RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03279 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IFHB
SL -AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
29 juillet 2021
RG:18/03595
[Y]
[O]
C/
[O]
[Y]
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
Mutuelle MUTUELLE BPCE
S.A. CNP ASSURANCES
Grosse délivrée
le 27/10/2022
à Me Romain LEONARD
à Me Christine TOURNIER BARNIER
à Me Pascale COMTE
à Me Laure REINHARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 29 Juillet 2021, N°18/03595
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
Monsieur [U] [Y]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 12]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, Plaidant, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [X] [O]
[Adresse 3]
[Localité 13]
Représentée par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Isabelle DULONG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Madame [X] [O]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 14] (COTE D'OR)
[Adresse 3]
[Localité 13]
Représentée par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Isabelle DULONG, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [U] [Y],
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, Plaidant, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Philippe BARBIER, Plaidant, avocat au barreau de TOULON
Mutuelle BPCE
[Adresse 8]
[Localité 7]
Assigné à personne morale le 30 novembre 2021
Sans avocat constitué
S.A. CNP ASSURANCES
prise en la personne de ses représentants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 27 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [U] [Y] et son épouse, Mme [X] [O], ont contracté trois prêts auprès de la Caisse d'Epargne pour financer l'acquisition de leur résidence principale située sur la commune de [Localité 13] :
- un prêt d'un montant nominal de 287 920 euros suivant acte sous seing privé du 11 septembre 2006 et son avenant du 2 juillet 2012 ;
- un prêt d'un montant nominal de 91 992,58 euros suivant acte sous seing privé du 5 novembre 2009 et son avenant du 30 août 2012 ;
- un prêt d'un montant nominal de 85 300 euros suivant acte sous seing privé du 5 novembre 2009 et son avenant du 30 août 2012.
Les époux [Y] ont adhéré au contrat d'assurance groupe signé entre la Caisse d'Epargne et la société CNP Assurances.
Les emprunteurs ont été défaillants dans le remboursement des échéances des prêts immobiliers à compter du 5 juin 2014.
Mme [O] a été déclarée en arrêt de travail le 26 avril 2017 et a demandé à l'assureur la prise en charge des échéances des prêts au titre de la garantie incapacité totale de travail.
Par lettres recommandées respectivement adressées aux emprunteurs le 24 avril 2017 et le 6 juin 2017, la banque a mis les emprunteurs en demeure de payer les arriérés et a prononcé la déchéance du terme des prêts.
L'assureur a accepté de régler les échéances des prêts du 25 juillet 2017 au 5 juin 2019.
Par actes des 13 et 17 juillet 2017, la Caisse d'Epargne et de prévoyance Côte d'Azur a assigné devant le tribunal de grande instance de Toulon M.[U] [Y] et Mme [X] [O] en paiement solidaire des sommes de :
- 255 935,17 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,55 % au titre du prêt n°P 0003055310,
- 95 123,24 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,64 % au titre du prêt n°P 0003100780,
- 90 237,66 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,57 % au titre du prêt n°P 0003100787.
Par ordonnance du 5 juin 2018, le juge de la mise en état a, au visa de l'article 47 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nîmes. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 18/3595.
Par acte du 7 septembre 2018, Mme [O] a appelé en garantie la Mutuelle BCPE et les instances ont été jointes par ordonnance du 15 janvier 2019.
Par acte du 27 mars 2019, Mme [O] a assigné la société CNP Assurance devant le même tribunal, afin d'être relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Par ordonnance du 15 mai 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de l'appel en garantie avec l'instance principale.
Par jugement contradictoire du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] tirée de la prescription de certaines échéances mensuelles,
- déclaré recevable la demande de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur,
- mis hors de cause la BCPE Mutuelle,
- débouté Mme [O] et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné solidairement Mme [X] [O] et M. [U] [Y] à payer à la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur :
- la somme de 225 527,12 euros arrêtée au 19 novembre 2020 au titre du prêt n°3055310, avec intérêts au taux contractuel de 3,22 % l'an dans les conditions du contrat postérieurement à cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- la somme de 85 440,59 euros arrêtée au 19 novembre 2020 au titre du prêt n°3100780, avec intérêts au taux contractuel de 3,25 % l'an dans les conditions du contrat postérieurement à cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- la somme de 81 632,80 euros arrêtée au 19 novembre 2020 au titre du prêt n°3100787, avec intérêts au taux contractuel de 3,57 % l'an dans les conditions du contrat postérieurement à cette date et jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 5 juin 2018, date de l'assignation,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire de la banque,
- condamné solidairement Mme [X] [O] et M. [U] [Y] aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à allouer une quelconque somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 27 août 2021, M. [U] [Y] a interjeté appel de cette décision.
Par déclaration du 23 septembre 2021, Mme [O] a également relevé appel.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 4 novembre 2021 sous le n° RG 21/3279.
Par ordonnance du 17 mai 2022, la procédure a été clôturée le 30 août 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 septembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 27 octobre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, M.[Y] demande à la cour de :
- débouter la Caisse d'Epargne et la CNP de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ainsi que de l'appel incident formé,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la Caisse d'Epargne aux fins de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- juger que la déchéance du terme aurait dû être acquise quinze jours après la délivrance d'un courrier recommandé qui aurait dû intervenir après le 5 juin 2014,
- juger la Caisse d'Epargne irrecevable en sa demande en remboursement tant du montant des échéances impayées que du capital restant dû après les trois déchéances du terme.
Subsidiairement,
- déclarer la Caisse d'Epargne irrecevable en sa demande en paiement des échéances des trois prêts litigieux, allant du 5 juin 2014 au 5 juin 2015 inclus, pour prescription.
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la nullité de la déchéance du terme prononcée le 6 juin 2017 et en conséquence,
- juger que les parties procéderont au remboursement des prêts litigieux conformément aux tableaux d'amortissements.
Encore plus subsidiairement,
- juger que dans l'hypothèse où Mme [O] serait relevée et garantie par CNP Assurance et BPCE Mutuelles de toutes condamnations prononcées à son encontre, il ne serait plus redevable d'aucune somme au titre des 3 prêts litigieux.
En tout état de cause,
- constater que CNP Assurance a versé 57 777,80 euros au titre des 3 prêts litigieux pour la période allant du 25 juillet 2017 au 5 juin 2019,
- juger que cette somme devra être déduite des sommes dues par lui-même et par son ex-épouse,
- débouter la Caisse d'Epargne de sa demande de capitalisation des intérêts,
- confirmer le rejet de la demande de la Caisse d'Epargne aux fins de dommages et intérêts.
- condamner la Caisse d'Epargne à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022 Mme [O], intimée, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :
- déclarer la Caisse d'Epargne irrecevable et subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, ainsi que son appel incident ; l'en débouter,
- juger nulle et de nul effet la déchéance du terme notifiée par la Caisse d'Epargne par courrier en date du 6 juin 2017,
- juger que la Caisse d'Epargne devra remettre en place les prêts afin qu'ils se poursuivent,
- juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel en garantie à l'encontre de la compagnie d'assurances CNP Assurances et de sa gestionnaire la BPCE Mutuelle,
- condamner solidairement la CNP Assurances et la BPCE Mutuelle à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre correspondant aux échéances des prêts souscrits auprès de la Caisse d'Epargne dues à compter du 25 juillet 2017,
- déclarer la CNP Assurances irrecevable et subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes; l'en débouter,
- condamner solidairement les défendeurs à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :
- débouter M. [Y] et Mme [O] des fins de leur appel et confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée sauf à la réformer incidemment sauf en ce qu'elle a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] tirée de la prescription de certaines échéances mensuelles,
- déclaré recevable la demande de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur,
- mis hors de cause la BCPE Mutuelle,
- débouté Mme [O] et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes,
- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 5 juin 2018, date de l'assignation,
- dit n'y avoir lieu à allouer une quelconque somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [Y] et Mme [X] [O] à lui payer les sommes suivantes :
1°) au titre du prêt N° P 0003055310 la somme de 246 296,67 euros outre intérêts courus au taux de 3,22 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement et subsidiairement, la somme de 225 527,12 euros outre intérêts courus au taux de 3,22 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement ;
2°) au titre du prêt N° P 0003100780 la somme de 95 559,12 euros outre intérêts courus au taux de 3,25 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement et subsidiairement, la somme de 85 440,59euros outre intérêts courus au taux de 3,25 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement ;
3°) au titre du prêt N° P 0003100787 la somme de 88 585,98 euros outre intérêts courus au taux de 3,57 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement et subsidiairement, la somme de 81 632,80 euros outre intérêts courus au taux de 3,57 % l'an depuis le 2 juin 2017 avec anatocisme annuel jusqu'à parfait paiement ;
- juger plus subsidiairement que toute condamnation prononcée à l'encontre de la CNP à prendre en charge les échéances des prêts litigieux au-delà des règlements déjà opérés lui profitera directement,
- condamner en tout état de cause les mêmes in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et dépens et celle de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er janvier 2022, la SA CNP Assurance demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Mme [O] et M.[Y] de leur demande tendant à la voir condamnée à les relever et garantir de toutes condamnations à leur encontre.
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur les autres chefs du jugement querellés.
Y ajoutant,
- condamner in solidum Mme [O] et M. [Y] à lui porter et payer une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Intimée par signification de la déclaration d'appel signifié par acte d'huissier remis à personne habilitée pour le compte de la personne morale le 30 novembre 2021, la BCPE Mutuelle n'a pas constitué avocat.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la mise hors de cause de la BPCE Mutuelle :
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir mis hors de cause la BPCE au moyen de ce que cet organisme est le gestionnaire des prêts de la CNP Assurances qui en a d'ailleurs réglé les échéances auprès de la banque dans le cadre de la garantie souscrite.
Le contrat d'assurance groupe stipule en son article 1 afférent à l'objet de l'assurance que celle-ci est destinée à garantir le paiement des sommes dues en cas de décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail des emprunteurs au titre des prêts immobiliers ou à la consommation consentis par les Caisses d'épargne, assurés par l'intermédiaire de la MNCE et que le bénéfice de l'assurance est accordé à la MNCE.
Il prévoit en son article 6 qu'il appartient à l'assureur de garantir le paiement des sommes dues et que les prestations sont versées directement à la MNCE.
L'article 9 indique que tout sinistre doit être déclaré auprès de la MNCE.
La MNCE est devenue BPCE Mutuelle.
Comme l'a très justement relevé le premier juge, cet organisme a souscrit au bénéfice de ses adhérents un contrat d'assurance groupe auprès de la société CNP Assurances de sorte que les prestations sont dues par l'assureur qui en est le seul débiteur.
Il est à cet égard indifférent que la BPCE Mutuelle soit intervenue en qualité de gestionnaire du contrat et ait procédé à la notification du règlement à l'assuré des sommes dues au titre du contrat d'assurance dont la société CNP Assurances avait seule la qualité de débitrice au regard des documents contractuels produits.
La mise hors de cause de la BPCE Mutuelle sera ainsi confirmée.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
- sur la prescription de l'action en recouvrement du capital restant dû
M. [Y] conclut à l'irrecevabilité de la demande en paiement en raison de la date du premier incident de paiement remontant au 6 juin 2014 et considère que la banque aurait du se prévaloir de l'exigibilité du prêt à cette date au regard des stipulations contractuelles et qu'à défaut de l'avoir fait, elle encourt la prescription de son action.
Il considère que la banque ne peut modifier à sa guise le point de départ de la prescription de son action en recouvrement du capital restant dû en ayant adressé tardivement une mise en demeure visant la déchéance du terme des prêts alors que la clause de déchéance du terme stipulée dans les trois contrats de prêt ne laissait à l'établissement de crédit aucune marge de manoeuvre.
Les documents contractuels comportent la clause suivante :
'Le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles, sans qu'il soit besoin d'autres formalités qu'une simple notification faite aux emprunteurs par lettre recommandée avec accusé de réception, 15 jours après une mise en demeure par lettre recommandée'.
S'agissant de la prescription applicable en matière de crédit immobilier, il est désormais acquis que lorsqu'une dette est payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéances successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.
Contrairement à l'argumentation de l'appelant, la déchéance du terme ne présente aucun caractère d'automaticité et la banque demeure libre de se prévaloir, à l'égard de l'emprunteur défaillant, de la déchéance du terme que rien ne lui impose de prononcer à bref délai à compter du premier incident de paiement.
Or, tant que la banque ne prononce pas la déchéance du terme, le prêt n'est pas exigible de manière anticipée et la prescription de l'action en recouvrement du capital restant dû ne court qu'à compter de cette date.
Le moyen de l'appelant est ainsi inopérant et ne saurait prospérer.
- sur la prescription de l'action en recouvrement des échéances mensuelles
M. [Y] fait grief au premier juge d'avoir écarté le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement des échéances mensuelles des prêts antérieures de plus de deux ans à la délivrance de l'assignation, soit sur la période comprise entre le 5 juin 2014 et le 13 juillet 2015, en contestant tout effet interruptif de la prescription au paiement effectué par l'assureur au titre de la garantie souscrite.
Le tribunal a en effet retenu que la prise en charge des échéances mensuelles par la société CNP Assurances pour la période comprise entre le 26 juillet 2017 et le 5 juin 2019 valait reconnaissance de dette de la part du débiteur, ce qui avait valablement interrompu la prescription de l'action en paiement engagée par la banque en application des dispositions de l'article 2240 du code civil.
Contrairement à la décision du premier juge, la mise en oeuvre de la garantie souscrite portant sur la prise en charge des mensualités des prêts par l'assureur ne saurait valoir reconnaissance de dette par l'emprunteur ni avoir un quelconque effet interruptif de la prescription du droit de la banque dès lors que les paiements ont été effectués par un tiers, dans le cadre de la garantie afférente à la situation d'incapacité totale de travail de Mme [O] et que les paiements effectués à partir du mois de juillet 2017 n'ont pu interrompre la prescription biennale ayant couru à compter de chaque échéance mensuelle soit pour la plus ancienne à compter du 5 juin 2014.
La décision déférée sera donc infirmée sur ce point et la banque sera déclarée irrecevable en sa demande en paiement au titre des échéances mensuelles pour la période allant du 5 juin 2014 au 5 juin 2015.
Sur l'irrégularité alléguée de la déchéance du terme :
Les appelants se prévalent de la nullité de la déchéance du terme notifiée par la banque le 6 juin 2017 comme étant intervenue postérieurement à la déclaration de sinistre effectuée auprès de la compagnie d'assurance par Mme [O] par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2017. Ils soutiennent avoir informé la banque de la situation d'arrêt de travail dès lors que l'emprunteur était précisément employée au sein de la Caisse d'épargne.
Mme [O] excipe de la déloyauté de la banque, précise qu'aucune disposition du contrat d'assurance souscrit n'imposait de procéder à une information spécifique auprès de l'établissement prêteur, soutient avoir strictement respecté la procédure prévue au contrat et ajoute qu'en tout état de cause, la Caisse d'épargne en sa qualité d'employeur, percevait les indemnités journalières de la sécurité sociale en ses lieux et place par l'effet de la subrogation et que le service des prêts et celui des ressources humaines étaient en relations constantes.
Elle ajoute que l'assureur n'a pas refusé sa garantie et que la déclaration de sinistre faite auprès de l'assureur est ainsi opposable au prêteur.
C'est à tort que la banque oppose que la question afférente à la régularité de la déchéance du terme a été tranchée de manière irrévocable par l'arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 octobre 2021 du jugement rendu par le tribunal d'instance de Fréjus le 26 octobre 2017 sur opposition à une injonction de payer sollicitée par la Caisse d'épargne afférente au paiement des sommes dues par Mme [O] au titre du prêt immobilier souscrit.
Cette décision ne présente pas de caractère définitif en l'état du pourvoi formé par Mme [O] toujours pendant devant la cour de cassation.
Dans sa déclaration de sinistre adressée à l'assureur par lettre recommandée avec accusé de réception le 27 avril 2017, Mme [O] a indiqué :
'Je vous informe que je suis en arrêt maladie depuis la date du 26 avril 2017. Le volet destiné à l'employeur est en leur possession'.
Contrairement à la décision du premier juge, la banque est mal fondée à soutenir qu'elle n'a jamais été informée de l'arrêt maladie de Mme [O] alors qu'il est établi que son bulletin de salaire du mois de mai 2017, établi par la Caisse d'épargne, faisait précisément état de cette situation.
Cependant, la déclaration de sinistre dûment effectuée par l'emprunteur auprès de l'assureur du prêt ne dispense pas l'emprunteur de son obligation de remboursement du prêt à la banque tant qu'il n'est pas justifié de l'acceptation de la prise en charge par l'assureur au titre de la garantie souscrite.
En outre, la déchéance du terme des prêts a été prononcée par la banque en raison des incidents de paiement antérieurs à la déclaration de sinistre puisque celle-ci est intervenue le 6 juin 2017 en raison d'échéances échues impayées pour la période comprise entre le 5 juin 2014 et le 5 mai 2017.
Il est d'ailleurs établi que si l'assureur a accepté la prise en charge des échéances mensuelles des prêts entre le 25 juillet 2017 et le 5 juin 2019, les règlements ont été effectués entre les mains de la banque seulement à partir du 13 décembre 2018 selon notification du courrier adressé par la BPCE à Mme [O] pour un montant total de 43 112,78 euros.
La particularité du dossier résulte en effet de la chronologie des événements puisque l'assureur n'a nullement fait état d'un refus de prise en charge des mensualités du prêt au titre de la garantie souscrite mais a accepté la mise en oeuvre de la garantie dans un délai important à compter de la déclaration sinistre et alors que la déchéance du terme avait déjà été notifiée par la banque.
Or, le règlement des sommes correspondant au montant des échéances impayées d'un prêt ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme effectué postérieurement à celle-ci par l'assureur de l'emprunteur, ne peut, sauf stipulations contractuelles expresses, entraîner la caducité de cette déchéance.
En l'espèce, le contrat ne comporte aucune stipulation afférente à l'éventuelle prise en compte d'une régularisation ultérieure à la déchéance du terme et dans le silence du contrat, il ne saurait être tiré des règlements effectués par l'assureur une caducité de la déchéance du terme qui a en outre été prononcée en raison d'incidents de paiement antérieurs que l'assureur n'a précisément pas régularisé.
Dans la mesure où aucune régularisation effective des sommes visées dans la lettre de mise en demeure préalable adressée aux emprunteurs n'est intervenue dans le délai de 15 jours tel que stipulé au contrat de prêt, les appelants sont mal fondés à se prévaloir de la nullité de la déchéance du terme prononcée par la banque au moyen de la formalisation d'une déclaration de sinistre auprès de l'assureur ayant donné lieu à la prise en charge des échéances du prêt postérieures à la déchéance du terme.
Le moyen des appelants est par conséquent inopérant et sera rejeté par voie de confirmation de la décision sur ce point.
Sur la créance de la banque :
Au regard du dernier décompte de créance arrêté au 19 novembre 2020 produit par la banque, lequel est expurgé des échéances impayées atteintes de prescription s'agissant de celles échues entre le 5 juin 2014 et le 5 juin 2015, la Caisse d'épargne réclame respectivement comme suit pour les trois prêts concernés :
- 225 527,12 euros pour le prêt n°3055310
- 85 440,59 euros pour le prêt n°3100780
- 81 632,80 euros pour le prêt n°3100787.
Les décomptes mentionnent également le montant des règlements respectivement effectués pour un montant total de 53 841,27 euros, sommes directement réglées par l'assureur au profit de la banque et qui ont ainsi déjà été déduites des créances réclamées par la Caisse d'épargne.
L'assureur expose cependant avoir réglé la somme totale de 57 777,80 euros et produit le détail des versements effectués pour chacun des prêts comme suit :
- 34 518,48 euros pour le prêt d'un montant de 287 920 euros en lieu et place de la somme de 32157,01 euros mentionnée dans le décompte de la banque ;
- 11 854,11 euros pour le prêt d'un montant de 91 992,58 euros en lieu et place de la somme de 11 081,61 euros mentionnée dans le décompte de la banque ;
- 11 405,25 euros pour le prêt d'un montant de 85 300 euros en lieu et place de la somme de 10602,65 euros.
Il doit être tenu compte de l'intégralité des règlements effectués par l'assureur au profit de la banque dont les créances s'élèvent ainsi à :
- 223 165,65 euros pour le prêt n°3055310 ;
- 84 668,09 euros pour le prêt n°3100780 ;
- 80 830 euros pour le prêt n°3100787.
Les décomptes incluent en revanche les intérêts contractuels déjà courus entre le 3 juin 2017 et le 19 novembre 2020 qui ont été respectivement liquidés pour chacun des trois prêts.
Le quantum des condamnations prononcées par le premier juge a tenu compte de ce décompte expurgé mais sans déduction de l'intégralité des sommes réglées par l'assureur et a fait droit à la demande d'intérêts conventionnels postérieurement à la date du dernier décompte arrêté au 19 novembre 2020.
La Caisse d'épargne qui sollicite, dans le cadre d'un appel incident, la prise en compte du décompte non expurgé des échéances mensuelles prescrites ainsi que la demande tendant à assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux contractuel à compter du 2 juin 2017, sera déboutée de ces prétentions.
La décision sera infirmée sur le quantum des condamnations prononcées et les appelants seront solidairement condamnés au paiement des sommes suivantes :
- la somme de 223 165,65 euros pour le prêt n°3055310 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,22 % à compter du 19 novembre 2020;
- la somme de 84 668,09 euros pour le prêt n°3100780 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,25 % à compter du 19 novembre 2020;
- la somme de 80 830 euros pour le prêt n°3100787 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,57 % à compter du 19 novembre 2020.
Sur la demande de capitalisation des intérêts :
C'est à tort que le premier juge a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts telle que présentée par la banque alors qu'en application des dispositions de l'article L312-22 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date des prêts, aucune indemnité ni aucun coût autre ne peut être mis à la charge de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci que ceux spécifiquement visés par ce texte.
Il est d'ailleurs acquis que ces dispositions spécifiques font obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 devenu l'article 1343-1 du code civil.
La décision déférée sera ainsi infirmée sur ce point et la banque sera déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Sur l'appel en garantie de l'assureur :
Mme [O] excipe de la mauvaise foi de l'assureur qui prétend avoir procédé à la cessation de la garantie en raison de la découverte tardive de la déchéance du terme prononcée par la banque au moyen de ce que les règlements sont précisément intervenus en parfaite connaissance de cause de cet élément.
L'assureur soutient avoir cessé la prise en charge dès la connaissance de la déchéance du terme soit le 5 juin 2019, bien que celle-ci soit intervenue le 6 juin 2017.
La BPCE Mutuelle a cependant adressé une lettre à Mme [O] le 13 février 2018 dans laquelle il était indiqué que 'pour permettre à la CNP d'étudier une éventuelle prise en charge, une confirmation écrite de la part du service des prêts de la CECAZ donnant l'accord de report de la déchéance du terme est nécessaire'.
Il résulte enfin de la lettre adressée le 13 décembre 2018 par la BPCE Mutuelle à Mme [O], en sa qualité de gestionnaire du contrat d'assurances, que l'assureur avait pleinement connaissance de la déchéance du terme puisque celle-ci a expressément été mentionnée dans ce courrier portant notification d'un règlement effectué directement au profit de la Caisse d'épargne pour la période du 25 juillet 2017 au 5 décembre 2018 à hauteur de la somme de 43 112,78 euros.
Il est en effet clairement indiqué que :
'Comme précisé par téléphone, dans le cas d'une déchéance du terme, les prestations doivent être payées comme suit :
- règlement à l'intéressé jusqu'à la date de déchéance du terme
- après la déchéance du terme, les règlement doivent venir en déduction de la créance à régler par l'assuré'.
Postérieurement à ce courrier, la BPCE Mutuelle a informé Mme [O] de nouveaux règlements effectués directement au profit de l'établissement bancaire et ce, jusqu'au mois de juin 2019, date à laquelle l'assureur a effectivement cessé toute prise en charge.
L'appelante justifie par ailleurs du règlement des cotisations d'assurance dues au titre du prêt concerné et ce, pour les années 2018 à 2021.
L'assureur est ainsi mal fondé à se prévaloir d'une cessation des garanties au titre de la déchéance du terme du prêt au mois de juin 2017 alors qu'il est établi que la notification de prise en charge est intervenue de manière rétroactive à la date du 25 juillet 2017 selon décision du 13 décembre 2018 prise en connaissance de cause de la déchéance du terme et alors que le paiement des cotisations d'assurance s'est poursuivi non seulement après cette date mais encore après le refus de poursuite de prise en charge opposé par l'assureur.
L'appelante verse en outre aux débats les justificatifs de sa situation d'invalidité en produisant les attestations de paiement de pension du mois de mars 2021 au mois de mai 2022.
En l'état de ces éléments, la décision sera infirmée et la société CNP Assurances sera tenue de prendre en charge les échéances des prêts litigieux à compter du 5 juin 2019 dans les termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur.
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la banque :
La banque sollicite la condamnation des appelants au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice constitué par le manque à gagner découlant de la résistance abusive des emprunteurs défaillants.
C'est vainement que la banque excipe d'un préjudice distinct de celui destiné à être compensé par les intérêts contractuels assortissant les condamnations en paiement prononcées à l'encontre des appelants en arguant du coût du refinancement sur le marché du crédit.
La demande ne peut donc prospérer et la banque sera déboutée de sa prétention à ce titre.
Sur les autres demandes :
Succombant à l'instance, la SA CNP ASSURANCES sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer la somme de 2 000 euros à chacun des appelants au titre des frais irrépétibles engagés par ces derniers sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune autre considération d'équité ne commande de faire application de ce texte ni au profit de la BPCE Mutuelle, ni au profit de la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur qui seront déboutées de leur prétention respective de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a mis hors de cause la BPCE Mutuelle ;
Statuant à nouveau,
Dit que l'action en recouvrement des échéances mensuelles des prêts pour la période comprise entre le 5 juin 2014 et le 5 juin 2015 est prescrite ;
Condamne solidairement M. [U] [Y] et Mme [X] [O] au paiement des sommes suivantes à la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur :
- la somme de 223 165,65 euros pour le prêt n°3055310 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,22 % à compter du 19 novembre 2020;
- la somme de 84 668,09 euros pour le prêt n°3100780 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,25 % à compter du 19 novembre 2020;
- la somme de 80 830 euros pour le prêt n°3100787 assortie des intérêts au taux contractuel de 3,57 % à compter du 19 novembre 2020 ;
Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;
Dit que la SA CNP Assurances sera tenue de prendre en charge les échéances des prêts litigieux à compter du 5 juin 2019 dans les termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur et que les sommes réglées par l'assureur viendront en déduction des condamnations ci-dessus prononcées ;
Y ajoutant,
Déboute la Caisse d'épargne et de prévoyance côte d'azur de sa demande de dommages-intérêts;
Condamne la SA CNP Assurances à régler les entiers dépens de première instance et d'appel et autorise les avocats qui auront fait l'avance des frais sans avoir reçu provision à les recouvrer directement ;
Condamne la SA CNP Assurances à payer à Mme [X] [O] et à M. [U] [Y] la somme de 2 000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,