RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03417 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IFXJ
SL -AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
29 juillet 2021
RG:21/00363
[E]
C/
S.A. CNP ASSURANCES
Mutuelle BPCE MUTUELLE
Grosse délivrée
le 27/10/2022
à Me Christine TOURNIER BARNIER
à Me Laure REINHARD
à Me Frédéric MANSAT JAFFRE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 29 Juillet 2021, N°21/00363
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [O] [Z] [Y] [E]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Isabelle DULONG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A. CNP ASSURANCES
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Mutuelle BPCE MUTUELLE
prise en la personne de son représentant légal demeurant ès qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Magali DELTEIL de la SELEURL MAGALI DELTEIL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 27 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 10 avril 2006, Mme [O] [E] a signé un contrat de prêt immobilier auprès de la Caisse d'Epargne Côte d'Azur pour une durée de 250 mois et a, à ce titre, souscrit une assurance groupe auprès de la société CNP Assurances.
Mme [E] a informé la CNP Assurances de ses arrêts maladie à compter du 26 avril 2017, l'assureur acceptant de prendre en charge les mensualités du prêt à compter du 25 juillet 2017.
Par courrier des 20 mai et 7 juin 2017, la Caisse d'Epargne a prononcé la déchéance du terme.
Le 5 juin 2019, la CNP Assurance a cessé de prendre en charge les mensualités du prêt de Mme [E].
Par acte en date du 8 avril 2019, Mme [E] a fait assigner la société CNP Assurances ainsi que la Mutuelle BPCE en sa qualité de gestionnaire des prêts devant le tribunal de proximité de Fréjus afin de les voir condamner in solidum à payer les échéances du prêt ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal de proximité de Fréjus a:
- rejeté l'exception de litispendance,
- constaté la connexité entre les affaires pendantes devant la juridiction (RG 11 19 443) et devant le tribunal judiciaire de Nîmes sur assignations en appel en garantie dénoncées par Mme [E] [O] les 7 décembre 2018 et 27 mars 2019,
- s'est dessaisi de la présente affaire au profit du tribunal judiciaire de Nîmes auquel l'entier dossier sera adressé,
- réservé les dépens et frais irrépétibles.
Cette affaire a été inscrite sous le n°21/363.
Par ordonnance du 12 février 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction avec l'affaire inscrite au rôle sous le n°18/3595.
Par ordonnance du 26 mars 2021, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction avec l'affaire inscrite sous le n°18/3595.
Par jugement contradictoire du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
- mis hors de cause la BCPE Mutuelle ;
- débouté Mme [O] [E] de ses demandes ;
- condamné Mme [O] [E] aux dépens ;
- condamné Mme [O] [E] à payer à la société CNP Assurances et à la BCPE Mutuelle la somme de 500 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 14 septembre 2021, Mme [E] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 15 mars 2022, la procédure a été clôturée le 9 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 juin 2022, reportée au 13 septembre 2022 avec nouvelle clôture au 30 août 2022.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, Mme [E] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :
- constater l'accord de la CNP Assurances de la BPCE Mutuelle pour garantir, à compter du 25 juillet 2017, le paiement des échéances du prêt n°3045064 souscrit par Mme [E] seule auprès de la Caisse d'Epargne en date du 10 avril 2006 et la prise en charge des échéances jusqu'au 5 juin 2019 ;
- condamner in solidum la CNP Assurances et la BCPE Mutuelle à payer les échéances du prêt d'un montant de 49,45 euros par mois auprès de la Caisse d'Epargne à compter du 5 juin 2019, date à laquelle les règlements des mensualités du prêt auprès de la Caisse d'Epargne ont cessé;
- déclarer la CNP Assurances irrecevable et subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes; l'en débouter ;
- déclarer la BCPE Mutuelle irrecevable et subsidiairement mal fondée en sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'en débouter ;
- condamner solidairement les intimés à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait essentiellement valoir que la compagnie d'assurances a accepté sa garantie en ayant réglé les échéances du prêt pour la période comprise entre le 26 avril 2017 et le 5 juin 2019 et que la déchéance du terme prononcée par la banque postérieurement à la déclaration de sinistre est nulle. Elle ajoute que l'assureur avait parfaitement connaissance de la déchéance du terme et argue ainsi de la mauvaise foi de l'assureur. Elle précise que les primes d'assurance sont toujours prélevées sur son compte, ce qui démontre l'absence de résiliation du contrat d'assurances et expose être toujours en invalidité.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, la CNP Assurances, intimée, demande principalement à la cour de confirmer en tous points le jugement rendu et à titre subsidiaire de :
- juger que toute éventuelle prise en charge des échéances du prêt en cause ne pourra s'effectuer que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance.
En tout état de cause,
Y ajoutant,
- condamner Mme [E] à lui porter et payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle se prévaut de l'application des stipulations contractuelles aux termes desquelles la garantie de l'assureur n'est plus due à compter de la déchéance du terme du prêt et considère que celle-ci ne peut plus faire l'objet d'une contestation en ce qu'il a déjà été statué sur ce point par décision définitive du tribunal d'instance de Fréjus. Elle conteste avoir eu connaissance de la déchéance du terme du prêt et conclut subsidiairement à la stricte application des termes contractuels.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2022, la BCPE Mutuelle demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Nîmes (RG 21/00363) en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner Mme [E] à lui payer la somme supplémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir qu'elle n'est pas l'assureur du contrat auquel Mme [E] a adhéré et qu'elle a la qualité de souscripteur et gestionnaire du contrat d'assurance groupe souscrit auprès de CNP Assurances.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la mise hors de cause de la BPCE :
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir mis hors de cause la BPCE au moyen de ce que cet organisme est le gestionnaire des prêts de la CNP Assurances qui en a d'ailleurs réglé les échéances auprès de la banque dans le cadre de la garantie souscrite.
Le contrat d'assurance groupe stipule en son article 1 afférent à l'objet de l'assurance que celle-ci est destinée à garantir le paiement des sommes dues en cas de décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail des emprunteurs au titre des prêts immobiliers ou à la consommation consentis par les Caisses d'épargne, assurés par l'intermédiaire de la MNCE et que le bénéfice de l'assurance est accordé à la MNCE.
Il prévoit en son article 6 qu'il appartient à l'assureur de garantir le paiement des sommes dues et que les prestations sont versées directement à la MNCE.
L'article 9 indique que tout sinistre doit être déclaré auprès de la MNCE.
La MNCE est devenue BPCE Mutuelle.
Comme l'a très justement relevé le premier juge, cet organisme a souscrit au bénéfice de ses adhérents un contrat d'assurance groupe auprès de la société CNP Assurances de sorte que les prestations sont dues par l'assureur qui en est le seul débiteur.
Il est à cet égard indifférent que la BPCE Mutuelle soit intervenue en qualité de gestionnaire du contrat et ait procédé à la notification du règlement à l'assuré des sommes dues au titre du contrat d'assurance dont la société CNP Assurances avait seule la qualité de débitrice au regard des documents contractuels produits.
La mise hors de cause de la BPCE Mutuelle sera ainsi confirmée.
Sur la garantie de l'assureur :
Le tribunal a rejeté la demande de prise en charge des échéances du prêt aux motifs de la déchéance du terme prononcée par la banque le 6 juin 2017 en raison des stipulations contractuelles de l'article 6 prévoyant la cessation de garantie en pareille hypothèse.
L'appelante excipe de la nullité de la déchéance du terme prononcée postérieurement à la déclaration de sinistre. L'intimée oppose que la question afférente à la régularité de la déchéance du terme a été tranchée de manière irrévocable par l'arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 octobre 2021 du jugement rendu par le tribunal d'instance de Fréjus le 26 octobre 2017 sur opposition à une injonction de payer sollicitée par la Caisse d'épargne afférente au paiement des sommes dues par Mme [E] au titre du prêt immobilier souscrit.
Cette décision ne présente pas de caractère définitif en l'état du pourvoi formé par Mme [E] toujours pendant devant la cour de cassation.
La présente cour ne peut cependant se prononcer sur la régularité de la déchéance du terme du prêt en l'absence de mise en cause de la banque dans le présent litige.
L'appelante se prévaut de la mauvaise foi de l'assureur qui prétend avoir procédé à la cessation de la garantie en raison de la découverte tardive de la déchéance du terme prononcée par la banque au moyen de ce que les règlements sont précisément intervenus en parfaite connaissance de cause de cet élément.
L'assureur soutient avoir cessé la prise en charge dès la connaissance de la déchéance du terme soit le 5 juin 2019, bien que celle-ci soit intervenue le 6 juin 2017.
Il résulte des pièces versées aux débats et notamment de la lettre adressée le 13 décembre 2018 par la BPCE Mutuelle à Mme [E], en sa qualité de gestionnaire du contrat d'assurances, que l'assureur avait pleinement connaissance de la déchéance du terme puisque celle-ci a expressément été mentionnée dans ce courrier portant notification d'un règlement effectué directement au profit de la Caisse d'épargne pour la période du 25 juillet 2017 au 5 décembre 2018 à hauteur de la somme de 43 112,78 euros.
Il est en effet clairement indiqué que :
'Comme précisé par téléphone, dans le cas d'une déchéance du terme, les prestations doivent être payées comme suit :
- règlement à l'intéressé jusqu'à la date de déchéance du terme
- après la déchéance du terme, les règlement doivent venir en déduction de la créance à régler par l'assuré'.
Postérieurement à ce courrier, la BPCE Mutuelle a informé Mme [E] de nouveaux règlements effectués directement au profit de l'établissement bancaire et ce, jusqu'au mois de juin 2019, date à laquelle l'assureur a effectivement cessé toute prise en charge.
L'appelante justifie par ailleurs du règlement des cotisations d'assurance dues au titre du prêt concerné et ce, pour les années 2019, 2020 et 2021.
L'assureur est ainsi mal fondé à se prévaloir d'une cessation des garanties au titre de la déchéance du terme du prêt au mois de juin 2017 alors qu'il est établi que la notification de prise en charge est intervenue de manière rétroactive à la date du 25 juillet 2017 selon décision du 13 décembre 2018 prise en connaissance de cause de la déchéance du terme et alors que le paiement des cotisations d'assurance s'est poursuivi non seulement après cette date mais encore après le refus de poursuite de prise en charge opposé par l'assureur.
L'appelante verse en outre aux débats les justificatifs de sa situation d'invalidité en produisant les attestations de paiement de pension du mois de mars 2021 au mois de mai 2022.
En l'état de ces éléments, la décision sera infirmée et la société CNP Assurances sera tenue à prendre en charge les échéances du prêt n°3045064 souscrit le 10 avril 2006 par Mme [E] à compter du 5 juin 2019 dans les termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur.
Sur les autres demandes :
Succombant à l'instance, la société CNP Assurances sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, avec distraction directe au profit de la SCP Tournier et associés, avocats.
L'équité commande par ailleurs de condamner la société CNP Assurances à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la prétention du même chef présentée par la BPCE Mutuelle qui en sera déboutée, tout comme la société CNP Assurances en ce qu'elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la BPCE Mutuelle ;
Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SA CNP Assurances à prendre en charge les échéances du prêt n°3045064 souscrit le 10 avril 2006 par Mme [O] [E] à compter du 5 juin 2019 dans les termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur ;
Condamne la SA CNP Assurances à régler les entiers dépens, de première instance et d'appel et autorise la SCP Tournier et associés, avocats à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Condamne la SA CNP Assurances à payer à Mme [O] [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,