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25/08/2022 | FRANCE | N°20/03051

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 20/03051


ARRÊT N°



N° RG 20/03051 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3PZ



CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

10 novembre 2020 RG :19/03653



[I]



C/



[V]



















Grosse délivrée

le

à SCP Fontaine Floutier

Selarl Banuls Reche

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 AOUT

2022







APPELANT :



Monsieur [Y] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES





INTIMÉ :



Monsieur [O] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Chris...

ARRÊT N°

N° RG 20/03051 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3PZ

CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

10 novembre 2020 RG :19/03653

[I]

C/

[V]

Grosse délivrée

le

à SCP Fontaine Floutier

Selarl Banuls Reche

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANT :

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [O] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Christine BANULS de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine Ginoux, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Madame Laure Mallet, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 09 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la cour

Expose du litige

M. [O] [V] et M. [Y] [I] ont des propriétés contiguës dans le lotissement '[Adresse 3], situé à [Localité 4] (Gard).

Se plaignant des nuisances causées par la présence d'un arbre de grande envergure se trouvant sur le fonds de son voisin, M. [V], après échec des tentatives amiables, a obtenu en référé la désignation de M. [F], en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 26 novembre 2018, puis a fait assigner M. [I].

Par jugement rendu le 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constaté l'acquisition de la prescription trentenaire de l'article 672 du code civil par le pin parasol litigieux,

- constaté que le pin parasol litigieux est à l'origine d'inconvénients anormaux du voisinage vis-à-vis de M. [V] uniquement en raison de l'importance de la chute des aiguilles de pins qui obstruent la toiture et les cheneaux de la maison du demandeur,

par conséquent,

- déclaré M. [I] entièrement responsable des préjudices subis par M. [V] en raison des chutes importantes des aiguilles du pin parasol litigieux,

- débouté M. [V] de sa demande d'arrachage du pin parasol litigieux,

- condamné M. [I] à :

* procéder ou faire procéder à l'élagage du pin parasol litigieux dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement conformément aux prescriptions du rapport d'expertise judiciaire du 24 novembre 2018, faute de quoi il devra payer une astreinte de 50 euros par jour de retard passé pendant une période de 10 mois au delà de laquelle il sera statué en tant que de besoin par la juridiction de céans,

* procéder ou faire procéder à un élagage régulier du pin parasol litigieux tous les deux ans,

* rembourser à M. [V] les frais de nettoyage (toiture et cheneaux de son habitation) chaque année sur présentation d'une facture par le requérant,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au fond,

- condamné M. [I] à payer à M. [V] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] au paiement des entiers dépens qui comprendront les frais de référé et le coût de l'expertise judiciaire à hauteur de 1 461,93 euros.

Par déclaration enregistrée le 26 novembre 2020, M. [I] a interjeté appel.

Par ordonnance du 8 février 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par M. [V].

Suivant conclusions notifiées le 6 juillet 2021, M. [I] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes

-à titre principal, de débouter M. [V] de ses demandes,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire sa responsabilité était retenue,

- dire et juger que la réparation des préjudices subis par M. [V] ne peut consister en l'élagage du pin litigieux, ni en la prise en charge indéterminée et indéfinie par M. [I] des frais de nettoyage de la toiture et des cheneaux de M. [V],

en toute hypothèse,

- condamner M. [V] à lui porter et payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- désigner tel juge qu'il plaira à la cour pour s'assurer du versement des dommages-intérêts perçus par M. [I] aux 'uvres caritatives de la Croix-Rouge,

- condamner M. [V] à lui porter et payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'appelant fait valoir le bon état végétatif de son arbre. Il soutient que toute action d'élagage sur son arbre aurait pour effet de compromettre sa stabilité. Il estime que l'accumulation d'aiguilles de pin parasol sur la toiture et les gouttières de l'immeuble de M. [V] ne caractérise pas un trouble anormal de voisinage. Il prétend ne pas être responsable des dommages subis par M. [V] en raison de la chute des aiguilles de pin parasol constituant un phénomène naturel.

Il estime qu'en achetant délibérément un lot dans un environnement boisé de pins, M. [V] en a accepté les inconvénients.

Suivant conclusions notifiées le 8 avril 2021, M. [V] demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- condamner M. [I] à abattre ou faire abattre l'arbre litigieux, au besoin sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir,

- condamner M. [I] au paiement de la somme de 5.000 € pour résistance abusive,

à titre subsidiaire,

si par impossible, il n'était pas fait droit à la demande d'abattage de l'arbre,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 10 novembre 2020 et y ajoutant condamner M. [I] au paiement de la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice déjà occasionné,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et de l'appel, au paiement des frais d'expertise judiciaire, et au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

L'intimé soutient que les risques et inconvénients générés par la présence du pin justifient que l'arbre soit arraché. Il prétend que le risque de chute sous l'effet du vent de l'arbre d'une longueur de 9 mètres sur sa maison entraine une perte de valeur de sa propriété et un risque pour la sécurité des occupants. Il prétend que cette éventualité lui génère des angoisses importantes. Il invoque la fréquence des nettoyages des gouttières et de la toiture induite par les aiguilles de pins et les cônes, estimant qu'il ne lui appartient pas d'en supporter la charge.

La clôture de la procédure a été fixée au 25 avril 2022.

Motifs

M. [V] sollicite l'arrachage du pin litigieux ou à défaut son élagage.

Sur l'arrachage du pin parasol

L'article 671 du code civil dispose qu'il est permis d'avoir des arbres près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les réglements, usages locaux et à défaut, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Selon l'article 672 du code civil, le voisin peut exiger que les arbres plantés à une distance moindre soient arrachés ou réduits, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

En l'espèce, il résulte de l'expertise que l'âge de l'arbre est compris entre 50 et 60 ans et que sa hauteur est comprise entre 15 et 18 mètres.

La distance de l'axe du tronc au mur séparatif est de 2,30 m.

Ainsi, il apparait que l'arbre litigieux d'une hauteur supérieure à 2 mètres est planté à une distance supérieure à 2 mètres du fonds [V].

M. [V] n'invoquant pas l'existence de réglements ou usages locaux imposant une distance pour la plantation des arbres à proximité des limites de propriété, il y a lieu de constater que l'arbre respecte la distance légale minimale imposée. Au demeurant, il peut bénéficier de la prescription trentenaire.

Toutefois, l'abattage d'arbres plantés à distance légale peut être ordonné s'il est constaté que c'est le seul moyen de faire cesser un trouble anormal de voisinage.

M. [V] invoque trois séries de troubles du voisinage qu'il impute à la présence de l'arbre.

Le risque de chute de l'arbre :

M. [V] fait état d'un risque d'atteinte à sa sécurité ou à celle de ses bâtiments en cas de chute du pin et produit des articles de presse mentionnant la chute de pins à la suite de vent violent dans le département.

Selon l'expert, le pin ne présente aucun signe particulier de faiblesse, ne présente aucun défaut mécanique majeur. Sauf événement extérieur extrême et imprévisible, sa stabilité peut donc être qualifiée de bonne.

Tout arbre peut chuter sous l'effet d'un événement extérieur d'une intensité exceptionnelle.

Ainsi, si le risque zéro n'existe pas, l'arbre litigieux possède, de par sa qualité végétative, la capacité de résister aux événements extérieurs .

L'abattage d'un arbre respectant les distances légales ne peut être ordonné sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage que s'il existe un danger imminent de chute de l'arbre, caractérisant une atteinte à la sécurité des biens ou des personnes, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

Les fissures du mur séparatif

Les fissures constatées sur le mur séparatif trouvent leur origine selon l'expert dans la piètre qualité de la construction.

le mur est bâti en quasi absence de fondation.

Initialement d'une hauteur de 35 à 40 cms, surmonté d'un grillage, il a été rehaussé à une hauteur de deux mêtres sans que soit consolidée la fondation.

Il s'ensuit que les racines du pin ne constituent qu'un facteur aggravant du phénomène d'une fissuration du mur.

De plus, il importe de relever que la fissuration du bâti aggravée par les racines du pin litigieux concerne une clôture et non la structure d' une partie habitable.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, les conséquences des racines de l'arbre au regard des fissurations du mur de clôture ne caractérisent pas un trouble excédant les inconvénients anormaux du voisinage.

Les aiguilles et les cônes de pin

Les aiguilles sont une cause de salissure du sol. En outre, elles sont susceptibles avec les cônes de pin de provoquer une obstruction des gouttières et des canaux des tuiles.

Cependant, la chute des aiguilles et des cônes du pin constitue un phénomène végétatif naturel normal et inéluctable n'excédant pas les inconvénients normaux du voisinage, dans la mesure où il peut y être remédié avec des nettoyages réguliers des gouttières et des tuiles moyennant un coût annuel évalué par l'expert entre 400 à 500 €, en cas de recours à un prestataire.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'arrachage du pin.

Sur l'élagage du pin parasol

Selon l'article 673 du code civil, celui sur la propriété duquel avancent les arbres du voisin, peut contraindre celui-ci à les couper. Ce droit est imprescriptible .

Il résulte de l'expertise qu'une partie du houppier du pin surplombe le fonds [V]. Ce dépassement est de l'ordre de 3 à 3,5 mètres.

Selon l'expert M. [F] et la note d'expertise du 18 juin 2016 de Mme [R], expert arboricole près la cour d'Appel de Grenoble, diligenté par M. [I], la taille de la partie du houppier dépassant sur le fonds [V], aurait des conséquences néfastes pour l'équilibre et la pérennité de l'arbre.

Or, l'article 673 du code civil n'est pas d'ordre public et il peut y être dérogé.

En l'espèce, il importe de relever que l'arbre litigieux préexistait à la création du lotissement dans lequel se trouvent les propriétés [I] et [V].

L'environnement forestier du lotissement présidait à l'esprit du lotissement, les documents publicitaires évoquant 'un cadre merveilleux de verdure et de pins parasols'.

De plus, l'article 20 du réglement applicable dans le lotissement stipule dans son paragraphe 'a' intitulé 'déboisement reboisement'que l'abattage des arbres bien portants est interdit en dehors des aires de construction. Les arbres qui pour une raison quelconque doivent être abattus, seront remplacés en un nombre égal d'arbres appelés au même développement, de même essence ou d'une essence choisie parmi celles qui peuvent être éventuellement imposées ..En toute hypothèse, la densite moyenne des plantations ne devra pas être inférieure à deux arbres par lot.'

La présence des arbres et notamment des pins est donc entrée dans le champ contractuel des acquéreurs des parcelles dans le lotissement.

Il s'en déduit que le maintien et la protection du pin litigieux préexistant au lotissement s'impose aux propriétaires des lots.

Ainsi, dès lors que la coupe des branches du pin parasol entraînerait une mutilation contraire à l'objectif contractualisé de conservation de la végétation existante, la demande d'élagage présentée par M. [V] doit être rejetée.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'élagage du pin et mis à la charge de M. [I] le coût des frais de nettoyage des toitures et cheneaux de l'habitation de M. [V].

Sur les dommages et intérêts

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière de droit. Or, rien de tel n'est démontré en l'espèce de sorte qu'il convient de confirmer la décision du premier qui a débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La cour ayant infirmé les condamnations prononcées à l'encontre de M. [I], infirmera le chef de décision accordant une indemnité à M. [V] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et faisant supporter les dépens à M. [I].

M. [V] qui succombe dans toutes ses prétentions sera condamné à payer à M. [I] la somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance (1ère instance et appel) incluant le coût de l'expertise judiciaire et des frais de référé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il débouté M. [O] [V] de sa demande d'arrachage du pin parasol litigieux et débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts .

L'infirme pour le surplus

Statuant des chefs infirmés

Déboute M. [O] [V] de sa demande d'élagage du pin et des demandes de prise en charge du coût du nettoyage de sa toiture et des cheneaux.

Condamne M. [O] [V] à payer à M. [Y] [I] la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [O] [V] aux dépens qui comprendront les frais de référé, le coût de l'expertise judiciaire et les dépens de première instance et d'appel

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/03051
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;20.03051 ?
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