La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/08/2022 | FRANCE | N°21/04330

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 21/04330


ARRÊT N°



N° RG 21/04330 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IISK



CR



JUGE DE L'EXECUTION DE PRIVAS

25 novembre 2021 RG :20/00325



[K]

[W]



C/



S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES















Grosse délivrée

le

à Selarl Pericchi

Me Gouyet Pommaret















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 A

OUT 2022







APPELANTS :



Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP SCP JOUANNE...

ARRÊT N°

N° RG 21/04330 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IISK

CR

JUGE DE L'EXECUTION DE PRIVAS

25 novembre 2021 RG :20/00325

[K]

[W]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

Grosse délivrée

le

à Selarl Pericchi

Me Gouyet Pommaret

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTS :

Monsieur [C] [K]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP SCP JOUANNEAU-PALACCI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Madame [F] [W]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP SCP JOUANNEAU-PALACCI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES (BPAURA) société anonyme coopérative de BAnque Populaire à capital variable, régie par les articles L.512-2 et suivants du code monétaire et financier et l'ensemble des textes relatifs aux banques populaires et aux établissements de crédit - SIREN 605 520 071 RCS LYON dont le siège social est [Adresse 2], (née de la fusion-absorption de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS et de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES), agissant aux poursuites et diligences de ses Président, Directeur, administraterus et représentants légaux domiciliés audit

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Laurette GOUYET POMMARET, Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Représentée par Me Bénédicte HIEBLOT (Cabinet Christophe Fouquier), Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Statuant en matière d'assignation à jour fixe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal Rodier, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Chantal Rodier, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Madame Laure Mallet, conseillère

GREFFIER :

Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 28 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 juin 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Chantal Rodier, présidente de chambre, et Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon acte authentique en date du 25 février 2016, la SA Banque Populaire des Alpes, devenue la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, a consenti à Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] un prêt immobilier de 186 303,52 €, remboursable en 300 échéances au taux de 2,75 % l'an.

La SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a fait délivrer à Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] un commandement de payer valant saisie immobilière, par acte extrajudiciaire du 24 octobre 2019, publié le 22 novembre 2019 au service de la publicité foncière de [Localité 7].

Par acte d'huissier du 14 janvier 2020, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes leur a fait délivrer assignation à comparaître à l'audience d'orientation du 12 mars 2020 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Privas.

Par jugement d'orientation en vente forcée en date du 25 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Privas a :

Rejeté la demande de prononcé de nullité des commandements de payer délivrés le 24 octobre 2019,

Rejeté la demande de prononcé de caducité de la procédure de saisie,

Constaté la régularité de la procédure de la saisie initiée par la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à l'encontre de Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W],

Mentionné le montant de la créance de la banque à hauteur de la somme de 171 028,96 €, assortie des intérêts au taux légal,

Ordonné la vente forcée du bien, objet de la saisie, à la barre de ce tribunal et, pour y procéder, renvoyé la procédure à l'audience du 10 février 2022 à 10 heures dans la salle habituelle des audiences immobilières, la décision valant convocation des parties,

Dit que les frais exposés par le créancier poursuivant seront taxés à l'audience de vente,

Dit que tout huissier territorialement compétent et requis par le créancier poursuivant organisera les visites en accord avec le débiteur saisi et en les regroupant afin d'en réduire le nombre,

Dit qu'à défaut pour le débiteur de permettre la visite de l'immeuble, l'huissier de justice pourra procéder à l'ouverture des portes avec l'aide d'un serrurier et dans les conditions prévues par la loi,

Dit que le présent jugement sera transcrit par le greffe à la suite du cahier des conditions de la vente,

Rejeté toute demande plus ample ou contraire,

Réservé les dépens.

*****

Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W] ont relevé appel du jugement par déclaration de leur conseil en date du 6 décembre 2021.

Par ordonnance en date du 13 décembre 2021, le Président de chambre délégué par Monsieur le Premier Président a autorisé Monsieur à assigner à jour fixe pour l'audience du 21 mars 2022.

Par acte d'huissier du 10 janvier 2022, Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W] ont fait délivrer à la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes assignation à jour fixe pour cette audience.

Par conclusions du 19 janvier 2022, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a formé appel incident.

Les difficultés d'organisation de la cour ont nécessité de déplacer cette audience à la date du 28 mars 2022 à 11h à laquelle l'affaire a été évoquée et mise en délibéré.

*****

Vu les dernières conclusions de Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W], appelants, adressées par voie de RPVA le 8 mars 2022, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des prétentions, moyens, demandes et du dispositif ;

Vu les dernières conclusions récapitulatives en date du 17 février 2022 de la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, intimée auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des prétentions, moyens, demandes et du dispositif ;

Les appelants contestent la régularité de la procédure de saisie immobilière en invoquant la nullité du commandement de payer et la caducité de la procédure de saisie immobilière, au regard des nombreuses irrégularités affectant le commandement de payer (absence de date du titre exécutoire, erreur sur la nature de la sûreté, erreur sur la mention de l'origine de propriété, imprécision du décompte des sommes réclamées) et du fait du caractère non exigible de la créance en l'absence de déchéance du terme valablement prononcée.

Subsidiairement, se prévalant d'une erreur du TEG, ils sollicitent la production d'un décompte expurgeant les intérêts depuis l'origine du prêt et demandent par ailleurs la confirmation du jugement sur la réduction de la clause pénale,

Ils sollicitent l'infirmation du jugement sur l'orientation en vente forcée et sollicitent la possibilité d'une vente amiable et des délais de paiement, en faisant valoir que la banque n'a pas hésité à mettre en 'uvre la saisie immobilière de leur domicile où ils vivent avec leurs enfants mineurs alors même que seules trois échéances du prêt étaient impayées et que leur permettrait de reprendre le paiement des échéances mensuelles s'ils parviennent à obtenir un nouveau financement pour solder les sommes restant dues à la Banque Populaire.

La banque s'oppose à toutes les prétentions des appelants et forme appel incident sur le montant de la créance, opposant la prescription de l'exception en déchéance du droit aux intérêts et, subsidiairement, le mal fondé de cette exception au regard de l'absence d'erreur du TEG, et encore plus subsidiairement, demande de ne retenir qu'une déchéance très partielle ; elle demande l'application de la clause d'indemnité forfaire dont elle conteste qu'il s'agisse d'une clause pénale ; elle demande de fixer sa créance au 11 juin 2019 à hauteur de 172 747,30 € outre frais, intérêts (dont TEG), frais accessoires et non comptabilisés, intérêts, frais et accessoires échus depuis cette date et à échoir jusqu'à parfait règlement de la créance.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel :

La recevabilité de l'appel formé le 6 décembre 2021 par Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W], débiteurs saisis, à l'encontre du jugement d'orientation en vente forcée du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Privas rendu le 25 novembre 2021 n'est pas contestée.

La déclaration d'appel précise bien les chefs critiqués du jugement.

L'appel de Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W] sera donc déclaré recevable.

L'appel incident de la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, formé par conclusions déposées en RPVA, portant sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels et la réduction de la clause pénale prononcées par le premier juge, est également recevable.

Sur le moyen de nullité du commandement :

Les appelants font valoir in limine litis que :

-le commandant de payer valant saisi en date du 24 octobre 2019 est affecté de nombreuses irrégularités qui auraient dû conduire le juge de l'exécution à prononcer sa nullité et subséquemment celle de la présente procédure ;

-ils relèvent notamment l'absence de mention de la date du titre exécutoire fondant les poursuites, l'erreur de nature de la sureté, l'erreur sur la mention de l'origine de la propriété, l'imprécision du décompte des sommes réclamées, ainsi que le caractère non exigible de la créance dont ils contestent subsidiairement le montant.

-la multiplicité de ces irrégularités qui affectent le commandement leur cause grief en ce qu'il n'est pas admissible qu'une procédure de saisie immobilière dont les conséquences sont gravissimes pour les débiteurs qui, à terme, perdent la propriété et la jouissance de leur résidence familiale, puisse être valablement initiée sur la base d'un acte aussi approximatif que celui dont ils ont fait l'objet, d'autant que la créance est contestée dans son exigibilité et son montant.

Aux termes de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

Avant d'examiner les irrégularités de forme du commandement de payer, il est logique d'examiner d'abord si celui-ci se fonde sur une créance liquide et exigible. En effet, si la banque n'a pas pu valablement prononcer la déchéance du terme du prêt, comme le font valoir les appelants, elle ne peut se prévaloir de l'exigibilité de sa créance et n'a en conséquence pas pu valablement délivrer le commandement de payer.

Sur la contestation de l'exigibilité de la créance :

Il est de jurisprudence constante, en application des dispositions de l'article 1184 ancien du Code civil que, sauf dispense expresse et non équivoque, une clause résolutoire de plein droit ne peut être acquise au créancier sans la délivrance préalable d'une mise en demeure restée sans effet, et notamment s'agissant de la déchéance du terme d'un prêt immobilier, en cas de défaillance de l'emprunteur.

En l'espèce, c'est à tort et par une lecture insuffisante du contrat de prêt, que le premier juge s'est contenté d'affirmer sans même le vérifier que « le titre exécutoire comportait un prêt prévoyant une clause d'exigibilité immédiate en cas de défaillance de l'emprunteur à qui la déchéance du terme a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 juin 2019 ».

Or, il ressort au contraire du contrat de prêt, qu'en page 33 du titre exécutoire - soit en page 18 de l'offre de prêt - au paragraphe intitulé « défaillance et exigibilité des sommes dues », ne figure aucune clause expresse et non équivoque susceptible de dispenser le créancier d'adresser aux débiteurs une mise en demeure préalable de régler les échéances impayées dans un certain délai, avant de pouvoir prononcer la déchéance du terme.

En effet, les dispositions contractuelles prévoient bien deux hypothèses, correspondant à deux options possibles pour la banque : « en cas de défaillance de l'emprunteur :

-et si la banque exige le remboursement immédiat du capital restant dû et des intérêts échus, les sommes restant dues jusqu'à la date du règlement effectif, des intérêts de retard à un taux d'intérêt égal à celui du prêt. En outre, sauf dans les cas de décès ou d'incendie stipulés ci-après, la banque exigera le paiement d'une indemnité dont le montant est fixé, depuis la date d'échéance impayée jusqu'à la date de régularisation, à 3 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non versés. Enfin, la banque exigera le remboursement, sur justification, des frais taxables visés à l'article L. 312- 23 »

-et si la banque n'exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, elle majorera de trois points le taux d'intérêt du prêt indiqué dans les conditions particulières, jusqu'à ce que l'emprunteur ait repris le cours normal de ses échéances contractuelles. Aucune somme, autres que celles mentionnées ci-dessus ne pourra être réclamée à l'emprunteur, à l'exception cependant, sur justification, des frais taxables visés à l'article L. 312-23 du code de la consommation.

Ainsi, l'existence même de cette option contredit toute interprétation du contrat dans le sens fait par le premier juge d'une clause expresse et non équivoque d'exigibilité immédiate.

Le contrat prévoit au contraire que la banque peut choisir de permettre à l'emprunteur de continuer à exécuter le contrat, en se contenant alors de lui appliquer une majoration de trois point du taux d'intérêt et ce jusqu'à régularisation et reprise du cours normal de paiement des échéances.

Dès lors, si la banque ne souhaitait plus poursuivre l'exécution du contrat, elle ne pouvait se dispenser d'une mise en demeure préalable des emprunteurs, par lettre recommandée avec avis de réception, d'avoir à honorer les échéances impayées dans un certain délai, et de constater ensuite que celle-ci était non suivie d'effet avant de pouvoir prononcer la déchéance du terme.

La banque ne le conteste d'ailleurs pas, puisqu'elle tente de se prévaloir d'une mise en demeure.

Sur ce point, la banque croit d'abord pouvoir utilement se prévaloir de la mise en demeure qu'elle a adressée aux emprunteurs le 17 juillet 2018, avec un préavis de deux mois, aux fins de régler concernant le prêt les échéances du 22 mai 2018 et du 22 juin 2018 pour un montant total de 1718, 88 €.

Cependant, cette mise en demeure n'est pas demeurée sans effet, puisque les emprunteurs ont - à tout le moins - régularisé les échéances impayées de mai et juin 2018, mais également intégralement réglé celles de juillet et août 2018.

Dès lors, pour prononcer la déchéance du terme le 11 juin 2019, soit près d'un an après la mise en demeure qui avait été suivie d'effet par une régularisation, la banque aurait dû préalablement adresser aux emprunteurs une nouvelle mise en demeure d'avoir à régulariser les échéances impayées de février, mars et avril 2019, ainsi que le reliquat en imputant prioritairement les paiements sur les deux échéances plus anciennes partiellement impayées.

On comprend mal d'ailleurs pourquoi la banque n'a pas fait pleinement application de l'imputation prioritaire des paiements sur les échéances les plus anciennes, laissant subsister un reliquat de 35,79 € au titre d'une échéance du 22 septembre 2018, ainsi qu'une partie de l'échéance de janvier 2022, alors même que l'échéance de mai 2019 a manifestement été réglée puisqu'elle ne figure pas comme impayée dans le décompte annexé pour la période du 22 septembre 2018 au 11 juin 2019.

Si la banque s'abstient de produire l'historique du compte du prêt ainsi que l'historique du compte courant sur lequel était prélevées les échéances, c'est bien parce qu'elle est en difficultés, tenant sa carence d'une nouvelle mise en demeure qui aurait été non suivie d'effets.

C'est pourquoi, les appelants font justement valoir le caractère non exigible de la créance en l'absence de déchéance du terme valablement prononcée, d'autant qu'ils font observer qu'entre le courrier recommandé du 19 juillet 2018 et la lettre recommandée du 11 juin 2019 les informant du prononcé de la déchéance du terme, la banque ne peut utilement se prévaloir des courriers simples qu'elle produit en pièces adverses 9 à 16 qui leur aurait été adressés en janvier, février, mars et avril 2019, leur rappelant que «  la position de votre compte n'a pas permis d'honorer les échéances...le défaut de règlement peut conduire notre banque à résilier votre contrat de prêt ' espérant cependant ne pas en arriver à une telle extrémité, et dans l'attente de votre règlement, nous vous prions d'agréer... »

Consciente de ce que la première mise en demeure du 17 juillet 2018 ne pouvait utilement servir de fondement au prononcé de la déchéance du terme, la banque tente dans ses dernières écritures, de faire croire à la cour que le courrier simple du 21 janvier 2019, rédigé dans les termes ci-dessus repris, serait une nouvelle mise en demeure, et ce en y agrafant un accusé de réception d'un recommandé adressé au seul Monsieur [C] [K], alors que cet accusé de réception se rapporte manifestement au regard de sa date à un autre courrier, étant observé que celui-ci était par ailleurs titulaire d'un compte courant sur lequel était prélevé les échéances du prêt et que la banque envisageait de clôturer.

En effet, l'accusé de réception d'un courrier indiquant une première présentation du 15 février 2019 et la signature le 16 février 2019 - et qui ne concerne que Monsieur [C] [K] et non pas Madame [F] [W] ' a manifestement été artificiellement agrafé au courrier du 21 janvier 2019 auquel il ne semble pas pouvoir se rapporter, soit trois semaines après sa date, outre que ce courrier-type du 21 janvier 2019 est rédigé dans les mêmes termes que ceux de février, mars et avril, ne mentionnant ni le terme de mise en demeure, ni un envoi en recommandé, au contraire de ce que la banque avait parfaitement précisé sur la mise en demeure du 19 juillet 2018.

S'il s'agissait vraiment d'une nouvelle mise en demeure des emprunteurs avant prononcé de la déchéance du terme, la banque produirait a minima également un accusé de réception signé par Madame [F] [W] à la même date. Or, il n'en est rien.

En outre, les échéances visées dans ce courrier du 21 janvier 2019, soit celles d'octobre et de décembre 2018, ont été régularisées puisqu'elles ne figurent plus dans le décompte annexé pour la période du 22 septembre 2018 au 11 juin 2019. Là encore, on comprend mal pourquoi la banque n'a pas fait en janvier 2019 pleinement application de l'imputation prioritaire des paiements sur les échéances les plus anciennes, laissant subsister un reliquat de 35,79 € au titre d'une échéance du 22 septembre 2018, alors que l'échéance de novembre 2018 était réglée à bonne date, selon ce courrier du 21 janvier 2019.

En outre, en selon le décompte arrêté au 11 juin 2019, l'échéance de mai 2019 avait été honorée.

Pour apprécier si une mise en demeure est rester sans effet ou si elle a pleinement produit ses effets, il convient de faire application de la règle d'imputation prioritaire des paiements sur les échéances les plus anciennes.

Non seulement le décompte arrêté au 11 juin 2019 ne laisse subsister aucune des échéances impayées visées dans la mise en demeure du 17 juillet 2018, mais en outre, à supposer même que l'on retienne que le courrier-type du 21 janvier 2019 puisse constituer une mise en demeure ' et ce à l'égard du seul Monsieur [C] [K] - il conviendrait alors d'appliquer la règle d'imputation prioritaire des paiements sur les échéances les plus anciennes : On constate alors que cette prétendue seconde mise en demeure de l'un seulement des emprunteurs n'est pas restée sans effet, puisque, après imputation prioritaire des paiements sur les échéances les plus anciennes, ne subsisterait au 11 juin 2019 plus aucune des échéances impayées visées dans le courrier-type du 21 janvier 2019.

Ainsi, la banque n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme du prêt à défaut d'une mise en demeure préalablement adressée aux deux emprunteurs par lettre recommandée et non suivie d'effet d'avoir à régulariser dans un certain délai les échéances impayées.

La cour observe qu'il ressort par ailleurs de l'acte authentique de prêt que celui-ci avait pour objet le rachat des parts des coïndivisaires, la maison d'habitation du couple de Monsieur [C] [K] et Madame [F] [W], étant été antérieurement celle des parents de Monsieur [K]. Les emprunteurs font valoir in fine le caractère disproportionné de la vente forcée de ce bien qui constitue leur maison d'habitation où vivent également leurs enfants mineurs, alors que temporairement, ils ont eu un retard de paiement de trois échéances et d'un petit reliquat d'une autre échéance.

Il ressort en outre des échanges de courriels entre les emprunteurs et leur conseiller de la Banque Populaire en octobre et novembre 2019, produits par la banque elle-même en sa pièce 22, que les emprunteurs ont par la suite régularisé les échéances impayées au moins jusqu'à fin novembre 2019, et ce avec l'objectif de pouvoir faire lever l'inscription au FICP et de faire racheter leur prêt par une autre banque, avec des demandes en ce sens auprès de la banque de Madame [W], et ainsi éviter la vente forcée de leur maison.

Ils ont donc continuer d'exécuter le prêt au delà de la déchéance du terme qui n'était pas valablement prononcée, d'autant qu'il n'est pas non plus justifié de l'avis de réception du courrier recommandé adressé à Madame [W] le 11 juin 2019 pour informer les emprunteurs du prononcé de la déchéance du terme.

En définitive, la banque - qui ne peut se fonder utilement sur une mise en demeure adressée aux codébiteurs saisis et non suivie d'effet - n'a pas pu prononcer valablement la déchéance du terme selon son décompte arrêté au 11 juin 2019.

La banque ne peut donc se prévaloir de l'exigibilité de sa créance, de sorte que - sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens - le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, il y a lieu de prononcer la nullité du commandement de payer et de constater que la procédure de saisie immobilière n'a pas été valablement initiée.

En conséquence, il sera fait droit à hauteur de 2500 € à la demande des appelants d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes adverses étant rejetées.

La SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes qui succombe en définitive supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

La Cour, statuant en matière de saisie immobilière dans la limite de sa saisine, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :

Déclare recevable l'appel formé le 6 décembre 2021 par Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] à l'encontre du jugement d'orientation en vente forcée du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Privas en date du 25 novembre 2021,

Déclare recevable l'appel incident de SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes formé par conclusions déposées en RPVA,

Au fond,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Vu notamment l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Juge que la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne peut se prévaloir de l'exigibilité de sa créance, à défaut d'avoir valablement prononcé la déchéance du terme du prêt immobilier de 186 303,52 € consenti à Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] selon acte authentique en date du 25 février 2016,

En conséquence,

Prononce la nullité du commandement de payer délivré à Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] par acte extrajudiciaire du 24 octobre 2019, publié le 22 novembre 2019 au service de la publicité foncière de [Localité 7],

Juge que la procédure de saisie immobilière à l'encontre de Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] n'a pas été valablement initiée par la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à Madame [F] [W] et Monsieur [C] [K] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux entiers dépens de procédure de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

la greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/04330
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;21.04330 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award