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25/08/2022 | FRANCE | N°20/02407

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 25 août 2022, 20/02407


ARRÊT N°



N° RG 20/02407 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ3S



LM



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MENDE

16 septembre 2020 RG :16/00419



Commune DE [Localité 26]



C/



[PZ]

[R]











Grosse délivrée

le

à Selarl Vajou

Me Pouget

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 25 AOUT 2022

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APPELANTE :



COMMUNE DE [Localité 26] poursuites et diligences de son Maire en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 32]

[Localité 26]



Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Sonia GHER...

ARRÊT N°

N° RG 20/02407 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ3S

LM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MENDE

16 septembre 2020 RG :16/00419

Commune DE [Localité 26]

C/

[PZ]

[R]

Grosse délivrée

le

à Selarl Vajou

Me Pouget

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 25 AOUT 2022

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 26] poursuites et diligences de son Maire en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 32]

[Localité 26]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Sonia GHERZOULI de la SELARL SG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉS :

Madame [B] [PZ] épouse [J]

née le 01 Janvier 1948 à [Localité 31]

[Localité 34]

[Localité 26]

Représentée par Me Philippe POUGET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LOZERE

Monsieur [V] [R]

né le 19 Avril 1951 à [Localité 33]

Veyrassi

[Localité 26]

Représenté par Me Philippe POUGET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LOZERE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/8717 du 25/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 31 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine Ginoux, conseillère, et Madame Laure Mallet, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Ginoux, conseillère, en remplacement de la présidente empêchée

Madame Laure Mallet, conseillère

Madame Elisabeth Granier, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 19 avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 juin 2022, prorogé à ce jour,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Catherine Ginoux, conseillère, en remplacement de la présidente empêchée, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 25 août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

La commune de [Localité 26] est propriétaire des parcelles cadastrées même commune section B [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] sur lesquelles est installée une station de captation de la source de Vieille Pisse.

Mme [B] [PZ] épouse [J] est notamment propriétaire des parcelles cadastrées même commune section B [Cadastre 24], B [Cadastre 25], B [Cadastre 23], B [Cadastre 22], B [Cadastre 21], B [Cadastre 20], B [Cadastre 19], B [Cadastre 18], lieu-dit [Localité 34].

M. [V] [R] est propriétaire de la parcelle section B [Cadastre 14] lieu-dit [Localité 36].

Par actes d'huissier de justice en date des 18, 23, 24, 27 juillet, 1er , 4, 6, 8 et 17 août 2012, la commune de [Localité 26] a fait assigner [O] [F], [M] [S], [DN] [RG] épouse [S], [X] [WE], [A] [HU] épouse [WE], [VF] [ZL], [FE] [D] épouse [ZL], [LB] [RY], [T] [Z], [K] [MS] épouse [Z], [H] [OI] épouse [P], [E] [OI] épouse [Y], [JK] [OI], [I] [WW], [C] [AM], [W] [XV], [B] [PZ] épouse [J] et [V] [R] devant le tribunal de grande instance de Mende en exposant :

-que, dans le cadre de ses missions de fourniture d'eau potable à ses administrés, elle doit réaliser l'entretien ainsi que des visites périodiques de l'ensemble des installations s'y rapportant,

-que, si elle est propriétaire de la parcelle recevant captage, elle ne l'est toutefois pas des parcelles séparant celle-ci de la voie communale, lesdites parcelles appartenant aux défendeurs,

-qu'en conséquence, et par arrêté en date du 14 février 2008, le préfet de la Lozère, dans le cadre des dispositions de la loi du 29 décembre 1892, l'a autorisée provisoirement à accéder sur les parcelles des défendeurs mais que cette autorisation a vocation à prendre fin en février 2013,

-qu'à raison de l'opposition manifestée par certains des propriétaires concernés, elle entend obtenir qu'il soit mis fin à l'état d'enclave de sa propre parcelle,

-qu'en conséquence, elle demande notamment, sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil, de fixer l'assiette et le mode d'exercice de cette servitude, sauf à organiser au préalable une mesure d'expertise judiciaire.

Par jugement du 14 juin 2017, le tribunal de grande instance de Mende a ordonné une expertise dans ce litige opposant la commune de [Localité 26], à différents propriétaires de la commune. Seuls comparaissaient Mme [B] [PZ] épouse [J] et M.[V] [R].

L'expert commis, monsieur [L], déposait son rapport définitif le 21 novembre 2017.

Par jugement réputé contradictoire du 16 septembre 2020, le tribunal de grande instance de Mende a :

-dit que les parcelles communales cadastrées B [Cadastre 2], B [Cadastre 3], B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et B [Cadastre 6], lieu-dit [Localité 35], et recevant le captage d'alimentation de la source de Vieille Pisse sont enclavées.

-dit que la servitude de passage pour l'accession à ce captage à l'effet d'y effectuer les contrôles, les travaux d'entretien et de réparations s'exercera sur les parcelles cadastrées :

-B [Cadastre 16], B [Cadastre 17], B [Cadastre 15], B [Cadastre 14], B [Cadastre 13], B [Cadastre 12], B [Cadastre 11], B [Cadastre 10], B [Cadastre 9], B [Cadastre 8], lieu-dit [Localité 36],

-B [Cadastre 1], B [Cadastre 7], B [Cadastre 27], lieu-dit [Localité 35],

-B [Cadastre 30], lieu-dit [Localité 37],

-B [Cadastre 24], B [Cadastre 25], B [Cadastre 23], B [Cadastre 22], B [Cadastre 21], B [Cadastre 20], B [Cadastre 19], B [Cadastre 18], lieu-dit [Localité 34],

selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008,

-ordonné la publicité de la présente décision au service de la publicité foncière,

-condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une indemnité de 18 000 euros, outre une redevance annuelle de 170 euros.

-condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la commune de [Localité 26] à payer à M. [R] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-rejeté le surplus des prétentions des parties.

-condamné la commune de [Localité 26] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration du 29 septembre 2020, la commune de [Localité 26] a relevé appel de ce jugement , limité aux dispositions relatives à l' indemnisation, les frais irrépétibles et les dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 mars 2022 auxquelles il est expressément référé, la Commune de [Localité 26] demande à la cour de :

Vu les articles 682, 683, 684, 685 du code civil

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu le rapport d'expertise de M. [L] en date du 20 novembre 2017,

Vu les pièces communiquées sous bordereau annexé aux présentes,

Statuant sur l'appel formé par la Commune de [Localité 26] à l'encontre de la décision rendue le 16 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Mende,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

*condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une indemnité de 18 000 euros, outre une redevance annuelle de 170 euros.

*condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamné la commune de [Localité 26] à payer à monsieur [R] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*rejeté le surplus des prétentions des parties.

*condamné la commune de [Localité 26] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Statuant à nouveau,

-homologuer le rapport d'expertise de M. [L] en date du 20 novembre 2017, en ce qu'il fixe le montant de l'indemnité à devoir à Mme [PZ] à la somme de 170€ et celle à devoir à M. [R] à l'euro symbolique,

-débouter Mme [B] [PZ] et M.[V] [R], de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires

Statuant sur l'appel incident formé par Mme [B] [PZ] et M.[V] [R], à l'encontre de la décision rendue le 16 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Mende,

-débouter Mme [B] [PZ] et M.[V] [R] de leur appel incident.

Confirmer le jugement en date du 16 septembre 2020 rendu par le tribunal Judiciaire de Mende en ce qu'il a jugé que la servitude de passage pour l'accession à ce captage à l'effet d'y effectuer les contrôles, les travaux d'entretien et de réparations s'exercera sur les parcelles cadastrées :

-B [Cadastre 16], B [Cadastre 17], B [Cadastre 15], B [Cadastre 14], B [Cadastre 13], B [Cadastre 12], B [Cadastre 11], B [Cadastre 10], B [Cadastre 9], B [Cadastre 8], au lieudit [Localité 36],

-B [Cadastre 1], B [Cadastre 7], B [Cadastre 27] lieudit [Localité 35],

- [Cadastre 30], lieudit [Localité 37],

-B [Cadastre 24], B [Cadastre 25], B [Cadastre 23], B [Cadastre 22], B [Cadastre 21], B [Cadastre 20], B [Cadastre 19], B [Cadastre 18] lieudit [Localité 34], selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 févier 2008

En tout état de cause :

-débouter Mme [B] [PZ] et M.[V] [R] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

-condamner solidairement Mme [B] [PZ] et M.[V] [R] au paiement de la moitié des frais d'expertise, soit la somme de 1482 €

-condamner solidairement Mme [B] [PZ] et M.[V] [R] à payer à la commune de [Localité 26] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 février 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [B] [PZ] épouse [J] et M. [V] [R] demandent à la cour de :

Vu le jugement du 14 juin 2017,

Vu le rapport [L],

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Mende du 16 septembre 2020,

Vu l'appel principal inscrit par la Commune de [Localité 26],

Accueillir Mme [B] [PZ] épouse [J] et M. [V] [R] en leur appel incident,

Débouter la Commune de [Localité 26] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions,

Réformer le jugement, et ce faisant,

A titre principal,

Vu l'article 684 du code civil,

-Constater que les parcelles en cause proviennent du même fonds [WE],

En conséquence,

-dire et juger que le passage doit être pris sur les parcelles issues du même fonds et non sur les parcelles [PZ],

-débouter la Commune de Saint-Hilaire-de-Lavit de sa demande d'instauration d'une servitude de passage qui emprunterait le chemin litigieux,

Subsidiairement,

-donner acte à Mme [PZ] qu'elle propose le passage par le chemin qu'elle a créé à travers sa parcelle B [Cadastre 17] pour rejoindre le chemin litigieux,

Plus subsidiairement encore,

Dans l'hypothèse où la Commune de Saint-Hilaire-de-Lavit serait suivie en sa demande,

-confirmer le jugement en ce qui concerne les indemnités allouées,

En tout état de cause,

-condamner la Commune de Saint-Hilaire-de-Lavit à payer à Mme [PZ] et à M. [R] la somme de 3.000 € chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens dont les frais d'expertise.

La clôture de la procédure est intervenue le 31 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

L'état d'enclave des parcelles communales cadastrées B [Cadastre 2], B [Cadastre 3], B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et B [Cadastre 6], lieu-dit [Localité 35], et recevant le captage d'alimentation de la source de Vieille Pisse n'est pas contesté.

Sur le tracé de désenclavement,

Mme [PZ] soutient que les parcelles enclavées B [Cadastre 2], B [Cadastre 3], B [Cadastre 4], B [Cadastre 5] et B [Cadastre 6] sont issues du fonds [WE] et qu'en conséquence le tracé de désenclavement doit être pris sur la parcelle B [Cadastre 1] de ce dernier qui débouche sur la route départementale 54 en application de l'article 684 du code civil.

La Commune de Saint-Hilaire-de-Lavit réplique que l'état d'enclavement ne résulte pas de la division du fonds [WE] mais préexistait, que l'article 684 du code civil n'est pas applicable en cas de cession amiable à une collectivité publique ou en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique et qu'il existe une impossibilité matérielle de fixer le tracé de désenclavement sur la parcelle B [Cadastre 1] en raison de la topographie et de sa situation dans le périmètre de protection de la source.

Elle ajoute que depuis 2010 la détermination de l'assiette du passage est acquise par 30 ans d'usage continu.

Selon l'article 684 du code civil « Si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable. »

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire, que les parcelles B [Cadastre 2], [Cadastre 3] [Cadastre 5] et [Cadastre 6] sont issues du fonds [WE] anciennement cadastré B [Cadastre 29] et B [Cadastre 28], ce dernier étant demeuré propriétaire de la parcelle B [Cadastre 1].

Contrairement aux affirmations de la Commune, l'enclavement ne préexistait pas à la division de 2008 préalable aux ventes de 2009 puisque l'acte de 1981 avait instauré une servitude de passage.

Quant à la prescription trentenaire de l'assiette de la servitude sur les fonds de Mme [PZ], celle -ci n'a pas, en toute hypothèse, été paisible et non équivoque puisque cette dernière a manifesté son désaccord pour le passage sur ses fonds dès le 1er juillet 2005 et 30 août 2006 à Mme le Maire de la commune, puis encore le 2 juillet 2008 à Mme le préfet de Lozère, outre ses contestations relayées par les articles de presse.

Cependant, le principe de l'article 684, alinéa 1er du code civil ne s'applique que si deux conditions sont remplies. Il faut d'une part que la situation d'enclave soit la conséquence d'une division volontaire et, d'autre part, qu'elle en soit le produit direct.

Ainsi, la notion de division volontaire implique que l'opération qui est à l'origine de l'enclave ait été réalisée sans contrainte extérieure.

Or, tel n'est pas le cas lorsque le propriétaire enclavé a procédé à une vente dans des conditions où une aliénation forcée pouvait lui être imposée, par exemple en vendant amiablement son fonds uniquement en vue de prévenir une expropriation considérée comme inévitable.

En l'espèce, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le choix des consorts [WE] de céder leurs parcelles à la commune était un choix contraint et résultait du seul fait que cette dernière aurait pu en toute hypothèse acquérir lesdites parcelles, y compris par voie d'expropriation.

Mme [PZ] ne peut dès lors se prévaloir de cet article dans son alinéa 1er d'autant que, par ailleurs, le passage envisagé par Mme [PZ] sur le fonds [WE] (passage ABCD tracé en rouge sur le plan de repérage établi par monsieur [N], géomètre expert mandaté par elle) se heurte à une impossibilité rentrant dans le cadre de l'alinéa 2 de l'article 684 du code civil.

En effet, il résulte du courrier de l'expert judiciaire, répondant au juge chargé du contrôle de l'expertise qui lui demandait de compléter son rapport et de répondre au dire des intimés sur la faisabilité du passage sur le fonds [WE], que ce passage se trouve inclus dans le périmètre de protection rapproché du captage et que l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2008 portant déclaration d'utilité publique, entre autres, de l'installation des périmètres de protection rapproché (PPR) du captage de Vieillepisse, prohibe en son article 6-2 « l'exploitation des matériaux et toutes excavations d'une profondeur supérieure à 1 m. ou de demi épaisseur du sol recouvrant le substratum schisteux », ce qui est le cas en l'espèce.

Il existe donc bien, comme l'a relevé le premier juge, en la circonstance une impossibilité de créer une issue suffisante sur les fonds provenant de la division, le passage par les parcelles [WE], possible matériellement, se heurtant à un obstacle juridique, l'article 684 ne distinguant pas selon l'origine de l'impossibilité.

Par courrier du 25 août 2017, l'Agence Régionale de Santé a d'ailleurs fait clairement connaître son opposition à la réalisation de tracés dans le PPR. II sera rappelé que le tracé de l'assiette de la servitude doit respecter les contraintes environnementales applicables aux parcelles concernées et il n'appartient pas à la cour de remettre en cause les dispositions de l'arrêté préfectoral ayant défini le PPR.

Enfin, Mme [PZ] propose une variante par sa parcelle B [Cadastre 17] si le tracé devait être fixé sur son fonds, indiquant que cet itinéraire contournerait son gîte, son exploitation agricole et sa châtaigneraie et serait donc beaucoup moins dommageable que celui retenu par le premier juge.

Or, contrairement à ce que soutient Mme [PZ], le premier juge a examiné le tracé proposé, et a indiqué, par des motifs que la cour adopte, que ce tracé se trouve également dans le périmètre de protection rapproché et se heurte aux mêmes difficultés que précédemment.

Dès lors, le seul trajet conforme aux prescriptions de l'article 683 du code civil est celui retenu par le premier juge.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la servitude de passage pour l'accession à ce captage à l'effet d'y effectuer les contrôles, les travaux d'entretien et de réparations s'exercera sur les parcelles cadastrées :

-B [Cadastre 16], B [Cadastre 17], B [Cadastre 15],B [Cadastre 14], B [Cadastre 13], B [Cadastre 12], B [Cadastre 11], B [Cadastre 10], B [Cadastre 9], B [Cadastre 8], lieu-dit [Localité 36],

-B [Cadastre 1], B [Cadastre 7], B [Cadastre 27], lieu-dit [Localité 35],

-B [Cadastre 30], lieu-dit [Localité 37],

-B [Cadastre 24], B [Cadastre 25], B [Cadastre 23], B [Cadastre 22], B [Cadastre 21], B [Cadastre 20], B [Cadastre 19], B [Cadastre 18], lieu-dit [Localité 34],

selon le plan annexé à l'arrêté préfectoral du 14 février 2008,

Sur l'indemnisation,

M. [R] ne réclame aucune indemnisation.

Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés ne peut réclamer un passage sur les fonds de ses voisins « qu'à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ».

L'indemnité doit être calculée en tenant compte du seul dommage occasionné au fonds servant, à l'exclusion de toute autre considération telle que la valeur vénale du terrain.

L'indemnité ne peut se calculer selon la valeur du terrain ventilée au prorata de la surface grevée de la servitude, d'autant plus que la servitude n'est pas équivalente à la pleine propriété.

Mme [PZ] sollicite la confirmation du jugement déféré exposant que la servitude de passage instaurée sur son fonds va entraîner une dépréciation de sa propriété, un préjudice lié à l'exploitation de son activité agricole et son activité touristique, comme le démontre le rapport de M.[BR] [PH], expert mandaté par son assureur.

La commune réplique :

-que Mme [PZ] ne démontre pas la réalité de ses activités et de ses préjudices,

-que la servitude de passage litigieuse emprunte le même tracé que la servitude de canalisation instaurée depuis 1980 et régularisée par arrêté préfectoral du 10 août 2011 notifié à Mme [PZ],

-que le chemin forestier est emprunté depuis 1980 pour accéder au captage avec l'accord des propriétaires,

-que le Syndicat Départemental d'Energie et d'Equipement de la Lozère a attesté que seules deux interventions annuelles pour l'entretien du captage et une intervention pour l'entretien de la conduite étaient nécessaires,

-que ces interventions se feront en dehors de la période de récolte des châtaignes pour ne pas perturber l'exploitation de Mme [PZ],

-que Mme [PZ] ne rapporte pas la preuve des dommages causés aux châtaigniers bordant le chemin.

Il ressort des pièces produites aux débats que les activités de Mme [PZ] sont bien établies, contrairement aux allégations de l'appelante.

En effet, l'activité agricole et d'élevage est établie par :

-le relevé parcellaire de la MSA au nom de Mme [PZ] comprenant notamment l'ensemble des parcelles formant l'assiette de la servitude,

-la reconnaissance par le préfet de Lozère et le maire de la commune de l'activité de la magnanerie dans leurs courriers des 25 mars et 4 avril 2011,

-le rapport de M. [U], expert judiciaire nommé dans le cadre d'une procédure administrative, qui indique le 30 novembre 2009, que la propriété de Mme [PZ] est partiellement exploitée par la production de châtaignes et l'élevage des animaux,

-l'attestation Cerfrance, association de gestion et de comptabilité, qui atteste de ces activités et fait apparaître les chiffres d'affaire d'une part de l'activité agricole et d'autre part de l'activité d'accueil pour les années 2016 à 2020,

-la certification « AOP châtaigne des Cévennes » du 9 avril 2021,

-le recensement 2020 de la chambre d'agriculture de Lozère des ovins.

L'activité touristique résulte non seulement de l'attestation Cerfrance mais également des nombreux sites internet proposant la « Magnanerie du [Localité 34] » comme lieu d'hébergement en chambre, gîte et table d'hôte.

Le seul fait que Mme [PZ] ne fasse pas payer la taxe de séjour ne remet pas en cause la réalité de cette activité, d'autant que la gratuité serait en lien avec une difficulté quant à la qualité de l'eau desservie, la commune ayant d'ailleurs été condamnée par le tribunal d'instance d'Alès le 22 octobre 2013 suite à un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2012.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a pu constater lui même l'ensemble de ces activités qui n'ont jamais été contestées lors des opérations expertales.

Cependant, l'indemnité n'est accordée que s'il y a dommage subi, et dans l'affirmative, que proportionnellement à ce dommage.

Mme [PZ] invoque l'estimation de M.[BR] [PH] qui a été soumise à l'appréciation de l'expert qui s'est contenté concernant l'évaluation des préjudices de l'écarter en indiquant qu'elle était démesurée sans répondre de manière circonstanciée aux éléments avancés.

En l'espèce, la propriété du fait de l'instauration de la servitude de passage se trouve coupée en deux sur 528 mètres pour une propriété d'environ 14 ha, le chemin traversant la partie habitée, et il convient de rappeler que, contrairement à une simple tolérance, l'instauration d'une servitude de passage grève le fonds servant d'un droit réel immobilier.

Pour autant, le fonds de Mme [PZ] supportait déjà sur la même assiette une servitude de tréfonds qu'elle ne peut ignorer puisque l'arrêté l'instaurant lui a été notifié, cette dernière servitude impliquant déjà un passage pour l'entretien de la canalisation, même si les nuisances liées à une servitude de tréfonds sont moindres que celle relatives à une servitude de passage.

La dépréciation du bien est avérée et sera justement évaluée à la somme de 8 000 €.

Concernant le préjudice lié à l'exploitation agricole, ce dernier est établi.

En effet, la fréquence des interventions liée à l'entretien et aux travaux du captage sera plus importante que les trois aller-retour par an retenus par l'expert judiciaire.

Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, l'attestation du SDEE ayant servi d'unique base pour évaluer la fréquence des interventions, n'évoque en effet qu'un minimum (« au moins ») lié à l'entretien annuel outre les défaillances et autres pannes qui se produiront nécessairement (ce que rappelle opportunément l'auteur de l'attestation) qui entraîneront d'autres passages avec des poids lourds, des tracteurs agricoles ou des 4X4.

Par ailleurs, l'attestation évoque des interventions sans chiffrer leur durée, et non des passages ou des visites, une intervention pouvant à l'évidence générer plusieurs passages.

D'ailleurs, l'appelante est parfaitement consciente de la gêne engendrée pour l'exploitation puisqu'elle s'était engagée, et s'engage à nouveau aux termes de ses écritures, à ne pas intervenir pendant la période de récolte des châtaignes du 1er septembre au 15 novembre.

Outre les interventions de la SDEE, il y a les interventions des employés municipaux pour le débroussaillage comme le démontre le courrier du maire en date du 18 août 2012.

Comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, la présence d'animaux (ovins et équidés) sur l'exploitation justifiera bien de clôturer au moins partiellement et (ou) temporairement le chemin de servitude afin d'éviter la divagation des bêtes, un simple fil de fer devenant insuffisant.

Par ailleurs la pose de filets de récolte des châtaignes sera rendue plus difficile par l'existence du chemin, bon nombre de châtaigniers se situant au bord du chemin (cf constat d'huissier de maître [G] du 4 janvier 2013).

En conséquence, le jugement a justement, en fonction des éléments de la cause, apprécié le préjudice lié à l 'exploitation agricole à la somme de 5 000 €.

En revanche, Mme [PZ] ne peut prétendre à une redevance annuelle au titre de l'instauration de la servitude, l'expert judiciaire n'ayant au demeurant pas envisagé cette indemnisation mais ayant uniquement et modestement fixé l'indemnité à la somme de 170 €.

Concernant le préjudice invoqué par Mme [PZ] lié à son activité touristique, force est de constater qu'elle ne démontre pas, d'une part que le passage sur l'assiette de la servitude, qui dans les faits existe depuis 1980, a entraîné des troubles de jouissance à ses clients, aucune attestation n'est versée aux débats en ce sens, et d'autre part une moindre fréquentation, le chiffre d'affaire de son activité d'accueil étant stable de 2016 à 2019, la baisse de 2020 se situant en pleine période de crise sanitaire.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, l'indemnité due à Mme [PZ] sera fixée à la somme de 13 000 €.

Sur les demandes accessoires,

S'agissant d'une instance en désenclavement, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 26] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

La commune de [Localité 26] supportera les dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser supporter à M [R] ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Infirmant le jugement déféré, il sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Mme [PZ] ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. Il lui sera alloué la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une indemnité de 18 000 euros, outre une redevance annuelle de 170 euros, condamné la commune de [Localité 26] à payer à Mme [PZ] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la commune de [Localité 26] à payer à M. [R] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la commune de [Localité 26] à payer à Mme [B] [PZ] une indemnité de 13 000 €,

Déboute Mme [B] [PZ] de sa demande au titre d'une redevance annuelle de 170 €,

Condamne la commune de [Localité 26] aux dépens d'appel,

Déboute M. [R] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la commune de [Localité 26] à payer à Mme [B] [PZ] la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la conseillère, en remplacement de la présidente empêchée et par la greffière.

La greffière, La conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/02407
Date de la décision : 25/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-25;20.02407 ?
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