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25/08/2022 | FRANCE | N°22/00932

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 22/00932


ARRÊT N°



N° RG 22/00932 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IL2R



MAM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

06 novembre 2017

RG:11/04272



[B]

[N]



C/



[Adresse 13]

[O]

[A]

[Adresse 13]





























Grosse délivrée

le

à SCP Coudurier Chamski

Me Ramel

SCP BCEP

















COUR D'APPE

L DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 AOUT 2022







APPELANTS :



Monsieur [Y] [B]

né le 19 Janvier 1953 à [Localité 18]

7. [Adresse 17]

[Localité 14]



Représenté par Me Jacques COUDURIER de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES



Madame [H] [N] épouse ...

ARRÊT N°

N° RG 22/00932 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IL2R

MAM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

06 novembre 2017

RG:11/04272

[B]

[N]

C/

[Adresse 13]

[O]

[A]

[Adresse 13]

Grosse délivrée

le

à SCP Coudurier Chamski

Me Ramel

SCP BCEP

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTS :

Monsieur [Y] [B]

né le 19 Janvier 1953 à [Localité 18]

7. [Adresse 17]

[Localité 14]

Représenté par Me Jacques COUDURIER de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [H] [N] épouse [B]

née le 29 Juillet 1956 à MARRAKECH (MAROC)

7. [Adresse 17]

[Localité 14]

Représentée par Me Jacques COUDURIER de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [S] [M] [R]

né le 06 Janvier 1969 à [Localité 11]

[Adresse 16]

[Localité 14]

Représenté par Me Laurence RAMEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [L] [O]

assignée à sa personne le 26 septembre 2018

née le 25 Avril 1971

Actuellement [Adresse 3]

[Localité 4]

Monsieur [P] [A]

né le 06 Avril 1966 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 14]

Représenté par Me Geoffrey PITON de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [J] [R] épouse [A]

assignée à étude d'huissier le 26 septembre 2018

[Adresse 5]

[Localité 14]

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 07 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 07 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 août 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 24 décembre 2003, M. [S] [R] et Mme [L] [O] ont acheté conjointement un terrain à bâtir cadastré sous la section D n°[Cadastre 2] d'une superficie de 1200 m², situé sur la commune de [Localité 14] (Gard).

L'acte de vente précisait qu'une servitude de passage avait été constituée sur une largeur de 4 mètres, pour partie sur la parcelle n°[Cadastre 7] et pour partie sur la parcelle n°[Cadastre 1] vendue aux époux [A].

La parcelle D [Cadastre 2] acquise par M. [R] et Mme [O] et la parcelle D [Cadastre 1] acquise par les époux [A] proviennent de la division d'une ancienne parcelle D n°[Cadastre 9] d'une superficie de 3750 m² ayant appartenu à M. [D].

M. [R] et Mme [O] ont fait construire une maison et une piscine mais alléguant de difficultés à manoeuvrer leurs véhicules sur la servitude de passage qui leur permettait d'accéder à leur fonds, ils ont assigné au mois de juillet 2011, tous les propriétaires des parcelles voisines : M. et Mme [A], M. et Mme [B], les consorts [T]-[G] [W].

Par jugement mixte du 9 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Nîmes :

- a déclaré M. [R] et Mme [O] partiellement enclavés dans la première partie du chemin faisant l'objet de la servitude de passage cadastrée section D n°[Cadastre 7],

- a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [K] [U] ,

- a débouté M. [R] et Mme [O] de leurs demandes visant à condamner les époux [A] à la démolition du mur situé au nord-est de la parcelle,

- a débouté les époux [A] de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. [R] et de Mme [O],

- a réservé les dépens et les demandes faites sur le fondement de l'article 700.

L'appel formé par M. [R] et Mme [O] a été déclaré caduc par arrêt du 4 septembre 2014, appel qui était cantonné au chef du jugement les ayant déboutés de leur demande tendant à la condamnation des époux [A] à la démolition du mur situé au nord-est de la parcelle cadastrée D [Cadastre 1].

M. [K] [U] a déposé son rapport définitif le 31 décembre 2014.

Par jugement du 6 novembre 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Nîmes :

- a donné acte à Mme [O] de son désistement d'instance,

- a déclaré recevable l'action de M. [R],

- a rappelé que le jugement mixte du 9 juillet 2013 a déclaré la parcelle section D n°[Cadastre 2] située à [Localité 14] (Gard) appartenant à M. [R] partiellement enclavée dans la première partie du chemin faisant l'objet de la servitude de passage cadastrée section D n°[Cadastre 7],

- a jugé que la parcelle section D n°[Cadastre 2] résulte de la division d'un fonds au sens de l'article 684 du code civil,

- a jugé que l'élargissement de la servitude de passage (option n°2 de l'expertise) sur le fonds cadastré section D n°[Cadastre 1] appartenant aux époux [A] ne permet pas d'établir un passage suffisant,

- en conséquence, a jugé que le désenclavement de la parcelle D n° [Cadastre 2] s'effectuera par l'élargissement de la servitude en place réalisé grâce à la constitution sur le fonds [B] cadastré section D n°[Cadastre 8], d'une servitude de passage de 18 m² selon plan figurant en page 17 du rapport d'expertise judiciaire de M. [U] ( option n°1),

- a autorisé M. [R], après avoir prévenu M. [Y] [B] de la date de commencement des travaux, par lettre recommandée au moins 15 jours à l'avance, à détruire et reconstruire le mur ou faire détruire et faire reconstruire le mur, et à enlever le fourreau rouge situé à l'angle actuel de la [Cadastre 7] et de la [Cadastre 1],

- a dit que les véhicules du personnel effectuant les travaux pourront stationner durant les travaux sur l'emprise de la servitude,

- a fixé l'indemnité de constitution de servitude à la somme de 1800 € au profit des époux [B] qui sera versée par M. [R] au plus tard au commencement des travaux,

- a jugé que M. [R] prendra en charge les frais de constitution de servitude, en ce compris le coût des travaux,

- a débouté M. [R] de sa demande visant à imputer à M. [A], la charge du déplacement de la jardinière qui se situe sur l'emprise de la servitude à constituer,

- a dit que la décision sera publiée au service de la publicité territorialement compétent,

- a débouté M. [R] de ses demandes de dommages et intérêts,

- a débouté M. [R] de sa demande de validation de l'acte sous seing privé du 8 février 2011,

- a débouté les époux [B] de leur demande de dommages et intérêts,

- a débouté les époux [A] de leur demande de dommages et intérêts,

- a condamné les époux [B] et les époux [A] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- a débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 mai 2018, M. [Y] [B] et Mme [H] [N] épouse [B] ont relevé appel de ce jugement.

Un arrêt de ce siège du 17 octobre 2019, auquel il est expressément référé pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions antérieures des parties, après avoir rappelé le caractère définitif du jugement du 9 juillet 2013 et relevé que les évaluations de l'expert avaient été effectuées sur la base de l'espace nécessaire à la giration d'un camion d'une longueur de 8, 20 m et d'une largeur de 2,50 m, alors que le désenclavement de la maison de M. [R], serait suffisant si un véhicule automobile ou un véhicule de secours de type ambulance pouvait tourner dans le virage litigieux, a ordonné un complément d'expertise confié à M. [U].

Saisi d'une requête en interprétation présentée par M. [R], un arrêt de ce siège du 15 octobre 2020 a statué comme suit :

- dit que le passage destiné à servir le fonds [R] doit prioritairement être pris sur les fonds résultant de la division, en l'espèce le fonds [A],

- dit que dans l'hypothèse où le passage résultant de la division du fonds est insuffisant, le passage peut subsidiairement être requis sur le fonds voisin, le fonds [B],

- dit qu'il appartiendra à la cour seule, à partir des opérations expertales d'apprécier le caractère suffisant ou pas du passage résultant de la division du fonds,

- dit que dans cette perspective, l'expert doit envisager toutes les hypothèses d'emprise de la servitude avec la giration d'un véhicule de type ambulance, en tenant comtpe de la suppression de la jardinière et des difficultés techniques résultant de la différence d'altimétrie entre le chemin et le terrain [R].

A la suite de difficultés survenues en cours d'expertise, une ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise rendue le 6 décembre 2021 a notamment rejeté la requête en changement d'expert présentée par M. [R] et autorisé l'expert à prendre contact avec les propriétaires des parcelles D [Cadastre 6] ([E]) et D [Cadastre 10] ([C]) afin de connaître leur position sur la proposition de l'expert figurée sur le plan annexé à son pré-rapport n°2.

M. [U] a déposé son rapport d'expertise complémentaire le 22 mars 2022.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 30 mai 2022, auxquelles il est expressément référé, M. [Y] [B] et Mme [H] [N], son épouse, demandent à la cour de réformer la décision entreprise et de :

- constatant que les Consorts [R] ont, non seulement pu acquérir une petite parcelle de 1200 m² ; mais y édifier une très importante maison d'habitation et une piscine ; y accèdent sans aucun problème depuis de très nombreuses années ; disposent d'un accès à la voie publique, peut-être ponctuellement mal commode du fait de leurs propres carences, et de l'immixtion de Monsieur [A] lequel a construit une jardinière sur l'emprise de la servitude et de l'absence d'entretien qu'ils ont commis en ne retirant pas les plots de béton abandonnés par on ne sait qui.

- débouter Monsieur [R] de son action fondée sur les dispositions des articles 682 et suivants du code civil.

- constatant par ailleurs que Monsieur [R] dispose d'une relation contractuelle avec les consorts [A] leur propriété étant issue de la division par les consorts [D] d'une parcelle D [Cadastre 9],

- dire et juger irrecevable et mal dirigée l'action à l'encontre des consorts [B] lesquels ne sont en rien concernés par cette division de parcelle, ni par éventuellement la mauvaise conception ou la mauvaise réalisation de la division de la propriété [D], .

Tenant le préjudice important que subirait leur propriété déjà réduite,

- déclarer également sur ce fondement irrecevable et mal fondée l'action engagée à leur encontre par les consorts [R].

Tenant le préjudice subi par les consorts [B] depuis toutes ces années,

- condamner Monsieur [R] ou toute partie succombante à verser à ces derniers la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 6.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens lesquels comprendront les frais d'expertise, les frais de première instance et d'appel.

Les appelants soulignent qu'ils ne sont pas impliqués dans la division de l'ancienne parcelle D [Cadastre 9], dont sont issues les parcelles [R] et [A]. Ils sollicitent l'application de l'article 684 dès lors que c'est volontairement que M. [A] a implanté des ouvrages ne permettant plus un passage suffisant, violant ainsi ses obligations à l'égard de M. [R]

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 31 mai 2022, aux quelles il est expressément référé, M. [S] [R] demande à la cour de :

- jugeant que l'article 684 al 1 s'applique mais que l'élargissement de la servitude de passage sur le fonds [A] cadastré section D n°[Cadastre 1], ne permettrait pas un passage suffisant (hypothèse de giration n° IV) : que dès lors, il doit être fait application des articles 682 et 683 du code civil,

- confirmer le jugement du 6 novembre 2017 en ce qu'il a jugé que le désenclavement de la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 2] s'effectuera par l'élargissement de la servitude de passage en place (consentie par le fonds cadastré D n°[Cadastre 1] au profit du fonds cadastré section D [Cadastre 2]), réalisé grâce à la constitution sur le fonds [B] cadastrée section D [Cadastre 8], d'une servitude de passage.

L'infirmant et y rajoutant,

- juger que ladite servitude de passage de 10 m2 sera réalisée selon plan figurant en page 17 du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [U] en date du 22 mars 2022 (hypothèse de giration n°3),

- fixer l'indemnité de constitution de servitude au profit de Monsieur [B] à la somme de 1250 € TTC, qui sera versée par Monsieur [R] au plus tard au commencement des travaux;

Subsidiairement et si la Cour devait infirmer le jugement en déclarant applicable l'article 684 al 1, et inapplicable l'article 684 al 2 et partant l'article 682 du code civil,

- jugeant ainsi que le désenclavement de la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 2] s'effectuera par l'élargissement de la servitude en place consentie par le fonds sis à [Localité 14] cadastré D n°[Cadastre 1] au profit du fonds sis à [Adresse 15] cadastré section D [Cadastre 2] réalisé grâce à la constitution sur le fonds [A] à [Localité 14], cadastré section D [Cadastre 1] d'une servitude de passage de 20 m2, selon plan figurant en page 22 du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [U] (hypothèse de giration n° IV).

Vu l'article 684 al 1 du code civil qui ne prévoit pas, contrairement à l'article 682, inapplicable, d'indemnité de désenclavement,

Vu en toute hypothèse l'acte de vente du 2 décembre 2003 par lequel Monsieur [A] et son épouse consentent la servitude de passage pour permettre l'accès à la parcelle [Cadastre 2] à titre purement gratuit, et à titre perpétuel, sans indemnité de part ni d'autre, ce qui est expressément reconnu par les parties aux présentes,

Vu la volonté des parties, vu les articles 1103 et 1104 du code civil, ou subsidiairement 1134 ancien du code civil

- débouter Monsieur [A] de toute demande d'indemnité de désenclavement.

En toutes hypothèses,

- autoriser Monsieur [R], après avoir prévenu le propriétaire du fonds servant pour le futur élargissement de la servitude de passage, de la date de commencement des travaux au moins 15 jours à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception, à détruire et reconstruire ou faire détruire et faire reconstruire le mur.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a autorisé les véhicules du personnel effectuant les travaux à stationner durant les travaux sur l'emprise de la servitude, jugé que Monsieur [R] prendrait en charge le coût des travaux, jugé que la décision sera publiée au service de la publicité foncière territorialement compétent, débouté les époux[B] de leur demande de dommages intérêts et article 700, débouté les époux [A] de leurs demande de dommages intérêt et article 700 du code de procédure civile,

Faire droit à appel incident du concluant en;

Vu l'article 1382 ancien du code civil et/ou subsidiairement 1240 du code civil, ou plus subsidiairement l'article 1147 ancien du code civil et/ou à titre infiniment subsidiaire l'article 1231 du code civil,

- déclarant responsables les consorts [J] [R]- [P] [A] du préjudice subi par Monsieur [R] et condamner in solidum [J] [R] et [P] [A] à porter et payer à Monsieur [R] la somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice qu'ils lui ont causé depuis des années,

- déboutant les époux [B] de l'ensemble de leurs demandes.

- déboutant Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes.

- condamnant Monsieur [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des deux rapports d'expertise, outre à la somme de 10 000 € par application de l'article 700, tenant le coût de la longue procédure visant à obtenir un droit qui avait déjà été consenti aux auteurs de Monsieur [R]: le passage.

M. [R] rappelle le texte de l'article 684 du code civil et sur la notion de passage suffisant de l'alinéa premier, fait observer que la jurisprudence constante considère que l'insuffisance s'entend du préjudice trop important causé aux fonds divisés.

Il soutient qu'il faut faire alors application des articles 684 al 2 et 682 du code civil et considère qu'il faut éliminer les hypothèses n°1 et 2 proposées par l'expert.

Sur l'hypothèse n°4, il soutient que le coût des travaux n'a pas été correctement évalué par l'expert, au moins 10 000 € et qu'elle présente difficultés de remise en place du portail.

Il soutient qu'il convient de retenir l'hypothèse n°3 qui porte sur une moindre superficie et entraîne une dépréciation moindre de la propriété, alors que l'hypothèse n°4 aurait des conséquences catastrophiques pour la propriété [A]. Dans le cas où la cour retiendrait cette solution, aucune indemnité n'est due à M. [A] en vertu de l'acte du 2 décembre 2003.

Pour répondre à M. [A], il fait observer que l'enclave partielle a été définitivement jugée et qu'une tolérance de passage ne saurait y mettre fin. Il relève que le mur dont la démolition a été ordonnée par le jugement de 2013 est un autre mur, la demande de démolition du mur a été rejetée pour le mur situé au Nord Est de la parcelle cadastrée section D n° [Cadastre 1], le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée est donc inopérant.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 mai 2022, auxquelles il est expressément référé, M. [P] [A] demande à la cour de :

A titre principal,

- le recevoir en son appel incident formé,

- déclarer l'absence d'état d'enclave de Monsieur [R] au regard des éléments nouveaux,

- le débouter de sa demande en élargissement de servitude,

- débouter Monsieur [R] et les époux [B] de toutes leurs demandes fins et conclusions, comme étant irrecevables et en tout état de cause infondées,

A titre subsidiaire,

- confirmer l'insuffisance du fonds [A] pour établir un élargissement de la servitude,

- confirmer l'applicabilité des dispositions de l'article 682 du code civil, et ordonner l'élargissement par la constitution d'une nouvelle servitude sur le fonds [B] (Hypothèse III du rapport),

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner Monsieur [R] à indemniser Monsieur [A] à hauteur de 224 200 € au titre des indemnités et préjudices du fait d'un élargissement de la servitude sur son fonds,

- mettre à la charge de Monsieur [R] tous les travaux et frais liés à l'élargissement de servitude sur le fonds de Monsieur [A],

- condamner solidairement les époux [B] à relever et garantir Monsieur [A] de toute éventuelle condamnation indemnitaire,

En tout état de cause,

- débouter Monsieur [R], les époux [B], et toute autre partie de toutes demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [A],

- condamner solidairement Monsieur [R] et les époux [B] à indemniser Monsieur [A] des préjudices subis à hauteur de 20 000 euros,

- condamner solidairement Monsieur [R] et les époux [B] à verser à Monsieur [A] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [A] fait valoir que le complément d'expertise a établi la modification des lieux, par la suppresssion de la jardinière et la tolérance de passage sur des fonds voisins sans aucune difficulté, il en conclut, au vu de ces éléments nouveaux à l'inexistence de la situation d'enclave partielle et produit des attestations de [E] et [C] qui confirment leur accord.

Subsidiairement, il soutient que le chiffrage de l'expert quant aux travaux nécessaires et à la dépréciation du fonds sont complètement insuffisants 224 200 €.

Il fait observer qu'en tout état de cause, le jugement de 2013 a rejeté la demande de démolition du mur [A] et que ce jugement définitif sur ce point, de sorte que la démolition est irréalisable et considère que seul l'élargissement chez [B] est envisageable.

Mme [J] [R] épouse [A], régulièrement assignée par remise de l'acte à l'étude d'huissier, n'a pas constitué avocat. Mme [L] [O], qui pourtant s'était désistée de l'instance par conclusions remises devant le tribunal le 1er septembre 2015, a été intimée par les appelants, assignée par acte remis à personne, elle n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 7 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme [L] [O], envers laquelle aucune demande est présentée, sera immédiatement mise hors de cause.

Sur l'enclave partielle,

M. [A] soutient qu'au vu des derniers constats de l'expert selon lequel l'enclave relative constatée par le jugement du 9 juillet 2013 provenait d'une limitation de l'aire de man'uvre due à la mise en place par M. [A] d'éléments matériels placés à quatre mètres du mur de clôture nord de la propriété [B] et que la suppression de tout élément matériel limitant l'évolution de man'uvre au droit de la propriété [E] (ex [T]-[W]) permet aujourd'hui en l'absence d'opposition de deux autres propriétaires ([E]-[C]) une plate-forme de largeur supérieure à 6 m en amont du point B compatible avec la giration d'un véhicule SAV, la situation d'enclave partielle a disparu.

Il considère que ces éléments nouveaux que constituent la modification de l'état des lieux et la tolérance accordée par les consorts [E]-[C], l'autorisent, nonobstant l'autorité de chose jugée du jugement de 2013, de demander à la cour de «'déclarer l'absence d'état d'enclave de M. [R] au regard des éléments nouveaux'».

M. [R] réplique qu'il n'y a pas de cessation de l'enclave par la tolérance de passage invoquée, étant rappelé l'autorité de chose jugée par une décision intervenue dans le même procès, de sorte qu'il appartient désormais à la cour de statuer sur l'élargissement de la servitude de passage.

Certes, il n'y a pas d'autorité de chose jugée lorsqu'un fait ou un acte postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée modifie la situation antérieurement reconnue en justice et la cause de la demande, cependant, il est rappelé que le fait nouveau invoqué doit être un fait juridique, survenu depuis la première décision, extérieur à la volonté des parties.

Or, en l'espèce, les faits matériels invoqués sont survenus à la suite de la modification des lieux par les parties, enlèvement d'une jardinière et d'une tige en métal rouge au point B et d'éléments matériels (blocs de béton, moellons en brique) le long de l'assiette, de sorte qu'il n'existe pas de faits nouveaux, qui permettraient d'écarter la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement de 2013, qui, dans son dispositif a déclaré «'M. [R] et Mme [O] partiellement enclavés dans la première partie du chemin faisant l'objet de la servitude de passage cadastrée section D n°[Cadastre 7]'»,étant relevé le caractère irrévocable de ce jugement sur ce point, l'appel interjeté en 2014 ayant été déclaré caduc par un arrêt définitif.

Sur l'élargissement de la servitude et son assiette,

Selon l'article 684 du code civil, lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. L'alinéa 2 ajoute que toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable. Le propriétaire enclavé pouvant alors réclamer sur les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte de ces fonds à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. L'article 683 dispose que le passage doit régulièrement être pris du coté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique et néanmoins doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds auquel il doit être accordé.

En l'espèce, il est constant que la parcelle D [Cadastre 2] provient de la division d'une ancienne parcelle cadastrée section D [Cadastre 9], qui a donné lieu aux trois parcelles suivantes:

- D [Cadastre 1], d'une superficie de 1479 m² achetée le 2 décembre 2003 par M. [P] [A] et son épouse, Mme [J] [R], qui avaient acquis la veille, la parcelle D [Cadastre 7], à usage de passage,

- D [Cadastre 2], d'une superficie de 1200 m² acquise par M. [S] [R] et Mme [L] [O] le 24 décembre 2003 ,

- D 1133 d'une superficie de 633 M² qui est restée la propriété du vendeur M. [D].

En application des textes ci-dessus, dès lors que l'enclave partielle, définitivement jugée, résulte de la division de la parcelle anciennement cadastrée section D [Cadastre 9], le passage ne peut être demandé que sur les terrains issus de la division, sauf si le passage s'avère insuffisant.

Au terme du rapport complémentaire déposé le 22 mars 2022, l'expert propose quatre hypothèses de giration, au point B, permettant d'atteindre le fonds [R] dans des conditions normales avec l'utilisation d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes.

Si les hypothèses numérotées 1 ([A], [E] et [B]) et 2 ([E], [B] [C]) semblent les plus pertinentes au regard de la situation des lieux, dès lors que MM [C] et [E] ne sont pas en cause et que la solution amiable visant à établir une convention avec ces parties, n'a pu être concrétisée, alors même qu'elle était de l'intérêt commun des parties, la cour ne peut se référer qu'aux hypothèses n°3 et 4.

Ces hypothèses sont les suivantes :

- hypothèse n°3 par une emprise de 10 m² à l'extrémité Ouest du jardin sur la propriété [B], laquelle nécessite de déplacer les plantations existantes et de démolir sur 9,50 mètres le mur existant, l'expert chiffre ces travaux à 3000 € et l'indemnité due pour perte de jouissance à 1250 €,

- hypothèse n°4 par une emprise de 21 m² sur la propriété [A], laquelle nécessite de démolir et reconstruire le mur de clôture formant soutènement et le portail, l'expert a chiffré l'indemnité due pour perte de jouissance et travaux à la somme de 22 860 €.

En application de l'article 684 alinéa 1 du code civil, il convient d'examiner en priorité l'hypothèse n°4. M. [A] fait valoir que ce tracé entraînerait des travaux de démolition et reconstruction beaucoup plus importants que ceux fixés par l'expert, qui a notamment omis les frais de terrassement alors qu'il s'agit d'un mur de soutènement, ainsi que les frais consécutifs au décalage du mur et les frais de géomètre et d'expert, soit la somme de 25 234,30 €, mais surtout il fait valoir que sa propriété subirait une dépréciation importante de l'ordre de 50 % la servitude se trouvant très proche de l'habitation, ce qui en outre serait à l'origine d'un préjudice de jouissance. Il ajoute qu'en toute hypothèse, cette démolition ne serait pas possible en l'état du jugement du 9 juillet 2013 bénéficiant de l'autorité de chose jugée qui a débouté M. [R] de sa demande de ce chef.

Il est immédiatement relevé que ce jugement a rejeté la demande de démolition présentée par M. [R] mais portant sur un autre virage de l'assiette de la servitude, situé en face du point C du plan de M. [U] annexé au rapport d'expertise. Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée est en conséquence inopérant.

Sur les travaux nécessaires impliquant une démolition et reconstruction d'une partie du mur de soutènement et du portail coulissant motorisé, ils auraient pour conséquence de déplacer sur 12 mètres 15, le mur sur le devant de porte de l'habitation [A], à 3 mètres 30 (cf photo page 25 du rapport d'expertise), et in fine de parvenir à un mur de clôture qui ne serait pas linéaire. Le montant des travaux est fixé par l'expert à la somme de 7035 € (22 860 € - 2625 € (21 m² x 125 €) - 13 200 €), M. [A] qui produit des devis parvient à un montant de 25 234,30 €. Il est exact que n'ont pas été comptabilisés dans la proposition de l'expert, les frais de géomètre et de notaire subséquents à la modification de l'assiette de la servitude (2000 €) ainsi que les frais de terrassement.

Il est de principe que l'insuffisance peut résulter de la disproportion entre les travaux à réaliser et la valeur de l'ensemble immobilier, ou de la mutilation subi par le fonds servant issu de la division, notamment lorsque celui-ci subirait une perte importante de valeur du fait de l'emprise envisagée.

Or, tel est le cas en l'espèce, notamment en raison de la proximité immédiate de la circulation avec le devant de l'habitation, entraînant une dépréciation importante de la propriété de l'ordre de 15 %, (15 % x 440 000 € = 66 000 €) et du coût des travaux à réaliser sur un mur de soutènement, parvenant ainsi à une indemnité hors de proportion avec l'usage de la maison à desservir.

En cet état, c'est à juste titre que le premier juge a écarté l'application de l'article 684 alinéa 1, d'autant que l'emprise sur la propriété [B] est moindre, sur un angle mort, à un endroit situé loin de l'habitation et ne nécessite que des travaux limités.

L'élargissement sur la parcelle D [Cadastre 8] suivant l'hypothèse de giration n°3 répond aux exigences de l'article 682 du code civil.

S'agissant de l'indemnité due aux époux [B], lesquels sollicitent la réformation du jugement, en l'absence de demande de ce chef de leur part, il sera constaté que M. [R] demande au terme de ses conclusions de fixer l'indemnité qui leur est due à la somme de 1250 €.

M. [R] prendra en charge le coût des travaux et dans un souci d'effectivité sera autorisé M. [R], après avoir prévenu M. [Y] [B] de la date de commencement des travaux, par lettre recommandée au moins 15 jours à l'avance, à détruire et reconstruire le mur ou faire détruire et faire reconstruire le mur et il sera précisé que les véhicules du personnel effectuant les travaux pourront stationner durant les travaux sur l'emprise de la servitude.

Sur les demandes de dommages et intérêts,

de M. et Mme [B],

Alors que le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé que l'élargissement de la servitude devait se faire sur leur propriété, leur mise en cause n'est nullement abusive, nonobstant le fait que leur parcelle n'est pas issue de la division de la parcelle enclavée.

Ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

de M. [R],

Contrairement à ce que soutient M. [A], cette demande ne se heurte nullement à l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 9 juillet 2013, lequel a débouté M. [A] de ce chef et non M. [R].

Pour autant, M. [R] ne démontre pas, ainsi que pertinemment retenu par le tribunal, un préjudice résultant d'un comportement fautif de M. [A], étant relevé les liens familiaux existant entre eux.

de M. [A],

Dès lors qu'il n'est pas démontré que MM. [R] et [B] aient fait dégénérer en abus leur droit d'ester en justice et de relever appel, leur demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Au vu de la décision rendue, les dépens comprenant les frais d'expertise, seront supportés par moitié par M. [R], au bénéfice duquel la présente procédure est diligentée, et par M. [A], dont la parcelle est issue du fonds divisé et dont l'attitude a participé à la situation.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [B], chez lequel le passage est finalement fixé, alors que leur fonds n'est pas issu de la parcelle divisée, l'intégralité des frais irrépétibles qu'ils ont engagés au cours de l'instance, il leur sera alloué la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [R] et [A].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Met hors de cause Mme [L] [O],

Rejette le moyen tiré de l'absence d'autorité de chose jugée du jugement mixte du 9 juillet 2013 en ce qu'il a déclaré la parcelle D [Cadastre 2] sise à [Localité 14] (Gard) partiellement enclavée dans la première partie du chemin faisant l'objet de la servitude de passage cadastrée section D n°[Cadastre 7],

Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension,

Dit que le désenclavement de la parcelle D [Cadastre 2] s'effectuera par l'élargissement de la servitude de passage existante, sur la parcelle appartenant à M. et Mme [B], cadastrée section D [Cadastre 8], sise à [Localité 14] (Gard), suivant le plan d'état des lieux annexé page 17 du rapport d'expertise de M. [U], giration hypothèse III, par une emprise de 10 m² sur parcelle D [Cadastre 8],

Dit que M. [S] [R] prendra en charge le coût des travaux et les frais de constitution de la servitude,

Autorise M. [R], après avoir prévenu M. [Y] [B] de la date de commencement des travaux, par lettre recommandée au moins 15 jours à l'avance, à détruire et reconstruire le mur ou faire détruire et faire reconstruire le mur et les véhicules du personnel effectuant les travaux pourront stationner durant les travaux sur l'emprise de la servitude,

Constate que M. [P] [A] demande à la cour de «'fixer l'indemnité due à M. [B] à la somme de 1250 € TTC qui sera versée au plus tard à la date de commencement des travaux'»,

Invite la partie la plus diligente à publier le présent arrêt au service de la publicité foncière territorialement compétent,

Déclare recevable mais mal fondée la demande de dommages et intérêts de M. [R], l'en débouté,

Déboute M. [P] [A] et M. et Mme [B] de leur demande de dommages et intérêts,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne in solidum M. [P] [A] et M. [S] [R] à payer à M. [Y] [B] et Mme [H] [N] épouse [B], pris ensemble, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [P] [A] et M. [S] [R] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/00932
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;22.00932 ?
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