus de 30 ans par elle même et ses auteurs, les consorts [W], qui l'ont toujours utilisé depuis 1979, date de la construction de leur maison, l'ont bétonné, entretenu, publiquement et sans aucune contestation jusqu'en 2013, M. [B] ayant son accès à sa parcelle numéro [Cadastre 10] par le sud comme mentionné sur son permis de construire.

M. [B], au contraire, réplique que la possession n'est pas trentenaire, qu'elle est discontinue et équivoque puisque :

-le chemin litigieux n'a jamais été emprunté avant son emménagement en 2008, ni après le départ de Mme [W] en EHPAD en 2009,

-qu'aucun aménagement n'avait eu lieu s'appuyant sur l'attestation de M. [E], géomètre qui a dressé le procès-verbal de bornage de 1982, et le procès-verbal de constat d'huissier du 25 janvier 2005,

-que la possession est équivoque puisque pendant les travaux de son habitation entre 2006 et 2007, il a utilisé l'emprise litigieuse sur son fonds pour y faire passer les engins de chantier pour la construction de sa maison et y entreposer des matériaux et en mettant en place une chaîne, la possession n'étant donc pas exclusive,

-qu'un différent existait entre les auteurs des parties sur cet empiétement comme cela résulte de l'attestation de M. [X],

-que si les propriétaire d'alors ont fait établir un bornage en 1982, même amiable, c'est qu'il existait une équivoque,

-qu'avant le bornage de 1982, le chemin était situé et identifié sur la parcelle [Cadastre 9], qu'ainsi les auteurs de Mme [N] [F] ne pouvaient posséder en qualité de propriétaires, que le point de départ de la prescription ne peut dès lors pas être fixé en 1979 mais en 1982,

-que la possession est discontinue et équivoque puisque Madame [N] [F] dispose d'un autre accès à sa propriété où se trouve sa boîte aux lettres, passage tout à fait suffisant pour desservir sa propriété.

En préliminaire, il y lieu de constater que l'empiétement sur la parcelle AL n° [Cadastre 10] appartenant à M. [B] établi par le procès verbal de bornage de 1982 n'est pas contesté, l'objet de la présente action engagée par Mme [N] [F] tendant précisément à la reconnaissance de sa propriété sur cette emprise bétonnée du chemin d'accès à son habitation par prescription acquisitive.

L'analyse des pièces produites aux débats révèle que, contrairement aux affirmations de M. [B], le chemin qui empiète pour partie sur sa parcelle [Cadastre 10] existe et a été aménagé depuis la construction édifiée par les consorts [W] en 1979.

Dans son attestation en date du 8 avril 2017, Mme [M] indique : « Depuis la date de leur construction, les époux [W] ont toujours utilisé comme accès à la construction celui existant aujourd'hui et qui empiète sur une partie de la parcelle cadastrée section AL numéro [Cadastre 10]. J'ai toujours utilisé moi-même, également pour leur rendre visite cet unique accès depuis qu'ils ont construit leur maison et aménagé ce chemin d'accès.»

M.[U], directeur gérant de la société Vivaroise du Bâtiment, atteste avoir débuté les travaux de construction de la maison des [W] au printemps 1979, en ouvrant un chemin d'accès côté sud, seul accès possible vu la colline, prévu comme tel sur le permis de construire, visant à permettre la réalisation des travaux et l'utilisation quotidienne par les propriétaires pour accéder à leur domicile. Il ajoute que le chemin est resté en terre jusqu'en octobre 1983, date à laquelle il a posé un revêtement béton conformément à la demande de M. [W]. Il joint à son attestation la facture des travaux, datée du 17 octobre 1983. Dans une seconde attestation il précise avoir utilisé quotidiennement le chemin litigieux en 1984 lorsqu'il est venu effectuer des travaux dans l'habitation des époux [W].

M.[Y] explique : « J'ai toujours eu connaissance du chemin d'accès réalisé à l'époque pour la construction de la maison d'habitation de M. et Mme [W] . En ce qui me concerne, le chemin étant existant, j'ai fait des travaux de réfection de l'accès d'entrée et du chemin jalonnant la propriété( béton-lauze) en 1990-91.Il n'y a pas eu de problème de limite ou de passage »

M. [R] explique dans son attestation, qu' il empruntait régulièrement la rampe d'accès au sud de la propriété de Mme [W], qui était une amie, et qu'aucune entrave n'était en place sur le chemin.Il ajoute qu'il a connu Mme [L] et qu'elle ne lui a jamais parlé de problèmes de passage avec Mme [W] .

Par ailleurs, le chemin est visible sur les photographies aériennes de 2002 à 2007 compilées dans le procès-verbal de constat d'huissier du 16 juin 2020.

L'attestation de M.[E] qui indique que le chemin était inexistant en 1982 lorsqu'il a procédé au bornage n'est pas probante puisque le plan de bornage établi par ses soins mentionne le dit chemin.

Par ailleurs, l'inexistence et l'absence d' aménagement du chemin invoquées par l'appelant sont contredites par les attestations ci dessus examinées.

De même, le constat de Maître [K], huissier de justice, dressé le 25 janvier 2005 à la demande de Mme [L], alors propriétaire des parcelles AL [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5]. [Cadastre 6] et [Cadastre 10], indique que la surface de ces parcelles, et plus particulièrement celle des lots [Cadastre 5] et [Cadastre 10] en bordure droite du [Adresse 15] », sont enfouies et disparaissent littéralement sous des broussailles touffues, végétation sauvage dense et épais ronciers impénétrables et inextricables. Il est précisé qu'aucune sente, sentier ou passage quelconque les traversant ne sont aménagés dans ces parcelles.

Cependant, l'objet du constat d'huissier n'était pas, comme le précise l'huissier lui même dans son mail en date du 17 mai 2017, d'attester des limites de propriété, ce constat n'attestant nullement de l'inexistence du chemin d'accès.

Au demeurant, les attestions produites par Mme [N] [F] démontrent l'existence du chemin qui, il convient de le rappeler, était bétonné au moment des constatations de l'huissier.

Ainsi, à supposer même que la parcelle [Cadastre 10] ait été en friche, le chemin ne pouvait avoir disparu sous la végétation, l'existence du chemin étant par ailleurs rapportée par l'attestation de M. [X] produite par M. [B].

En revanche, les attestations de M. [C] et de M.[G] et les photographies aériennes produites par Mme [N] [F] démontrent que M. [B] a effectivement pendant la construction de son habitation entre 2006 et 2008 utilisé la partie du chemin litigieux (étant noté qu'il est mentionné dans son acte de donation partage qu'une maison est en cours de construction sur la parcelle [Cadastre 10] et que le permis de construire date du 6 juillet 2006 ).

M.[G] atteste que, durant la construction de la maison de Monsieur [B], du matériel de chantier et des agrégats étaient stockés de 2006 à 2008 sur une portion de terrain bétonné situé à l'ouest de sa propriété en raison d'un terrain argileux et qu'aucun véhicule ne pouvait accéder par cet accès à la propriété [W]. Il précise qu'une chaîne de chantier était tendue sur cette partie de terrain et pouvait être retirée pour le passage des engins de chantier uniquement, et que par la suite cette délimitation provisoire au droit de la voie communale 78 est restée en place.

M. [C], dans son attestation du 15 février 2018, indique qu'il a constaté que, durant la phase de construction de la maison de Monsieur [B], du matériel de chantier et des agrégats étaient stockés sur une partie bétonnée située à l'ouest de cette propriété constituée à l''origine de banquettes. Il précise que les camions de chantier ainsi que les toupies à béton ont utilisé le bout de cette partie bétonnée de la propriété de Monsieur [B] pour entrer dans ce terrain n'ayant d'autre accès et qu'à l'heure actuelle celui-ci passe régulièrement pour aller stocker son bois, se garer ou accéder au haut de sa propriété avec un engin.

Pour autant, seul M. [G] explique que cette utilisation constituait un obstacle au passage de Mme [W], ce qui est contredit par M. [R], comme indiqué ci- avant, qui atteste avoir régulièrement emprunté la rampe d'accès au sud de la propriété de Mme [W] de 1983 à 2014 sans aucune entrave.

Par ailleurs, l'attestation de M.[G] est sujette à caution puisqu'il indique que les lieux sont restés en l'état après le chantier alors qu'il ressort des photographies de 2010 que le chemin était sans obstacle et en parfait état d'utilisation et qu'il a d'ailleurs été utilisé régulièrement après cette date jusqu'à la contestation de M. [B] en 2013.

En conséquence, le caractère continu de la possession de 1979 à 2009 est établi.

Cette possession s'est manifestée par des actes matériels de passage régulier, d'aménagement (bétonnage) et d'entretien.

L'inoccupation de la maison à compter de 2009 du fait du départ de Mme [W] en EHPAD ne met pas fin à la continuité de la possession, dès lors que Mme [O], sa tutrice, se rendait régulièrement au domicile pour l'entretenir et le faire visiter.

Au demeurant, le fait que Mme [W] ait été en maison de retraite n'enlève rien à sa volonté de posséder.

Quand à la reconnaissance qu'aurait effectuée Mme [N] [F] dans ses conclusions de première instance que « le litige avec les consorts [B] existe depuis plusieurs années et la venderesse s'est bien gardée d'en informer la concluante », force est de constater que les écritures dataient de juin 2018 et que cet argument n'était invoqué qu'à titre subsidiaire par Mme [N] [F] au titre d'un grief contre sa venderesse dans le cadre de son action en garantie dans le cas où le tribunal ne faisait pas droit à la prescription acquisitive.

Enfin, le fait que la parcelle [Cadastre 10] ait été effectivement hors la vente entre Mme [W] et Mme [N] [F] relève de l'évidence puisque précieusement n'étant pas propriétaire elle ne pouvait transférer la propriété de cette parcelle, d'où la nécessité de l'action en prescription.

Cet élément ne fait donc pas obstacle à la jonction des possessions comme le soutient M. [B].

Comme l'a justement indiqué le premier juge, le caractère public de la possession est démontré par les nombreuses attestations versées au débat, et par l'emplacement même du chemin, en bordure de voie communale, qui ne laisse place à aucune dissimulation.

Quant au caractère équivoque de la possession, si M. [B] a utilisé l'emprise litigieuse pendant la durée des travaux, cette utilisation n'a été que provisoire puisque les lieux ont été remis en état postérieurement, sa voisine continuant à utiliser le chemin pendant et postérieurement aux dits travaux sans que ce dernier ne manifeste par aucun acte matériel son opposition au passage.

Cette utilisation provisoire par M. [B] n'enlève en rien au caractère exclusif de la possession de Mme [W], cette utilisation pouvant s'apparenter à une tolérance accordée par cette dernière pendant la construction de la maison de son voisin.

S'agissant du bornage de 1982, aucun élément antérieur ou concomitant au bornage ne démontre que la cause de celui-ci aurait été l'empiétement ou un désaccord sur l'utilisation du chemin d'autant que le bornage concernait l'ensemble des propriétés voisines.

En effet, la contestation relatée par M. [X] dans son attestation daterait selon ses déclarations du temps où il était adjoint au maire soit entre 1985 et 2001.

Enfin s'agissant de l'attestation de M. [X], dans laquelle il indique que Mme [L], l'auteur de M. [B], se serait plainte d'un empiétement par Mme [W] pendant qu'il était adjoint au maire, soit entre 1985 et 2001, il sera considéré :

-qu'aucune autre pièce ne vient corroborer cet élément.

qu'au demeurant, le constat d'huissier que Mme [L] a fait dresser en 2005 ne mentionne pas l'existence d'un litige avec les propriétaires de sa parcelle voisine et elle n' a adressé aucune mise en demeure.

-que les déclarations de M. [X] sont contredites par celles de M. [R] rappelées ci-avant et par les faits puisqu'il ressort des diverses attestations que Mme [W] empruntait la rampe d'accès pour accéder à sa propriété.

Par ailleurs, même si sur le permis de construire [W], le chemin est indiqué sur la parcelle [Cadastre 9] et non sur la [Cadastre 10] et que le plan de masse, difficilement lisible, semble situer le chemin d'accès au sud-est de la propriété sur la parcelle [Cadastre 9] et non [Cadastre 10] et que jusqu'en 1982 Mme [W] ignorait qu'elle n'en était pas propriétaire, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est bien comportée comme la propriétaire sans en avoir le titre en y effectuant tous les actes matériels.

Ce moyen est dès lors inopérant.

L'existence d'un second accès au nord de la propriété de Mme [N] [F] est indifférente à la résolution du présent litige, puisqu'il n'est pas sollicité une servitude de passage en raison d'une éventuelle enclave mais l'acquisition par prescription trentenaire de l'assiette du chemin empiétant sur la parcelle AL[Cadastre 10], qui suppose uniquement que les conditions de la possession soient réunies sur le dit empiétement.

Il en est de même de l'existence d'une servitude de passage sur le fonds 588 au profit du fonds [Cadastre 10] d'autant qu'il n'est pas démontré que M. [B] ou ses auteurs en aient fait usage.

Pour ces motifs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [J] [N] [F] propriétaire, par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire, d'une partie de la parcelle actuellement cadastrée AL[Cadastre 10] [Adresse 16] à [Localité 18] (Ardèche) délimitée à l'ouest par la limite actuelle entre la parcelle [Cadastre 9] et [Cadastre 10] (fixée dans le bornage de 1982), au sud par la limite avec le chemin communal, à l'est et au nord par la limite extérieure du chemin bétonné.

Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. [B],

Mme [J] [N] [F] soutenant que M. [B] a commis des actes de malveillance, l'a injuriée, l'a brutalisée, l'a obligée à déposer plainte contre lui et M. [E] pour escroquerie au jugement et faux témoignage, sollicite la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Cependant, si Mme [J] [N] [F] rapporte la preuve de faits de malveillance, son auteur n'est pas formellement identifié et les suites données aux plaintes déposées demeurent inconnues.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] [N] [F] de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [O] ès qualités et M.[P],

Mme [J] [N] [F] fait valoir que si elle avait eu connaissance du procès-verbal de bornage établi en 1982, elle n'aurait pas acquis ce bien, et elle n'aurait pas été dans l'obligation d'engager cette procédure longue et coûteuse.

Cependant, il n'est pas démontré la faute de Mme [O] en sa qualité de tutrice, ni même de M. [P] en sa qualité d'ayant droit et notamment une rétention d'information du procès-verbal de bornage de 1982 qui a été réalisé des années avant leurs interventions et dont il n'est pas établi qu'ils en avaient connaissance.

Quant au préjudice qu'elle invoque, elle se contente de l'alléguer sans le justifier.

Elle sera en conséquence déboutée de cette demande.

Par ailleurs, la demande de dommages et intérêts complémentaire de Mme [J] [N] [F] à l'encontre de M. [P] n'est ni explicitée ni justifiée.

Elle en sera également déboutée.

Sur la demande de M. [B],

M. [B] sollicite la condamnation de Mme [J] [N] [F] à retirer son véhicule stationné en partie sur sa parcelle section AL n° [Cadastre 10].

Eu égard à la présente décision cette demande sera rejetée comme mal fondée, la propriété de Mme [J] [N] [F] sur cette partie de la parcelle section AL n° [Cadastre 10] étant acquise.

Sur les demandes accessoires,

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [B], qui succombe, supportera les dépens d'appel.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Mme [O] ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Mme [J] [N] [F] ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M [P] ne formule aucune demande au titre des frais irrépétibles à l'encontre de M. [B].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [J] [N] [F] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [S] [O] ès qualités,

Déboute Mme [J] [N] [F] de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de M.[P] [V] ès qualités,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne M.[D] [B] à payer au titre des frais irrépétibles d'appel:

-la somme de 1 500 € à Mme [J] [N] [F],

-la somme de 1 500 € à Mme [S] [O] ès qualités.

Condamne M.[D] [B] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 19/00289
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;19.00289 ?
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