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08/11/2022 | FRANCE | N°22/01142

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 08 novembre 2022, 22/01142


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/01142 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMMV



NG



PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

22 mars 2022

RG:22/00133



S.C.I. BEL AIR DU LUBERON,



C/



SARL BASTIDE



Grosse délivrée

le

à















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

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ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'AVIGNON en date du 22 Mars 2022, N°22/00133



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Cons...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01142 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMMV

NG

PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

22 mars 2022

RG:22/00133

S.C.I. BEL AIR DU LUBERON,

C/

SARL BASTIDE

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ d'AVIGNON en date du 22 Mars 2022, N°22/00133

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Décembre 2022, anticipé au 08 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. BEL AIR DU LUBERON

immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 489 204 255

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie Sophie GUIGOU de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Jean-michel AMBROSINO, Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

SARL BASTIDE

immatriculée au RCS de LILLE métropole sous le n° 380 051 276

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 26 septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 08 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Bel Air du Lubéron est propriétaire d'un ensemble immobilier cadastré BX [Cadastre 1] desservi par un chemin d'accès privé avec portail, situé en contrebas de la parcelle BY [Cadastre 2] appartenant à la SARL Bastide, les deux propriétés étant séparées par un mur de soutènement en pierres sèches.

A compter de mai 2017, la SCI Bel Air du Lubéron a subi d'importants écoulements d'eau provenant de la parcelle de la SARL Bastide, provoquant des inondations abondantes, l'eau passant par le mur de soutènement en pierres sèches. Une dégradation du mur ainsi que du chemin d'accès a été constatée par la SCI Bel Air du Lubéron.

Par exploit d'huissier du 13 juillet 2018, la SCI Bel Air du Lubéron a fait assigner la SARL Bastide devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon et sollicité la désignation d'un expert judiciaire, la condamnation de la SARL Bastide à procéder aux travaux de remise en état du chemin ainsi que le paiement d'une provision en remboursement des prestations déjà entreprises pour remettre sa voie d'accès en état.

Par ordonnance du 29 octobre 2018, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise, désigné Mme [O] pour ce faire et a débouté la SCI Bel Air du Lubéron du surplus de ses demandes et notamment de sa demande de provision.

Le rapport de Mme [O] a été déposé le 29 janvier 2020. Il relève notamment un système inapproprié de l'évacuation du trop plein de la piscine de la SARL Bastide, qui s'évacuait par un tuyau PVC au niveau du mur en pierres sèches, considérant que ce mur n'est pas mitoyen, mais appartient à la propriété de la SARL Bastide.

Par exploit d'huissier du 25 septembre 2020, la SCI Bel Air du Lubéron a fait assigner la SARL Bastide par devant le tribunal judiciaire d'Avignon et a sollicité notamment la désignation d'un expert judiciaire, avec une mission complémentaire à la précédente concernant plus précisément le mur de soutènement, sa condamnation à lui payer une provision de 51 471,72 euros correspondant au coût des travaux de reprise (30 614.40 euros) et de remise en état du chemin (12 702.50 euros), outre les frais d'expertise déjà réalisée (8 154.82 euros), ainsi que la somme de 6 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé en date du 07 décembre 2020, le juge a fait droit aux demandes de la SARL Bastide en ordonnant une nouvelle expertise confiée à Mme [O], afin que soient décrits précisément les désordres affectant tant le mur séparant les deux propriétés que le chemin d'accès à la propriété de la SCI Bel Air du Lubéron, que les travaux urgents soient précisés et que les causes des désordres constatés et les responsabilités encourues soient déterminées.

L'expert judiciaire a achevé son pré-rapport le 17 février 2022 et l'a communiqué aux parties.

Sur autorisation du président du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 11 mars 2022, la SCI Bel Air du Lubéron a fait assigner le 14 mars 2022, en référé d'heure à heure devant la même juridiction, la SARL Bastide aux fins de voir constater le péril imminent, le caractère privatif du mur de soutènement appartenant à la SARL Bastide, de relever son obligation d'entretien non sérieusement contestable du mur de soutènement et du chemin d'accès à la propriété de la SCI Bel Air du Lubéron, de voir constater la défaillance de la SARL Bastide à respecter son obligation d'entretien et, en conséquence, de l'entendre condamnée, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à faire réaliser les travaux de renforcement d'urgence du mur de soutènement par clouage, sur la base du devis de l'entreprise SoliD du 7 mars 2022 pour un montant de 41 004 euros TTC, d'ordonner que cette somme sera réactualisée jusqu'au jour de la réalisation des travaux, de condamner par provision la SARL Baside à verser à la SCI Bel Air du Lubéron la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'inertie de la requise à venir prendre en charge les frais d'entretien de son mur privatif et réaliser les travaux de remise en état qui s'imposent et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,outre les dépens comprenant les frais d'expertise (3 711,80 euros + 2 500 euros + 5 900,40 euros).

Par ordonnance contradictoire du 22 mars 2022, dont appel, le président du tribunal judiciaire d'Avignon, statuant en référé, a :

-dit n'y avoir lieu à référé,

-rejeté en conséquence l'ensemble des demandes de la SCI Bel Air du Lubéron,

-donné acte à la SARL Bastide de ce qu'elle s'engageait à mandater immédiatement la société Fondasol afin d'effectuer l'étude géologique préalable aux travaux de reprise à réaliser et l'a invité à y procéder sans délai,

-débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-laissé à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés.

Par déclaration du 23 mars 2022, la SCI Bel Air du Lubéron a interjeté appel de cette ordonnance pour la voir infirmer en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SCI Bel Air du Lubéron, appelante, demande à la cour, au visa des dispositions des articles 485 et suivants, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

-réformer l'ordonnance entreprise,

Et statuant à nouveau,

-constater le péril imminent,

-constater le caractère privatif du mur de soutènement appartenant à la SARL Bastide,

-relever l'obligation d'entretien non sérieusement contestable de la SARL Bastide du mur de soutènement du chemin d'accès aux propriétés Bastide, l'Amandière, et Schutz et du chemin d'accès à la propriété de la SCI Bel Air du Lubéron,

-constater la défaillance de la SARL Bastide à venir respecter son obligation d'entretien,

En conséquence,

-condamner la SARL Bastide, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à faire réaliser les travaux de renforcement d'urgence du mur de soutènement, dont elle est propriétaire, par clouage sur la base du devis de l'entreprise SolID du 7 mars 2022 pour un montant 41.004 euros TTC,

-ordonner que cette somme pourra être réactualisée jusqu'au jour de la réalisation des travaux,

-condamner par provision la SARL Bastide à verser à la SCI Bel Air du Lubéron la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'inertie de la requise à venir prendre en charge les frais d'entretien de son mur privatif et à réaliser les travaux de remise en état qui s'imposent,

-condamner la SARL Bastide au paiement envers la SCI Bel Air du Lubéron d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris les frais de l'expertise à hauteur de 3 711, 80 euros + 2 500 euros pour la 2ème expertise et à hauteur de

5 900,40 euros pour la 1ère expertise.

La SCI Bel Air du Lubéron critique la décision du premier juge en ce qu'il a considéré que l'étude géotechnique était un préalable à la réalisation des travaux conservatoires tels que préconisés par M. [B], alors que, si une telle étude est indispensable pour procéder à la remise en état du mur, elle ne devait pas paralyser les mesures conservatoires à prendre, en considération du péril imminent constaté par l'expert judiciaire, étant précisé que le devis de l'entreprise SolID relatif à la pose de croix de Saint-André comprend une mission G3, qui correspond à une étude de sol et un suivi géotechnique d'exécution.

Elle soutient que ces travaux conservatoires sont jugés indispensables par l'expert judiciaire et par le sapiteur ingénieur, M. [B], et ne sauraient être écartés compte tenu de la sécurité des personnes en jeu.

Le caractère non contradictoire des constatations de l'expert, assisté de son sapiteur, le 16 février 2022, ne saurait être opposé utilement en l'espèce, selon l'appelante, dès lors que l'intimée a été en mesure de discuter du risque d'un péril imminent dont elle a été avisée par une note du 17 décembre 2021, soit antérieurement au pré-rapport. L'existence d'un péril imminent est avéré et n'est pas contesté par un avis technique contraire. De plus, elle ajoute que la SARL Bastide avait fait parvenir à l'expert ses dires sur son pré-rapport le 18 mars 2022 et que l'expert y avait répondu par un mail du 21 mars 2022, dont le juge des référés s'était assuré de la connaissance par toutes les parties dès l'ouverture des débats.

Elle déclare que la société Bastide est propriétaire du mur de soutènement litigieux, de sorte que la prise en charge de tous les frais liés à l'entretien de cet ouvrage, tout comme celui du chemin d'accès vers la propriété de la SCI Bel Air du Lubéron, constitue une obligation non sérieusement contestable, lui incombant et que l'expert a, par son mail du 21 mars 2022, soumis à la contradiction des parties, souligné l'urgence à réaliser les travaux de sauvegarde.

En réponse aux conclusions adverses, la SCI Bel Air du Lubéron rappelle, qu'à ce jour, aucun protocole d'accord n'a été signé entre les parties. Elle entend souligner qu'à la date du 25 juillet 2022, soit 4 mois après le prononcé de la décision, l'étude géotechnique n'a toujours pas été réalisée, retardant de facto les travaux de consolidation du mur, qui doivent être réalisés dans les meilleurs délais, eu égard à la poursuite de la détérioration de l'état du mur litigieux, constatée par procès-verbal d'huissier réalisé le 13 juillet 2022. Elle souligne qu'aucune diligence, ni démarche n'a été réalisée depuis le 2 mai 2022.

La SARL Bastide, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 13 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa de l'article 16 du code de procédure civile régissant le principe du respect du contradictoire entre les parties, de :

-confirmer l'ordonnance de référé en date du 22 mars 2022 rendue par le président du tribunal judiciaire d'Avignon dans toutes ses dispositions,

-juger les présentes conclusions recevables et bien fondées,

En toutes hypothèses,

-juger les conclusions de Mme [O] notamment celles contenues dans son pré-rapport du 16 février 2022 relatives aux travaux d'urgence irrecevables et en violation du principe du contradictoire,

-juger, en l'espèce, l'absence de péril imminent,

-juger qu'aucune défaillance à venir respecter son obligation d'entretien ne saurait être retenue à l'encontre de la SARL Bastide,

-juger qu'aucune attitude dilatoire ne saurait être imputée à la concluante,

-juger qu'il est totalement inutile en l'état de procéder à des travaux provisoires de renforcement d'urgence du mur de soutènement par clouage, travaux qui ont en toute hypothèse vocation à être détruits très rapidement,

-juger que la Société Bastide a fait et fait preuve d'une parfaite bonne foi,

-juger n'y avoir lieu d'ordonner une quelconque astreinte à la charge de la concluante,

-débouter la SCI Bel Air du Lubéron de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros formulée à l'encontre de la concluante et la juger totalement infondée,

-juger qu'aucune inertie ne saurait être reprochée à la société concluante,

-débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la concluante et la renvoyer à mieux se pourvoir,

Reconventionnellement,

-condamner la Société Bel Air du Lubéron au paiement de la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure, en ce compris les frais de référé.

La SARL Bastide fait valoir qu'elle défend ses intérêts de manière totalement légitime et surtout que l'appelante est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe. Après avoir souligné les contradictions et incohérences contenues dans le pré-rapport du 17 février 2022 car l'expert judiciaire fait référence à des préconisations qui sont totalement inexistantes de sa part dans le dossier, elle soutient que l'urgence et l'existence d'un péril imminent ne sont pas caractérisées et/ou confirmées par l'expert à l'issue de l'accédit du 7 décembre 2021.

Elle fait valoir que les conclusions de Mme [O], notamment celles contenues dans son pré-rapport du 17 février 2022, portent manifestement atteinte au principe du contradictoire puisque les opérations d'expertise sont totalement unilatérales et empreintes d'un parti pris caractérisé, lesquelles ont néanmoins servi de fondement à une procédure faisant état d'une prétendue réticence et inertie abusive de sa part qu'elle réfute vigoureusement.

Elle maintient qu'une seule étude géotechnique sérieuse préalable permettra de déterminer la réalité de la situation et la mise en 'uvre des préconisations exactes et de chiffrer par voie de conséquence les travaux nécessaires pour réparer le mur litigieux. Elle fait observer que M. [B] est ingénieur en béton et que les travaux préconisés à titre provisoire sont totalement inutiles et inesthétiques.

Elle souligne qu'il n'existe aucun protocole d'accord signé entre les parties, s'agissant simplement d'un protocole d'avancement des travaux qui a été fixé par la Société Fondasol. A ce propos, elle entend préciser qu'elle honore tous ses engagements et que les travaux avancent conformément au protocole établi dans le respect du principe du contradictoire.

Elle relève qu'aucun élément produit aux débats par l'appelante ne permet de justifier ses demandes à titre de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros et que ces demandes sont infondées et totalement disproportionnées en l'état des pièces versées au dossier.

Elle sollicite la condamnation de l'appelante aux frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, subissant des procédures et expertises incessantes sans qu'aucune attitude dilatoire ni réticence ne puissent lui être reprochées.

La clôture de la procédure est intervenue le 26 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 03 octobre 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 5 décembre 2022, anticipé au 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de « constater », « relever » et « dire et juger » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.

-Sur les travaux de renforcement du mur de soutènement :

Les pouvoirs du juge des référés sont limités par les articles 834 et 835 du code de procédure civile. En l'espèce, l'article 834, qui dispose qu'en cas d'urgence, le juge peut ordonner en référé toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, ne peut recevoir application en considération de la teneur des conclusions de chacune des parties, qui dénotent l'existence de contestations sérieuses.

En revanche, les dispositions de l'alinéa 1 de l'article 835 sont adaptées au cas d'espèce, puisqu'elles autorisent le juge des référés à prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation.

Le présent litige concerne un mur de soutènement en pierres sèches retenant les terres de la propriété de la SARL Bastide et bordant le chemin d'accès de la SCI Bel Air, dont la propriété a été récemment reconnue à la SARL Bastide, suite à un bornage intervenu en cours d'expertise, puisque le plan de bornage signé des parties a été transmis par le géomètre le 12 janvier 2022.

Il n'a pas trait aux causes de la déstabilisation de ce mur, qui font l'objet de l'expertise en cours, mais s'intéresse à l'obligation du propriétaire à faire réaliser des travaux conservatoires en raison d'un risque d'éboulement imminent allégué par l'appelante.

Le mauvais état de ce mur, en raison des ventres qu'il présente, est attesté par :

-des procès verbaux de constat d'huissier des 27 septembre et 2 octobre 2017, 17 avril 2018, 30 juin 2020 et 13 juillet 2022,

-un rapport de constatations du 25 septembre 2017 de M. [S] [L], architecte, et un compte rendu de réunion contradictoire en date du 9 mars 2018, qui relève que « des pierres sont sorties de leur logement » et « le mur présente désormais une inquiétante déformation faisant craindre un prochain effondrement »,

-le compte rendu du 1er accédit du 1er juin 2021 de Mme [O] en date du 11 octobre 2021, qui atteste de l'existence d'importantes déformations et d'une instabilité du mur, confirmée par M. [B] du bureau d'études structure Ingénierie 84, déjà intervenu comme sapiteur lors des premières opérations d'expertise concernant principalement les inondations régulières du chemin d'accès de la SCI Bel Air, qui préconise 45 m linéaire de mur à reprendre,

-le pré-rapport de l'expert en date du 17 février 2022 qui précise que « la partie la plus ventrue du mur a été malmenée », « des pierres sont totalement descellées », la situation d'instabilité du mur est avérée et sa chute ne saurait être exclue, « dans un contexte imprévisible qui nécessite une intervention de sauvegarde immédiate face au péril imminent existant ».

En considération de ces éléments d'ordre technique, la preuve est rapportée que le mur en cause est susceptible de s'écrouler à tout moment et que des mesures conservatoires urgentes s'imposent.

Par ailleurs, il est dorénavant établi que la SARL Bastide est propriétaire du mur de soutènement qui nécessite des mesures conservatoires d'urgence afin d'assurer la sécurité de ses voisins, qui utilisent au pied de ce mur un chemin pour se rendre à leur propriété. Ainsi, en cette qualité, cette société est débitrice d'une obligation d'entretien non sérieusement contestable.

Il s'avère cependant que, dans la mesure où l'expertise est restée paralysée par la procédure de bornage qui s'est achevée par la signature d'un procès verbal de bornage, finalisé le 12 janvier 2022, les mesures conservatoires à envisager n'ont pas véritablement été évoquées avec les parties. Le pré-rapport de Mme [O] révèle que celle-ci s'est déplacée sur les lieux le 16 février 2022, avec M. [B], sapiteur, sans qu'il soit établi que les parties aient été avisées de cet accédit technique et sans que la survenance d'un événement récent nécessite un tel déplacement inopiné, à la veille de la communication du pré-rapport. M. [B] a ainsi proposé de mettre en 'uvre, sur les 45 mètres litigieux, des tirants métalliques ([6]) à intervalles réguliers de l'ordre de 2.50m, qui éviteront l'écroulement du mur mais également constitueront un système pérenne puisqu'il pourra servir à maintenir les parois béton à la reconstruction du mur, et ce, après une « petite étude structurelle ».

Le coût de cette mesure de sauvegarde a été évaluée à 41 004 euros TTC par l'entreprise SolID, alors que la réfection du mur en sa partie dégradée a été chiffrée à 146 886 euros TTC par la SARL SABA (démolition et reconstruction en béton armé avec parement en pierre).

Ainsi, non seulement l'expert s'est déplacé sur les lieux le 16 février 2022 sans en aviser au préalable les parties, mais la mesure conservatoire proposée par le sapiteur, ingénieur en béton, n'a pas été soumise à la discussion des parties, qui auraient pu même dans un temps restreint proposer d'autres dispositions venant enrichir la discussion, et susceptibles d'être considérées comme plus adaptées.

Les échanges de courriers, conclusions et mails entre les parties et l'expert qui ont suivi le dépôt du pré-rapport jusqu'au matin même de l'audience ne présentent pas la garantie suffisante pour affirmer que le principe du contradictoire a été respecté. D'ailleurs, même si la SCI Bel Air du Lubéron affirme que le juge des référés y a veillé avant l'ouverture des débats, l'ordonnance mentionne bien que la solution proposée par M. [B] n'a pas été discutée par les parties au jour où il statue.

Dans ces conditions, c'est en des termes pertinents, qui seront repris, que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de la SCI Bel Air du Lubéron, en considération du caractère non contradictoire de la mesure conservatoire proposée par M. [B] et de la nature même de la solution proposée, dont le caractère adapté et proportionné au risque relevé est sujet à discussion.

Ainsi, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à condamner la SARL Bastide, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à faire réaliser les travaux de renforcement d'urgence du mur de soutènement par clouage et dont elle est propriétaire, sur la base du devis de l'entreprise SolID du 7 mars 2022 pour un montant 41.004 euros TTC.

-Sur la demande de provision :

La SCI Bel Air du Lubéron sollicite l'octroi d'une provision de la SARL Bastide à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de l'inertie de la requise à venir prendre en charge les frais d'entretien de son mur privatif et à réaliser les travaux de remise en état qui s'imposent.

Il a été établi en cours d'expertise que la SARL Bastide est propriétaire du mur de soutènement qui nécessite des mesures conservatoires d'urgence afin d'assurer la sécurité de ses voisins, qui utilisent au pied de ce mur un chemin pour se rendre à leur propriété. Ainsi, en cette qualité, cette société est débitrice d'une obligation d'entretien non sérieusement contestable.

Toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'apprécier si la SARL Bastide a tardé à respecter l'obligation lui incombant, si la SCI Bel Air du Lubéron a subi un préjudice à évaluer et si une obligation de réparation pèse sur la SARL Bastide. L'appréciation de la responsabilité de cette société relève de la compétence du juge du fond.

Dans ces conditions, la demande en paiement d'une provision présentée par la SCI Bel Air du Lubéron, à valoir sur la réparation de son préjudice, sera rejetée.

-Pour le surplus :

La SCI Bel Air du Lubéron a relevé appel des dispositions de l'ordonnance de référé qui ont donné acte à la société Bastide de ce qu'elle s'engageait à mandater immédiatement la société Fondasol pour faire réaliser l'étude géologique préalable aux travaux de reprise et qui l'ont invitée à y procéder sans délai. Cependant, dans la mesure où aucune partie n'a expressément contesté ces dispositions, celles-ci seront confirmées.

Le sort des dépens de première instance et des frais irrépétibles des parties a justement été apprécié par le premier juge. En cause d'appel, la SCI Bel Air du Lubéron succombe dans le soutien de ses prétentions. Elle sera condamnée aux dépens d'appel. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il sera mis à sa charge le paiement d'une somme de 1 000 euros pour la procédure d'appel à la SARL Bastide.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de référé prononcée le 22 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon,

Condamne la SCI Bel Air du Lubéron à verser à la SARL Bastide la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure devant cette cour,

Condamne la SCI Bel Air du Lubéron aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/01142
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;22.01142 ?
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