RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03469 -
N° Portalis DBVH-V-B7F-IF5J
MPF-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
06 septembre 2021
RG :18/04165
[O]
C/
[U]
Grosse délivrée
le 13/10/2022
à Me Véronique BARNIER
à Me Jean-pascal PELLEGRIN
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 06 Septembre 2021, N°18/04165
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [H] [O]
né le 10 Juin 1948 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Véronique BARNIER, Postulant, avocat au barreau de LOZERE
Représenté par Me Christèle EYRAUD, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMÉE :
Madame [F] [U]
née le 25 Décembre 1960 à [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 1] - SÉNÉGAL
Représentée par Me Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE:
Selon compromis de vente conclu le 2 juin 2017, [H] [O] s'est porté acquéreur d'un ensemble immobilier situé à [Localité 4] et appartenant à [F] [U]. Ce compromis prévoyait une clause subordonnant la réalisation de la condition suspensive à l'obtention par l'acquéreur d'un prêt relais de 220 000 euros sur 2 ans taux de 0,9 hors assurance et d'un prêt classique de 80 000 euros sur 10 ans au taux de 0,9% hors assurance au plus tard le 31 juillet 2017.
[H] [O] a versé la somme de 20 000 euros entre les mains de Me [C] à titre de dépôt de garantie.
Après avoir informé le notaire et la venderesse qu'il n'avait pas obtenu les prêts destinés à financer son acquisition, il a vainement demandé la restitution de la somme de 20 000 euros et, par acte du 13 août 2018, a assigné [F] [U] devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de restitution du dépôt de garantie.
Considérant qu'il avait unilatéralement et de sa propre initiative renoncé au prêt relais octroyé début juin 2017 par la banque HSBC, par jugement contradictoire du 6 septembre 2021, le tribunal a:
-débouté M. [H] [O] de ses demandes et autorisé Me [C] notaire à verser à [F] [U] la somme de 20 000 euros détenue au titre du dépôt de garantie,
-dit que le montant de la clause pénale contractuelle sera réduit à la somme de 20 000 euros,
-condamné M. [H] [O] à payer à Mme [F] [U] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Par déclaration du 21 septembre 2021, M. [H] [O] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 23 mai 2022, la procédure a été clôturée le 25 juillet 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 8 septembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de:
A titre principal :
- ordonner la restitution de la somme de 20 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice subi en raison de la retenue abusive du dépôt de garantie,
- rejeter la demande reconventionnelle présentée par Mme [U] au titre de la clause pénale.
A titre subsidiaire :
- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité due au titre de la clause pénale.
En toutes circonstances :
- condamner Mme [U] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que la défaillance de la condition suspensive ne peut lui être imputée puisqu'elle découle du simple refus de la banque HSBC. En l'absence de faute qui lui soit imputable, il ne peut être condamné au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale prévue par le compromis de vente laquelle reviendrait en toute hypothèse à le condamner deux fois au paiement de la somme de 20 000 euros. Dans le cas contraire, il incombe à la cour d'appel de réduire la clause pénale à de plus justes proportions. Il estime par ailleurs que la rétention fautive de son dépôt de garantie lui a causé un préjudice moral et financier.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2022, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le montant de la clause pénale et, statuant à nouveau sur ce point, de condamner M. [O] à lui payer la somme de 38 000 euros au titre de la clause pénale outre celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
L'intimée soutient que l'appelant disposait d'une solution de financement conforme aux conditions contractuellement définies dans le compromis de vente, solution qu'il a pourtant refusée, de sorte qu'en application des dispositions de l'article 1304-3 du code civil, la condition suspensive doit être réputée accomplie et la remise du dépôt de garantie entre ses mains doit être confirmée. Au regard des manquements commis par l'appelant, il n'y avait pas lieu de procéder à la réduction de la clause pénale d'un montant de 38 000 euros stipulée au compromis et acceptée par les parties, conformément aux dispositions de l'article 1231-3 et 1231-5 alinéa 1er du code civil.
MOTIFS:
L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que la défaillance de la condition suspensive était imputable à la faute qu'il aurait commise en renonçant au prêt relais que la banque HSBC lui avait consenti.
[H] [O] expose qu'il a sollicité un courtier auquel il a confié un mandat de recherche de financement d'un montant de 450 000 euros le 23 mars 2017. Le 11 mai 2017, la banque HSBC, présentée par son courtier comme la mieux-disante, lui a transmis un document intitulé « étude de financement » mentionnant:
-un prêt relais de 221.201€ sur 1 an au taux débiteur de 0,90% soit un TAEG de 2,86% assurance décès validité incluse,
- Un prêt moyen terme Modeliz de 80.000€ sur 7 ans au taux débiteur de 0,95% soit un TAEG de 3,21%, assurance décès invalidité incluse.
L'appelant précise que le prêt relais avait vocation à être remboursé dès la vente de sa résidence principale située à [Localité 2], dans le Puy de Dôme.
[H] [O] réfute avoir commis la moindre faute à l'origine de la défaillance de la condition et soutient qu'il a effectué toutes les diligences requises pour obtenir ces deux prêts mais que la banque a refusé de les lui octroyer par courriel du 8 août 2017. Ses recherches d'autres solutions de financement n'ayant pas abouti, par courrier du 21 août 2017, il a informé la venderesse et le notaire du défaut de réalisation de la condition suspensive stipulée par le compromis de vente.
Il explique qu'il avait mis en vente sa résidence principale à [Localité 2] dans le Puy-de-Dôme le 31 mars 2017 et qu'un compromis de vente sous condition suspensive d'obtention d'un financement a été conclu le 13 juillet 2017, la réitération de la vente devant intervenir en septembre. La banque HSBC aurait dès lors considéré que le prêt relais n'était plus utile, [H] [O] disposant des fonds nécessaires pour acquérir le bien immobilier situé à [Localité 4] et, unilatéralement, aurait décidé de n'étudier que sa demande de prêt à moyen terme de la somme de 80 000 euros. Toutefois, le compromis de vente portant sur la maison d'[Localité 2] a été dénoncé par les acquéreurs le 19 juillet 2017 et par courrier du 21 juillet 2017, il a sollicité le report de la vente de la maison d'[Localité 4] dans l'attente de la signature d'un nouveau compromis pour la maison d'[Localité 2], et demandé à la Banque HSBC de réactiver la demande de prêt relais (pièce n°8) afin d'obtenir sa réponse avant l'échéance du 31 juillet 2017. Le 8 août 2017, la banque HSBC l'a informé de son refus de lui consentir les deux prêts demandés au motif que les financements envisagés étaient assujettis à la vente préalable de sa maison d'[Localité 2].
L'appelant déduit de la chronologie des faits ainsi présentée qu'il justifie avoir effectué une demande de prêts conforme aux stipulations du compromis de vente et que la défaillance de la condition suspensive est imputable au seul refus de la banque HSBC de satisfaire à sa demande de financement.
[F] [U] rappelle qu'il appartenait à [H] [O] d'accomplir les démarches d'obtention du prêt dans les conditions stipulées au compromis de vente et qu'il ne justifie ni de sa demande de prêt dans les conditions stipulées au compromis de vente, ni du refus correspondant, dans le délai contractuellement convenu. Elle en conclut qu'il a empêché l'accomplissement de la condition. L'intimée estime que le tribunal a relevé à juste titre que [H] [O], après avoir obtenu un accord de financement de la banque HSBC en juin 2017, y a renoncé ensuite, considérant que la vente de sa maison à [Localité 2] lui permettait finalement d'acquérir la maison de Madame [U] sans recourir à un prêt bancaire. L'intimée reproche à l'appelant d'avoir imaginé des solutions de financement autres que celles stipulées par le compromis de vente, solutions qui n'ont finalement pas abouti. Alors que le compromis de vente signé par les parties ne stipulait aucune condition suspensive relative à la vente par l'acquéreur de sa résidence principale et prévoyait un financement par prêts bancaires, [H] [O] a pris la décision, postérieurement à la signature, de financer son projet d'achat par la vente du bien immobilier dont il était propriétaire et de renoncer à toute intervention bancaire. Estimant que la condition suspensive d'obtention de prêts bancaires était accomplie dès l'accord de financement de la banque HSBC en juin 2017, l'intimée soutient qu'il ne pouvait renoncer au financement bancaire obtenu qu'au prix de sa responsabilité contractuelle.
L'article 1304-3 du Code civil dispose: « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ».
Il appartient au vendeur qui invoque l'application de cette dernière disposition de démontrer que l'acquéreur a commis une faute à l'origine de la défaillance de la condition tandis que l'acquéreur a la charge de prouver qu'il a accompli des diligences normales.
[H] [O], acquéreur, justifie qu'il a accompli les diligences nécessaires à l'obtention de deux prêts conformes aux caractéristiques définies dans le compromis de vente. En effet, il verse aux débats un document daté du 11 mai 2017 et intitulé « étude de financement » qui atteste qu'il a saisi la banque HSBC d'une demande de deux prêts ' un prêt relais et un prêt classique ' portant sur des montants et des taux d'intérêts similaires à ceux stipulés dans le compromis de vente. Il justifie par ailleurs de nombreuses diligences en relation avec cette demande de prêts et destinées à obtenir l'accord de la banque (ouverture d'un compte bancaire, recherches en vue d'obtenir une assurance-emprunteur, versement sur un contrat d'assurance-vie de la somme de 45 000 euros destinée à consentir un nantissement au profit du prêteur).
La preuve de l'accomplissement des diligences pouvant être rapportée par tous moyens, les pièces versées aux débats par l'appelant établissent que l'acquéreur a demandé à la banque HSBC l'octroi de deux prêts conformes aux stipulations du compromis.
[F] [U] ne rapporte pas la preuve qu'il a commis une faute à l'origine de la défaillance de la condition suspensive d'obtention des prêts visés par le compromis de vente.
En effet, il n'est pas établi que la banque HSBC avait accordé à l'acquéreur les deux prêts sollicités et qu'il a commis une faute en renonçant à les souscrire, préférant finalement financer son achat par la vente de sa résidence principale.
Le seul élément de preuve sur lequel se fonde l'intimée pour démontrer que la banque HSBC avait accordé les deux prêts est le courriel rédigé par l'appelant lui-même le 31 juillet 2017 pour expliquer les difficultés qu'il rencontrait et retraçant la chronologie des faits postérieurs à la signature du compromis. Ce courrier est rédigé dans les termes suivants:
« Suite à notre conversation téléphonique, je vous confirme que nous avions obtenu en juin un accord de financement de la banque HSBC pour l'acquisition de la maison de Madame [U] à [Localité 4] suivant les modalités suivantes :
- Prêt relais de 220 000 € sur 2 ans,
- Prix moyen terme de 80 000 € sur 9 ans garanti par un nantissement partiel de mes assurances-vie HSBC ».
« Ces prêts sont soumis à un accord de garantie à 100% en cas de décès. Nous avons un accord d'assurance groupe HSBC pour le prêt moyen terme, mais nous restions en attente d'un accord de garantie pour le prêt relais dans le cadre d'une délégation d'assurance par mon courtier car l'assurance groupe HSBC ne permettait pas de rester en dessous des taux autorisés.
Cependant, le compromis de vente qui avait été signé le 13 juillet devant Me [V] pour ma maison d'[Localité 2] rendait le prêt relais sans objet, si bien que HSBC n'avait conservé que la demande de prêt moyen terme 80000 euros.Dans le cadre de ce compromis, il me restait un net vendeur de 304.000€, donc nettement supérieur au prêt relais.
Suite à la rupture de ce compromis, j'ai demandé de réactiver la proposition initiale, mais nous nous heurtons toujours au problème de l'assurance et je reste en attente depuis la semaine dernière du questionnaire santé. »
Les termes de ce courriel ne suffisent pas à établir que la banque HSBC avait accordé en juin 2017 à [H] [O] les deux prêts qu'il avait sollicités. La preuve de l'obtention des deux prêts, condition de réalisation de la condition suspensive, suppose d'établir que la banque avait manifesté son accord en émettant deux offres de prêt correspondant aux caractéristiques sollicitées par l'emprunteur et emportant engagement irrévocable, un simple « accord de financement » informel évoqué dans une correspondance de l'acquéreur ne pouvant suffire à rapporter cette preuve. La suite du courriel démontre que les relations entre la banque et son client n'en étaient qu'au stade des pourparlers et des actes préparatoires, l'assurance emprunteur dans les conditions exigées par la banque n'ayant pas encore été obtenue.
L'intimée ne rapporte pas la preuve que la condition suspensive d'obtention de prêts bancaires était accomplie dès l'accord de financement de la banque HSBC en juin 2017 invoqué par l'acquéreur dans son courriel du 31 août 2017 et que seule la renonciation de ce dernier aux prêts consentis par la banque HSBC est à l'origine de la défaillance de la condition.
La défaillance de la condition suspensive d'obtention des prêts est imputable au seul refus de la banque d'accorder les prêts sollicités le 8 août 2017.
Si la demande concernant le prêt relais a été temporairement écartée des pourparlers en raison de la signature d'un compromis de vente le 13 juillet 2017 portant sur la résidence principale de [H] [O], cette situation n'a duré que quelques jours et n'a eu aucun impact sur la décision de la banque, l'appelant ayant immédiatement réactivé la demande de prêt relais dès que le compromis a été dénoncé le 19 juillet 2017.
Le refus d'accorder les prêts est entièrement imputable à la volonté de la banque de subordonner son engagement de prêt à la conclusion d'un compromis de vente portant sur la résidence principale de l'appelant.
En l'absence de toute faute commise par le bénéficiaire de la condition ayant eu pour effet d'empêcher son accomplissement, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
Il sera fait droit à sa demande de restitution de la somme de 20 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement en application de l'article 1231-6 du code civil.
Sur les dommages-intérêts pour retenue abusive du dépôt de garantie:
L'appelant ne démontre pas que l'intimée lui a causé de mauvaise foi un préjudice autre que la restitution tardive du dépôt de garantie et sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
L'équité justifie de condamner [F] [U] à payer à [H] [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Condamne [F] [U] à restituer à [H] [O] la somme de 20 000 euros représentant le dépôt de garantie versé lors de la signature du compromis de vente,
Déboute [H] [O] de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne [F] [U] à payer à [H] [O] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,