La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/08/2022 | FRANCE | N°21/00158

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 31 août 2022, 21/00158


ARRÊT N°



R.G : N° RG 21/00158 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H465



CJP



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

30 décembre 2020

RG :51-20-1



[T]

[T]

[T]



C/



[W]

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 31 AOUT 2022



APPELANTS :



Monsieur [H] [E], [X] [T]

né le 05 Mars 1950

[Adresse 1]

[Ad

resse 1]

[Localité 6]



Comparant en personne,

assisté de Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE



Madame [Z] [G], [L] [T] épouse [C]

née le 14 Février 1976

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]



Non comparante,

Représentée par Me ...

ARRÊT N°

R.G : N° RG 21/00158 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H465

CJP

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'ANNONAY

30 décembre 2020

RG :51-20-1

[T]

[T]

[T]

C/

[W]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 31 AOUT 2022

APPELANTS :

Monsieur [H] [E], [X] [T]

né le 05 Mars 1950

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Comparant en personne,

assisté de Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [Z] [G], [L] [T] épouse [C]

née le 14 Février 1976

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Non comparante,

Représentée par Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

Madame [D] [Y], [R] [T]

née le 10 Décembre 1977

[Adresse 11]

[Localité 6]

Non comparante,

Représentée par Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMÉ :

Monsieur [S] [W]

né le 30 Mars 1972 à ST AGREVE (07320)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Comparant en personne,

Représenté par Me Florence PITRAS-VERDIER de la SCP PITRAS-VERDIER TOLLIS, avocat au barreau d'ARDECHE

Statuant en matière de baux ruraux après convocation des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception du 13 avril 2022.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 14 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Août 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 31 Août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Par acte sous-seing privé en date du 1er novembre 2006, M. [H] [T] et Mmes [Z] et [D] [T] (ci-après dénommés les consorts [T]) ont donné à bail à M. [S] [W] diverses parcelles sur la commune de [Localité 6] (07) pour une superficie totale de 17 ha 28 a 92 centiares.

Par requête déposée au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay le 7 mai 2020, les consorts [T] ont fait convoquer M. [S] [W] aux fins de voir, en substance, résilier le bail en raison des agissements du preneur compromettant la bonne exploitation des terres.

Par jugement contradictoire en date du 19 novembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay a :

-débouté les consorts [T] de toutes leurs réclamations présentées contre le fermier M. [S] [W],

-rappelé à ce dernier la destination du bâtiment loué, à savoir une grange à foin et son obligation à terme de restitution des lieux dans leur état de délivrance,

-jugé n'y avoir lieu à l'octroi d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-et laissé les entiers dépens de l'instance à la charge des consorts [T].

Suivant déclaration en date du 11 janvier 2021, les consorts [T] ont interjeté appel du jugement rendu en toutes ses dispositions.

Après une tentative de médiation, l'affaire a été appelée à l'audience du 14 juin 2022.

A cette audience, M. [H] [T], présent et assisté de son conseil et Mmes [Z] et [D] [T], représentées par leur conseil, en leur qualité d'appelants, exposent leurs prétentions et moyens et s'en rapportent à leurs conclusions en date du 5 mai 2022 pour le surplus.

Les appelants souhaitent voir la cour, au visa des articles L411-31 et suivants, L411-27 du code rural et de la pêche maritime et 1766 du code civil, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

-prononcer la résiliation du bail conclu entre les parties en raison des agissements du preneur compromettant la bonne exploitation du fonds,

-ordonner l'expulsion de celui-ci et de tout occupant de son chef et au besoin avec le concours de la force publique,

-condamner M. [S] [W] à procéder au nettoyage de la grange à foin sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

-condamner M. [S] [W] à la somme de 10 000 € pour la remise en état des parcelles louées,

-condamner le même à la somme de 5 000 € pour le préjudice subi du fait du défaut d'entretien notamment du bâtiment et les nuisances subies,

-juger que M. [S] [W] n'est pas fermier de la parcelle [Cadastre 10] est donc occupant sans droit ni titre et, par conséquent, ordonné son expulsion,

-débouter M. [S] [W] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner M. [S] [W] à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris le constat du huissier.

Les consorts [T] font valoir :

-que depuis de nombreuses années, M. [S] [W] ne respecte aucun de ses engagements contractuels, en n'entretenant, ainsi, aucunement les terres louées, laissant pousser broussailles et ronces, entreposant du matériel sur celles-ci et les laissant se dégrader de jour en jour en maintenant les bêtes à l'année sur les mêmes parcelles sans aucune rotation et en sur-pâturant ; qu'en outre, le preneur parque dans la grange à foin des animaux alors que ce bâtiment n'est destiné qu'à y entreposer du fourrage ;

-que depuis plus de quatre ans, ils constatent un manquement important de la part du fermier à ses obligations compromettant gravement le bien loué ; qu'ainsi, M. [S] [W] n'exploite pas les terres en bon père de famille et encore moins en bon professionnel soucieux de la gestion durable ;

-que conscient de la faiblesse de sa position devant le tribunal, M. [S] [W] a déplacé les bêtes début juin 2020, a réparé quelques clôtures et a fait établir un constat d'huissier afin de faire croire au tribunal que les terres sont parfaitement entretenues ; que ce procès-verbal de constat d'huissier n'a été établi que pour les besoins de la cause et ne reflète aucunement la réalité ;

-que la cour pourra constater que le fermier, après avoir enlevé ses bêtes de la parcelle [Cadastre 9], a immédiatement semé du blé sur une parcelle sur-pâturée et ce sans aucun repos pour la terre ; que les parcelles sur lesquelles il maintient ses animaux pendant plusieurs mois ne peuvent plus être productives en raison du piétinement permanent ;

-qu'en réalité, M. [S] [W] est employé à temps complet en qualité de boucher et n'a pas le temps de procéder au parcage de ses bêtes et de s'occuper convenablement des parcelles ;

-qu'en janvier 2021, il a réalisé un débroussaillage directement avec une broyeuse, si bien que les abords des parcelles sont dans un état déplorable, les arbres ayant été déchiquetés et des morceaux de bois jonchant sur le sol ;

-que s'agissant des bâtiments, M. [S] [W] a complètement transformé la destination de la grange à foin qui sert désormais à accueillir de nombreux animaux, dont des cochons, générant une odeur nauséabonde, une invasion de mouches et une prolifération de rongeurs ; que résidant à proximité, ils sont contraints de supporter ces désagréments au quotidien ;

-que le preneur se montre également peu respectueux du bien-être animal, dans

la mesure où les animaux se trouvant dans la grange « pataugent » dans 40 cm de boue et sont confinés dans un bâtiment sans électricité ni eau et peu ventilé ; que les autres bêtes sont maintenues à l'extérieur tout l'hiver sans aucun abri pour se protéger des intempéries ; qu'il ne procède pas au roulement du parcage des animaux, et ce alors qu'il dispose de suffisamment de terres, le bail mettant à sa disposition plus de 17 ha d'un seul tenant ;

-qu'enfin, M. [S] [W] occupe la parcelle [Cadastre 10] et a annexé l'apprenti sur le côté de la grange pour y mettre des brebis et chèvres, bien que cette parcelle ne soit pas incluse dans le bail,

-que la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité de fin de bail réclamée par M. [S] [W] pour la première fois en appel n'est pas fondée, dès lors que le preneur doit démontrer qu'il a apporté des améliorations au fonds loué, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, celui-ci l'ayant, au contraire, dégradé.

M. [S] [W], en sa qualité d'intimé, assisté de son conseil, expose ses prétentions et moyens et s'en rapporte à ses conclusions en date du 23 mars 2022 pour le surplus.

L'intimé demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de :

-condamner les consorts [T] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

-à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la résiliation du bail devait être prononcée, condamner les appelants à lui payer une indemnité de fin de bail d'un montant de 50 000 €,

-en tout état de cause, leur condamnation au paiement de la somme 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [S] [W] expose :

-que s'il ne conteste pas avoir exercé également la profession de boucher salarié, il est par ailleurs inscrit à la MSA, notamment en qualité d'exploitant de vaches allaitantes ; qu'il est agriculteur depuis 1992, faisant suite à l'activité de ses parents ; que de plus il ne travaille plus en qualité de boucher, à la suite d'un accident de travail ;

-que suite à son accident de travail important, il a du faire appel à plusieurs personnes pour l'aider à s'occuper de son troupeau ; que cet accident a dégénéré entraînant l'obligation de l'amputer d'un doigt en décembre 2019, ce qui explique son empêchement durant plusieurs mois et notamment en janvier 2020 ; que l'aide apportée par son entourage ne lui a, cependant, pas permis de réaliser l'intégralité des travaux qu'il effectuait habituellement ;

-que le procès-verbal de constat d'huissier versé aux débats par les bailleurs date du 15 janvier 2020, soit en plein hiver et à une date où il tentait, avec l'aide de quelques personnes, d'assurer ses obligations de preneur ; qu'il s'agit d'une situation à un instant précis et non d'une situation récurrente, les terres ayant été et étant toujours entretenues ;

-qu'il verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier réalisé en juin 2020 démontrant la bonne exploitation du fonds et l'absence de manquement aux obligations du bail ;

-qu'en réalité, l'habitation de M. [T] étant contiguë aux parcelles louées, celui-ci cherche à l'expulser pour ne plus avoir pour voisin un agriculteur ;

-que la résiliation demandée le priverait de revenus et le placerait dans une situation catastrophique.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

1) Sur les demandes nouvelles en cause d'appel :

En cause d'appel, les parties formulent plusieurs demandes nouvelles.

Il résulte de l'application combinée des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf si ces dernières tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou si ces prétentions étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Ainsi, M. [S] [W] formule, à titre reconventionnel, deux demandes indemnitaires, l'une pour procédure abusive, l'autre à titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une résiliation du bail.

Ces demandes doivent être déclarées recevables en ce qu'elles sont, pour la première, le complément des demandes formulées en première instance et, pour la seconde, l'accessoire de ces demandes. Ces demandes sont, en effet, formulées en réponse aux demandes initiales des consorts [T].

S'agissant, en revanche, de la demande formée par les consorts [T] pour la première fois en appel et portant sur l'expulsion de M. [S] [W] en qualité d'occupant sans droit ni titre de parcelle [Cadastre 10] leur appartenant, il convient de souligner que cette demande n'a, à aucun moment, été évoquée en première instance et est sans lien avec la demande d'expulsion initiale des parcelles louées en raison des agissements du preneur qui compromettent la bonne exploitation du fonds.

Cette demande constitue une prétention nouvelle qui ne peut être considérée comme virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ni comme en étant l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Il y a lieu, en conséquence, de déclarer cette demande des appelants irrecevable.

2) Sur la demande de résiliation du bail à ferme :

Il résulte de l'article L411-31 2° du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie notamment d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d''uvre nécessaire aux besoins de l'exploitation.

Par ailleurs, l'article 1766 alinéa 1 du code civil dispose que si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas raisonnablement, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou, en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail, et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

Le tribunal paritaire des baux ruraux a considéré que s'il était établi que, d'une manière générale et ponctuelle, ensuite de difficultés de santé du fermier, celui-ci a manqué au suivi régulier des clôtures et d'entretien des parcelles et s'est donc montré peu précautionneux, ces manquements n'ont été prouvés que sur les deux ou trois dernières années et ont donné lieu ensuite à une évidente reprise en main de l'exploitation.

Il est constant que la résiliation n'est possible que s'il y a péril pour l'exploitation du fonds et le fonds lui-même. En ce sens, ne sont pas sanctionnés directement les manquements du preneur aux obligations nées de son contrat, ces manquements ne devenant des motifs de résiliation que s'ils ont 'compromis la bonne exploitation du fonds'.

En l'espèce, les manquements mis en exergue par les bailleurs sont relatifs à l'entretien et au débroussaillage des parcelles, au parcage des bêtes sur les parcelles sans rotation générant du sur-pâturage et à l'utilisation d'une grange à foin pour parquer des animaux alors que ce bâtiment n'est destiné qu'à y entreposer du fourrage.

Au soutien de leur demande, les appelants versent au dossier un procès-verbal de constat d'huissier de justice établi 15 janvier 2020, des courriers adressés au preneur et à la chambre d'agriculture, plusieurs attestations et des photographies.

Le procès-verbal de constat d'huissier met essentiellement en évidence l'état des parcelles et bâtiments au jour des constatations, étant précisé que ces constatations ont été réalisées au milieu de l'hiver et alors que l'état de la végétation, à cette saison, est nécessairement très différent par rapport aux saisons plus favorables comme le printemps. Ainsi, l'huissier de justice constate que les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 4] sont de « couleur marron la boue ayant remplacé l'herbe » et précise que cela est consécutif au piétinement des animaux, que le long du chemin rural sur la parcelle [Cadastre 3], la terre est retournée et l'herbe a disparu, que les animaux sont rassemblés, dans la partie centrale de la propriété, devant les mangeoires dont la plupart sont vides, que des vaches boivent dans un petit ruisseau sans avoir de seaux et d'abreuvoirs à disposition, qu'un tracteur en panne est stationné, qu'une mare a été creusée sur la parcelle [Cadastre 5] et que dans la grange, mise à disposition pour stocker du fourrage, sont présents des porcs et des dindes. L'huissier reprend, en outre, les observations faites par son requérant s'agissant notamment de l'entretien des animaux, ce qui ne constitue cependant pas un élément de preuve.

L'examen des photographies qui accompagnent ce constat met effectivement en évidence que la parcelle à proximité des bâtiments est dépourvue d'herbe, tandis que les parcelles tout autour restent verdoyantes, que sur une parcelle sur laquelle se trouve des vaches l'herbe est également inexistante, que des animaux entourent des mangeoires lesquelles ne doivent pas manifestement être totalement vides puisque certains animaux sur les photos sont en train de manger, qu'un tracteur est effectivement stationné sur une parcelle, ainsi que du matériel agricole et que sont présents des animaux dans une grange.

Pour autant aucun des éléments de procès-verbal ni des autres pièces versées au dossier par les appelants ne permet de dire que l'usage fait par le fermier des parcelles ou des bâtiments n'est pas conforme à un usage normal en matière agricole et surtout compromet la bonne exploitation du fonds. Le seul fait que les bailleurs affirment que le parcage des animaux ne fait pas l'objet de suffisamment de rotation, que le piétinement des animaux rend inculte les terres, que l'utilisation de la grange à d'autres fins que du stockage de foin n'est pas conforme à leur accord, ne saurait suffire à démontrer qu'il y a effectivement des manquements du preneur qui compromettent la bonne exploitation du fonds et ce d'autant qu'aucun avis d'un spécialiste en matière agricole n'est donné. Au surplus le constat de l'huissier de justice n'a pas été réitéré ultérieurement et est contredit par celui versé au dossier par M. [S] [W], réalisé en juin 2020, et qui montre des abords de bâtiments propres et entretenus, une parcelle labourée et hersée, la présence d'un tracteur en état de fonctionnement, des clôtures en bon état général de même que les parcelles, lesquelles sont en outre, pour la plupart, recouvertes d'herbes.

Quant aux photographies que les appelants ajoutent au dossier pour démontrer de l'état des parcelles à d'autres dates qu'en janvier 2020, faute de pouvoir être authentifiées quant au moment et au lieu où elle ont été prises, elles n'ont aucune force probante et sont insuffisantes pour démontrer les manquements et négligences invoqués, nul ne pouvant se constituer preuve par soi-même. Il en est de même des courriers rédigés par les parties elles-mêmes.

Enfin, comme l'ont justement relevé les premiers juges, les attestations communiquées de part et d'autre se neutralisent voir se contredisent. Au surplus, les attestations versées au dossier par les appelants, si elles tendent à comparer les méthodes de travail de l'ancien preneur par rapport à celles de M. [S] [W], lequel au regard des descriptions faites serait moins précautionneux que le premier, ne permettent également pas de démontrer que l'exploitation du fonds est compromise. En outre, certaines des attestations tendent davantage à décrire les conséquences et les nuisances pour les bailleurs résidents à proximité des bâtiments et des parcelles louées, ce qui, comme l'a rappelé, à bon droit, le tribunal paritaire des baux ruraux ne saurait se confondre avec l'atteinte à la bonne exploitation du fonds tel que visée par les textes du code rural.

Par ailleurs, M. [S] [W], de son côté, verse au dossier des documents venant justifier qu'il a été victime d'un accident et a fait l'objet d'opérations pouvant expliquer une négligence dans l'entretien des parcelles pendant un certain temps. Pour autant, il remet des attestations démontrant qu'il a sollicité l'aide de son entourage pour faire face à ses obligations de preneur.

Fort de ces éléments, il convient de retenir que c'est de manière parfaitement justifiée que le tribunal paritaire des baux ruraux dans la décision déférée a retenu qu'il n'était pas démontré par les bailleurs que l'exploitation du fonds est compromise et que cela justifie la résiliation du bail à ferme.

Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des appelants et ce tant s'agissant de la résiliation du bail et de l'expulsion du preneur que s'agissant des demandes indemnitaires. La décision entreprise sera, en conséquence, confirmée.

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

M. [S] [W] sollicite la condamnation des consorts [T] au paiement de la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Toutefois, le seul fait pour les appelants d'être déboutés de leurs demandes ne suffit pas à qualifier la procédure engagée d'abusive. Dès lors, en l'absence d'autres éléments venant caractériser le caractère abusif de l'appel, et dès lors que M. [S] [W] ne justifie pas d'un préjudice particulier, autre que la nécessité de se défendre devant la cour d'appel, cette demande de dommages-intérêts ne peut donc aboutir.

4) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient d'accorder à M. [S] [W], contraint d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [T], qui succombent, devront supporter les dépens de l'instance d'appel et ne sauraient bénéficier d'une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevables les demandes nouvelles indemnitaires de M. [S] [W],

Déclare irrecevable la demande des consorts [T] d'expulsion de M. [S] [W] de la parcelle cadastrée [Cadastre 10] sur la commune de [Localité 6],

Confirme le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Annonay en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Déboute M. [S] [W] de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute les consorts [T] de leur demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [T] et Mmes [Z] et [D] [T] à payer à M. [S] [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de d'appel,

Condamne M. [H] [T] et Mmes [Z] et [D] [T] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/00158
Date de la décision : 31/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;21.00158 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award