RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02297 - N°Portalis DBVH-V-B7F-ICQV
SL-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
25 mai 2021 RG:21/00032
S.A.S. VAUCROS
C/
[B]
[C]
Grosse délivrée
le 27/10/2022
à Me Emmanuelle VAJOU
à Me Laurence BASTIAS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avignon en date du 25 Mai 2021, N°21/00032
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. VAUCROS
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Benjamin POTIER de la SELAS DS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [L] [B]
né le 08 Juin 1989 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Laurence BASTIAS de la SCP BASTIAS-BALAZARD, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Julien GASBAOUI de la SELEURL GASBAOUI AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Madame [Z] [C] épouse [B]
née le 20 Septembre 1991 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Laurence BASTIAS de la SCP BASTIAS-BALAZARD, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Julien GASBAOUI de la SELEURL GASBAOUI AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 27 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 28 novembre 2019, M. [L] [B] et Mme [Z] [C] ont conclu un contrat avec la SAS Vaucros consistant en la location de lieux de réception et de deux maisons complémentaires dans le cadre d'un mariage programmé du 10 au 11 octobre 2020 pour la somme de 8 040 euros.
Le 23 septembre 2020, le ministre de la solidarité et de la santé a annoncé un durcissement des mesures sanitaires dans la région Provence Alpes Côte d'Azur dans le cadre du contexte sanitaire lié à la covid 19.
La directrice de la société Vaucros a indiqué, par SMS du 24 septembre 2020 adressé aux locataires, que la société ferait un point avec eux si un décret venait à être pris.
Un arrêté du 25 septembre 2020 adopté par le préfet de Vaucluse a prévu pour la période s'étalant du 28 septembre 2020 au 12 octobre 2020 une interdiction de rassemblements familiaux et festifs de plus de 30 personnes dans les établissements recevant du public, notamment les mariages.
Après avoir proposé plusieurs dates de report aux époux [B] ne convenant pas à ces derniers, les locataires ont demandé le remboursement des sommes versées à la société Vaucros.
Par acte d'huissier du 23 février 2021, les époux [B] ont assigné la société Vaucros devant le tribunal judiciaire d'Avignon en vue de voir déclarer le contrat conclu éteint et d'obtenir la condamnation de cette dernière à leur restituer la somme de 8 040 euros.
Par jugement contradictoire du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- prononcé à titre principal la résolution de plein droit du contrat de location du 28 novembre 2019 ;
- condamné la société Vaucros à restituer à M. et Mme [B] la somme de 8 040 euros ;
- déclaré sans objet les demandes subsidiaires formulées par M. et Mme [B] ;
- condamné la société Vaucros à payer à M. et Mme [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la société Vaucros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Vaucros aux dépens.
Par déclaration du 14 juin 2021, M. et Mme [B] ont relevé appel de la cette décision.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 mai 2022 à effet différé au 1er septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 septembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 27 octobre 2022.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2022 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :
- débouter les époux [B] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, ainsi que tout appel incident y compris de toutes leurs prétentions développées à titre subsidiaire dans leurs conclusions ;
- les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;
- les condamner aux dépens.
L'appelante fait grief au tribunal d'avoir prononcé la résolution du contrat en raison de la force majeure ayant fait obstacle à son exécution et soutient que les conditions de cet événement n'étaient pas réunies puisque l'arrêté n'interdisait pas la location à la date convenue. Elle soutient que le nombre d'invités n'était pas un élément du contrat de location et que le tribunal a procédé à une confusion entre le contrat de location souscrit par les parties et un contrat d'hébergement alors que le loueur ne s'est pas engagé à recevoir un nombre déterminé d'occupants.
Elle conteste également la caducité du contrat alléguée par les intimés et expose ne pas avoir procédé elle-même à l'annulation du contrat.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021 auxquelles il sera également renvoyé, les intimés demandent à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de plein droit du contrat conclu et condamné la société Vaucros à leur restituer la somme de 8 040 euros ;
- à titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement entrepris, de constater la caducité du contrat et de condamner la société Vaucros à leur restituer la somme de 8 040 euros ;
- à titre très subsidiaire, de constater l'annulation de la réservation par la société Vaucros et de la condamner à leur rembourser la somme de 8 040 euros ;
- en tout état de cause, y ajoutant, de condamner la société Vaucros au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Les intimés considèrent que la mise à disposition des lieux et sa finalité formaient un tout indissociable caractérisant l'objet du contrat qui n'a pu s'exécuter en raison d'un événement de force majeure. Ils se prévalent subsidiairement de la caducité du contrat et de l'annulation de la réservation par la société Vaucros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la résolution du contrat :
Le tribunal a prononcé la résolution du contrat en raison de la survenance d'un événement de force majeure ayant fait obstacle à l'exécution du contrat signé par les parties.
L'appelante considère que les conditions de la force majeure ne sont pas réunies dans la mesure où le contrat pouvait s'exécuter nonobstant l'arrêté préfectoral limitant le nombre de personnes à 30 et soutient que le nombre d'invités n'était pas entré dans le champ contractuel, les éléments essentiels du contrat étant caractérisés par le bien loué, la date et le prix.
Les intimés opposent que la mise à disposition des lieux et sa finalité formaient un tout indissociable caractérisant l'objet du contrat portant sur l'organisation du mariage qui avait été fixé à une date précisément choisie avec la participation d'une centaine de personnes, nombre bien supérieur à la jauge fixée par l'arrêté préfectoral du 25 septembre 2020.
Ils se prévalent de l'existence d'un empêchement définitif à l'exécution du contrat puisque le mariage n'a pu se dérouler dans les conditions projetées à la date choisie et soutiennent qu'ils n'étaient pas tenus d'accepter un report à une date non choisie par leurs soins.
Aux termes de l'article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Il est constant que pour être caractérisée, la force majeure doit présenter un caractère irrésistible, imprévisible et extérieur.
Le contrat signé par les parties le 28 novembre 2019 a pour objet la mise à disposition au locataire de lieux de réception et de maisons meublées à la date des 10 et 11 octobre 2020. Si le contrat ne mentionne pas expressément le nombre d'invités prévu par les locataires devant participer au mariage, il fait état de la capacité d'accueil de l'ensemble des locaux objets du bail et il est fait référence, s'agissant des modalités d'organisation du mariage, au traiteur partenaire pouvant être choisi dans une liste proposée par le bailleur.
Les échanges de messages électroniques entre les parties attestent de ce que la société Vaucros avait connaissance du nombre d'invités prévu par les locataires, lesquels ont précisément sollicité la location d'hébergements supplémentaires alors que la capacité d'accueil des maisons incluses dans le contrat initial était de 31 personnes.
Le montant du devis récapitulatif du traiteur partenaire choisi par les locataires atteste également du nombre d'invités supérieur à la jauge de 30 personnes résultant de l'arrêté préfectoral du 25 septembre 2020.
Il découle de l'ensemble de ces éléments que le contrat signé par les parties portait sur la mise à disposition de lieux aux fins de l'organisation d'un mariage à la date convenue.
Dans ces conditions, les éléments essentiels du contrat étaient non seulement le bien, la date et le prix mais également le nombre d'invités qui était entré dans le champ contractuel contrairement à l'argumentation de l'appelante.
Le contrat comporte une clause visant le cas de force majeure ayant pour effet de libérer les parties de leurs obligations contractuelles.
L'interdiction de rassemblements festifs et familiaux au-delà de la jauge de 30 personnes constitue un événement imprévisible, irrésistible et extérieur que les parties n'étaient pas en mesure de prévoir à la date de signature du contrat, alors que l'épidémie de covid 19 n'avait pas encore été déclarée sur le territoire national et que de telles mesures restrictives étaient inédites.
Les parties se sont vues imposer une interdiction réglementaire qui n'a pas permis l'organisation du mariage dans les lieux objet du contrat selon les modalités convenues.
L'appelante conteste les caractères de la force majeure au moyen que les intimés ont seulement été empêchés de profiter de la prestation dont ils étaient créanciers dans la mesure où l'arrêté préfectoral n'interdisait pas l'exécution du contrat mais conduisait seulement à en limiter le nombre d'invités.
Celui-ci était cependant déterminant du consentement des intimés qui avaient précisément sollicité la mise à disposition de lieux pour une capacité d'accueil supérieure à trente personnes.
C'est ainsi à bon droit que le tribunal a retenu que les conditions de la force majeure étaient réunies.
S'agissant des effets de la force majeure, l'appelante soutient que les intimés auraient pu reporter la date de leur mariage, ce qu'ils ont refusé alors que l'arrêté préfectoral était temporaire et sollicite l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1218 du code civil.
Ce texte prévoit que si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.
Il est exact que l'arrêté préfectoral était temporaire de sorte que le contrat souscrit par les parties aurait pu faire l'objet d'un report.
La date de célébration du mariage étant cependant un élément essentiel du contrat, celle-ci ne saurait en aucun cas être imposée aux personnes concernées qui demeurent libres de la déterminer. Si la société Vaucros justifie avoir proposé de nouvelles dates aux intimés pour l'année 2021 et pour l'année 2022, la première date utile compte tenu de l'évolution des restrictions n'ayant permis la célébration des mariages qu'à partir du mois de mai 2021, était à la fin du mois d'octobre 2021, soit plus d'un an après la date initialement fixée dans le contrat.
Ce délai justifie la résolution du contrat et la décision déférée sera ainsi confirmée, les présents motifs étant substitués à ceux du premier juge.
Sur les autres demandes :
Succombant en son appel, la société Vaucros sera condamnée à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention du chef de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de condamner la société Vaucros à payer aux appelants la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour avec substitution des présents motifs à ceux du premier juge ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS Vaucros à payer les entiers dépens de l'appel ;
Condamne la SAS Vaucros à payer à M. [L] [B] et à Mme [Z] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,