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30/08/2022 | FRANCE | N°21/02351

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 30 août 2022, 21/02351


ARRÊT N°



N° RG 21/02351 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICVO



CJP



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

26 mai 2021

RG :20/00275



S.C.I. TETRALEMMA



C/



[X]



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 30 AOUT 2022







APPELANTE :



S.C.I. TETRALEMMA

inscrite au RCS de Nîmes

sous le numéro 423 534 510,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, Madame [P] [M], domiciliée es qualité au dit siège.

Lieu dit [Adresse 9]

[Adresse 13]

[Localité 1]



Représentée par Me Frédéric ORTEGA de la SELARL FREDERIC ORTEGA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avoca...

ARRÊT N°

N° RG 21/02351 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICVO

CJP

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

26 mai 2021

RG :20/00275

S.C.I. TETRALEMMA

C/

[X]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 30 AOUT 2022

APPELANTE :

S.C.I. TETRALEMMA

inscrite au RCS de Nîmes sous le numéro 423 534 510,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, Madame [P] [M], domiciliée es qualité au dit siège.

Lieu dit [Adresse 9]

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric ORTEGA de la SELARL FREDERIC ORTEGA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ALES, substitué par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [B] [X]

né le 13 Décembre 1953 à COLONY

[Adresse 8]

[Adresse 11]

57340 SUISSE

Représenté par Me Carmelo VIALETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTERVENANTS

Monsieur [S] [R] [Y]

venant aux droits de Monsieur [B] [X] uniquement en sa qualité de nouveau propriétaire de l'immeuble objet du litige sis [Adresse 10])

INTERVENANT VOLONTAIRE

né le 01 Mai 1974 à [Localité 14]

[Adresse 6]

BRUXELLE (BELGIQUE)

Représenté par Me Carmelo VIALETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [K] [H] [V]

venant aux droits de Monsieur [B] [X] uniquement en sa qualité de nouveau propriétaire de l'immeuble objet du litige sis [Adresse 10])

INTERVENANTE VOLONTAIRE

née le 20 Février 1973 à [Localité 12]

[Adresse 6]

BRUXELLE (BELGIQUE)

Représentée par Me Carmelo VIALETTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture du 13 Juin 2021, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 20 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Août 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 30 Août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

M. [B] [X] est propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse 10] (30) répertorié sur le cadastre sous les numéros [Cadastre 3], [Cadastre 2], 431, 430, 496 et 61.

Cette propriété est adjacente côté ouest à celle appartenant à la SCI TETRALEMMA, gérée par Mme [P] [M], cadastrée sous les numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Par acte du huissier de justice délivrée le 25 mai 2020, M. [B] [X] a fait assigner la SCI TETRALEMMA devant le temps du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé.

Par ordonnance contradictoire du 26 mai 2021, le président du tribunal judiciaire de Nîmes a :

-condamné la SCI TETRALEMMA, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du trentième jour de retard suivant la signification de l'ordonnance, à libérer sur son fond, le long du mur ouest du logement de jardinier, propriété de M. [X], une bande de terrains de 2 mètres, libre de toute construction, afin de rétablir l'assiette de la servitude de tour d'échelle telle qu'elle est prévue par le titre de propriété,

-condamné la SCI TETRALEMMA, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification de la décision, à rétablir M. [X] dans son droit de propriété, en supprimant l'empiétement résultant de l'antenne parabolique venant aux surplombs du toit du logement de jardinier,

-dit n'y avoir lieu à référé sur la demande relative à la servitude de vue,

-débouté la SCI TETRALEMMA de sa demande de dommages-intérêts,

-condamné la SCI TETRALEMMA à payer à M. [X] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 18 juin 2021, la SCI TETRALEMMA a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

La SCI TETRALEMMA, en sa qualité d'appelante, par conclusions en date du 17 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour de :

-M. [B] [X] ayant perdu tout droit à agir depuis la vente du 19 novembre 2021 et les époux [Y] ayant écrit le 12 mars 2022 qu'ils entendaient renoncer au bénéfice de l'ordonnance du 26 mai 2021, réformant partiellement l'ordonnance entreprise, débouter M. [B] [X] et les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions au titre de leur appel incident,

-réformer l'ordonnance dont appel des dispositions lui faisant grief et débouter M. [B] [X] de ses demandes relatives à la servitude de vue, celui-ci ayant perdu tout intérêt à agir et les époux [Y] ayant renoncé au bénéfice de l'ordonnance,

-débouter M. [B] [X] de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 2949,20€ au titre des frais irrépétibles,

-à titre reconventionnel, condamner M. [B] [X] à payer à Mme [P] [M] la somme de 5000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

-condamner M. [B] [X] à lui porter et payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Frédéric Ortega, avocat soussigné, sur ses affirmations de droit.

Au soutien de son appel, la SCI TETRALEMMA expose :

-que M. [B] [X] n'est plus propriétaire du château et a donc perdu tout intérêt à agir ; que M. [B] [X] ne peut pas demander à la cour de liquider une quelconque astreinte puisque le juge des référés ne s'est pas réservé cette possibilité ; que les époux [Y], quant à eux, ont indiqué renoncer au bénéfice de l'ordonnance du 26 mai 2021 ;

-que s'agissant de la servitude de tour d'échelle, les dispositions contenues dans l'acte de partage des 21 et 24 décembre 1974 et 24 janvier 1975, n'ont jamais été exécutées ; qu'elle produit d'ailleurs une photographie datée du 18 juillet 1999 qui démontre parfaitement l'existence des constructions et toitures accolées à l'ancien logement du jardinier ; qu'il est également attesté que ces constructions, que M. [B] [X] prétend pouvoir faire détruire, ont toujours été adossées à la façade du château au moins depuis les années 1980 c'est-à-dire depuis plus de 40 ans ; qu'au surplus, il s'agit d'une servitude temporaire ; que M. [B] [X] ne rapporte, en outre, pas la preuve du caractère indispensable des travaux à réaliser et de la nécessité d'accéder au fonds voisin ; qu'également, tel que le constate l'huissier de justice mandaté la servitude de tour d'échelle pourrait tout à fait être praticable en installant un échafaudage sur la toiture ou en se servant de harnais permettant de descendre du toit ; qu'enfin le premier juge a ajouté au texte de la constitution de la servitude, dès lors que le titre de propriété prévoit l'existence de l'assiette de la servitude de tour d'échelle comme une bande de deux mètres de large parallèle au bâtiment, sans préciser que cette bande de deux mètres doit être libre de toute construction, comme l'a fait le premier juge statuant ainsi ultra petita ;

-que s'agissant de l'antenne parabolique et de l'empiétement prétendu, M. [B] [X] ne rapporte pas la preuve que ladite antenne déborderait au-dessus de sa propriété, un simple procès-verbal de constat d'huissier pris depuis le sol, et non pas sur la toiture, ne saurait être suffisant ;

-qu'elle se désiste de toutes ses demandes visant à obtenir la condamnation sous astreinte de M. [S] [Y] et Mme [K] [V] de la suppression de la caméra de surveillance qui surplombe sa propriété ;

-que Mme [P] [M] a été particulièrement choquée par les menaces dont a fait l'objet son petit-fils ; qu'elle fait preuve de l'attitude fautive de M. [B] [X] consistant en un harcèlement judiciaire dont elle est victime depuis maintenant plus de deux ans ; qu'elle justifie d'un syndrome anxio-dépressif ayant nécessité un traitement médicamenteux.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 13 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [B] [X], intimé, M. [S] [Y] et Mme [K] [V], intervenants volontaires, demandent à la cour, au visa des articles 544, 552 et 701 du code civil, 554, 700, 835, 960 et 961 du code de procédure civile, de :

-déclarer recevable l'intervention volontaire des époux [Y],

-donner acte aux époux [Y] de ce qu'ils n'entendent pas se prévaloir de la décision du 21 mai 2021 rendue par la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Nîmes,

-constater le désistement des époux [Y] de leur appel incident relatif aux servitudes de vues,

-constater le droit à agir en cause d'appel de M. [B] [X] pour la période antérieure au 18 novembre 2021,

-constater le droit à agir en cause d'appel de M. [B] [X] à l'encontre de toutes les demandes faites par la SCI TETRALEMMA à son encontre,

-ce faisant, confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a condamné la SCI TETRALEMMA, sous astreinte de 200 € par jour de retard, à compter du 30e jour suivant la signification, à libérer sur son fond le long du mur ouest du logement de jardinier, qui était à l'époque sa propriété, une bande de terrains de 2 mètres, libre de toute construction, afin de rétablir l'assiette de servitude de tour d'échelle telle qu'elle est prévue par le titre de propriété,

-en cause d'appel, indiquer que l'astreinte fixée a couru en sa faveur à compter du 30e jour suivant la signification jusqu'au 18 novembre 2021,

-confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a condamné la SCI TETRALEMMA sous astreinte de 200 € par jour à compter du 30e jour suivant la signification de la décision, à rétablir M. [B] [X] dans son droit de propriété en supprimant l'empiétement résultant de l'antenne parabolique venant aux surplombs du toit du logement de jardinier,

-en cause d'appel, indiquer que l'astreinte a couru en sa faveur à compter du 30e jour suivant la signification jusqu'au 18 novembre 2021,

-confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus,

-constater son désistement de l'appel incident relatif aux servitudes de vue,

-débouter la SCI TETRALEMMA de toutes ses demandes fins et conclusions,

-condamner la SCI TETRALEMMA à lui payer la somme de 3 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [B] [X], M. [S] [Y] et Mme [K] [V] font valoir :

-que les époux [Y] sont intervenus à l'instance en leur qualité de nouveaux propriétaires afin de faire valoir leurs droits attachés à l'immeuble acquis le 19 novembre 2021 ; qu'en cours de procédure, ils ont manifesté l'intention, dans un souci de bon voisinage, de ne plus solliciter de demandes à l'encontre de la SCI TETRALEMMA et de renoncer à se prévaloir de l'ordonnance entreprise ; que pour le temps qui s'est écoulé entre le 26 mai 2021, date de l'ordonnance déférée exécutoire par provision, et le 18 novembre 2021, la décision contestée à créer des droits au bénéfice de M. [B] [X] pour le temps où il était encore propriétaire ; que son droit à agir est manifeste et qu'il dispose du droit légitime de voir confirmer l'ordonnance critiquée pour cette période ;

-que la servitude de tour d'échelle, telle qu'elle résulte de l'acte de propriété, n'a pas été respectée à l'ouest ; qu'il apparaît, en effet, que la SCI TETRALEMMA a érigé trois constructions adossées sur le mur ouest du logement du jardinier ; que ces constructions ne respectent pas la bande de 2 mètres devant être laissée libre le long du mur ouest de ce logement ; que ces constructions érigées par la SCI TETRALEMMA, en ce qu'elles violent la servitude conventionnelle de tour d'échelle stipulée dans l'acte de propriété au profit du fonds ayant appartenu à M. [B] [X], constituent un trouble manifestement illicite ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, les constructions litigieuses adossées à la maison du jardinier constituent des reconstructions récentes, dans des proportions différentes et datant de moins de 30 ans ; que la SCI TETRALEMMA a tenté de créer la confusion entre les titres et les photographies ; qu'enfin l'argument selon lequel il doit être démontré que les travaux sont indispensables et l'accès au fonds voisin incontournable est inopérant, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une demande de servitude de tour d'échelle judiciaire ;

-que s'agissant de la suppression de l'empiétement résultant de l'antenne parabolique, il est établi par procès-verbal de constat d'huissier que celle-ci est implantée à la hauteur du faîte de la toiture du bâtiment « logement de jardinier » et qu'elle avance sur une largeur d'environ deux tuiles en surplomb de sa toiture ; que la pose de cette antenne constitue une atteinte aux droits de propriété des intimés et donc un trouble manifestement illicite ;

-qu'enfin, concernant la demande reconventionnelle au titre du préjudice personnel de Mme [P] [M], il n'appartient pas à la SCI TETRALEMMA de solliciter des dommages intérêts pour un tiers, Mme [P] [M] n'étant pas partie à l'instance ; qu'au surplus les éléments produits ne permettent pas de démontrer que le syndrome anxio-dépressif, dont il est fait état, est la conséquence de la présente procédure.

La clôture de la procédure est intervenue le 20 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 juin 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 30 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'intervention volontaire des époux [Y] et l'intérêt à agir de M. [B] [X] :

De prime abord, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire des époux [Y] ceux-ci ayant fait l'acquisition, le 19 novembre 2021, de la propriété appartenant à M. [B] [X].

M. [B] [X], conserve, quant à lui, un intérêt à soutenir ses demandes, d'une part, car la cour d'appel doit trancher le litige au jour où l'ordonnance a été rendue, les circonstances survenues postérieurement à la décision attaquée ne faisant pas disparaître son intérêt à soutenir ses prétentions et, d'autre part, celui-ci étant demeuré propriétaire de l'ensemble immobilier en cause jusqu'au 18 novembre 2021.

Sur le fond :

La cour, comme l'était le premier juge, est saisie sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, aux termes duquel le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Sur la servitude de tour d'échelle :

Comme justement relevé par l'ordonnance critiquée, l'acte notarié en date du 15 mai 2018, par lequel M. [B] [X] a fait l'acquisition de la propriété sise à [Adresse 10], fait état, notamment, d'une servitude de tour d'échelle constituée au terme d'une liquidation partage des 21 et 24 décembre 1974 et 24 janvier 1975, entre le château et ses dépendances, d'une part, et la ferme attenante, d'autre part, appartenant désormais à la SCI TETRALEMMA. Il est, ainsi, disposé : « pour permettre (') d'entretenir réparer et le cas échéant reconstruire la dépendance anciennement à usage de logement du jardinier ('), de convention expresse ces servitudes de tour d'échelle qui comprennent également le droit de déposer sur l'ensemble de leurs assiettes tous les matériaux nécessaires à l'entretien, la réparation éventuellement la reconstruction des bâtiments sont limitées, quant à leur étendue, à une bande de terrains de deux mètres de large, parallèle auxdits bâtiments ».

Cette servitude, qui est rappelée dans l'acte de vente au profit de la SCI TETRALEMMA en date du 31 mars 1999, est opposable à cette dernière.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette servitude de tour d'échelle est conventionnelle et il n'est donc nullement nécessaire pour les intimés de rapporter la preuve du caractère indispensable des travaux à réaliser et de la nécessité d'accéder au fonds voisin.

La SCI TETRALEMMA soutient, également, que les constructions adossées à la façade de l'ancien logement de jardinier ont été réalisées il y a plus de 30 ans.

Il appartient au propriétaire du fonds servant qui soutient que la servitude est éteinte par le non-usage pendant 30 ans d'en rapporter la preuve. Or en l'espèce, les documents produits par l'appelante ne permettent aucunement de déterminer la date de construction des aménagements réalisés sur la servitude de tour d'échelle, tenant l'impossibilité de dater les photos produites et tenant l'imprécision des attestations versées au dossier. Il en résulte que la SCI TETRALEMMA est défaillante dans la démonstration que cette extinction de la servitude. Au surplus, comme l'indique le premier juge, la servitude de tour d'échelle contestée est rappelée dans les actes de vente de 1999 et de 2018 et il appartenait donc aux parties ayant acquis les biens grevés de ladite servitude de se mettre en conformité avec cette charge, dès lors que cette servitude est revendiquée dans leurs actes d'acquisition, lesquels datent de moins de 30 ans.

Enfin, l'appelante soutient qu'il est possible d'user de la servitude de tour d'échelle en dépit de la présence des dites constructions en installant un échafaudage sur la toiture ou en se servant de harnais permettant de descendre du toit. Cet argument ne saurait sérieusement être retenu dès lors, d'une part, que la proposition faite ne respecte pas la description de la servitude telle qu'elle résulte des actes notariés et, d'autre part, que cette proposition est faite en violation de l'article 701 du Code civil aux termes duquel le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui rende celle-ci plus incommode.

Force est de constater à la lecture des actes notariés que le propriétaire du fonds dominant, M. [B] [X] jusqu'au 18 novembre 2021 et les époux [Y] à compter du 19 novembre 2021, doivent, en exécution de la servitude tour d'échelle, disposer d'une bande de 2 mètres de large sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 7] appartenant à la SCI TETRALEMMA afin de pouvoir y déposer les matériaux nécessaires à l'entretien, la réparation éventuellement la reconstruction de l'ancien logement du jardinier. Or les constructions réalisées à cet endroit rendent la façade ouest dudit logement des intimés inaccessibles et empêchent ainsi l'exercice normal de la servitude tour d'échelle. Il en résulte un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant le rétablissement de la bande de deux mètres de large.

C'est, en conséquence, à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande de M. [B] [X] de ce chef. Le premier juge n'a aucunement statué ultra petita en exigeant que cette bande de terrain de deux mètres demeure libre de toute construction, dès lors que cette condition est indispensable pour l'exercice normal de la servitude de tour d'échelle.

Cette décision sera, en conséquence, confirmée.

Le premier juge a assorti la condamnation d'une astreinte afin d'assurer la bonne exécution de sa décision. Cependant les éléments de l'espèce permettent de constater que M. [S] [Y] et Mme [K] [V], nouveaux propriétaires du château, n'entendent pas se prévaloir de cette condamnation et en exiger l'exécution. Au surplus, M. [B] [X] ne justifie d'aucun préjudice spécifique résultant du défaut d'exécution de l'ordonnance entreprise par la SCI TETRALEMMA. Il en résulte qu'il n'apparaît désormais plus justifier de maintenir l'astreinte prononcée par le premier juge. La décision sera, dès lors, réformée de ce chef.

Sur l'empiétement résultant de l'installation d'une antenne parabolique :

Par de justes motifs que la cour adopte, le premier juge a constaté, à la lecture du procès-verbal de constat d'huissier versé au dossier que l'antenne parabolique installée par la SCI TETRALEMMA empiétait partiellement sur la propriété de M. [B] [X]. L'appelante estime que le premier juge s'est fondé sur des éléments de preuve insuffisants, pour autant elle ne produit aucune pièce venant démontrer que les constatations faites par l'huissier de justice mandaté par M. [B] [X] sont erronées.

Force est de constater que le trouble manifestement illicite est effectivement constitué du fait de cet empiétement et que c'est à bon droit que l'ordonnance déférée a ordonné la suppression de l'empiétement résultant de l'antenne parabolique.

Pour les mêmes motifs que ceux visés plus avant, la condamnation à une astreinte aux fins d'assurer la bonne exécution de la décision ne sera pas confirmée.

Sur la demande au titre de la servitude de vue et au titre de la caméra de surveillance :

La cour constatera que les parties se désistent de leurs demandes à ces titres.

Sur la demande de condamnation à des dommages-intérêts au profit de Mme [P] [M] :

C'est également de manière parfaitement justifiée que l'ordonnance entreprise a relevée que Mme [P] [M] n'était pas dans la cause et que ses intérêts ne pouvaient se confondre avec ceux de la SCI TETRALEMMA, seule partie attraite dans la présente procédure.

La décision rejetant la demande de l'appelante de ce chef doit, en conséquence, être confirmée.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, la SCI TETRALEMMA, qui succombe dans ses prétentions principales, devra supporter les dépens de l'instance d'appel.

L'équité ne commande pas, en revanche, de faire droit aux demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de M. [S] [Y] et Mme [K] [V],

Dit que M. [B] [X] conserve un intérêt à soutenir ses prétentions dans la présente instance,

Confirme les dispositions de l'ordonnance de référé rendue le 26 mai 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nîmes, à l'exception de celles ayant assorti les condamnations d'une astreinte,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte et ce tant pour la condamnation prononcée au titre de la servitude de tour d'échelle que pour la condamnation prononcée au titre de l'empiétement par l'antenne parabolique,

Constate que M. [B] [X] et M. [S] [Y] et Mme [K] [V] se désistent de leur demande relative aux servitudes de vue,

Constate que la SCI TETRALEMMA se désiste de sa demande relative à la caméra de surveillance,

Déboute la SCI TETRALEMMA de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [B] [X] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI TETRALEMMA aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/02351
Date de la décision : 30/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-30;21.02351 ?
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