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29/09/2022 | FRANCE | N°19/03637

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 19/03637


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

























ARRÊT N°



N° RG 19/03637 - N°Portalis DBVH-V-B7D-HPSY



SL - NR



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE NIMES

29 juillet 2019 RG:16/01965



[Z]



C/



[P]



















Grosse délivrée

le 29/09/2022

à Me Rémi PORTES

à Me Géraldine

BRUN





COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de NIMES en date du 29 Juillet 2019, N°16/01965



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Séverine LEGER...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/03637 - N°Portalis DBVH-V-B7D-HPSY

SL - NR

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE NIMES

29 juillet 2019 RG:16/01965

[Z]

C/

[P]

Grosse délivrée

le 29/09/2022

à Me Rémi PORTES

à Me Géraldine BRUN

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de NIMES en date du 29 Juillet 2019, N°16/01965

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Septembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [H] [Z]

né le 03 Septembre 1937 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier COURTEAUX, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Représenté par Me Rémi PORTES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/8421 du 09/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉ :

Monsieur [G] [P]

né le 24 Avril 1947 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]/FRANCE

Représenté par Me Géraldine BRUN de la SELARL PLMC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 29 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [H] [Z] et son épouse, Mme [D] [F], ont créé en 1976 un magazine de loisirs, sports et d'annonces de rencontres dénommé 'Loisirs 2000- magasine des loisirs et de l'amitié'. Le 2 août 1982, M. [Z] a déposé l'appellation 'Loisirs 2000 ' à titre de marque auprès de l'INPI visant les classes 16,28,38 et 41.

En décembre 1986, les époux [Z] se sont associés avec M. [G] [P], créant une société de presse dénommée 'Editions Conceptions Générales'.

Le 4 mars 1991, M. [P] a déposé la marque 'LR 2000 ' visant la classe de produits et services 38 relative aux télécommunications.

Le 8 janvier 1996, une nouvelle société 'Editions Créations Graphiques' (ci-après 'ECG') a été créée au sein de laquelle les époux [Z] détenaient chacun 7 parts sociales et M. [P] 6 parts, étant précisé que ce dernier en était le gérant.

Les marques déposées par M. [Z] et M. [P] ont fait l'objet de contrats de licence d'exploitation au profit de la société ECG, le premier par M. [P] le 3 janvier 1996 portant sur l'exploitation de la marque LR 2000 et le second par M. [Z] le 8 janvier 1996 portant sur l'exploitation de la marque Loisirs 2000.

Le 29 août 2000, M. [P] a déposé auprès de l'INPI sous son nom propre la marque 'LR 2000- loisirs et rencontres des années 2000 ' visant les classes de produits et de services 35, 38, 39, 41 et 42 avant de vendre cette marque à la société CC Média pour un montant de 260 000 euros par contrat conclu le 16 mars 2007. Par ailleurs, la société CC Média a conclu le 19 février 2007 un contrat de partenariat avec la société ECG représentée par M. [P].

Le 26 juillet 2008, Mme [Z] a cédé ses parts sociales à son époux.

Le 28 août 2008, M. [Z] a vendu à la société H8f7 la marque Loisirs 2000 dont il était titulaire pour un montant de 6 000 euros.

Le 11 mars 2009, la société ECG a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.

Estimant avoir été gravement lésé par M. [P] sur le plan financier, M. [Z] a déposé une plainte le 22 novembre 2010 auprès du procureur de la République de Nîmes, reprochant notamment à ce dernier d'avoir favorisé ses propres intérêts de manière illicite, d'avoir commis des faits d'escroquerie, d'abus de biens sociaux ainsi que des atteintes à ses droits de propriété intellectuelle.

M. [Z] a déposé au secrétariat commun de l'instruction le 29 décembre 2011 une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction.

Le 17 février 2015, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, confirmée par un arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Nîmes du 15 septembre 2015.

Par acte du 26 avril 2016, M. [Z] a assigné M. [P] devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de voir sa responsabilité civile engagée et d'obtenir la condamnation de ce dernier au paiement de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale au travers de la création des marques LR 2000 et LR 2000-loisirs et rencontres des années 2000 par imitation servile de la marque Loisirs 2000, de la faute caractérisée par l'obstacle délibéré à la vente du magazine Loisirs 2000 et de la violation de l'accord de licence en vue de la satisfaction d'un intérêt étranger à la société ECG.

Par jugement contradictoire du 29 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Nîmes a :

- déclaré M. [H] [Z] irrecevable en ses demandes ;

- débouté M. [G] [P] de sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné M. [H] [Z] aux entiers dépens ;

- rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties ;

- débouté M. [H] [Z] et M. [G] [P] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 12 septembre 2019, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 26 avril 2022, la procédure a été clôturée le 25 juillet 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 1er septembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 29 septembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2022, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

- déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par M. [G] [P],

- à défaut, rejeter l'exception d'incompétence comme mal fondée vu la prorogation légale de la compétence du tribunal de grande instance aux demandes incidentes,

- le recevoir en son action,

-dire que M. [P] a commis des actes de concurrence déloyale au travers de la création de la marque LR 2000 puis LR2000-Loisirs et rencontres des années 2000 par imitation servile de la marque Loisirs 2000 au préjudice de M. [Z] titulaire du droit d'auteur Loisirs 2000,

- dire que le préjudice est égal au prix de vente que M. [P] a obtenu par la cession illicite de la propriété de M. [Z],

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 260 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- dire que M. [P] a commis une faute civile engageant sa responsabilité en faisant délibérément obstacle à la vente du magazine Loisirs 2000 par M. [Z],

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 94 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'échec de la vente du magasine Loisir 2000 au montant proposé par les acheteurs potentiels,

- dire que M. [P] a violé l'accord de licence unissant M. [Z] à la société ECG en vue de la satisfaction d'un intérêt étranger à la société ECG,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 54 463 euros de dommages-intérêts au titre des royalties qu'il aurait dû percevoir sur les exercices 2007 et 2008,

- rejeter toute demande, fins et conclusions formulées par l'intimé,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel,

- condamner M. [P] aux entiers dépens avec distraction directe au profit de Maître Rémi Portes, avocat.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2020 l'intimé, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit les demandes de M. [Z] prescrites et ainsi déclaré M. [Z] irrecevable en ses demandes,

Ainsi,

- rappeler que la prescription de l'action en responsabilité contractuelle et/ou délictuelle est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

- constater que les prétendues fautes invoquées par M. [Z] datent de 2007 et 2008, c'est-à-dire de plus de huit ans avant la saisine du tribunal de grande instance,

- rappeler que l'interruption de la prescription en raison du dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'une demande d'aide juridictionnelle est non avenu en cas de prononcé d'un non-lieu définitif,

- dire qu'à raison de l'ordonnance de non-lieu du 17 février 2015 confirmée le 15 septembre 2015 par l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel, l'interruption de la prescription des faits invoqués par M. [Z] est non avenue,

- dire que l'action en responsabilité intentée le 26 avril 2016 par M. [Z] est aujourd'hui prescrite.

Pour le surplus,

- rappeler que le titulaire d'un droit d'auteur ne peut revendiquer une marque enregistrée postérieurement dès lors qu'il a toléré son usage pendant plus de cinq ans à compter de son enregistrement,

- rappeler que l'action en parasitisme et concurrence déloyale se prescrit par 5 ans à compter des faits fautifs,

- constater que M. [P] a enregistré les marques prétendument contrefaisantes les 4 mars 1991 et 2 août 2000 et que M. [Z] a donc toléré leur usage pendant plus de cinq ans,

En conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes, fins et prétentions de M. [Z],

- condamner à titre reconventionnel M. [Z] à lui payer somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner à titre reconventionnel M. [Z] à lui payer somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Sur la prétendue violation du droit d'auteur,

- rappeler que seule une création intellectuelle propre à son auteur est protégeableau titre du droit d'auteur,

- rappeler que le fait d'avoir assuré la direction de publication d'un titre ne suffit pas à rapporter la preuve de la paternité de ce dernier et de ses contenus,

- rappeler que celui qui dépose une marque n'est pas nécessairement celui qui a créé l'oeuvre dont elle reprends les signes,

- constater que le magazine Loisirs 2000 n'est pas protégeable à ce titre,

- prendre acte que M. [Z] ne formule plus de demandes à ce titre,

Sur les prétendus parasitisme et concurrence déloyale de M. [P],

- constater que M. [Z] se prévaut de faits prétendument parasitaires et de concurrence déloyale qui ne peuvent être sanctionnés qu'au titre d'une action en contrefaçon,

- constater que ces faits relèvent de la SARL ECG et non pas de M. [P] dont la responsabilité ne peut être recherchée à ce titre,

- constater que M. [Z] est défaillant dans l'administration de la preuve de la notoriété préalable de Loisirs 2000,

-dire que les conditions préalables au constat de quelconques parasitisme et concurrence déloyale ne sont donc pas remplies,

En conséquence,

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de M. [Z] au titre du parasitisme et d'une concurrence déloyale,

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de M. [Z] au titre des prétendues fautes commises au titre de la cession de la marque Loisirs 2000 et au titre des redevances 2007-2008,

- rejeter les demandes de M. [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner à titre reconventionnel M. [Z] à lui payer somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner à titre reconventionnel M. [Z] à lui payer somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur l'exception d'incompétence :

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans le dispositif de ses écritures, l'appelant demande à la cour de déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] mais ne développe aucun moyen dans le corps de ses conclusions au soutien de cette prétention de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point, l'intimé ne soulevant d'ailleurs aucune exception d'incompétence dans ses écritures.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Le tribunal a retenu que la constitution de partie civile en date du 29 décembre 2011 avait valablement interrompu le délai quinquennal de prescription courant à compter du mois de juillet 2008, date de révélation des agissements litigieux imputés à M. [P], mais que l'interruption de prescription était devenue non avenue en application des dispositions de l'article 2243 du code civil en raison de l'ordonnance de non-lieu du 17 février 2015, confirmée en appel le 15 septembre 2015.

Il a considéré que les demandes d'aide juridictionnelle formées dans le cadre de la constitution de partie civile n'avaient eu aucune incidence sur la prescription acquise du fait du non-lieu et que l'action engagée par assignation du 26 avril 2016 était irrecevable pour avoir été intentée postérieurement au 19 juin 2013.

L'appelant fait grief au tribunal d'avoir procédé à une analyse erronée de l'effet des demandes d'aide juridictionnelle et se fonde sur un arrêt rendu le 14 mars 2018 par le Conseil d'Etat ayant adopté une position contraire en reconnaissant à une telle demande le caractère d'une demande en justice ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit revendiqué par le demandeur.

Il conclut que la demande d'aide juridictionnelle constitue une demande en justice autonome par rapport à la demande en justice qu'elle finance et soutient que les effets de l'article 2243 du code civil sont explicitement exclus par l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 dans sa rédaction du 14 juin 2001 puisque l'effet interruptif de la demande d'aide juridictionnelle n'est pas annulé en cas de rejet de la demande.

Il se prévaut ainsi de deux causes d'interruption de la prescription distinctes constituées par les demandes d'aide juridictionnelle respectivement déposées le 14 avril 2011 et le 17 juin 2015.

Il ressort de l'examen des pièces produites que, par décision du 14 avril 2011, M. [Z] a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale sur sa demande présentée le 4 avril 2011 et que par décision du 17 juin 2015, il s'est vu rejeter la demande d'aide juridictionnelle présentée le 27 mai 2015.

L'intimé oppose que par l'effet du non-lieu, l'interruption de la prescription est réputée n'être jamais intervenue et ce, quelque soit le motif d'interruption en raison de l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil.

Deux questions se posent ainsi à la cour concernant les effets attachés à une demande d'aide juridictionnelle :

- celle de l'autonomie de l'interruption de la prescription par rapport à l'action au fond financée par la demande d'aide juridictionnelle ;

- celle de la neutralisation des effets de l'article 2243 du code civil.

L'article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 dans sa rédaction du 14 juin 2001 applicable au litige dispose que :

Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, devant le premier président de la cour d'appel en application des articles 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale ou devant la commission nationale de réparation des détentions provisoires, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter :

a) de la notification de la décision d'admission provisoire ;

b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

c) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;

d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

L'appelant soutient que dans la mesure où ce texte accorde un effet interruptif de prescription à la demande d'aide juridictionnelle y compris lorsqu'elle celle-ci est rejetée, il en découle que l'interruption de prescription n'est pas conditionnée par l'issue de la procédure pour laquelle elle est demandée.

Il considère que cette disposition spécifique permet ainsi d'écarter les effets de l'article 2243 du code civil dans l'hypothèse d'une demande d'aide juridictionnelle.

Aux termes de l'article 2243 du code civil, l'interruption de prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Le raisonnement de l'appelant ne peut cependant prospérer car il entend procéder par voie d'analogie en étendant les effets attachés à une décision de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, laquelle conserve le caractère interruptif de prescription attaché à la demande d'aide juridictionnelle pour neutraliser les effets du caractère non avenu de l'interruption de prescription dans l'hypothèse d'un rejet définitif de la demande.

Or, l'appelant ne peut procéder par voie d'analogie puisque l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 concerne le seul effet interruptif de la demande d'aide juridictionnelle alors que l'article 2243 du code civil est afférent à la neutralisation de l'effet interruptif de la demande en justice.

Or, si une demande d'aide juridictionnelle formée en vue de saisir une juridiction a le caractère d'une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil ayant pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit revendiqué par le demandeur et que cet effet interruptif est également attaché à la demande d'aide juridictionnelle même si celle-ci a été rejetée, le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil qui concerne l'hypothèse où la demande en justice et non la demande d'aide juridictionnelle a été définitivement rejetée.

C'est donc vainement que l'appelant excipe du caractère interruptif de prescription des demandes d'aide juridictionnelle, ces interruptions étant non avenues du fait du rejet définitif de la demande en raison de l'arrêt confirmatif de non-lieu rendu le 15 septembre 2015.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré les demandes irrecevables pour cause de prescription.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse de malice ou mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol mais l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.

Il ne peut en l'espèce être reproché à M. [Z] d'avoir agi à l'encontre de M. [P] en l'absence de preuve d'une mauvaise foi de sa part non caractérisée en l'espèce de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur les autres demandes :

Succombant en son appel, M. [Z] sera condamné à en régler les entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle en ce qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du BAJ du 9 octobre 2019.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé qui sera débouté de sa prétention de ce chef, tout comme l'appelant en ce qu'il succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [Z] aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle au regard de la décision d'aide juridictionnelle totale au profit de ce dernier ;

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/03637
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.03637 ?
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