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25/08/2022 | FRANCE | N°22/00732

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 22/00732


ARRÊT N°



N° RG 22/00732 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILK6



N° RG 22/01206 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMTF





CR



JUGE DE L'EXECUTION D'ALES

18 janvier 2022 RG :21/00001



[N]



C/



S.A.S. MCS & ASSOCIES











Grosse délivrée

le

à Me Tria

SCP RD

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT

DU 25 AOUT 2022







APPELANTE :



Madame [M], [D] [N] épouse [I]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Nordine TRIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES





INTIMÉES :



S.A.S. MCS & ASSOCIES agissant par son représentant...

ARRÊT N°

N° RG 22/00732 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ILK6

N° RG 22/01206 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IMTF

CR

JUGE DE L'EXECUTION D'ALES

18 janvier 2022 RG :21/00001

[N]

C/

S.A.S. MCS & ASSOCIES

Grosse délivrée

le

à Me Tria

SCP RD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTE :

Madame [M], [D] [N] épouse [I]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nordine TRIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES

INTIMÉES :

S.A.S. MCS & ASSOCIES agissant par son représentant légal en exercice, dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU SUD, elle-même venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU MIDI, Société Anonyme coopérative de Banque Populaire à capital variable régie par les Articles L512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et par l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédits, inscrite au registre du commerce et des sociétés de PERPIGNAN, sous le N° 554 200 808, et inscrite à l'ORIAS sous le N°07 023 534, dont le siège social est sis [Adresse 7], en vertu d'un acte de cession de créances du 3 décembre 2020

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

TRESOR PUBLIC Etablissement Public

assignée à personne habilitée le 21/04/2022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Statuant en matière d'assignation à jour fixe,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal Rodier, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Chantal Rodier, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Madame Laure Mallet, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 16 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 juillet 2022, prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Chantal Rodier, présidente de chambre, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte notarié reçu le 14 avril 1999, la Banque Populaire du Midi a consenti à Madame [M] [N] épouse [I] et Monsieur [T] [I], mariés sous le régime de la séparation de biens, un prêt de 1 300 000 francs, destiné à financer la construction d'une maison d'habitation sur deux parcelles appartenant en propre à Madame [M] [N], moyennant les garanties d'une hypothèque conventionnelle sur la maison d'habitation et les deux parcelles, régulièrement publiée à la conservation des hypothèques d'[Localité 8] et renouvelée le 1er décembre 2015 jusqu'au 5 avril 2026.

Madame [M] [N] épouse [I] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 24 avril 2017.

Par courrier recommandé du 22 juin 2017, la Banque Populaire du Sud, venant aux droits de la Banque Populaire du Midi a notifié à Monsieur [T] [I] la déchéance du terme et l'a vainement mis en demeure, en qualité de coemprunteur et co-titulaire du compte bancaire, de lui régler sous huit jours la somme de 115 078,95 €.

Par courrier recommandé du 22 juin 2017, la Banque Populaire du Sud, venant aux droits de la Banque Populaire du Midi a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Madame [M] [N] épouse [I] pour les sommes de :

- à titre chirographaire : 2 863,70 €

- à titre privilégié : 112 863,70 €.

Toutefois, par courrier du 27 avril 2020, ce mandataire liquidateur informait le service contentieux de la Banque Populaire à [Localité 9] de ce que :

- «'Les créanciers chirographaires dont vous faites partie n'ont rien à espérer dans cette affaire. Votre créance chirographaire est donc irrécouvrable.

- Vos créances hypothécaires sont garanties par une hypothèque sur les parcelles AN [Cadastre 4] et [Cadastre 5] qui semblent être la résidence principale de Madame [I], bénéficiant ainsi de la loi Macron et de l'insaisissabilité de droit.

- Ce bien ne fera donc pas l'objet d'une réalisation par mes soins.'»

Par acte d'huissier du 23 septembre 2020, la Banque Populaire du Sud a fait délivrer à Madame [M] [N] épouse [I] un commandement de payer valant saisie immobilière desdits biens, publié auprès du service de la Publicité Foncière de [Localité 9] le 4 novembre 2020, pour la somme principale de 72 563,43 €, outre intérêts au taux contractuel de 4,30 %, selon décompte arrêté au 30 juin 2018 et ce jusqu'à complet paiement.

Par convention de cession du 3 décembre 2020, déposée le 17 décembre 2020 au rang des minutes de l'huissier requis pour en dresser procès-verbal, la Banque Populaire du Sud a cédé un portefeuille de créances qu'elle détenait à la société MCS et Associés, parmi lesquelles ses créances à l'encontre de Madame [M] [N] épouse [I] et Monsieur [T] [I]. Cette cession a eu pour effet de transférer à la société MCS et Associés l'ensemble des droits et actions détenus par la Banque Populaire du Sud à l'encontre des débiteurs cédés, ainsi que cela leur a été notifié par courriers recommandés du 17 décembre 2020, chacun de Madame [M] [I] et Monsieur [T] [I] ayant signé l'accusé de réception de ce courrier.

Par acte d'huissier du 18 décembre 2020, la société MCS et Associés, venant aux droits de la Banque Populaire du Sud, a fait délivrer à Madame [M] [N] épouse [I] assignation d'avoir à comparaitre à l'audience d'orientation du 16 mars 2021 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès statuant en matière de saisie immobilière.

Par jugement du 18 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Alès a :

- déclaré la société MCS et Associés recevable en ses demandes ;

- validé la procédure de saisie immobilière ;

- mentionné que le montant retenu pour la créance de la société MCS et Associés est, selon décompte arrêté au 29 juin 2018, de 72'563,43 € outre intérêts au taux de 4,30 % du 30 juin 2018 jusqu'à complet paiement ;

- rejeté la demande de délais de paiement formulée par Madame [M] [N] épouse [I] ;

- ordonné la vente forcée de l'immeuble faisant l'objet de la saisie et appartenant à Madame [M] [N] épouse [I] selon les modalités fixées au cahier des conditions de la vente ;

- fixé l'audience d'adjudication au mardi 10 mai 2022 à 14 heures ;

- autorisé les experts mandatés par le créancier poursuivant à pénétrer à nouveau dans l'immeuble saisi en présence d'un huissier de justice, afin de permettre l'actualisation des diagnostics exigés par la loi en cas de vente d'un immeuble et dit qu'au besoin l'huissier de justice pourra se faire assister par un serrurier et la force publique sous réserve de la justification de cette nécessité ;

- dit que l'huissier de justice mandaté par le créancier poursuivant fera procéder à la visite de l'immeuble saisi, en prenant attache préalable avec le débiteur saisi ;

- dit que les dépens seront compris dans les frais de la vente soumis à taxe.

*****

Madame [M] [N] épouse [I] a relevé appel de ce jugement :

- par déclaration en date du 23 février 2022 en intimant la société MCS et associés et cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00732 ;

- par déclaration en date du 30 mars 2022 en intimant le Trésor Public, créancier inscrit, et cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/01206.

Par requête en date du 25 février, Madame [M] [N] épouse [I] a saisi le Premier Président de cette cour aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 16 mai 2022, il a été fait droit à cette requête.

Par actes d'huissier en dates des 11 mars 2022 et 21 avril 2022, Madame [M] [N] épouse [I] a fait délivrer à la société MCS et associés et au Trésor Public, assignation à jour fixe à la cour d'appel de Nîmes pour l'audience du 16 mai 2022 à 11h.

Le Trésor Public d'Anduze, assigné à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

A l'audience, les parties demandent la jonction des deux procédures RG 22/00732 et RG 22/01206 qui n'ont pu l'être avant l'audience, indiquant ce qu'il n'y a pas de difficulté particulière, l'assignation à jour fixe ayant bien été régularisée le 21 avril 2022 en étant délivrée au Trésor Public à personne habilitée.

*****

Vu les dernières écritures de Madame [M] [N] épouse [I], appelante, notifiées par RPVA le 12 mai 2022, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé du litige, des motifs et du dispositif ;

Vu les dernières conclusions de la société MCS et associés, venant aux droits de la Banque Populaire du Sud, intimée, notifiées par RPVA le 11 avril 2022, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé du litige, des motifs et du dispositif ;

*****

SUR CE, LA COUR :

Sur la procédure en appel :

La recevabilité des appels n'est pas discutée et la jonction des procédures est demandée.

Les deux appels relevés par Madame [M] [N] épouse [I] concernent le même jugement impliquant les mêmes parties, la procédure de saisie immobilière présentant une indivisibilité du litige, de sorte qu'il est d'une bonne administration de la Justice de joindre les deux procédures RG 22/00732 et RG 22/01206 qui se poursuivront sous le premier de ces deux numéros. Cette jonction qui ne pouvait être faite avant l'assignation du Trésor Public, ne pose plus de difficultés en l'état de l'assignation à jour fixe délivrée le 21 avril 2022 au Trésor Public pour la même audience.

L'assignation du Trésor Public ayant été délivrée à personne habilitée et non suivie d'une constitution d'avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Sur la cession de créance, la qualité à agir du créancier poursuivant et la régularité de la procédure de saisie immobilière :

Alors même que le premier juge y a répondu, l'appelante continue de prétendre que la société MCS et Associés ne préciserait pas à quel titre elle agit dans son acte introductif et prétend que la cession de créance serait du 17 décembre 2020 tout en s'étonnant que l'assignation serait du 18 décembre 2020.

L'assignation délivrée le 18 décembre 2020 à Madame [N] épouse [I] précise parfaitement que la société MCS et Associés (') venant aux droits de la Banque Populaire du Sud (') en vertu d'un acte de cession de créance du 3 décembre 2020 - et non du 17 décembre 2020, comme indiqué à tort par Madame [N] épouse [I].

Il est parfaitement normal que le commandement de payer préalable ait été délivré par la Banque Populaire du Sud, puisqu'à la date de celui-ci cette cession de créances n'était pas encore intervenue, et tout aussi normal que l'assignation, qui a été délivrée postérieurement à la cession de créance du 3 décembre 2020, ait été délivrée par la société MCS et Associés, venant aux droits de la Banque Populaire du Sud.

En application des dispositions de l'article L.526-1 alinéa premier du code de commerce, issu de la loi dite Macron du 6 août 2015, l'immeuble où est fixée la résidence principale du débiteur personne physique, immatriculée au registre du commerce, est insaisissable de plein droit.

Cette insaisissabilité de la résidence principale étant de plein droit, elle est opposable à la procédure collective, de sorte que le liquidateur ne peut faire vendre cet immeuble. Il ne peut ni autoriser la vente, ni s'y opposer.

Il est désormais constant que le créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable, en application de l'article L.526-1 alinéa premier du code de commerce, faire procéder à la vente sur saisie. Les créanciers ayant conservé le droit de saisir ne sont pas, relativement à cet immeuble, soumis à la discipline collective, l'immeuble échappant totalement à l'emprise de la procédure collective, à son effet réel, à son effet de saisie collective.

Dès lors, le créancier qui a conservé son droit de saisir et vendre le bien n'a pas à solliciter l'autorisation du juge commissaire Résultant de l'article L. 643-2 du code de commerce pour vendre le bien aux enchères. A+ qu'il ne peut autoriser la vente, le juge-commissaire ne peut l'interdire. La saisi immobilière a donc lieu selon les règles de droit commun ne constitue pas une opération de la liquidation judiciaire.

Par courrier précité du 27 avril 2020, le mandataire liquidateur informait la Banque Populaire du Sud que :

- «'Les créanciers chirographaires dont vous faites partie n'ont rien à espérer dans cette affaire. Votre créance chirographaire est donc irrécouvrable.

- Vos créances hypothécaires sont garanties par une hypothèque sur les parcelles AN [Cadastre 4] et [Cadastre 5] qui semblent être la résidence principale de Madame [I], bénéficiant ainsi de la loi Macron et de l'insaisissabilité de droit.

- Ce bien ne fera donc pas l'objet d'une réalisation par mes soins.'»,

Dès lors que la Banque Populaire du Sud a eu la certitude que l'insaisissabilité dans le cadre de la procédure collective de Madame [N] épouse [I] du bien garanti par une hypothèque à son profit, au regard de la loi Macron du 6 aout 2015, elle recouvrait la faculté d'introduire une procédure de saisie immobilière, ce qu'elle a fait en délivrant le commandement de payer le 23 septembre 2020.

Titulaire d'une créance non professionnelle de Madame [N] épouse [I], échappant de façon parfaitement régulière par la loi Macron aux règles de la procédure collective, rien ne s'opposait à ce que la Banque Populaire du Sud cède cette créance à la société MCS et Associés, laquelle a régulièrement repris cette procédure de saisie immobilière en assignant Madame [N] épouse [I] à l'audience d'orientation.

La société MCS et Associés n'avait nul besoin de rendre le mandataire liquidateur ou le juge-commissaire destinataires du commandement de payer et de l'assignation en audience d'orientation délivrés dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, l'immeuble garantissant sa créance cédée échappant à la procédure collective et le liquidateur ayant lui-même indiqué être dans l'impossibilité légale de le vendre. Le liquidateur n'avait donc pas à être appelé en la cause.

Le fait que l'immeuble constitue la résidence principale de Madame [N] épouse [I] le rend de plein droit insaisissable dans le cadre de la procédure collective, mais seulement dans le cadre de la procédure collective, et c'est précisément pour cette raison qu'il ne l'est pas pour le créancier professionnel dont la créance est née antérieurement à la loi Macron et qui peut, quant à lui, poursuivre la vente du bien dans le cadre de la procédure de saisie immobilière de droit commun.

C'est donc à tort que l'appelante invoque ici les dispositions du code de commerce relatives à son dessaisissement et à l'interdiction de payer les créances antérieures, cette interdiction ne valant que pour autant que la discipline de la procédure collective ait vocation à s'appliquer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la résidence principale de Madame [N] épouse [I] échappant totalement à la procédure collective.

Le jugement sera donc confirmé en ce que la société MCS et Associés est recevable et bien fondée dans l'introduction de la procédure de saisie immobilière, sans qu'aucune irrégularité de procédure ne puisse être relevée.

Sur le montant de la créance :

Madame [N] épouse [I] conteste le montant de la créance au motif que la déclaration de créance au passif de la procédure collective le 22 juin 2017 avait été arrêté à la hauteur de la somme de 69'996,36 €, et que dans l'assignation du 18 décembre 2020, le créancier poursuivant vise une créance de 72'543,63 € arrêtée au 29 juin 2018, avec intérêts contractuels de 4,30 %.

Dès lors que l'immeuble échappe à la procédure collective et que la procédure de saisie immobilière est introduite, le créancier poursuivant est bien fondé à réclamer les intérêts contractuels qui ont couru depuis sa déclaration de créance au passif de la procédure collective, puisqu'il échappe en toute légalité à la procédure collective, de sorte que le montant de la créance s'est trouvé augmenté des intérêts courus, ce qui supposera une actualisation de la créance.

Par ailleurs, si le créancier poursuivant ne conteste pas avoir parallèlement introduit une procédure de saisie des rémunérations à l'encontre de Monsieur [I], lequel est co-emprunteur et donc codébiteur, il ressort des pièces produites que cette procédure n'a eu que peu d'impact sur le règlement de la créance, puisque cette procédure a été tout d'abord suspendue par un avis à tiers détenteur de la Trésorerie d'Anduze jusqu'à extinction d'une dette de 8 982,51 €, et que par la suite, la somme saisie de 3 331,31 € a été répartie le 30 septembre 2021 dans cette procédure de saisie des rémunérations entre plusieurs créanciers, de sorte que la société MCS indique n'avoir reçu que la somme de 1 117,69 €.

Il est bien évident que les sommes perçues dans le cadre de la saisie des rémunérations à l'encontre de Monsieur [I] viendront en déduction du total de la créance, une actualisation ayant lieu soit au stade de la distribution du prix, soit en cours de procédure en cas de délais de paiements accordés.

Sur la demande de délais de paiement :

Aux termes de l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débit de considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur auteurs d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui aurait été engagée par le créancier. Les majorations d'intérêt des pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Pour rejeter la demande de Madame [N] épouse [I] qui demandait alors à la fois un report de deux ans, suivi d'un échelonnement de la dette sur deux ans, le premier juge a retenu dans ses motifs que :

- L'article 1343-5 précité ne permet toutefois au juge d'accorder des délais, de report d'échelonnement que dans la limite de deux années.

- Par ailleurs Madame [N] épouse [I] mentionne les ressources du Couple qui démontrerait sa capacité à désintéresser le créancier poursuivant. Cependant, il n'est justifié d'aucune démarche amiable en vue de mettre en place des versements dans ce but. À l'inverse, le créancier poursuivant rappelle qu'aucune somme n'a été spontanément versée depuis 2017, soit quatre années auparavant. Cet élément n'est pas contesté par le débiteur saisi.

En cause d'appel, Madame [N] épouse [I] indique qu'elle n'a fait jusqu'à présent aucun versement, du fait de la déclaration de créance de la Banque Populaire du Sud au passif de sa liquidation judiciaire, s'interdisant d'effectuer des paiements au détriment de la masse des créanciers de la procédure collective.

En effet, ce n'est que dans le cadre de la procédure de saisie immobilière - du fait que l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur saisi échappe par la loi Macron à la liquidation judiciaire et, par conséquent, permet au créancier poursuivant de recouvrer sa créance hors procédure de liquidation judiciaire ' que la débitrice saisie peut être autorisée à effectuer des versements.

On ne saurait donc reprocher à Madame [N] épouse [I] de n'avoir fait aucun versement entre la liquidation judiciaire ouverte en avril 2017 et le commandement de payer qui lui a été délivré le 23 septembre 2020.

En cours de procédure de saisie immobilière, il semble que Madame [N] épouse [I] n'avait pas compris qu'elle pouvait faire des versements, puisqu'elle restait convaincue que la société MCS et Associés ne pouvait recouvrer sa créance que dans le cadre de la liquidation judiciaire, prétendant encore en cause d'appel que le liquidateur aurait dû être appelé en la cause.

Elle indique que bénéficiant de l'aide de plusieurs personnes de sa famille, elle a en cours de procédure d'appel offert de verser une première somme de 40'000 €, puis de s'acquitter du solde de la dette par des versements mensuels pendant 36 mois.

Cette somme offerte de 40 000 € n'a pas été encaissée par le créancier poursuivant dont le conseil n'avait pas reçu mandat pour ce faire.

Rappelant que sur le fondement des dispositions précitées, l'échelonnement de la dette ne peut être effectué que dans la limite de 24 mois, il y a lieu d'évaluer la faisabilité d'un remboursement de la dette en deux ans.

Compte tenu du taux d'intérêt contractuel de 4,30 %, la dette s'est trouvée augmentée de plusieurs milliers d'euros depuis l'arrêté de compte de 2018, de sorte qu'à défaut d'actualisation par le créancier poursuivant, la cour estime qu'elle semble pouvoir être évaluée à environ 80 000 euros, somme de laquelle il y aura lieu de déduire les paiements effectués par le biais de la saisie sur rémunérations.

Monsieur [I] bénéficie manifestement d'une retraite très confortable, puisque la déclaration de revenus du couple fait apparaître des revenus des caisses de retraite pour un total de l'ordre de 10'000 euros mensuels, ce qui laisse une somme d'environ 8 000 € mensuels au couple après prélèvement à la source des impôts sur le revenu.

Si la saisie opérée par ailleurs sur les rémunérations par plusieurs créanciers correspond à une somme de 3 331,31 € selon les pièces produites, on peut penser que le reste à vivre du couple se situe alors entre 4000 et 5000 €.

On peut donc estimer que ce couple de retraités, qui n'a pas de charges particulières, pourrait rembourser a minima cette dette par des mensualités à hauteur de 1700 à 2000 euros après le versement de la somme offerte de 40 000 € et ainsi s'acquitter de la totalité de cette dette dans le délai légal des 24 mois maximum. La faisabilité de ce plan de remboursement apparaît donc vérifiée.

Il est de leur intérêt de sauver au plus vite et définitivement leur résidence principale et de s'acquitter de cette dette pour mettre fin à la procédure de saisie immobilière.

Il est de l'intérêt du créancier poursuivant que le débiteur saisi s'acquitte au plus vite de sa dette, mais également de ne pas perdre le taux avantageux de 4,30 % d'intérêts, cette dette constituant un bon placement économique pour le créancier en étant rémunéré à 4,30 % à une période où le livret A après réévaluation n'est encore rémunéré qu'à 2 %.

Ainsi, le juge ayant le choix entre la possibilité de réduire les intérêts jusqu'au taux légal et celle de dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital, la cour optera pour l'imputation prioritaire sur le capital, ce qui est une mesure qui est à la fois incitative pour le débiteur saisi de s'acquitter au plus vite de la dette et qui dans le même temps ne prive pas le créancier de ses avantages contractuels.

En conséquence de ce qui précède, la débitrice saisie sera autorisée à s'acquitter de la dette en 24 échéances, dont la première sera de 40 000 € et interviendra au plus tard le 10 ème jour du mois suivant la signification du présent arrêt.

A réception de la première échéance, le créancier poursuivant adressera au débiteur un nouveau décompte actualisé, après déduction de cette première échéance et des versements déjà effectués à cette date dans le cadre de la saisie sur les rémunérations.

Sauf meilleur accord entre les parties - rappelant que le débiteur saisi a intérêt à s'acquitter au plus vite de la dette au regard du taux d'intérêts de 4,30 % et qu'il pourra offrir le cas échéant un montant supérieur pour les échéances restantes - les échéances suivantes, de la seconde à la 23 ème seront d'un montant de 1 700 € et la 24 ème échéance pour le solde de la dette.

Après règlement des 12 premières échéances, le créancier poursuivant adressera un second décompte actualisé permettant le cas échéant aux parties de réduire la durée du remboursement de la dette, la cour cherchant à inciter les parties à rechercher entre elles le meilleur arrangement amiable.

En conséquence, infirmant le jugement sur ce point, la procédure de saisie immobilière sera suspendue pendant ce délai.

Même si la cour n'a pas de raison de douter de la bonne foi de la débitrice saisie, afin de rassurer le créancier, il sera dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance, le créancier poursuivant pourra réintroduire la procédure devant le juge de l'exécution, pour solliciter une nouvelle date d'adjudication et la fixation des visites préalables en conséquence de celle-ci.

En conséquence des délais accordés et de la suspension de la procédure de saisie immobilière, le jugement sera également infirmé en ses dispositions ayant fixé la date d'adjudication et les modalités de visites préalables.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante, qui succombe en ses prétentions principales et reste débitrice, supportera les entiers dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant dans la limite de sa saisine, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

DÉCLARE RECEVABLES les appels de Madame [M] [N] épouse [I],

PRONONCE LA JONCTION des procédures RG 22/00732 et RG 22/01206 qui se poursuivront sous le premier de ces deux numéros,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en :

- celle ayant rejeté la demande de délais de paiement,

- et par conséquent en celles ayant :

* fixé l'audience d'adjudication au mardi 10 mai 2022 à 14 heures ;

* autorisé les experts mandatés par le créancier poursuivant à pénétrer à nouveau dans l'immeuble saisi en présence d'un huissier de justice, afin de permettre l'actualisation des diagnostics exigés par la loi en cas de vente d'un immeuble et dit qu'au besoin l'huissier de justice pourra se faire assister par un serrurier et la force publique sous réserve de la justification de cette nécessité ;

* dit que l'huissier de justice mandaté par le créancier poursuivant fera procéder à la visite de l'immeuble saisi, en prenant attache préalable avec le débiteur saisi ;

ET STATUANT À NOUVEAU DE CES CHEFS INFIRMÉS :

Vu les dispositions de l'article 1343-5 du Code civil,

AUTORISE Madame [M] [N] épouse [I] à s'acquitter de sa dette en 24 échéances,

DIT que la première échéance sera de 40 000 €, qu'elle pourra intervenir dès le prononcé du présent arrêt et interviendra au plus tard le 10 ème jour du mois suivant sa signification,

DIT que les versements effectués s'imputeront d'abord sur le capital,

DIT qu'à réception de la première échéance, le créancier poursuivant adressera à la débitrice saisie un décompte actualisé de sa créance, déduction faite de ce premier versement de 40 000 € ainsi que des sommes déjà perçues dans le cadre de la procédure de saisie des rémunération de Monsieur [I], codébiteur,

DIT que, sauf meilleur accord entre les parties, les échéances mensuelles suivantes interviendront pour la seconde un mois après la première, et seront de la 2eme à la 23 ème d'un montant de 1700 €, et la 24 ème échéance pour le solde de la dette,

DIT qu'après le règlement des 12 premières échéances, le créancier poursuivant adressera un second décompte actualisé permettant le cas échéant aux parties de réduire la durée du remboursement de la dette,

DIT que la procédure de saisie immobilière sera suspendue pendant ce règlement échelonné,

DIT qu'à défaut de paiement d'une seule échéance, le créancier poursuivant pourra réintroduire la procédure devant le juge de l'exécution pour solliciter une nouvelle date d'adjudication et la fixation des visites préalables en conséquence ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens sont à la charge de l'appelante.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière,

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/00732
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;22.00732 ?
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