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25/08/2022 | FRANCE | N°21/03472

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 21/03472


ARRÊT N°



N° RG 21/03472 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IF5Q



CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

07 septembre 2021 RG :20/02678



[P]



C/



[P] EPOUSE [W]

[P]

S.C.I. GIRARD











Grosse délivrée

le

à Me Tartanson

Selarl Bourgeon Moyal



















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARR

ÊT DU 25 AOUT 2022







APPELANTE :



Madame [X] [P] épouse [S]

née le 23 Octobre 1954 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON







INTIMÉS :



Madame [H] [P] épouse [W]

née le 08 Février 1946...

ARRÊT N°

N° RG 21/03472 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IF5Q

CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

07 septembre 2021 RG :20/02678

[P]

C/

[P] EPOUSE [W]

[P]

S.C.I. GIRARD

Grosse délivrée

le

à Me Tartanson

Selarl Bourgeon Moyal

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTE :

Madame [X] [P] épouse [S]

née le 23 Octobre 1954 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉS :

Madame [H] [P] épouse [W]

née le 08 Février 1946 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Audrey MOYAL de la SELARL CABANES BOURGEON MOYAL, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Cédric CABANES de la SCP LECLERC CABANES CANOVAS, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [L] [P]

né le 18 Décembre 1944 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Audrey MOYAL de la SELARL CABANES BOURGEON MOYAL, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Cédric CABANES de la SCP LECLERC CABANES CANOVAS, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

S.C.I. [P] prise en la personne de son représentant légal Monsieur [L] [P]

assignée à étude d'huissier le 14/12/2021

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Catherine Ginoux, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Mme Elisabeth Granier, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 10 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 juillet 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

arrêt par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe

Exposé du litige

Suivant acte authentique de donation partage reçu le 16 mars 1978, [A] et [T] [P] ont fait donation à chacun de leurs trois enfants [X] [H] et [L] d'un tiers de la nue-propriété de la SCI [P], comportant comme seul actif immobilier un hôtel particulier sis au numéro [Adresse 4].

Dans un acte sous-seing-privé en date du 26 juin 1994, [A] [P] (usufruitier) et les trois nus-propriétaires ([X], [H] et [L] [P]) conviennent du principe de la substitution à terme d'une copropriété à la SCI actuellement existante, avec l'attribution nominative de trois lots sur quatre :

-le lot numéro1 correspondant à une partie du rez de chaussée à Mme [X] [P]

- le lot numéro 2 correspondant au 1er étage à M. [L] [P]

-le lot numéro 3 correspondant au 2ème étage à Mme [H] [P],

l'attribution du lot numéro 4 (pavillon et jardin du rez de chaussée) restant à déterminer.

A la suite du décès survenu le 11 février 2013 du dernier des usufruitiers- [T] [P] entraînant la cessation du démembrement de propriété, les trois frère et soeurs [X] [P] épouse [S], [H] [P] épouse [W] et [L] [P], sont devenus propriétaires indivis de la SCI [P].

Le 31 juillet 2020, les associés réunis en assemblée générale extraordinaire hors la présence de Mme [X] [S], décident d'abandonner la mise en copropriété et de vendre l'immeuble en son intégralité à la société 'Histoire et Patrimoine'.

Par actes des 30 septembre et 1er octobre 2020, [X] [P] épouse [S] a fait assigner ses co-associés en annulation du procès-verbal de cette assemblée générale .

Par jugement rendu le 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon a débouté Mme [S] de ses demandes et l'a condamnée à payer aux défendeurs la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration enregistrée le 22 septembre 2021, Mme [X] [P] épouse [S] a interjeté appel.

Suivant conclusions notifiées le 14 avril 2022, Mme [S] demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions

- prononcer l'annulation du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 31 juillet 2020

- condamner M. [L] [P] et Mme [H] [W] née [P] à lui payer :

* la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

* celle de 3.000€ et de 5.000€ au titre des frais irrépétibles, respectivement de première instance et d'appel.

L'appelante prétend que les accords de 1994 constituent un 'complément' de l'acte initial de donation partage et non un simple accord de principe et soutient que la décision de refus de mise en copropriété est une atteinte au principe d'irrévocabilité des donations. Elle estime en outre que ses co-associés ont abusé de leur majorité en adoptant une décision contraire à l'intérêt de la société mais prise dans l'intérêt exclusif des associés majoritaires. Elle fait valoir qu'elle occupe l'un des lots à titre de résidence principale et qu'ainsi la vente globale de l'immeuble lui fait grief. Elle prétend que financièrement la vente de l'immeuble constitue une opération moins avantageuse que la mise en copropriété générant des travaux pour un coût de 172.315 € qu'elle était prête à financer.

Suivant conclusions notifiées le 16 février 2022, Mme [H] [P] épouse [W] et M. [L] [P] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 10.000€ au titre des frais irrépétibles

Les intimés soutiennent que la convention de 1994 doit s'analyser en un accord de principe entre associés, dont certains éléments restaient à préciser dont notamment l'attribution du lot numéro 4. Ils prétendent que les associés ne sont pas parvenus à s'accorder sur les points laissés en suspens par le projet de 1994. Ils estiment que les décisions litigieuses prises à la majorité s'imposent à la minorité et qu'en l'espèce,les conditions d'un abus de majorité ne sont pas démontrées.

La clôture de la procédure a été fixée au 21 avril 2022.

Motifs de la décision

Sur l'annulation du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 31 juillet 2020

Mme [X] [S] prétend que les deux résolutions adoptées hors sa présence lors de l'assemblée générale du 31 juillet 2020 , portent atteinte au principe d'irrévocabilité des donations et constituent un abus de majorité.

Il y a donc lieu d'analyser les deux résolutions litigieuses afin de déterminer si elles encourent la nullité au regard des deux motifs invoqués par Mme [X] [S].

La première résolution a trait à la renonciation à la mise en copropriété de l'immeuble de la SCI [P].

Cette résolution est libellée ainsi :

l'assemblée générale ..décide de ne pas donner suite à la réalisation du projet de division de l'immeuble.

Le principe de la future mise en copropriété de l'immeuble sis au [Adresse 4] avait été adopté en 1994 par la majorité des associés, mais hors la présence de Mme [T] [P].

En 2020, la renonciation à la mise en copropriété de l'immeuble a été adoptée par deux associés - [H] et [L] [P] hors la présence de la troisième associée [X] [P].

Contrairement à ce que soutient Mme [S], l'accord de principe de 1994, ne peut être analysé en un 'complément ' de l'acte de donation de 1978 .

En effet ,la donation de 1978 est un acte unilatéral consenti par [A] et [T] [P] , suivant acte authentique, alors que l'accord intervenu en 1994 l'a été par acte sous-seing-privé par certains associés de la SCI [P] parmi lesquels ne figure pas Mme [T] [P], pourtant co-donatrice.

En outre, l' acte sous-seing-privé de 1994 ne mentionne pas que l'accord de substitution à terme de la SCI [P] par une mise en copropriété a vocation à compléter l'acte de donation. La cour observe que près de 25 années se sont écoulées depuis l'accord de principe qui n'a pu se concrétiser en raison d'absence de consensus des associés sur l'attribution du lot numéro 4 ainsi que sur les soultes à régler au regard de la valeur de chaque lot.

S'il est prévu dans le document de 1994 un projet d'état descriptif de division ainsi que la détermination des parties privatives et des parties communes, ainsi que le réglement interne de la future copropriété, de nombreux éléments sont laissés en suspens comme la date butoir de réalisation de la copropriété ou bien l'attribution du lot numéro 4 ou encore les soultes. Or, ces précisions constituent des éléments fondamentaux pour la concrétisation d'une mise en copropriété, de sorte que leur absence confére la qualité de simple projet à cet accord sous-seing-privé. Cet accord de mise en copropriété n'était donc pas irrévocable, si bien que la SCI [P] pouvait, après plusieurs tentatives qui se sont soldées par un échec, y renoncer à la majorité requise.

Par ailleurs, la décision de la SCI [P] , prise à la majorité requise mais hors la présence de Mme [X] [S], de ne pas poursuivre le processus de démarches de mise en copropriété, ne peut caractériser un abus de majorité faute de démonstration que d'une part cette décision a été prise contrairement à l'intérêt général de la société, et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité.

En effet, il n'est pas établi que cette décision d'abandon du projet de mise en copropriété présente un quelconque avantage pour [L] et [H] [P], dont ne pourrait profiter [X] [P].

La seconde résolution relative à la vente de l'ensemble immobilier à la société Histoire et Patrimoine .

Cette résolution est libellée ainsi :

l'assemblée générale ..décide de procéder à toutes les démarches en vue de procéder à la vente de l'ensemble immobilier situé au [Adresse 4] aux conditions définies dans l'offre émise par la société 'Histoire et Patrimoine'.

Dans un courrier du 5 juin 2018, la société Histoire et Patrimoine offre d'acquérir l'immeuble de la SCI [P], en sa totalité.

Mme [S] estime que cette résolution d'acceptation de l'offre d'achat par la société Histoire et Patrimoine caractérise un abus de majorité et qu'une vente par lots au lieu d'une vente de l'ensemble immobilier présenterait un intérêt économique plus avantageux pour la SCI [P].

La notion d'abus de majorité implique la caractérisation de deux éléments:

- la décision en cause ne peut être tenue pour abusive que si elle a été prise

contrairement à l'intérêt général de la société' ; il faut donc établir que la décision est contraire à l'intérêt social, de sorte que la simple incertitude sur sa conformité à l'intérêt social ne suffit pas (a)

- la décision doit, en outre, avoir été prise 'dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité' (b)

a)En l'espèce, le 30 juillet 2013, le GVEN (Groupement Vaucluse d'Expertise Notariale) a évalué les lots à 1.812.000€ .

Le 12 juin 2015, l'Agence immobilière du Centre à [Localité 3] a estimé à 1.700.000€ l'ensemble de l'immeuble avec jardin et dépendances et a précisé qu'en cas de vente 'à la découpe' l'estimation est portée à 1.900.000€, soit un écart de prix de de 200.000€ entre les deux opérations.

Cependant, il n'est pas produit d'actualisation de cette expertise . Pas davantage, Mme [S] ne verse aux débats des offres d'acquisition de l'immeuble soit dans son ensemble, soit par lots, contemporaines à l'offre émise par la société Habitat et Patrimoine.

Mme [S] prétend qu'il serait de l'intérêt de la société de vendre l'immeuble en 'lots'. Or, une telle opération suppose des frais importants pour diviser l'immeuble parmi lesquels le coût des travaux tels que chiffrés par l'architecte [U] représentant une somme oscillant entre172.315 € et 221.113 €, ainsi que les différents actes juridiques de division (établissement d'un état descriptif de division par géomètre-expert, rédaction et publication du réglement de copropriété par notaire), de sorte qu'il apparait que la vente par lots appelée de ses voeux par Mme [S] ne constitue pas une opération plus avantageuse pour la SCI [P], la différence de 200.000 € entre les deux opérations étant manifestement absorbée par les frais de division. En outre sur le plan fiscal, selon le notaire interrogé, une vente par lots aurait pour conséquence de soumettre les cessions à la fiscalité des plus-values, ce qui obérerait davantage le produit tiré de la vente.

Ainsi, la vente de l'immeuble de la sci [P] dans son intégralité, au lieu d'une vente par lots, n'est pas contraire à l'intérêt social.

-b) Par ailleurs, Mme [S] ne rapporte pas la preuve que la décision de vendre l' l'immeuble en son intégralité et non par lots, a été prise 'dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité'.

En effet, si la vente de l'ensemble immobilier se révèle préjudiciable pour Mme [S] qui occupe le rez-de-chaussée de l'immeuble à titre de résidence principale et serait expulsable, en revanche, Mme [S] n'établit pas en quoi ce type d'opération est de nature à favoriser les intérêts financiers des autres associés et procède d'une volonté de rompre l'égalité entre associés, puisque chaque associé qu'il soit minoritaire ou majoritaire recevra, conformément à ses parts, un tiers du prix de vente.

Par conséquent, Mme [S] ne démontre pas la réunion des deux conditions pour caractériser un abus de majorité.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [S] de sa demande de voir prononcer la nullité du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI [P] en date du 31 juillet 2020.

Sur les dommages et intérêts

Mme [S] estime qu'en refusant de poursuivre le processus de mise en copropriété, alors qu'il était bien avancé et qu'elle était disposée à faire l'avance des frais de division, pour conserver le lot qu'elle occupe et qui constitue sa résidence principale, alors qu'au surplus, elle rencontrait des problèmes médicaux, ses associés lui ont occasionné un préjudice.

Il appartient à Mme [X] [P] [S] qui sollicite la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi, de démontrer, conformément aux exigences de l'article 1240 du code civil, la faute qu'auraient commise ses associés.

Or, il apparait qu'en votant une résolution dans le cadre d'une assemblée générale régulièrement convoquée, M. [L] [P] et Mme [H] [W] n'ont fait qu'exercer leurs droits d'associé , de sorte qu'il ne peut être retenu à leur encontre une faute, condition indispensable pour exercer une action en responsabilité.

Par voie de conséquence, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme [X] [P] [S], de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

En cause d'appel, et en considération de la médiation en cours entre les parties sur les difficultés successorales, l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X] [S] qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [X] [P] épouse [S] aux dépens d'appel

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/03472
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;21.03472 ?
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