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25/08/2022 | FRANCE | N°21/04310

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 21/04310


ARRÊT N°



N° RG 21/04310 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIQV



CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

22 novembre 2021 RG :19/00418



[R]



C/



[R]

[PT] NÉE [R]



















Grosse délivrée

le

à Me Rayne

Selarl Llurens Danigo...

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARR

ÊT DU 25 AOUT 2022







APPELANTE :



Madame [D] [R] veuve [O]

née le 24 Octobre 1955 à ISLE SUR LA SORGUE (84800)

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Peggy RAYNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON







INTIMÉES :



Madame [U] [R]

née le 18 Mai 1936 à [Localité 5] (84...

ARRÊT N°

N° RG 21/04310 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIQV

CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

22 novembre 2021 RG :19/00418

[R]

C/

[R]

[PT] NÉE [R]

Grosse délivrée

le

à Me Rayne

Selarl Llurens Danigo...

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTE :

Madame [D] [R] veuve [O]

née le 24 Octobre 1955 à ISLE SUR LA SORGUE (84800)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Peggy RAYNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

Madame [U] [R]

née le 18 Mai 1936 à [Localité 5] (84220)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Karelle DANIGO de la SELARL LLURENS-DAVY-MAUBOURGUET-DANIGO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame [H] [E] [R] divorcée [PT]

née le 12 Juin 1954 à L'ISLE SUR LA SORGUE (84800)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Henri BERGER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Catherine Ginoux, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Mme Elisabeth Granier, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 10 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 juillet 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe

Exposé du litige

De l'union de [A] [R] et d'[Y] [G] épouse [R], sont issus six enfants :

- [S] , décédé le 20 juillet 2011

- [W]

- [RT] , décédé le 20 février 2017

- [U]

- [C]

- [K]

[A] [R] est décédé en 1974.

Le 23 septembre 1987, sa veuve [Y] [G] a signé avec la mairie de l'Isle sur la Sorgue un contrat de concession de terrain pour l'installation d'un caveau , la concession accordée portant le numéro 2750.

Le 26 avril 2000, [Y] [G] est décédée.

Dans le caveau , objet de la concession numéro 2750, sont actuellement inhumés les quatre corps de :

- M. [A] [R], décédé les 20 juin 1974,

- son épouse Mme [Y] [B] [G], décédée le 26 avril 2000,

- [S] [R], fils aîné des époux [R]-[G] , décédé le 20 juillet 2011

- et l' épouse de ce dernier, Mme [X] [AJ], décédée le 18 septembre 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 octobre 2018, [U] [R] épouse [T] a mis en demeure sa nièce [D] [R] épouse [O], de consentir au transfert des corps de ses défunts parents dans la concession acquise par la soeur de cette dernière [H] [R] épouse [PT] ou dans toute autre concession.

Le 31 octobre 2018, Mme [D] [R] a fait connaitre son refus.

Par acte en date du 23 janvier 2019, [U] [R] a fait assigner [D] [R] devant le tribunal judiciaire d'Avignon aux fins d'obtenir le transfert de sépulture des époux [R]/[AJ], parents de la défenderesse.

Par jugement du 22 novembre 2021, après avoir ordonné la mise en cause de Mme [H] [R], le tribunal judiciaire d'Avignon a :

- ordonné l'exhumation des corps de [S] [R] et [X] [AJ] épouse [R], inhumés dans la concession numéro 2750 , située sur la commune de l'Isle sur la Sorgue

- ordonné leur inhumation ensemble dans le caveau de la concession numéro 4903 appartenant à [H] [R], située sur la commune de l'Isle sur la Sorgue

- débouté [U] [R] de sa demande de dommages et intérêts

- débouté [D] [R] de ses demande reconventionnelle en dommages et intérêts et aux frais d'inhumation

- condamné [D] [R] aux dépens avec distraction.

- écarté l'exécution provisoire de la décision

Par déclaration enregistrée le 4 décembre 2021, Mme [D] [R] a interjeté appel .

Suivant conclusions notifiées le 30 mars 2022, Mme [D] [R] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception du débouté de la demande de dommages et intérêts formée par Mme [U] [R]

- de débouter Mme [U] [R] de toutes ses demandes

- subsidiairement dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'exhumation des corps de ses parents, de laisser la décision du choix de la nouvelle sépulture à elle-même et à sa soeur.

- de condamner Mme [U] [R] à lui payer la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral

- de la condamner à lui payer au titre des frais irrépétibles la somme de 2.000€ pour la première instance et 4.000€ en cause d'appel

- de la condamner aux dépens.

L'appelante soutient qu'en l'absence de volonté écrite de Mme [Y] [R], la concession est destinée à accueillir les membres de la famille sans distinction . Elle estime que chaque héritier peut sans l'assentiment des autres, user de la concession pour lui-même et son conjoint. Elle fait valoir que la famille n'a émis aucune protestation lors de l'inhumation de ses parents dans le caveau . Elle invoque le principe d'immutabilité de la sépulture et estime qu'il n'existe aucun motif grave et sérieux de ne pas respecter la sépulture actuelle de ses défunts parents. Elle affirme que la plaque sur le monument au nom des familles '[R]/[T]' a été apposée par sa tante bien après , afin de permettre à sa tante de se constituer une preuve à elle-même de la volonté d'[Y] [R].

Suivant conclusions notifiées le 28 mars 2022, Mme [U] [R] épouse [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts

- débouter Mme [D] [R] de ses demande

- de la condamner à lui payer la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- de la condamner à lui papyer la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles et aux dépens

L'intimée soutient qu'à défaut de précision sur le caractère familial ou non de la sépulture, la volonté du fondateur doit être recherchée. Elle prétend que la volonté de la fondatrice, sa mère [Y] [R], était de réserver l'usage de la sépulture à sa fille unique et à son gendre .

Elle ajoute qu'elle a pris conscience seulement lors de l'inhumation du corps de sa belle-soeur Mme [AJ] que les places dans le caveau était limitées à quatre , ce qui explique qu'elle ne s'est pas opposée à l' inhumation des époux [R]-[AJ] dans le caveau .

Elle précise qu'elle accepte de prendre en charge la totalité des frais .

Suivant conclusions notifiées le 22 avril 2022, Mme [H] [R] demande à la cour de :

-statuer ce que de droit sur les prétentions des autres parties

-la dispenser de tous frais de procédure

-condamner la partie succombante à lui payer la somme de 2.400€ au titre des frais irrépétibles

L'intimée indique qu'elle n'entend pas prendre parti dans le différend soumis à la cour opposant sa tante et sa soeur . Elle explique que le conflit autour de la sépulture de ses parents ravive chez elle la blessure de la perte de ses parents et qu'elle a acheté une concession dans le but de trouver une solution apaisée au litige familial.

La clôture de la procédure a été fixée au 28 avril 2022

MOTIFS de la décision

Sur l'exhumation des corps de M. [S] [R] et de Mme [X] [AJ] épouse [R]

L'appelante- Mme [D] [R]- s'oppose à l'exhumation des corps de ses parents en invoquant le principe de l'immutabilité des sépultures fondée sur le respect de la paix des morts .

Toutefois, l'exhumation peut être autorisée par le juge, à certaines conditions, notamment si elle est justifiée par des motifs graves.

Il convient d'apprécier si en l'espèce, il existe un motif grave et sérieux.

Les défunts reposent actuellement dans le caveau de la concession achetée par Mme [Y] [G] veuve [R] à l'Isle sur la Sorgue.

Dans le caveau , ont été inhumés M. [A] [R], décédé les 20 juin 1974, son épouse Mme [Y] [B] [G], décédée le 26 avril 2000, ainsi que [S] [R], fils aîné des époux [R]-[G] , décédé le 20 juillet 2011 et l' épouse de ce dernier, Mme [X] [AJ], décédée le 18 septembre 2017.

Selon l'article L.2223-13 du code général des collectivités territoriales, « Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux.

Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l'inhumation des urnes dans le cimetière.

Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune. »

Le droit de concession funéraire est un droit réel immobilier d'usage avec affectation spéciale. Le titulaire de la concession est le seul à pouvoir déterminer librement les personnes pouvant être inhumées dans la concession.

Or, Mme [Y] [R], titulaire depuis le 18 mai 1987 de la concession perpétuelle n°2750 dans le cimetière de la commune de l'Isle sur la Sorgue, est aujourd'hui décédée, sans laisser d'écrit désignant nommément les personnes autorisées à être inhumées, ce qui doit amener la cour à rechercher à rechercher la volonté du fondateur de la concession.

Tous les proches, tant de la deuxième que de la troisième génération évoquent l'attachement de Mme [Y] [B] [G] épouse [R] à sa fille [U] [R] épouse [T], fille unique de la fratrie composée de cinq garçons et une fille, et attestent qu'elle voulait être inhumée dans le caveau avec sa fille et son gendre.

- M. [W] [R], fils de feue Mme [Y] [R] : Cette volonté était liée au lien affectif fort entre ma mère et ma soeur. Ma Soeur [U] a toujours été aux côtés de ma mère tout au long de sa vie. Elle s'est toujours occupée d'elle....

- M. [C] [R], fils de feue Mme [Y] [R] '.... Je pense qu'elle souhaitait avoir sa fille et son mari avec pour l'accompagner. Pour moi, il y a une logique, [U] s'est toujours, même beaucoup, occupée d'elle ».

- M. [K] [R], autre fils de feu Mme [Y] [R] Ce que j'ai toujours entendu dire (...), c'est qu'elle [ma mère] voulait que [U] et son mari soient dans son tombeau, c'était sa volonté (...) ».

- Mme [F] [T] épouse [WM], petite -fille de Mme [Y] [R] '.... Dans mes plus lointains souvenirs, mamé a toujours voulu que sa fille qui s'est occupée d'elle toute sa vie, qui s'est donnée corps et âme tous les jours depuis sa plus jeune enfance « repose » avec elle...

-M. [N] [T], petit- fils de Mme [Y] [R] : « Depuis mon plus jeune âge, j'ai pu constater une énorme complicité et un attachement sans faille de ma mère, [U] [R] épouse [T], envers ma grand-mère, .... le souhait le plus cher de ma grand-mère était d'avoir à ses côtés sa fille et son gendre (mon père [I] [T]) pour reposer en paix (...) ».

Mme [V] [AM] ' [XM], concubine d' [RT] [R] , fils d'[Y] [R] Mme [U] [R], .. s'est quotidiennement occupée de sa mère dans tous les actes de sa vie courante, du matin au soir. Seule fille de la fratrie, il y avait beaucoup d'attachement entre elles deux. Lors de rencontres et de discussions sur ce sujet, Mme [M] [R] a évoqué ses volontés après son décès en exprimant clairement qu'elle souhaitait que sa fille et son gendre soient enterrés dans son caveau. C'est la raison pour laquelle elle avait fait graver les deux noms : [R]-[T] sur la pierre tombale....

Au regard de l'ensemble de ces témoignages, il ne fait aucun doute que Mme [Y] [G] épouse [R] souhaitait que sa fille soit inhumée dans le caveau dont elle est titulaire afin qu'elle repose auprès d'elle.

Cette volonté de la défunte d'accueillir dans son caveau les époux [T] (sa fille [U] et son gendre [I]) est corroborée par la pose d'une plaque funéraire avec les deux noms patronymiques des familles [R] (nom d'[Y] [R] ) et [T] (nom d'épouse de sa fille [U]).

L'artisan en charge de la pose, M. [Z] [L],« certifie avoir posé une plaque gravée au nom de Famille-[R] à la date du 21 décembre 1988 sur le monument ».

Les enfants vivants de la défunte Mme [Y] [R] attestent de ce que l' inititiative de la plaque portant l'inscription des deux noms, provient de leur mère [Y] [R].

Mme [V] [P], qui a été concubine de feu [RT] [R] , autre enfant d'[Y] [R], atteste des confidences de son concubin à ce sujet l'inscription portée sur le caveau (') était [R]-[T] (...). Il m'a expliqué dès 1994 que sa mère souhaitait que sa fille [U] et son gendre [I] [T] soient inhumés avec elle, raison pour laquelle elle avait anticipé lorsqu'elle a acheté le caveau en faisant porter cette inscription. Cette information a été plusieurs fois évoquée devant moi par Mme [Y] [R] et [U] [T]-[R] au cours des années qui ont suivi (')

La seule attestation discordante de Mme [J] [PT], petite fille de Mme [Y] [R], selon laquelle la plaque aurait été posée après l'inhumation de Mme [X] [AJ] épouse [R] en septembre 2017, n'est pas de nature à contredire la portée de l'ensemble des autres attestations, étayées par les photographies prises en 2011 montrant que déjà à cette date la plaque était en place .

Ainsi la volonté de Mme [Y] [R], titulaire de la concession, est clairement établie quant à la désignation des bénéficiaires de la sépulture parmi les membres de la famille.

Le fait que personne ne se soit manifesté pendant plus de sept années pour demander l'exhumation des corps des époux [R]/[AJ] s'explique par le fait que l'ensemble de la famille pensait que la capacité du caveau était de six places et n'a découvert la véritable potentialité du caveau, limitée à quatre, qu'à l'occasion de l'inhumation de Mme [X] [AJ], veuve de [I] [R] .

-[W] [R], déclarant avoir ignoré que le tombeau ne comprenait que 4 places et je m'en suis rendu compte à l'enterrement d'[X] [R]. Je déclare que la volonté de notre mère était d'être enterrée avec sa fille [U] et son beau-fils [I], et que si on avait su qu'il n'y avait que 4 places, les deux places restantes revenaient à ma soeur [U] et à mon beau-frère [I] ».

Son autre frère, [C] [R], atteste  : « (') J'ai toujours entendu dire par ma famille que le tombeau était pour 6 personnes et que ma mère y souhaitait que ma soeur y soit avec elle ('). Mais (...) lorsque ma belle-soeur [X] a été déposée la famille s'est aperçue que ce tombeau était fait pour 4 personnes (...) ».

Mme [TR] [PT], fille de Mme [H] [R] épouse [PT] confirme : « (...)au décès de ma grand-mère [X], ils se sont aperçus qu'il n'y avait plus de place pour la tante [U] et son époux (...) ».

Dans ces conditions,il ne peut être reproché à Mme [U] [R] épouse [T] d'avoir agi tardivement.

Par ailleurs, il importe peu que M. [I] [R] ait exprimé, selon l'appelante, le souhait d'être enterré dans le tombeau , sa volonté ne pouvant primer sur celle de la la titulaire de la concession, Mme [Y] [R], devenue irrévocable lors de son décès en 2000.

En définitive , la volonté incontestablement établie de la titulaire de la concession de voir ensevelis à ses côtés dans le caveau sa fille et son gendre constitue une cause grave et légitime justifiant l'exhumation des corps des époux [R]/[AJ], eu égard à la capacité limitée du caveau.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est prononcé en ce sens.

Sur l'inhumation de M. [S] [R] et de Mme [X] [AJ] épouse [R] en un autre lieu

En cas d'incertitude sur la volonté du défunt quant à son lieu de sépulture, il convient de s'en remettre aux proches.

Il n'est pas contestable qu'en l'espèce, le choix du lieu d'inhumation des époux [R]/[AJ] appartient à leurs deux filles :

- [D] [R] veuve [O]

- et [H] [R] épouse [PT].

En tant qu'héritières, Mme [H] [R] épouse [PT] et Mme [D] [R] veuve [O] sont les seules à pouvoir décider du lieu d'inhumation du corps de leurs parents .

Dès lors qu'elles sont en désaccord sur le choix du lieu d'inhumation, il appartient au juge de statuer sur ce point.

Mme [D] [R] veuve [O] indique qu'elle dispose d'une concession familiale se trouvant à Goult.

Mme [H] [R] épouse [PT] indique qu'elle a acheté une concession à [Localité 6] en vue d'y faire inhumer ses parents quand elle a eu connaissance du litige opposant sa tante et sa soeur.

Les dépouilles des époux [S] [R] et [X] [AJ] se trouvent actuellement inhumées dans le caveau litigieux situé dans le cimetière de l'Isle sur La Sorgue.

II résulte par ailleurs de plusieurs attestations concordantes et non contestées que M. [S] [R] souhaitait être enterré avec son épouse au cimetière de l'Isle sur la Sorgue. Aucune pièce versée aux débats ne fait état de son souhait d'être inhumé dans une autre commune que celle de l'Isle sur la Sorgue.

Ainsi, il apparait qu'un lieu de sépulture se trouvant sur la commune d'Isle sur la Sorgue répond le mieux à la volonté exprimée de l'un des défunts.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge, qui a ordonné l'inhumation ensemble des corps de [S] [R] et [X] [AJ] dans le caveau situé sur la concession n° 4093 située sur la commune de l'Isle sur la Sorgue.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [U] [R] épouse [T]

Il est de principe que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Mme [U] [R] épouse [T] ne démontre pas au soutien de sa demande de dommages-intérêts que Mme [D] [R] veuve [O] s'est opposée au transfert des corps de ses parents de manière abusive face à l'accord des autres membres de la famille.

Mme [U] [R] épouse [T] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral

L'appelante sollicite le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral en raison de la passivité fautive de Mme [U] [R] épouse [T] qui n'a réagi qu'en septembre 2017 pour demander l'exhumation des corps de M. [S] [R] et de son épouse alors qu'elle était en possession depuis le décès de sa mère en 2000 de la facture du monument funéraire mentionnant le nombre de quatre places.

Si l'appelante est certainement et moralement affectée par la demande d'exhumation du corps de ses parents qui n'est intervenue que plusieurs années après le décès de son père [S] [R], aucune faute ne peut être imputée à Mme [U] [R] épouse [T] puisqu'il a été vu supra que l'ensemble de la famille était dans la croyance que le caveau litigieux pouvait accueillir 6 places jusqu'au moment de l'inhumation de Mme [X] [AJ] épouse [R], soit en septembre 2017.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [R] veuve [O] de ce chef de demande.

Sur la demande de prise en charge des frais d'exhumation, de transfert et d'inhumation des corps

L'appelante sollicite la réformation du jugement qui a mis à la charge des héritiers les frais d'exhumation et d'inhumation en ce qu'elle avait formulé sa demande sur le fondement des articles L. 2223-19 à L. 2223-30 du code général des collectivités territoriales.

Dans la présente procédure, elle fait valoir que les frais d'inhumation ont déjà été réglés dans le cadre de la succession lors de la première inhumation des corps de ses parents et que lesdits frais d'exhumation, de transfert et d'inhumation des corps doivent être mis à la charge de Mme [U] [R] épouse [T] qui accepte de les payer.

Il convient de prendre acte de la volonté de Mme [U] [R]-[T] de supporter les frais d'exhumation, de transfert et d'inhumation des corps des époux [R]-[AJ].

Mme [U] [R] épouse [T], ayant pris l'initiative de la demande d'exhumation des corps de M. [S] [R] et de Mme [X] [AJ] épouse [R] et acceptant de prendre à sa charge la totalité des frais en découlant, toutes les parties étant d'accord sur ce point, il sera fait droit à la demande de Mme [D] [R] veuve [O].

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Succombant, l'appelante supportera les dépens d'instance.

Il est rappelé que le droit de recouvrement direct est devenu sans objet du fait de la suppression de tout tarif de l'avocat, en application de la loi du 6 août 2015.

Or, le jugement déféré du 22 novembre 2021 a été rendu postérieurement au 8 août 2015, date d'entrée en vigueur de la loi supprimant le tarif d'avocat, de sorte que la demande de distraction des dépens au profit de l'avocat en la cause est sans objet.

L'équité commande d'allouer aux deux intimées une indemnité de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de Mme [D] [R] veuve [O] formée sur ce fondement sera rejetée dès lors qu'elle succombe en son recours.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la charge de frais d' exhumation, de transfert et d'inhumation des corps de [I] [R] et d' [X] [AJ] veuve [R]

Statuant du chef infirmé

Dit que les frais d'exhumation, de transfert et d'inhumation des corps de [I] [R] et de [X] [AJ] veuve [R] doivent être supportés par Mme [U] [R] épouse [T]

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [R] veuve [O] à verser à Mme [U] [R] -[T] la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [D] [R] veuve [O] à verser à Mme [H] [R]- [PT] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [D] [R] veuve [O] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/04310
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;21.04310 ?
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