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25/08/2022 | FRANCE | N°20/02920

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 20/02920


ARRÊT N°



N° RG 20/02920 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3DP



CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

27 octobre 2020

RG:19/01166



[Z]



C/



[E]





































Grosse délivrée

le

à Me Chastel-Fynck

SCP Fortunet et associés

















COUR D'APPEL DE NÎMES

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CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 AOUT 2022





APPELANT :



Monsieur [X] [Z]

né le 30 Mai 1986 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Anne-Lise CHASTEL-FINCK, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON





INTIMÉ :



Monsieur [C] [E] agissant en sa qualité de tuteur, désigné pa...

ARRÊT N°

N° RG 20/02920 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3DP

CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

27 octobre 2020

RG:19/01166

[Z]

C/

[E]

Grosse délivrée

le

à Me Chastel-Fynck

SCP Fortunet et associés

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANT :

Monsieur [X] [Z]

né le 30 Mai 1986 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-Lise CHASTEL-FINCK, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉ :

Monsieur [C] [E] agissant en sa qualité de tuteur, désigné par le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Avignon, par jugement en date du 30 novembre 2017, de Monsieur [R] [E], né le 24 octobre 1931 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2] à [Localité 6]

né le 20 Mars 1963 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Guillaume FORTUNET de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline Delcourt, greffière, lors des débats et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 12 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre et par Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé du litige

Monsieur [X] [Z] est le petit-fils de Monsieur [R] [E] et le neveu de M. [C] [E].

Le 20 octobre 2016, M. [R] [E] a remis des fonds à son petit-fils sous forme de deux virements représentant un montant cumulé de 25.000€.

Par jugement rendu le 30 novembre 2017, M. [R] [E] a fait l'objet d'une mesure de protection, son fils [C] [E] étant désigné aux fonctions de tuteur.

Par acte d'huissier délivré le 17 septembre 2019, M. [C] [E] ès qualités de tuteur de son père ([R] [E]), a fait assigner M. [X] [Z] en restitution de la somme de 25.000€.

Par jugement rendu le 27 octobre 2020,le Tribunal Judiciaire de Carpentras a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcé la nullité des deux virements de 10 000€ et de 15 000€ réalisés au crédit de Monsieur [X] [Z] le 20 octobre 2016 par Monsieur [R] [E]

- condamné, en conséquence, Monsieur [X] [Z] à restituer à Monsieur [R] [E], représenté par son tuteur, Monsieur [C] [E], la somme de 25 000€

- condamné Monsieur [X] [Z] aux entiers dépens et en outre à payer à Monsieur [R] [E], représenté par son tuteur Monsieur [C] [E], la somme de 2 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- Rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration enregistrée le 13 novembre 2020, M. [Z] a interjeté appel.

Suivant ordonnance prononcée le 5 mai 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation formée par M. [C] [E] ès qualités.

Suivant conclusions notifiées le 15 mars 2022, M. [Z] demande à la cour de :

- réformer la décision sauf en ce qu'elle a écarté la demande fondée sur la répétition de l'indû

- statuant à nouveau, débouter M. [C] [E] ès qualités de l'ensemble de ses demandes

- subsidiairement lui accorder des délais de paiement

- condamner M. [E] ès qualités à lui payer la somme de 3.500€ au titre des frais irrépétibles

L'appelant soutient que la somme de 25.000€ lui a été remise à titre de donation, à une date (septembre 2016) à laquelle son grand-père n'était pas atteint de troubles de la mémoire ou de trouble mental de nature à altérer son jugement, l'état de ce dernier s'étant aggravé postérieurement. Il en déduit que la nullité de ces donations ne peut être retenue.

Il estime par ailleurs que ces virements ne constituent pas des prêts consentis par son grand-père et ne peuvent pas davantage être analysés comme un paiement indû, les sommes n'ayant pas été versés à tort par son grand-père.

Suivant conclusions d'incident notifiées le 5 mai 2021, M. [E] ès qualités demande à la cour de :

- confirmer le jugement

- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 25.000€ soit à titre principal sur le fondement de la nullité des virements, soit subsidiairement sur le fondement de la répétition de l'indû ou du remboursement d'un emprunt.

- rejeter tout délai de paiement

- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé fait valoir que les virements litigieux ont été effectués pendant une période suspecte au sens de l'article 464 du code civil et que le majeur protégé a été placé sous tutelle trois mois après les virements litigieux. Il soutient que les causes ayant conduit à sa mise sous tutelle existaent au moment des virements. Il estime que M. [Z] qui invoque le bénéfice d'une donation ne démontre pas l'intention libérale qui animait M. [R] [Z]. Il prétend que M. [Z] qui revendique une grande proximité affective avec son grand-père ne pouvait ignorer l'altération de ses facultés mentales. Il s'oppose à l'octroi de délais de paiement au motif que le donateur âgé de 90 ans s'est dépouillé de toutes ses économies au profit de son petit-fils et se retrouve aujourd'hui dans une situation précaire.

La clôture de la procédure a été fixée au 29 mars 2022.

Motifs de la décision

Sur la nullité des remises de fonds par M. [R] [E] à M. [X] [Z]

Selon l'article 464 du code civil, les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre des intérêts par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où ses actes ont été passés. Ces actes peuvent dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

En l'espèce, M. [R] [E] a fait l'objet d'un placement sous tutelle le 30 novembre 2017, soit moins de deux ans après les virements litigieux effectués au profit de son petit-fils M. [Z], de sorte que l'action en nullité de ces actes sur le fondement de l'article 464 du code civil est ouverte à M. [C] [E] ès qualités de tuteur.

L'existence et la notoriété à l'époque des actes litigieux, de la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle constituent les deux conditions d'application de l'article 464 du code civil.

En l'espèce, il apparait que :

- le 5 septembre 2016 : le docteur généraliste [Y] envoie M. [R] [E] chez un angiologue et un néphrologue puis précise que M. [E] n'a pas su expliquer aux spécialistes les raisons de la consultation

- Le 16 septembre 2016 : le Dr [F] écrit au généraliste à propos de M. [E], 'il n'a pas trop de mémoire et a perdu son ordonnance'

- Le 2 décembre 2016, lors de son hospitalisation, les soignants notent l'état confusionnel de M. [E]

- Le 20 décembre 2016, soit deux mois après les virements litigieux, le docteur [D], désigné par le juge des tutelles, après avoir examiné M. [R] [E] et constaté une 'dyscalculie complète' chez le patient, conclut que M. [E] présente une altération des facultés mentales ne lui permettant plus de pourvoir seul à ses intérêts... évoquant un sujet dont le fonctionnement cognitif est détérioré par une démence vasculaire.

La nullité des actes faits par un majeur en tutelle antérieurement à l'ouverture de cette mesure de protection ne suppose pas la preuve de l'insanité d'esprit au moment où l'acte a été passé mais est seulement subordonnée à la condition que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle ait existé à l'époque où l'acte a été fait.

Or, il résulte des constatations effectuées par les divers praticiens que dès le mois de septembre 2016, M. [E] était atteint de troubles de mémoire et de confusion.

Ainsi, la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle existait à la date du 20 octobre 2016, à laquelle les virements litigieux ont été effectués.

M. [Z] qui revendique sa grande proximité affective avec son grand-père ne pouvait ignorer l'affaiblissement des facultés de ce dernier lors des actes unilatéraux accomplis le 20 octobre 2016 en sa faveur, les membres de la famille attestant de la dégradation de l'état mental de M. [R] [E] à cette époque.

De plus, M. [R] [E] a dû puiser dans son épargne ainsi qu'il résulte de l'analyse des relevés bancaires, établissant des virements le 20 octobre 2016 à partir de son compte épargne PEL, afin d'alimenter le compte courant sur lequel ont été réalisés les virements litigieux le même jour.

En outre, le montant des virements était disproportionné avec les ressources de M. [E] qui percevait des retraites mensuelles représentant un total cumulé de 1.700 € et vivait très modestement dans une caravane.

Ces actes unilatéraux ont donc occasionné un préjudice certain à leur auteur.

Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article 464 du code civil sont réunies pour prononcer la nullité des virements litigieux et condamner M. [Z] à restituer à M. [E] ès qualités la somme de 25.000 €.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé à cet égard.

Sur les délais de paiement

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut compte- tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [Z] justifie en premier lieu avoir acquis du matériel d'exploitation agricole courant 2017, ensuite des virements faits par son grand-père :

- presse à fourrage John Deere pour un montant de 2.500€ (17 mai 2017)

- autocharcheuse pour un montant de 3.200 € en 2017

- un andaineur et une faucheuse quatre assiette pour un montant de 1.300 € (le 8 mars 2017)

En second lieu, il résulte des documents actualisés en 2021, (attestation CAF, avis d'imposition) qu'il perçoit mensuellement une somme de 800€ incluant ses revenus d'agriculteur et les versements de la Caf au titre de la Paje et des allocations familiales.

Il verse mensuellement une pension alimentaire pour sa fille [P] issue d'une précédente union et partage les charges courantes de son foyer composé de 2 adultes et 2 jeunes enfants avec sa compagne Mme [S] qui perçoit pour sa part un salaire de 856 €.

M. [E] est âgé de 91 ans et dispose de ressources mensuelles représentant la somme de 1.700 €. Son état de santé nécessite la présence d'intervenants divers pour son maintien à domicile.

Au regard des situations respectives du débiteur et du créancier, il y a lieu d'accorder à M. [Z] des délais de paiement dans la limite de deux années, selon les modalités précisées au dispositif.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande de délais de paiement.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La cour ayant confirmé pour l'essentiel le jugement déféré, confirmera également les condamnations prononcées au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.

M. [Z] qui succombe en son recours, sera condamné à payer à M. [E] ès qualités la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement formée par M. [X] [Z]

Statuant du chef infirmé

Autorise M. [X] [Z] à s'acquitter de la somme dûe

- en 23 versements mensuels de 300€, payables le 5 de chaque mois et pour la première fois dans le mois suivant la signification de la présente décision

- et un vingt quatrième versement avant le 5 du 24ème mois suivant la signification de la présente décision, représentant le solde de la dette en capital, interêts et frais

Dit qu'à défaut de respecter un seul des termes de ce calendrier et après une simple mise en demeure demeurée infructueuse, l'intégralité du solde dû deviendra immédiatement exigible

Y ajoutant

Condamne M. [X] [Z] à payer à M. [C] [E], ès qualités de tuteur de M. [R] [E] la somme de 1.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [X] [Z] aux dépens d'appel

Arrêt signé par la Présidente de Chambre et par la greffière.

La greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/02920
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;20.02920 ?
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