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30/08/2022 | FRANCE | N°21/04335

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 30 août 2022, 21/04335


ARRÊT N°



N° RG 21/04335 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IISW



CJP



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

17 novembre 2021

RG :21/00373



[Z]

[K]



C/



[R]

[N]



Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 30 AOUT 2022





APPELANTS :



Monsieur [C] [Z]

né le 23 Septembre 1957

à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 8]



Représenté par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Stéphane MICHELI de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me ...

ARRÊT N°

N° RG 21/04335 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IISW

CJP

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

17 novembre 2021

RG :21/00373

[Z]

[K]

C/

[R]

[N]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 30 AOUT 2022

APPELANTS :

Monsieur [C] [Z]

né le 23 Septembre 1957 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Stéphane MICHELI de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clémentine POUSSET, avocat au barreau de PARIS

Madame [U] [K] épouse [Z]

née le 27 Avril 1957 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Stéphane MICHELI de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Clémentine POUSSET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [J] [R]

né le 22 Août 1949 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Margaux EXPERT de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [H] [N]

né le 11 Août 1954 à [Localité 13]

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représenté par Me Henri COULOMBIE de la SCP COULOMBIE-GRAS-CRETIN-BECQUEVORT, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Pierre-Antoine ALDIGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Christine TOURNIER BARNIER de la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 04 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 20 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Août 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 30 Août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

M. [J] [R] est propriétaire d'un ensemble immobilier et d'un bâtiment à usage commercial, situé [Adresse 5], section [Cadastre 1], et [Adresse 2] à [Localité 12] (30).

M. [H] [N] était propriétaire d'un ensemble immobilier qui jouxte une partie de la propriété de M. [J] [R]. Par acte du 15 février 2021, M. [C] [Z] et Mme [U] [A] ép. [Z] ont fait l'acquisition du bien immobilier appartenant à M. [H] [N].

Par acte du 7 juin 2021, M. [J] [R] a fait assigner M. [H] [N] devant le président du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé aux fins, notamment, à titre principal, de le voir condamner à la remise en état des lieux en procédant au rebouchage d'une ouverture, au réaménagement de l'écoulement des eaux de climatisation actuellement orienté sur sa toiture, au démontage de l'antenne parabolique et de la grille d'aération portant sur son terrain, le tout sous astreinte, et subsidiairement de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Les époux [Z] ont été appelés en la cause selon assignation délivrée le 14 septembre 2021. Les deux procédures ont été jointes.

Par ordonnance contradictoire du 17 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Nîmes a :

-condamné les époux [Z] à remettre en état les lieux en procédant au rebouchage de la fenêtre située à l'arrière de leurs bâtiments, au-dessus du bâtiment à usage commercial du fond de M. [J] [R], sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de 2 mois suivant la signification de la présente décision,

-dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 7 décembre 2021, les époux [Z] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 9 décembre 2021, M. [H] [N] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Les deux procédures enregistrées sous les numéros RG 21/04335 et RG 21/04372 ont été jointes par ordonnance du 21 janvier 2022 sous le n° RG 21/04335.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 24 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, les époux [Z], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 662, 675 et suivants, 692 et 693, 1625 et 1626 du code civil, d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :

-à titre principal, rejeter la demande de M. [J] [R] tendant à refermer la fenêtre litigieuse, celle-ci constituant un jour et non une ouverture au sens des dispositions des articles 675 à 680 du code civil, de sorte qu'aucun trouble manifestement illicite n'existe,

-à titre subsidiaire, rejeter la demande de M. [J] [R] tendant à refermer la fenêtre litigieuse dans la mesure où le fond AA [Cadastre 3] leur appartenant bénéficie d'une servitude de vue sur la parcelle AA [Cadastre 4] par destination du père de famille, au sens des dispositions de l'article 693 du code civil de sorte qu'aucun trouble manifestement illicite n'existe,

-à titre infiniment subsidiaire, les autoriser à pratiquer des ouvertures à verre dormant et châssis fixes, sans conditions de dimensions, conformément à la servitude de vue grevant la parcelle cadastrée AA [Cadastre 3] et régulièrement constituée par acte authentique du 7 juillet 1972,

-en tout état de cause,

-rejeter la demande de M. [J] [R], tendant à retirer le bec d'évacuation des eaux, la grille et l'antenne, ce dernier ne justifiant pas d'un trouble manifestement illicite,

-statuer ce que de droit sur les demandes de nomination d'un expert formées par M. [H] [N] et M. [J] [R],

-condamner M. [J] [R] à remettre en état la façade du mur séparatif dont il a unilatéralement modifié l'aspect, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard,

-condamner M. [H] [N] à les garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,

-condamner M. [J] [R] à leur verser la somme de 90 € au titre du remboursement des frais engagés pour fermer la fenêtre litigieuse,

-condamner le même à leur verser la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de leur appel, les époux [Z] font valoir :

-que M. [J] [R] a fondé son action à la fois sur l'article 675 du code civil, qui ne s'applique que si le mur est mitoyen, et sur l'article 676 du même code, qui ne s'applique que si le mur non- mitoyen ; que le caractère mitoyen du mur ne ressort pas de leur acte d'acquisition ; qu'il en est de même de l'acte notarié de division du 7 juillet 1972 de l'immeuble appartenant désormais aux parties ; qu'en l'absence de mention, rien ne permet de déduire que le mur litigieux présente le caractère mitoyen allégué par M. [J] [R] ;

-que le juge des référés n'a pas procédé à une exacte analyse ni des faits de l'espèce ni des pièces produites par M. [J] [R] en première instance ; qu'en effet l'huissier mandaté en 2002 par celui-ci ne s'est pas rendu dans le fonds voisin pour constater la réalité de la vue offerte par la fenêtre litigieuse, pour vérifier les dimensions de celle-ci et en décrire l'accès ; que le procès-verbal de constat d'huissier de 2017 n'est guère plus probant, l'huissier procédant par voie d'affirmation ; que de la même manière le premier juge s'appuie sur une photographie prise par le demandeur pour constater que la fenêtre n'existait pas avant 2002 et ce sans aucune vérification ; que comme atteste le procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 21 décembre 2021 à leur demande, la fenêtre litigieuse n'offre aucune vue sur le fonds voisin ; que l'huissier ne constate qu'une vue sur un toit et le haut d'un mur séparatif ; qu'en outre, l'accès à cette fenêtre nécessite de déplacer le lit, d'apporter un escabeau car l'appui se trouve à une hauteur de 130,5 cm, puis de se pencher sur l'appui de la fenêtre d'une profondeur de 62 cm ; qu'ainsi cette fenêtre ne peut être assimilée à une ouverture mais constitue un simple jour qui ne nécessite pas de consentement du propriétaire voisin ; qu'aucun trouble manifestement illicite n'est démontré ;

-que subsidiairement, il est établi qu'il existait des servitudes de vue permettant de pratiquer des ouvertures ; que les immeubles appartenant aux parties formaient auparavant un tout qui a été divisé en 1972 ; que leur fonds bénéficie ainsi d'une servitude de vue par destination du père de famille, qui vaut titre ; que la fenêtre réinstallée en 2001 par M. [H] [N] préexistée ; qu'au surplus, si M. [J] [R] se prévaut d'une prétendue aggravation de la servitude de vue, il en est le seul responsable, dès lors que la toiture qu'il a fait reconstruire pour la création de son parking couvert a été placée bien en dessous de la toiture d'origine ;

-qu'à titre infiniment subsidiaire, dès lors que la servitude consentie permet la création d'ouverture, ils pourront en tout état de cause être autorisés à pratiquer une ouverture à verre dormant et châssis fixe sur le mur séparatif sans condition de dimension ;

-que s'agissant des autres installations dénoncées, M. [J] [R] ne rapporte pas la preuve d'une atteinte à son droit de propriété et ne démontre ainsi pas l'existence d'un trouble manifestement illicite ;

-que le premier juge a omis de statuer sur leur demande reconventionnelle de remise en état de la façade du mur séparatif unilatéralement modifiée par la partie adverse ; que le mur de la façade nord a été recouvert d'un enduit disgracieux alors qu'il présentait autrefois de belles pierres apparentes ; que cette modification de l'apparence du mur séparatif sans le consentement de M. [H] [N] est une atteinte à leur droit de propriété justifiant la demande de remise en état ;

-que le premier juge a également omis de répondre à leur demande de condamnation de M. [H] [N] à les garantir de toute éventuelle condamnation ; qu'ils ont acquis le bien en toute bonne foi, sachant que M. [H] [N] a déclaré avoir réalisé uniquement des ouvertures de fenêtres existantes et qu'aucun empiètement sur le fonds voisin n'existait au moment de la vente ; que la garantie d'éviction due par le vendeur doit s'appliquer à leur égard ;

-qu'enfin s'agissant de la demande de désignation d'un expert, M. [J] [R] ajoute une nouvelle mission, non sollicitée en première instance ; qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel ; qu'au surplus cette demande repose sur une dénaturation des pièces produites aux débats et sur des suppositions.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 11 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [H] [N], appelant, demande à la cour, de réformer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :

-rejeter la demande présentée par M. [J] [R] aux fins de condamnation des époux [Z] à reboucher l'ouverture effectuée,

-condamner M. [J] [R] à remettre en état la façade nord du bâtiment à usage d'habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section AA n° [Cadastre 3] en supprimant l'enduit appliqué sans autorisation afin de restituer les pierres apparentes dans leur état antérieur,

-à titre subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de préciser les modalités et le coût de remise en état de la façade en pierre apparente par suppression de l'enduit,

-condamner M. [J] [R] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [H] [N] expose :

-que l'ouverture litigieuse a été pratiquée dans un mur qui n'est pas mitoyen, ce mur ne séparant pas deux bâtiments ; que ce mur non mitoyen appartient en pleine propriété aux époux [Z] ; que M. [J] [R] ne précise pas s'il fonde sa demande sur les dispositions de l'article 675 ou de l'article 676 du code civil dont les dispositions sont exclusives l'une de l'autre ; qu'en l'absence de fondement juridique clair, le juge des référés n'est pas mis en capacité de constater l'existence d'un quelconque trouble manifestement illicite ; qu'en outre, l'ouverture litigieuse n'a pas été percée récemment, mais existe depuis la construction initiale du bâtiment, bien qu'ayant été bouchée par un précédent propriétaire ; qu'enfin le fonds bénéficie d'une servitude de vue au titre de la destination du père de famille laquelle est continue et apparente ; que la fenêtre litigieuse était bien existante avant 1972 comme en témoigne le parement en pierre ancienne encadrant la fenêtre litigieuse ;

-que subsidiairement, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée, elle pourra désigner un expert avec pour mission notamment de rechercher la date de création, de rebouchage et de réouverture de la fenêtre litigieuse, ainsi que la date de la division du fonds ;

-que la demande de remise en état de la façade nord de la maison des époux [Z] est justifiée, dès lors que celle-ci présentait autrefois des pierres apparentes, lesquelles depuis ont été masquées par un enduit particulièrement disgracieux, et ce sans qu'il ne donne son autorisation.

M. [J] [R], en sa qualité d'intimé et d'appelant incident, par conclusions en date du 30 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile et 675 et suivants du code civil, de rejeter les appels comme infondés et de :

À titre principal,

-confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné les époux [Z] à remettre en état les lieux en procédant au rebouchage de la fenêtre et l'infirmer en ce qu'elle a rejeté ses autres demandes et, statuant à nouveau :

-condamner les époux [Z] à remettre en état les lieux en procédant au réaménagement de l'écoulement des eaux de climatisation actuellement orienté sur sa toiture et plus généralement à tout élément empiétant sur son fond, au démontage de l'antenne parabolique et de la grille d'aération portant sur son terrain, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

-condamner M. [H] [N] au paiement de la somme de 2 000 € à titre de provision,

-condamner solidairement M. [H] [N] et les époux [Z] à lui porter et payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'instance devant le juge des référés.

Subsidiairement,

-ordonner une mesure d'expertise judiciaire,

-désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission notamment d'examiner de décrire la nature du mur litigieux et la fenêtre litigieuse, d'examiner et décrire l'antenne parabolique, le bec d'évacuation de climatisation et la grille d'aération litigieuse, de conclure sur les troubles dénoncés et de les décrire, de fournir tous les éléments permettant la juridiction de statuer sur les responsabilités des différents défendeurs et les préjudices subis et de préciser si l'ouverture réalisée dans le mur litigieux est plus grande que la fenêtre, en donner les dimensions et dire si elle est conforme aux règles de l'art et menace la solidité de l'ouvrage,

-condamner d'ores et déjà M. [H] [N] à lui porter et payer la somme de 2 000 € à titre de provision sur le préjudice subi.

En toutes hypothèses,

-débouter M. [H] [N] et les époux [Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,

-condamner solidairement M. [H] [N] les époux [Z] à lui porter et payer la somme de 3 000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [J] [R] fait valoir :

-que M. [H] [N] a installé, sans autorisation préalable et au mépris des règles les plus élémentaires, une fenêtre à châssis mobile et verre non opaque, d'environ 1 m de haut sur 65 cm de large, dans un mur joignant directement son fonds ; que de cette fenêtre, il est possible de voir son jardin et sa piscine, ainsi que la toiture de l'un de ses bâtiments et une petite allée attenante ; que cette fenêtre, contrairement à ce que soutiennent les appelants, constitue bien une vue donnant directement sur son fond ; que cette fenêtre litigieuse n'existe pas depuis la construction initiale du bâtiment, M. [H] [N] reconnaissant être à l'origine de cette ouverture ; que l'argumentation selon laquelle cette ouverture existait avant les années 70, n'a aucune incidence sur le bien-fondé des demandes, sauf à renforcer l'argumentation s'agissant du trouble manifestement illicite puisque si des ouvertures sont condamnées, c'est en général précisément parce qu'elles deviennent gênantes pour le voisinage immédiat ; qu'enfin, il n'existe aucune servitude de vue acquise, l'ouverture ayant moins de 30 ans, n'ayant fait l'objet d'aucun accord et ayant été créée très postérieurement à la division du fonds intervenue dans les années 1970 ;

-que s'agissant des autres éléments litigieux, le procès-verbal de constat d'huissier démontre le trouble manifestement illicite et ce d'autant que ces installations n'ont pas pu être réalisées sans pénétrer à l'intérieur de son fonds et sans son autorisation ;

-subsidiairement, la désignation d'un expert s'impose si la juridiction s'estime insuffisamment informée ; que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la demande de mission relative à la dimension de l'ouverture d'ores et déjà réalisée, par rapport à la taille de la fenêtre, ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel, mais uniquement une précision relative à la mission de l'expert, sachant que la cour est souveraine dans la détermination de la mission de ce dernier ;

-que la demande de provision se justifie au regard des abus commis par M. [H] [N] qui lui porte directement préjudice ;

-que s'agissant de la la demande reconventionnelle, le mur litigieux ne donne pas sur la propriété des époux [Z] ; que cette demande est infondée, dès lors que l'enduit était déjà présent lorsqu'il a fait l'acquisition de son bien immobilier.

La clôture de la procédure est intervenue le 20 juin 2022, date à laquelle l'affaire a été appelée pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 30 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) Sur la demande de suppression de la fenêtre :

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Sur ce fondement et à l'appui des articles 675 et suivants du code civil, M. [J] [R] a saisi le juge des référés aux fins de voir condamner les époux [Z] à procéder au rebouchage de l'ouverture pratiquée sur le mur séparant les fonds des parties.

L'article 675 du code civil dispose que l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant. Tandis que l'article 676 du même code stipule que le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant, lesquelles doivent être garnies d'un treillis de fer dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus et d'un châssis à verre dormant.

M. [H] [N], propriétaire de l'immeuble jouxtant celui de M. [J] [R] jusqu'en février 2021, ne conteste pas l'existence d'une ouverture sur le mur séparant les deux propriétés. Toutefois, il soutient, comme le font les époux [Z], d'une part, qu'il n'est pas démontré que le mur litigieux est mitoyen et, d'autre part, qu'il bénéficie d'une servitude de vue au titre de la destination du père de famille consécutive à la division du bien immobilier appartenant aux parties, réalisée en 1972.

En application des dispositions susvisées, selon la nature du mur litigieux, la possibilité pour M. [H] [N], puis les époux [Z], de bénéficier d'une ouverture diffère ; ainsi si ce mur est mitoyen aucune ouverture ne peut être réalisée sans l'accord du voisin et s'il n'est pas mitoyen, seules des ouvertures respectant certaines modalités sont autorisées. Également, l'existence ou non d'une servitude de vue par destination du père de famille du fait de la division du fonds est un élément essentiel pour déterminer la licéité de l'ouverture contestée.

Le premier juge a considéré que l'ouverture de la fenêtre litigieuse en 2001 n'ayant pas recueilli le consentement de M. [J] [R] contrevenait aux dispositions de l'article 675 du code civil et que la servitude de vue invoquée n'était pas démontrée et a, ainsi, constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonné la suppression de ladite ouverture.

Cette décision ordonnant la suppression de l'ouverture suppose que le mur litigieux est mitoyen, or au regard des éléments du dossier, rien ne permet de déterminer la nature dudit mur. Il en est de même s'agissant de l'existence ou non d'une servitude de vue. Pour autant, la connaissance de ces information est déterminante pour dire si la demande de remise en état formulée par M. [J] [R] est justifiée et préciser les éventuelles modalités de cette remise en état. Il ne saurait y avoir de troubles illicites si l'ouverture faite par M. [H] [N] est légitime et la condamnation à la remise en état ne saurait prendre la forme d'une suppression de la fenêtre si le mur n'est pas mitoyen.

A titre subsidiaire, M. [J] [R] sollicite une mesure d'expertise.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il résulte de ce qui précède qu'il existe un motif légitime à ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer la nature du mur litigieux et rechercher si l'immeuble appartenant aux époux [Z] bénéficie d'une servitude de vue et d'apporter ainsi les informations nécessaires pour trancher le litige qui oppose les parties. Il apparaît également légitime de demander à l'expert de préciser la dimension de l'ouverture réalisée sur le mur litigieux par rapport à la taille de la fenêtre afin de permettre de résoudre le litige relatif à la licéité la dite ouverture. Cette demande ne peut aucunement être qualifiée de demandes nouvelles en cause d'appel, tenant son lien étroit avec le présent litige. Rien ne justifie, en revanche, de donner pour mission à l'expert de dire si cette ouverture menace la solidité de l'ouvrage, dès lors que ce point n'a jamais été évoqué jusque-là, M. [J] [R] faisant uniquement état de la possibilité ou non d'installer une fenêtre sur le mur séparant les fonds les parties, sans qu'il soit question d'un désordre quelconque sur ledit mur ou d'une atteinte à sa solidité. Au demeurant, M. [J] [R] n'apporte aucun élément venant conforter cette demande et dire que la solidité du mur a été atteinte.

En conséquence, la décision de condamner les époux [Z] à reboucher la fenêtre située à l'arrière de leurs bâtiments sera réformée et il sera fait droit à la demande subsidiaire de M. [J] [R] aux fins d'expertise judiciaire. L'expertise sera faite aux frais avancés de M. [J] [R], demandeur à l'expertise en première instance.

2) Sur la demande de suppression de l'écoulement des eaux de climatisation, de démontage de l'antenne parabolique et de la grille d'aération :

A l'appui des articles 835 du code de procédure civile, M. [J] [R] a, également, sollicité du juge des référés la condamnation des époux [Z] à réaménager l'écoulement des eaux de climatisation orienté sur sa toiture et plus généralement à tout élément empiétant sur son fond, à démonter l'antenne parabolique et la grille d'aération portant sur son terrain.

Le premier juge, constatant, d'une part, que le procès-verbal de constat d'huissier de justice produit était ancien (2017) et, d'autre part, qu'il n'était avancé par M. [J] [R] aucune violation d'une règle de droit permettant de caractériser un trouble manifestement illicite, ni aucune démonstration de dommage imminent.

En cause d'appel, M. [J] [R], à l'appui de son appel incident, n'apporte pas davantage d'élément pour justifier cette demande et ne produit pas de pièces supplémentaires. Le seul fait d'affirmer, sans preuve, que ces éléments n'ont pu être installés qu'en pénétrant sur sa propriété sans autorisation ne saurait également suffire à démontrer l'existence d'un trouble manifestement illégitime ni d'un dommage imminent.

C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes, M. [J] [R] étant défaillant dans la démonstration de ce que les conditions de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile sont remplies. Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas justifier d'étendre la mission de l'expertise à ces éléments contestés par M. [J] [R].

3) Sur la demande reconventionnelle de remise en état du mur en pierre :

Également sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, les appelants sollicitent la condamnation de M. [J] [R] à remettre en état le mur séparant les deux propriétés et qui constitue la façade nord de la maison acquise par les époux [Z]. Les appelants soutiennent que ce mur était en pierre apparente et qu'il a été enduit par M. [J] [R] sans autorisation de leur part.

Cependant, les pièces produites par les appelants pour justifier leur demande ne permettent aucunement de considérer comme démontrer que le mur était en pierre apparente. En effet, les déclarations de travaux que les appelants visent comme élément de preuve sont largement insuffisants pour apporter cette démonstration, dès lors qu'il n'est nullement fait état d'une façade précédemment en pierre. Le document tamponné de la mairie de [Localité 12] du 14 novembre 2002, fait état de « murs en pierres qui seront rejointés » sans pour autant qu'il soit possible de dire ces murs correspondent au mur litigieux. Quant à la déclaration de travaux visée par M. [H] [N] en date du 2 août 2004, elle n'apporte aucun élément probant. Enfin, la lecture du courrier rédigé par M. [H] [N] le 21 août 2003 à l'attention de M. [J] [R] semble davantage démontrer que le mur litigieux était déjà enduit, puisque son rédacteur indique que son intention était « de remettre à nu la pierre ».

Tenant ces éléments, et en l'absence de preuve d'une atteinte à leur propriété et donc d'un trouble manifestement illicite, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande des appelants de ce chef. Il n'apparaît également pas justifier, au regard de ces éléments, d'étendre la mission de l'expertise à ce chef de demande.

4) Sur la demande aux fins de condamnation de M. [H] [N] à garantir les époux [Z] de toutes condamnations à leur encontre :

La décision de première instance étant réformée et aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre des époux [Z], il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande de garantie par M. [H] [N] dans la présente instance.

5) Sur la demande de provision :

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

À l'appui de ces dispositions, M. [J] [R] sollicite une provision à hauteur de 2000 € en réparation du préjudice subi. Toutefois, bien qu'affirmant que les abus des appelants lui causent un préjudice, il ne justifie ni même ne précise la nature du préjudice qu'il prétend subir. Aucune pièce ne vient soutenir cette demande.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

6) Sur la demande de remboursement des frais exposés pour le rebouchage de la fenêtre :

La cour d'appel ayant réformé l'ordonnance entreprise s'agissant de la fenêtre litigieuse et une expertise étant ordonnée sur ce point, il n'apparaît pas à ce stade justifier de faire droit à cette demande.

7) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, chacune des parties succombant pour partie dans ses demandes, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs, chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 17 novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nîmes, en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant condamné les époux [Z] à remettre en état les lieux en procédant rebouchage de la fenêtre située à l'arrière de leurs bâtiments, au-dessus du bâtiment à usage commercial du fond de M. [J] [R], sous astreinte ;

Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,

Ordonne une expertise,

Commet en qualité d'expert :

M. [B] [L]

[Adresse 9]

[Localité 6]

[Courriel 11]

Avec pour mission de :

- prendre connaissance des éléments du dossier,

- convoquer les parties et recueillir leurs observations,

- se rendre sur les lieux à [Localité 12] [Adresse 5] sur les parcelles cadastrées section AA n°[Cadastre 4] et [Cadastre 3],

- entendre tout sachant et se faire délivrer tous les documents utiles à sa mission,

- examiner et décrire la nature du mur litigieux au regard de sa configuration et les documents produits et préciser s'il s'agit d'un mur mitoyen ou non-mitoyen,

- examiner et décrire la fenêtre litigieuse,

- préciser si l'ouverture réalisée dans le mur litigieux est plus grande que la fenêtre et en donner les dimensions,

- dire, au regard des actes notariés produits et de tout autre document utile, s'il existe une servitude de vue par destination du père de famille, s'agissant du mur litigieux et de l'ouverture litigieuse,

- décrire les éventuels préjudices subis par M. [J] [R] et donner tout élément permettant éventuellement et ultérieurement au juge du fond de les chiffrer,

- plus généralement, fournir tous les éléments permettant à la juridiction de statuer sur la responsabilité des parties et les éventuels préjudices subis,

- soumettre son pré-rapport aux parties,

- rapporter au tribunal l'accord éventuel qui pourrait intervenir entre les parties, et à défaut, déposer son rapport dans les délais les plus brefs,

- apporter tous éléments de nature a éclairer le tribunal sur la résolution du litige.

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, qu'il pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix à charge d'en informer préalablement le juge commis ci-après,

Dit que M. [J] [R] versera par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances du tribunal judiciaire de Nîmes une consignation de 2 000 € à valoir sur la rémunération de l'expert et ce dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, service des référés,

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du code de procédure civile,

Dit que l'expert devra déposer auprès du greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, service des référés, un rapport détaillé de ses opérations dans les quatre mois de sa saisine et qu'il adressera copie complète de ce rapport, y compris la demande de fixation de rémunération à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile,

Précise qu'une photocopie du rapport sera adressé à l'avocat de chaque partie,

Précise que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé,

Dit que les opérations d'expertise seront suivies par le juge chargé du contrôles des expertises du tribunal judiciaire de Nîmes,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de la remise en état du mur Nord de la propriété des époux [Z],

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de garantie des époux [Z] par M. [H] [N],

Rejette la demande relative aux frais de rebouchage de la fenêtre,

Rejette la demande de provision formulée par M. [J] [R],

Déboute M. [J] [R] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les époux [Z] de leur demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [H] [N] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/04335
Date de la décision : 30/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-30;21.04335 ?
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