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25/08/2022 | FRANCE | N°22/00108

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 22/00108


ARRÊT N°



N° RG 22/00108 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IJY7



CR



JUGE DE L'EXECUTION D'AVIGNON

16 décembre 2021 RG :21/00250



Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)



C/



[P]















Grosse délivrée

le

à SCP Fortunet

Me Pomiès Richaud

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARR

ÊT DU 25 AOUT 2022







APPELANTE :



SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits de la société BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), société anonyme au capital de 124.821.566 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numé...

ARRÊT N°

N° RG 22/00108 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IJY7

CR

JUGE DE L'EXECUTION D'AVIGNON

16 décembre 2021 RG :21/00250

Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)

C/

[P]

Grosse délivrée

le

à SCP Fortunet

Me Pomiès Richaud

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTE :

SOCIETE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits de la société BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER (BPI), société anonyme au capital de 124.821.566 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 379 502 644, représentée par Monsieur [D] [V], son directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

Créancière inscrite en vertu d'une inscription au titre d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle publiés au Service de la publicité foncière d'AVIGNON 1, le 24 janvier 2006 sous les références 8404P01 2006V357, ayant pour date d'extrême effet le 15 janvier 2029, et en vertu d'un jugement du Tribunal de grande instance de TOULON du 19 avril 2018, signifié le 4 mai 2018, et d'un jugement du Tribunal de grande instance de TOULON du 19 avril 2018 signifié à partie le 4 mai 2018

26/2224417

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume FORTUNET de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Représentée par Me Cécile ROUQUETTE TEROUANNE de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [L] [E] [P] veuve [O]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant en matière d'assignation à jour fixe,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal Rodier, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Chantal Rodier, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Madame Laure Mallet, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 16 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022, prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Chantal Rodier, Présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

Par acte authentique du 20 décembre 2005, assorti de la formule exécutoire, la société Banque Patrimoine et Immobilier - aux droits de laquelle est venue la société Crédit Immobilier de France Développement (CIDF) - a consenti à Monsieur [O] et Madame [P] épouse [O] un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien situé dans un ensemble immobilier dénommé «'Le Jardin des Vignerons'» dans la région d'[Localité 7], selon les précisions figurant au jugement déféré. En garantie de ce prêt, les emprunteurs ont consenti à l'inscription sur le bien financé d'un privilège du prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle publiés au service de la publicité foncière d'[Localité 7] le 24 janvier 2006 à effet jusqu'au 15 janvier 2029, selon précisions figurant au jugement déféré.

Monsieur [O] est décédé le [Date décès 2] 2006 laissant son épouse, Madame [L] [P], seule propriétaire de ce bien.

À compter de 2009, Madame [L] [P], veuve de Monsieur [O], a cessé de régler les échéances du prêt.

La Banque Patrimoine et Immobilier a prononcé la déchéance du terme le 11 janvier 2010 et a vainement mis en demeure la débitrice de régler les sommes dues, puis l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Toulon.

Par jugement du 19 avril 2018, le tribunal de grande instance de Toulon a condamné Madame [L] [O] à payer au Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), venant aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier, la somme de 232'922,68 € au titre du prêt, outre intérêts au taux contractuel de 3,60 % l'an à compter de la déchéance du terme du 11 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Après signification de ce jugement le 4 mai 2018 à la personne de Madame [L] [O] qui n'en a pas interjeté appel, celui-ci est devenu définitif.

Par acte d'huissier du 16 octobre 2020, la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a fait délivrer à la débitrice un commandement de payer valant saisie immobilière sur le bien immobilier financé par le prêt et situé dans la résidence «'Les Jardins des Vignerons'», dont les références cadastrales sont précisées dans le jugement déféré.

Par assignation délivrée le 26 janvier 2021, la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a fait citer Madame [L] [P], veuve [O], à comparaître devant le juge de l'exécution à l'audience d'orientation du 18 mars 2021, aux fins de voir :

- constater que la société CIFD est titulaire d'une créance liquide et exigible et qu'elle agit en vertu d'un titre exécutoire ; que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article L. 311- 6 code des procédures civiles d'exécution ;

- juger la société CIFD recevable et bien fondée dans ses poursuites ;

- mentionner le montant retenu pour sa créance en principal, frais, intérêts et autres accessoires à la somme de 307'096,36 €, suivant décompte arrêté au 28 août 2020, sauf à parfaire ;

- mentionner que si la société CIFD se trouve adjudicataire du bien, elle s'engage à le revendre dans le délai mentionné à l'article 1115 du code général des impôts ;

- statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes ;

- déterminer les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonner la vente forcée ;

- en cas de vente forcée, fixer la date de l'audience de vente, - - ordonner la vente forcée sur une mise à prix de 50'000 €, dire qu'une visite de l'immeuble sera organisée dans les deux semaines précédant la vente aux enchères à intervenir par l'huissier de justice qui a dressé le procès-verbal de description avec, si besoin est, l'assistance de la force publique, d'un serrurier et d'un expert en diagnostics immobiliers ou, sous toutes autres modalités qu'il lui plaira de fixer ; ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente ;

- en cas d'autorisation de vente amiable, fixer le montant en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente, taxer le montant des frais privilégiés de vente qui seront versés directement par l'acquéreur en sus du prix, rappeler que l'acquéreur devra en outre verser les émoluments revenant à l'avocat du créancier poursuivant, fixer la date de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée pour s'assurer que l'acte de vente est conforme aux conditions qu'il a fixées, que le prix est consigné et que l'état ordonné des créances a été dressé, à défaut, ordonner la reprise de la procédure en vente forcée, dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.

Le cahier des conditions de la vente a été déposé au greffe le 28 janvier 2021.

Des états hypothécaires certifiés ont été délivrés le 9 décembre 2020.

L'affaire a pu être utilement évoquée à l'audience du 18 novembre 2021.

Par jugement du 16 décembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon a :

- Constaté la réunion des conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- Fait droit à la contestation de Madame [L] [P] veuve [O] tendant à dire que le taux légal s'applique à la capitalisation des intérêts ordonnée en application de l'article 1343-2 du Code civil et à celle relative au montant du taux d'intérêts contractuels ;

- débouté Madame [L] [P] veuve [O] de sa contestation relative à la mention «'pour mémoire'» des intérêts figurant dans le commandement de payer valant saisie ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière du 17 février 2022 ;

- enjoint la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) de communiquer et produire aux débats pour cette date un nouveau décompte d'intérêts établi conformément à la décision du tribunal de grande instance de Toulon du 19 avril 2018 et conformément à l'acte authentique de prêt du 20 décembre 2005, soit en appliquant un taux contractuel à 3,6 % incluant, à partir du second trimestre de la période d'amortissement, les révisions trimestrielles du taux d'intérêts obtenu par la majoration de 1,550 de la dernière moyenne mensuelle de l'Euribor à trois mois publié au bulletin trimestriel de la Banque de France à la date d'effet de la révision du crédit et en appliquant, pour la capitalisation des intérêts, le taux légal en vigueur aux périodes de capitalisation concernées ;

- sursis à statuer sur les autres demandes des parties ;

réservé les dépens.

La société crédit immobilier de France développement (CIFD) a relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 janvier 2022.

Par ordonnance du 17 janvier 2022, sur requête de l'appelante du 14 janvier 2022, la présidente de la deuxième chambre section A, déléguée par Monsieur le Premier Président de cette cour, a autorisé la société Crédit Immobilier de France développement (CIFD) à assigner à jour fixe Madame [L] [P] veuve [O] à comparaître à l'audience du 16 mai 2022 à 11 heures de la cour d'appel de Nîmes.

Par acte d'huissier du 1er février 2022, la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) a assigné à jour fixe Madame [L] [P] veuve [O] à comparaître le 16 mai 2022 à 11 heures à la cour d'appel de Nîmes.

Madame [L] [P] veuve [O] a relevé appel incident par conclusions.

Vu les dernières conclusions de la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), appelante, notifiées par voie de RPVA le 13 mai 2022 à 16h03, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé du litige, des motifs et du dispositif ;

Vu les dernières conclusions de Madame [L] [P], veuve [O], intimée ayant formé appel incident, notifiées par voie de RPVA le 13 mai 2022 à 18h14, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé du litige, des motifs et du dispositif ;

SUR CE :

Sur l'appel principal : sur le titre exécutoire déterminant le taux d'intérêt contractuel et la capitalisation des intérêts :

Aux termes de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, «'le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution'»

Il ressort de l'application de ces dispositions que le juge de l'exécution ne peut modifier dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites, claire et dépourvue de toute ambiguïté quant au montant de la condamnation prononcée, ni remettre en cause la validité des droits ou obligations. Les limites qui sont ainsi posées à son office s'expliquent par le fait que sa saisine ne tend pas à la révision d'une décision antérieure. S'il a le pouvoir d'interpréter s'il y a lieu la décision sur laquelle sont fondées les poursuites, il ne peut en revanche remettre en cause la chose jugée.

Par ailleurs, il est constant que, d'une façon plus générale, le juge saisi d'une contestation relative à l'interprétation d'une décision antérieure ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci.

Il ressort des pièces produites que le créancier poursuivant dispose en l'espèce de deux titres exécutoires, ce qui ne souffre aucune contestation :

- l'acte authentique de prêt revêtu de la formule exécutoire ;

- le jugement du 19 avril 2018 du tribunal de grande instance de Toulon.

Il a donc la possibilité, dans la procédure de saisie immobilière, de se prévaloir de l'un comme de l'autre de ces titres exécutoires.

Le commandement de payer du 16 octobre 2020 valant saisie immobilière est sans ambiguïté en ce que créancier poursuivant indique expressément agir «'En vertu pour l'exécution :

- D'un acte authentique de prêt assorti de la formule exécutoire prévoyant au profit de la société Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits de la Banque Patrimoine Immobilier, une inscription sur le bien objet des présentes au titre d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle publiés au service de la publicité foncière d'[Localité 7] 1, le 24 janvier 2006 sous les références ('), ayant pour dates extrêmes effet le 15 janvier 2029 ;

- et d'un jugement du Tribunal de grande instance de Toulon du 19 avril 2018, signifié le 4 mai 2018.'»

Ainsi, la présente procédure de saisie immobilière a bien été introduite sur le fondement des deux titres exécutoires dont se prévaut la société Crédit Immobilier de France Développement.

Le décompte qui figure dans ce commandement de payer pour un total outre mémoire sauf actualisation de 307 096,36 € est également sans ambiguïté en ce que tous les intérêts réclamés, y compris ceux capitalisés, sont indiqués comme étant au taux de 3,60 %, soit le taux contractuel retenu dans le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 19 avril 2018, devenu définitif.

Le jugement du Tribunal de grande instance de Toulon est parfaitement clair dans son dispositif en qu'il condamne Madame [O] à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement (') la somme de 232'922,68 € au titre du prêt (') outre les intérêts au taux contractuel de 3,60 % l'an à compter de la déchéance du terme du 11 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Ce tribunal retenait d'ailleurs dans ses motifs que :

- la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2010, comportant une mise en demeure de payer la somme de 232'922,68 € (') le décompte de cette somme ne fait pas lui-même l'objet de contestations particulières.

- Il y a lieu, dès lors, de condamner Madame [O] au paiement de cette somme, avec intérêts au taux contractuel de 3,60 % l'an à compter de la déchéance du terme du 11 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Il n'y a donc aucune contradiction entre les motifs et le dispositif de ce jugement qui permettrait au juge de l'exécution d'interpréter cette décision devenue définitive.

Dès lors, c'est à bon droit que l'appelante critique le jugement déféré en ce qu'il a dépassé les pouvoirs d'interprétation du juge de l'exécution ou en ce qu'il entend se fonder exclusivement sur l'acte authentique de prêt pour revenir sur le taux d'intérêts contractuel de 3,60 %, alors même que le créancier poursuivant revendique fonder la saisie immobilière sur le jugement définitif du Tribunal de grande instance de Toulon, ayant autorité de chose jugée.

Il n'appartenait donc pas au juge de l'exécution ou à la débitrice saisie de décider, en opportunité, de quel titre exécutoire il conviendrait de faire application. Dès lors que la question du taux d'intérêts a déjà été tranchée, le juge de l'exécution ne peut y revenir pour modifier le dispositif du jugement, alors même que le créancier poursuivant se prévaut expressément de ce jugement et de l'autorité de chose jugée qui y est attachée.

C'est donc à tort que le premier juge a considéré que :

- «'la question du taux d'intérêt applicable à la capitalisation des intérêts portée aux débats par les parties touche à l'exécution du jugement rendu le 19 avril 2018 lequel reste silencieux sur la nature de ce taux applicable. Il doit dès lors être considéré, en l'absence de précision dans le jugement, que le taux d'intérêt applicable à l'anatocisme judiciaire querellé est le taux d'intérêt légal.'»

- Concernant les sommes contestées au titre des intérêts avec application du taux contractuel à 3,60 %, si le jugement précité condamne Madame [O] à verser à la société CIFD des intérêts au taux prévu dans le prêt du 20 décembre 2005 consenti par acte authentique sans référence, dans son dispositif, à une quelconque variation de ce taux, l'acte authentique de prêt précité stipule expressément une révision du taux d'intérêt à compter du deuxième trimestre, puis à chaque trimestre suivant, par la majoration de 1,550. De la dernière moyenne mensuelle de leur bord à trois mois publiés au bulletin trimestriel de la banque de France, à la date d'effet de la révision du crédit.

En effet, si le jugement du tribunal de grande instance de Toulon avait fait une erreur dans l'application du contrat en retenant un taux contractuel de 3,60 % pour toute l'exécution du contrat, alors que le contrat prévoyait à partir du second trimestre de la période d'amortissement un taux différent, variable selon l'Euribor à 3 mois, il appartenait à la débitrice d'une part de contester sur ce point les demandes faites à son encontre devant le tribunal de grande instance de Toulon et d'autre part de relever appel de ce jugement du 19 avril 2018, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle ne peut donc venir obtenir du juge de l'exécution, sous prétexte d'une interprétation qui ne se justifie pas, une modification d'un jugement définitif du Tribunal de grande instance de Toulon, ayant autorité de chose jugée, sur lequel le créancier poursuivant s'est expressément fondé pour introduire la procédure de saisie immobilière.

Dès lors, c'est à tort que le premier juge a ordonné la réouverture des débats en enjoignant au créancier poursuivant de produire un nouveau décompte d'intérêts incluant à partir du second semestre de la période d'amortissement les révisions trimestrielles du taux d'intérêt obtenu par la majoration de 1,550 du point de la dernière moyenne mensuelle de l'Euribor à trois mois, publiées au bulletin trimestriel de la Banque de France à la date d'effet de la révision du crédit et en appliquant, pour la capitalisation des intérêts le taux légal en vigueur aux périodes de capitalisation concernées.

Si l'intimée rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle dans le silence du jugement sur la nature du taux d'intérêt applicable aux condamnations, et sauf à en modifier le dispositif en violation de l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, il doit être considéré que le taux applicable aux condamnations prononcées est le taux d'intérêt légal.

Or en l'espèce, contrairement à ce que soutient l'intimée et ce qu'a retenu le juge de l'exécution, le jugement du tribunal de grande instance de Toulon n'est pas «'silencieux'» puisqu'il prévoit au contraire expressément que le taux contractuel est de 3,60 %.

Dès lors que le jugement retient des intérêts au taux contractuel de 3,60 % l'an et leur capitalisation, sauf précision contraire, c'est bien pour dire que les intérêts produits seront capitalisés par année échue, et s'étant alors incorporés au capital, ils produiront eux-mêmes intérêts au même taux. Le taux d'intérêt retenu de 3, 60 % appliqué au capital doit être de la même façon appliqué aux intérêts capitalisés pour chaque période.

Par ailleurs, les demandes de l'intimée visant à dire qu'il n'y aurait pas lieu à capitalisation des intérêts en application des dispositions du code de la consommation sont inopérantes, le dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Toulon, ayant acquis autorité de chose jugée, ne pouvant être modifié en ce qu'il a prononcé la capitalisation des intérêts.

Si l'intimée relève encore que le jugement du tribunal de grande instance de Toulon fait courir les intérêts conventionnels et la capitalisation sur la totalité de la somme de 232'922,62 €, laquelle comprend l'indemnité de résiliation, et viole en cela les dispositions du code de la consommation, elle reconnaît elle-même qu'épuisée par les procédures, elle n'a pas interjeté appel du jugement.

Or, la cour ne peut, pas davantage que le juge de l'exécution, réparer des éventuelles erreurs de fond du jugement définitif du tribunal de grande instance de Toulon ayant acquis autorité de chose jugée de sorte que ce moyen est inopérant. Elle ne peut pas non plus statuer en équité, de sorte que tous les développements concernant la procédure pénale en cours à l'encontre de notaires dans une série d'opérations immobilières et dans laquelle l'intimée est partie civile, s'ils éclairent le contexte particulier de ce dossier, sont également inopérants pour ce qui est de trancher les questions posées par les parties.

Sur l'appel incident concernant la mention «'pour mémoire'» des intérêts à venir et des frais :

L'intimée conteste la mention des intérêts à venir indiqués «'pour mémoire'» dans le commandement de payer et dans le décompte qui y est annexé. Or, il s'agit d'un simple rappel de ce que les intérêts dus devront être actualisés jusqu'à parfait paiement comme le précisent tant le jugement du tribunal de grande instance de Toulon que le jugement déféré du juge de l'exécution.

Il est expressément indiqué que le décompte figurant dans le commandement et annexé à celui-ci est arrêté au 28 août 2020. Les intérêts contractuels au taux de 3,60 % restent dus après cette date et seront pris en compte lors de l'actualisation de la créance par le créancier poursuivant avec les intérêts échus et les éventuelles sommes recouvrées en cours de procédure.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le surplus des demandes du CIFD :

Le juge de l'exécution a sursis à statuer sur les autres demandes des parties, prévoyant une nouvelle date pour les examiner.

En conséquence, il n'appartient pas à la cour, qui ne maitrise pas le calendrier des audiences du juge de l'exécution, de fixer les dates de visite de l'immeuble préalables à l'audience d'adjudication, alors même que la date de celle-ci n'est pas connue, mais surtout alors même que le jugement n'a pas encore tranché la question d'une éventuelle vente amiable ou d'une adjudication, la cour n'ayant pas à priver les parties du double degré de juridiction.

Ainsi, la cour ne répondra pas aux autres demandes, le jugement sera confirmé en ce qu'il a en réalité réservé les autres demandes sous la formulation d'un sursis à statuer, et la cour renverra la cause et les parties devant le juge de l'exécution pour la suite de la procédure.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'intimée qui succombe en toutes ses prétentions et qui suivront le sort de l'ensemble des dépens pour ce qui est, le cas échéant, de leur emploi en frais privilégiés de vente.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire dans la limite de sa saisine :

CONFIRME le jugement déféré du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 16 décembre 2021, en ce qu'il a :

- constaté la réunion des conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- débouté Madame [L] [P] veuve [O] de sa contestation relative à la mention «'pour mémoire'» des intérêts figurant dans le commandement de payer valant saisie ;

- sursis à statuer sur les autres demandes des parties ;

- réservé les dépens.

L'INFIRME pour le surplus en ce qu'il a :

- Fait droit à la contestation de Madame [L] [P] veuve [O] tendant à dire que le taux légal s'applique à la capitalisation des intérêts ordonnée en application de l'article 1343-2 du Code civil et à celle relative au montant du taux d'intérêts contractuels ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière ;

- enjoint la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) de communiquer et produire aux débats pour cette date un nouveau décompte d'intérêts établi conformément à la décision du tribunal de grande instance de Toulon du 19 avril 2018 et conformément à l'acte authentique de prêt du 20 décembre 2005, soit en appliquant un taux contractuel à 3,6 % incluant, à partir du second trimestre de la période d'amortissement, les révisions trimestrielles du taux d'intérêts obtenu par la majoration de 1,550 de la dernière moyenne mensuelle de l'Euribor à trois mois publié au bulletin trimestriel de la Banque de France à la date d'effet de la révision du crédit et en appliquant, pour la capitalisation des intérêts, le taux légal en vigueur aux périodes de capitalisation concernées ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés :

Mentionne le montant retenu de la créance de la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD), venant aux droits de la société Banque Patrimoine et Immobilier, en principal, intérêts, frais et autres accessoires à la somme de 307 096,36 € selon décompte arrêté au 28 août 2020, sauf à parfaire,

Dit n'y avoir lieu pour la cour à statuer sur les autres demandes, à ce stade de la procédure,

Renvoie la cause et les parties devant le juge de l'exécution pour la poursuite de la procédure,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront mis à la charge de l'intimée qui succombe et qu'ils suivront ceux de la procédure concernant leur éventuel emploi en frais privilégiés de vente.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 22/00108
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;22.00108 ?
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