RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03283 - N°Portalis DBVH-V-B7F-IFHU
SL - NR
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
08 juillet 2021 RG:19/04318
[U]
C/
[W]
Grosse délivrée
le 27/10/2022
à Me Philippe EXPERT
à Me Philippe HILAIRE-LAFON
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 08 Juillet 2021, N°19/04318
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [M] [U]
né le 02 Juillet 1952 à BERCK
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe EXPERT de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [A] [F] [G] [W],
né le 06 Juillet 1934 à APT
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 27 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [A] [W] a contracté mariage par devant l'officier d'état civil de la ville d'[Localité 5], le 19 juin 1976, avec Mme [X] [I]. Aucun enfant n'est issu de cette union.
[X] [I] est décédée le 17 mai 2019 à Bagnols-sur-Cèze sans descendant.
Par courrier du 3 juin 2019, Maître [R] [L], notaire, faisait part de l'existence d'un testament olographe du 11 février 2016 déposé en son étude.
Aux termes dudit testament, il est indiqué que [X] [I] souhaite léguer l'universalité de ses biens, meubles et immeubles à M. [M] [U] et qu'il laisse la jouissance de la maison de [Localité 6] à son mari, M. [W], jusqu'à son décès ainsi que la possibilité de se rendre à la maison de [Localité 7]. En contrepartie de ce legs, il est indiqué qu'elle souhaite que M. [U] prenne soin de son mari jusqu'à son décès ainsi que de ses chats.
Par acte du 6 septembre 2019, M. [W] a assigné M. [U] devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins que soit prononcée la nullité du testament et que M. [U] soit condamné à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et moral subi.
Par jugement contradictoire en date du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
- constaté que M. [U] n'a pas accepté le legs consenti par Mme [I] au mois de juin 2019 ;
- débouté M. [U] de ses demandes en ce qu'il a renoncé le 10 septembre 2019 au legs consenti par [X] [I] et que sa demande de rétraction en date du 11 octobre 2019 est intervenue postérieurement à l'acceptation de la succession de [X] [I] par M. [W] le 10 octobre 2019 ;
- dit que M. [W], conjoint survivant de Mme [I], a en conséquence seul la qualité de successible de [X] [I] ;
- débouté M. [W] de ses demandes indemnitaires ;
- débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires ;
- condamné M. [U] à payer à M. [W] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 27 août 2021, M. [U] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 13 mai 2022, la procédure a été clôturée le 1er septembre 2022 et l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 15 septembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 27 octobre 2022.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Dans ses dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 24 mai 2022, l'appelant demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :
Constatant l'inexistence d'un acte de notoriété,
- valider le legs consenti par [X] [I] à son profit,
- constater que M. [U] a accepté ce legs,
- constater la nullité de la renonciation de M. [U] audit legs,
Et subsidiairement,
- constater que M. [U] a valablement rétracté sa renonciation,
En tout état de cause,
- constater que l'attestation de dévolution établie le 2 octobre 2019 par Maître [Y] ne vaut pas acceptation de la succession,
- constater que les conclusions signifiées le 10 octobre 2019 par M. [W] ne valent pas acceptation de la succession,
- dire que les dispositions du testament du 11 février 2016 doivent s'appliquer et que M. [U] a vocation à hériter de Mme [I],
- dire que M. [W] a, par ses agissements fautifs et dilatoires, fait subir un préjudice moral et économique au concluant,
- condamner en conséquence M. [W] à porter et payer à M. [U] une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- rejeter l'appel incident de M. [W] et le débouter de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [W] à lui porter et payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- renvoyer enfin les parties devant tel notaire que la cour voudra bien nommer afin de reprendre les opérations de partage découlant de cette succession.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, l'intimé demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
constaté que M. [U] n'a pas accepté le legs consenti par [X] [I] au mois de juin 2019,
débouté M. [U] de ses demandes en ce qu'il a renoncé le 10 septembre 2019 au legs consenti par [X] [I] et que sa demande de rétraction en date du 11 octobre 2019 est intervenue postérieurement à l'acceptation de la succession de Mme [I] par M. [W] le 10 octobre 2019,
dit que M. [W], conjoint survivant de [X] [I], a en conséquence seul la qualité de successible,
débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires,
Par voie de conséquence,
- juger que M. [U] n'a pas accepté le legs qui lui a été consenti par [X] [I] suivant testament olographe en date du 11 février 2016 à défaut d'avoir demandé l'envoi en possession.
- juger que M. [U] a renoncé au legs qui lui a été consenti par [X] [I] suivant testament olographe en date du 11 février 2016 en l'état de son courrier en date du 10 septembre 2019 ainsi que de son courrier du 15 septembre 2019.
- dire nulle et de nul effet la rétractation à renonciation au legs faite par M. [U] suivant courrier en date du 11 octobre 2019 c'est-à-dire postérieurement à l'acceptation par le concluant de sa qualité d'héritier seul et unique.
- dire et juger que M. [W] a seule vocation à hériter de son épouse.
- débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts.
Si par impossible et par extraordinaire la cour entrait en voie de réformation des chefs du jugement critiqué ;
- prononcer la nullité du testament olographe de Mme [I] ou, à défaut son annulation pour non-respect des charges par le légataire.
- Et à tout le moins dire et juger que le legs dont a bénéficié M. [U] ne peut porter que sur les trois quarts de la succession de Mme [I].
Faisant droit à l'appel incident interjeté par M. [W] du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nîmes le 8 juillet 2021 ;
- condamner M. [U] à lui porter et payer la somme de :
20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral,
5 000 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile).
- condamner M. [U] aux entiers dépens.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Alors que l'assignation a été introduite aux fins de nullité du testament litigieux, le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette question compte tenu des dernières écritures du demandeur qui ne sollicitait cette prétention qu'à titre subsidiaire en ayant fondé ses prétentions principales sur la question de la renonciation au legs par le légataire.
L'appelant demande à la cour de statuer sur la validité du testament et soutient avoir accepté le legs et se prévaut de la nullité de la renonciation ultérieurement intervenue dont il s'est finalement rétracté.
L'intimé considère qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la validité du testament dans la mesure où le légataire y a en définitive régulièrement renoncé, la rétractation ultérieure ne pouvant produire aucun effet en ce qu'elle est intervenue postérieurement à l'acceptation de la succession par ses soins.
Contrairement au raisonnement du premier juge, la question de la validité du testament doit être examinée en premier lieu dans la mesure où elle constitue un préalable indispensable avant l'examen des conditions dans lesquelles le légataire a accepté ou renoncé audit legs.
Sur la validité du testament :
L'appelant conclut à la validité du testament rédigé trois ans avant le décès au regard des circonstances dans lesquelles il a été établi, le notaire sollicité par la testatrice s'étant présenté au domicile des époux alors que M. [W] était également présent et avait connaissance de la démarche initiée par son épouse.
Il conteste la plainte pénale déposée par M. [W] le 22 août 2019 pour des faits de pratique illégale de la médecine et considère les accusations abusives au regard des attestations des proches de la défunte écartant une quelconque altération de son état de santé et une situation de faiblesse à l'égard du légataire qu'elle considérait comme son fils, étant précisé qu'elle n'avait pas eu d'enfant et que le couple [W] n'était propriétaire d'aucun patrimoine immobilier, seule la défunte ayant un patrimoine immobilier propre constitué de biens familiaux hérités de ses parents.
- sur la demande de nullité fondée sur l'article 909 du code civil
L'intimé sollicite en premier lieu la nullité du testament sur le fondement des dispositions de l'article 909 du code civil au regard de la profession de magnétiseur exercée par M. [U] à l'égard de la défunte et excipe à cet égard d'un aveu judiciaire de l'appelant ayant reconnu dans ses écritures de première instance qu'il avait pu réaliser un ou deux actes de magnétisme sur elle pour des problèmes d'ordre psychologique.
Aux termes de l'article 909 du code civil, les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
M. [W] produit la plainte déposée devant le Procureur de la République le 22 août 2019 pour des faits d'exercice illégal de la médecine et abus de faiblesse imputés à M. [U].
Il produit également un certificat médical établi le 11 février 2020 par le docteur [V] [D], médecin traitant de la testatrice indiquant que celle-ci a présenté des lésions pour lesquelles elle a été hospitalisée puis traitée en ambulatoire jusqu'à une aggravation qui l'ont obligée à être alitée avec traitements médicaux et infirmiers, lit médicalisé jusqu'à son décès le 17 mai 2019.
L'appelant produit une attestation établie par M. [K] [E] faisant état d'un engagement de M. [U] auprès de la famille [W], d'un dévouement et de sa participation aux travaux de remise en état de la maison de [Localité 7].
Il verse également aux débats deux témoignages émanant de Mme [O] [H] et de Mme [T] [Z], amies de la défunte, faisant état de la relation particulière entretenue entre cette dernière et M. [U], les deux se considérant respectivement comme une mère et un fils.
Mme [H] ajoute que la testatrice avait toute sa lucidité et son indépendance d'esprit.
Lors de son audition devant les policiers le 20 février 2020 à la suite de son dépôt de plainte, M. [W] a précisé que l'état de santé de son épouse était dû à des problèmes de tendons aux jambes et aux suites de l'enlèvement d'un fibrome et d'une prothèse de hanche, ce qui était à l'origine d'un état dépressif.
Aucun élément objectif ne permet cependant de caractériser l'existence d'une fragilité psychologique de la testatrice, le certificat médical produit évoquant des lésions physiques ayant conduit à limiter la mobilité de l'intéressée.
M. [W] a par ailleurs précisé que son épouse avait fait la connaissance de M. [U] depuis plus de trente ans à une époque où elle était tombée malade et avait cherché un guérisseur pour la soulager.
Si M. [U] a effectivement reconnu, dans ses écritures devant le premier juge, lui avoir prodigué un ou deux actes de magnétisme à cette époque, les pièces versées aux débats attestent de ce que l'intéressé n'entretenait pas une relation thérapeutique avec la testatrice mais une relation amicale suivie de longue date et aucun lien n'est avéré entre les difficultés rencontrées par [X] [I] en 1989 et la cause de son décès survenu en 2019.
Il ne saurait en outre être tiré aucune conséquence de la production d'une prescription d'un sérum anticolibacillaire établie par M. [U] le 7 novembre 2004 à une personne autre que la testatrice.
Il n'est ainsi nullement établi que M. [U] ait prodigué des soins sur [X] [I] durant la maladie dont elle est décédée de sorte que les conditions d'application de l'article 909 du code civil ne sont pas réunies en l'espèce.
Le moyen de nullité du testament sera donc rejeté.
- sur la demande d'annulation du testament pour non respect des charges
L'intimé sollicite en second lieu l'annulation du testament pour non respect des charges assortissant le legs au moyen que le légataire n'a pas respecté la contrepartie du legs prévue par la testatrice.
L'article 1046 du code civil prévoit que les mêmes causes qui, suivant l'article 954 et les deux premières dispositions de l'article 955, autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs, seront admises pour la demande en révocation des dispositions testamentaires.
L'article 954 dispose que dans le cas de la révocation pour inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même.
Le testament litigieux est libellé comme suit :
'En contrepartie de ce legs, je souhaite que [M] prenne soin de [A] jusqu'à son décès... et qu'il s'occupe de mes chats, avec [A]'.
L'appelant produit une lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 1er juillet 2019 à M. [W] dans laquelle il faisait état des volontés de la testatrice qu'il a été dans l'incapacité d'appliquer en raison du refus manifesté par ce dernier à son égard de vouloir le rencontrer.
Compte tenu du litige opposant les parties, le testament n'a reçu aucun commencement d'exécution et il ne saurait par conséquent être fait grief à M. [U] de ne pas avoir exécuté les conditions assortissant le legs dont il justifie cependant avoir précisément alerté M. [W] qui est ainsi mal fondé en sa demande d'annulation du testament sur ce fondement dont il sera débouté.
- sur la demande de réduction du legs fondée sur l'article 914-1 du code civil
Aux termes des dispositions de l'article 914-1 du code civil, les libéralités par actes entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant, le défunt laisse un conjoint survivant non divorcé.
La défunte étant décédée sans descendant, les conditions d'application de ce texte sont réunies en l'espèce et la libéralité consentie par la testatrice devra être réduite aux trois quarts des biens de la défunte, le conjoint survivant ayant la qualité d'héritier réservataire en pareille hypothèse.
Il sera ainsi fait droit à la prétention présentée par l'intimé sur ce point.
Sur l'acceptation du legs :
L'appelant soutient avoir procédé à l'acceptation pure et simple du legs en application des articles 782 et 783 du code civil compte tenu de sa volonté sans réserve clairement manifestée dans les lettres respectivement adressées par ses soins à M. [W] le 1er juin 2019 et le 1er juillet 2019.
L'intimé oppose qu'en l'absence de procès-verbal d'ouverture du testament et d'un envoi en possession indispensable puisqu'il ne bénéficiait pas de la saisine, il ne peut se prévaloir d'une acceptation de la succession.
La situation est en l'espèce régie par les dispositions de l'article 1004 du code civil au regard de la présence d'un héritier réservataire en la personne du conjoint survivant par application des dispositions spécifiques de l'article 914-1 susvisé, à défaut de descendant laissé par la défunte.
Le premier de ces textes prévoit que, lorsqu'au décès du testateur, il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservé par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament.
En l'espèce, seul M. [W], en sa qualité de conjoint survivant héritier réservataire de la défunte était ainsi saisi de plein droit du fait du décès de la testatrice et non M. [U] en sa qualité de légataire universel, lequel était tenu de demander la délivrance des biens, ce dont il n'est nullement justifié.
C'est donc vainement que l'appelant se prévaut d'une acceptation tacite du legs découlant des lettres successivement adressées par ses soins à M. [W] le 1er juin 2019 dans lequel il l'invitait à contacter le notaire de famille et le 1er juillet 2019 en l'ayant autorisé à continuer de percevoir les fruits des biens de la défunte en l'absence de demande de délivrance du legs.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la renonciation au legs :
L'appelant fait grief au premier juge d'avoir considéré qu'il avait régulièrement renoncé au legs par le courrier adressé au notaire le 10 septembre 2019.
Le premier moyen fondé sur le fait qu'aucune renonciation ne pouvait intervenir du fait de l'acceptation du legs est inopérant, les conditions de l'acceptation n'étant pas réunies ainsi qu'il a été préalablement démontré.
Le deuxième moyen est fondé sur l'irrégularité de la renonciation en raison de l'absence de respect du formalisme imposé par la loi dans la mesure où elle n'a pas fait l'objet d'une déclaration au greffe du tribunal.
Aux termes de l'article 804 du code civil, la renonciation à une succession ne se présume pas. Pour être opposable aux tiers, la renonciation opérée par l'héritier universel ou à titre universel doit être adressée ou déposée au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte ou faite devant notaire.
Dans le mois suivant la renonciation, le notaire qui l'a reçue en adresse copie au tribunal dans le ressort duquel la succession s'est ouverte.
Ce formalisme est cependant exigé aux fins d'opposabilité aux tiers et non comme condition de validité de la renonciation qui produit, à défaut, ses effets entre héritiers.
Or, il est précisément établi par les pièces versées aux débats que M. [U] a clairement manifesté son intention de renoncer au legs consenti par le testament de [X] [W] à son profit dans la lettre adressée à Maître [B] le 10 septembre 2019, laquelle a été portée à la connaissance du conjoint survivant ayant la qualité d'héritier par courrier de Maître [L] adressé au notaire de M. [W] le 19 septembre 2019.
La volonté non équivoque de renonciation au legs a ainsi produit ses effets entre les héritiers en dépit de l'absence de respect du formalisme prévu à l'article 804 du code civil.
Le moyen sera donc également rejeté par voie de confirmation de la décision déférée sur ce point.
Le troisième moyen est fondé sur un vice du consentement caractérisé par la violence dont l'appelant soutient avoir été victime de la part de l'intimé en raison du comportement de M. [W] qui a engagé des poursuites pénales à son encontre en même temps qu'il l'assignait en nullité du testament et se prévaut ainsi de l'exercice abusif d'une voie de droit.
L'article 1141 du code civil dispose que la menace d'une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu'elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif.
Contrairement à l'argumentation de l'appelant, l'exercice simultané d'une action en justice aux fins de nullité du testament et d'un dépôt de plainte pénale à l'encontre du légataire ne permet pas de caractériser l'existence d'un abus d'une voie de droit de nature à vicier le consentement de M. [U] alors qu'aucun élément ne permet d'objectiver un caractère impressionnable.
La décision sera donc également confirmée sur ce point.
Sur la rétractation de la renonciation :
Aux termes de l'article 807 du code civil, tant que la prescription du droit d'accepter n'est pas acquise contre lui, l'héritier peut révoquer sa renonciation en acceptant la succession purement et simplement, si elle n'a pas été déjà acceptée par un autre héritier ou si l'Etat n'a pas déjà été envoyé en possession.
La rétractation n'est subordonnée à aucune forme spéciale si ce n'est qu'elle doit se manifester par une volonté claire et non équivoque.
Les parties s'opposent en l'espèce sur la chronologie des actes respectivement intervenus à l'initiative du légataire et du conjoint survivant, le premier se prévalant d'une rétractation de la renonciation à la date du 9 octobre 2019, date d'enregistrement d'une lettre adressée par ses soins au notaire, tandis que le second se prévaut d'une acceptation de la succession de son épouse par attestation de dévolution successorale du 2 octobre 2019 et par conclusions signifiées le 10 octobre 2019 dans lesquelles il faisait valoir sa qualité d'héritier.
L'attestation de dévolution successorale établie le 2 octobre 2019 par maître [Y] atteste seulement de la qualité héréditaire de M. [W] en sa qualité d'époux commun en biens de la défunte mais ne permet pas de considérer qu'il a accepté la succession à cette date en l'absence d'une quelconque mention expresse sur ce point.
C'est à la date du 10 octobre 2019 que M. [W] a manifesté sa volonté d'accepter la succession de son épouse en faisant valoir sa qualité d'héritier dans les écritures notifiées dans le cadre de la procédure engagée par ses soins à l'encontre de M. [U] dans le dispositif desquelles il demandait au tribunal de 'dire et juger que M. [A] [W] a seul vocation à hériter de son épouse'.
Il est produit un document intitulé 'révocation de renonciation à succession' établi le 11 octobre 2019 par M. [U], adressé à maître [B], dans lequel il déclarait expressément révoquer la renonciation en date du 10 septembre 2019 aux legs de [X] [W] en demandant au notaire de faire d'urgence le nécessaire pour l'enregistrement de cette révocation auprès du tribunal.
C'est sur la base de ce seul document que le tribunal a considéré que la révocation de la renonciation effectuée par M. [U] était tardive pour avoir été effectuée postérieurement à l'acceptation de la succession par M. [W].
Mais il est également versé aux débats une lettre datée du 8 octobre 2019 portant le tampon de l'étude de l'office notarial et la date de son enregistrement le 9 octobre 2019 libellée dans les termes suivants par M. [U] :
'Je fais suite à ma visite de ce jour à votre étude. Je souhaitais vous faire part de mon intention de révoquer ma renonciation aux legs que [X] [W] née [I] m'a consentis par testament.
(...) Sous le coup de l'émotion et sans prendre le temps de la réflexion ni même de consulter l'avocat dont vous m'aviez proposé de me donner les coordonnées, je vous ai adressé dès le 10 septembre 2019 une déclaration de renonciation.
Or, je prends conscience que je n'ai pas mesuré ni analysé pleinement les conséquences de cette décision prise dans la précipitation et sous la pression et les menaces du conseil de M. [W].
Aussi, sans préjuger de ma décision finale, je vous demande de surseoir aux formalités dont vous deviez vous charger et en particulier au dépôt de ma renonciation au greffe du tribunal de grande instance de Nîmes'.
Contrairement à l'appréciation du premier juge, cette formulation dénuée d'une quelconque ambiguïté sur la volontaire claire et non équivoque de M. [U] permet de fixer la date de la révocation de la renonciation au legs au 9 octobre 2019.
La révocation de la renonciation au legs est ainsi intervenue avant que M. [U] n'accepte la succession de son épouse de sorte que le testament a vocation à s'appliquer contrairement à la décision déférée qui sera réformée sur ce point.
Conformément à la demande présentée par l'appelant, les parties seront renvoyées devant le président de la chambre départementale des notaires du Gard afin qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession en application des dispositions testamentaires.
Sur les demandes de dommages-intérêts :
L'appelant sollicite l'allocation de la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral du fait des procédures abusives et dilatoires diligentées par M. [W], lesquelles ont retardé le règlement de la succession.
La faute alléguée n'est cependant pas caractérisée en l'absence de preuve du caractère abusif des voies de droit engagées par M. [W].
L'intimé réclame de son côté la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice occasionné par l'acte fautif caractérisé par l'abus de faiblesse commis sur son épouse par M. [U].
Le comportement fautif imputé à M. [U] n'est pas établi, aucun élément objectif du dossier n'ayant mis en évidence un quelconque abus de faiblesse au préjudice de la défunte.
Les prétentions respectives des parties seront par conséquent rejetées par voie de confirmation de la décision déférée sur ce point.
Sur les autres demandes :
Succombant à l'instance, M. [W] sera condamné à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa prétention indemnitaire au titre des frais irrépétibles.
L'équité commande de condamner M. [W] à payer à M. [U] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [A] [W] et M. [M] [U] de leurs demandes indemnitaires ;
Statuant à nouveau,
Rejette les moyens tirés de la nullité et de l'annulation pour non respect des charges du testament du 11 février 2016 ;
Dit que les dispositions testamentaires du 11 février 2016 doivent s'appliquer mais que le legs au profit de M. [M] [U] ne peut porter que sur les trois quarts de la succession de [X] [I] épouse [W] ;
Renvoie les parties devant le président de la chambre départementale des notaires du Gard, avec faculté de désignation, aux fins qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession ;
Condamne M. [A] [W] aux entiers dépens, de première instance et d'appel ;
Condamne M. [A] [W] à payer à M. [M] [U] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,