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04/07/2022 | FRANCE | N°21/04577

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 04 juillet 2022, 21/04577


ARRÊT N°



N° RG 21/04577 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJJD



NG



PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

13 décembre 2021

RG:21/00511



[L]

[Y]



C/



S.A.R.L. [Adresse 11]



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 04 JUILLET 2022







APPELANTS :



Madame [C] [V] [L] épouse [Y

]

née le 24 Août 1956 à [Localité 9]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]



Représentée par Me Peggy RAYNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON



Monsieur [B] [D] [Y]

né le 06 Octobre 1955 à [Localité 13] (TUNISIE)

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]



Représenté...

ARRÊT N°

N° RG 21/04577 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJJD

NG

PRESIDENT DU TJ D'AVIGNON

13 décembre 2021

RG:21/00511

[L]

[Y]

C/

S.A.R.L. [Adresse 11]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 04 JUILLET 2022

APPELANTS :

Madame [C] [V] [L] épouse [Y]

née le 24 Août 1956 à [Localité 9]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentée par Me Peggy RAYNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Monsieur [B] [D] [Y]

né le 06 Octobre 1955 à [Localité 13] (TUNISIE)

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représenté par Me Peggy RAYNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. [Adresse 11]

immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le N° de SIREN 847 895 927

représentée en la personne de son gérant en exercie demeurant en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Nicolas HEQUET, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère,

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 16 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 04 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Mme et M. [Y], propriétaires des parcelles cadastrées BR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] sur le territoire de la commune de [Localité 10] (84), sur lesquelles est édifiée une maison avec piscine, ont constaté en juin 2021 que leur voisine, la SARL [Adresse 11], faisait édifier sur le fonds mitoyen cadastré BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] une construction imposante avec piscine, suivant un permis de construire en date du 20 juillet 2019, destinée à la location touristique.

Considérant que ce bâtiment leur causait préjudice, après réalisation d'un constat d'huissier, les époux [Y] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon, par exploit en date du 5 octobre 2021, et ont fait assigner la SARL [Adresse 11] en demandant :

-à titre principal, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, une interruption des travaux, une modification du projet de construction afin que la terrasse ouverte prévue au premier étage de l'immeuble soit remplacée par une toiture et un rehaussement du mur séparatif, le tout, sous astreinte,

-à titre subsidiaire, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert avec mission de vérifier la conformité de la construction au permis de construire, de déterminer et d'évaluer leurs préjudices et d'étudier les moyens d'y remédier.

Par ordonnance du 13 décembre 2021, le juge des référés a débouté les époux [Y] de leurs demandes et les a condamnés à verser à la SARL [Adresse 11] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, considérant qu'il n'existait pas de trouble manifestement illicite pour ordonner l'arrêt des travaux et que les demandeurs ne justifiaient pas d'un motif légitime pour obtenir la désignation d'un expert.

Par déclaration du 23 décembre 2021, Mme et M. [Y] ont interjeté appel de l'ordonnance rendue.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 mai 2022, Mme et M. [Y] demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

A titre principal,

-de condamner la SARL [Adresse 11] à interrompre les travaux de construction de la maison sur les parcelles cadastrées section BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur le territoire de la commune de [Localité 10] jusqu'à la modification du projet de construction conforme à sa condamnation,

-de condamner la SARL [Adresse 11] à procéder à la modification du projet de construction de la maison en supprimant la terrasse ouverte, sise au premier étage, et en la remplaçant par une toiture à double pente ou simple pente surmontant le rez-de-chaussée et, au besoin, en déposant un permis de construire modificatif auprès de la mairie de [Localité 10], et ce, à ses entiers frais,

-de condamner la SARL [Adresse 11] à procéder au rehaussement d'un mètre du mur de clôture situé en limite des parcelles BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], d'une part, et des parcelles BR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], d'autre part, ou au besoin, en édifiant sur les parcelles de la SARL [Adresse 11] le long des parcelles des époux [Y] un autre mur dépassant d'un mètre de plus la hauteur de l'actuel mur en pierre, et au besoin en déposant un permis de construire ou une déclaration de travaux, et ce, à ses entiers frais,

-d'assortir lesdites condamnations d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,

A titre subsidiaire,

-d'ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

-convoquer les parties,

-se faire remettre l'ensemble des pièces nécessaires à l'expertise,

-se rendre sur les lieux, [Adresse 12] à [Localité 10], sur les parcelles cadastrées section BR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5],

-décrire les travaux de construction entrepris sur les parcelles cadastrées BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2],

-dire si ces travaux sont conformes au permis de construire obtenu par la SARL [Adresse 11],

-dire, au regard du dossier de permis de construire, de l'arrêté de permis de construire, de l'état des constructions, de la configuration des lieux, si la construction entreprise engendre des préjudices pour les époux [Y] en termes de perte d'intimité, de préjudice esthétique, de perte de vue, de panorama, d'ensoleillement, de luminosité, de perte de valeur vénale, de toutes nuisances,

-le cas échéant, décrire et chiffrer lesdits préjudices,

-donner son avis sur les moyens et travaux constructifs propres à éviter lesdits préjudices et propres à remédier auxdits préjudices,

-donner tous éléments permettant à une juridiction de se prononcer,

-de condamner la SARL [Adresse 11] à interrompre les travaux de construction de la maison sur sa propriété jusqu'à ce qu'il soit statué au fond ou, subsidiairement, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,

En tout état de cause,

-de condamner l'intimée à leur verser la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

-de rejeter toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens formée par l'intimée,

-de condamner l'intimée aux entiers dépens.

Ils font notamment valoir :

-que, contrairement aux motivations du premier juge, ils se prévalent d'un trouble de droit, à savoir de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, qui peuvent être appréciés par le juge des référés s'ils sont constitutifs de troubles manifestement illicites, justifiant l'application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile,

-que la création de fenêtres et d'une terrasse au premier étage de la construction voisine ouverte sur leur parcelle, située à 3.57 m de la limite divisoire, donne une vue directe et plongeante sur la piscine, ses plages et leur terrasse de plain-pied, constituant une salle à manger ouverte,

-que l'édification de la maison telle que prévu au permis de construire est telle qu'elle apparaît maintenant au regard de l'avancement des travaux d'un impact incommensurable sur leur propriété, sa valeur et sur la qualité de vie de ses occupants,

-que la construction réalisée, massive et d'une hauteur importante, est située à proximité de la ligne séparative, engendre nécessairement une perte d'intimité, de vue, d'ensoleillement, de luminosité, un trouble esthétique, de panorama, une perte de vue, mais également une perte de valeur vénale du bien, pour eux qui résident depuis janvier 2020 en permanence dans cette demeure,

-que malgré l'avancement à grande cadence du chantier, l'interruption des travaux se justifie toujours,

-que la construction d'un second mur n'est pas une demande nouvelle, mais constitue une demande accessoire, recevable,

-qu'ils justifient d'un intérêt légitime démontré à obtenir la désignation d'un expert, avec interruption des travaux en cours.

Pour sa part, dans des dernières écritures notifiées le 6 mai 2022, la SARL [Adresse 11] conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et au rejet des demandes des époux [Y]. A titre subsidiaire, elle sollicite que les appelants supportent seuls les frais d'expertise judiciaire qu'ils sollicitent et que la mission de l'expert soit circonscrite aux allégations étayées des appelants et qu'il soit ainsi exclu de la mission du technicien :

-de dire si les travaux de construction entrepris sont conformes au permis de construire obtenu par la SARL [Adresse 11],

-de dire, au regard du dossier de permis de construire, de l'arrêté de permis de construire, de l'état des constructions, de la configuration des lieux, si la construction entreprise et une fois achevée engendrera des préjudices pour les époux [Y] en termes de préjudice esthétique, de perte de vue, de panorama, d'ensoleillement, de luminosité, de perte de valeur.

Elle soutient notamment à l'appui de ses prétentions :

-que les époux [Y] se sont montrés négligents en ne contestant pas le permis de construire,

-que le classement de la propriété des appelants en zone urbaine du PLU, actuellement en pleine expansion, et en bordure d'une route départementale particulièrement fréquentée, et dont la maison est orientée plein sud limite l'anormalité des troubles allégués,

-que les appelants exagèrent les troubles qu'ils subissent du fait de la construction voisine et font abstraction des aménagements paysagers prévus au permis de construire tendant à réduire la co-visibilité entre les deux fonds,

-que la demande d'arrêt des travaux n'est pas justifiée, sauf à vouloir lui porter préjudice, alors que les critiques formulées concernent principalement le séchoir situé en façade sud de l'immeuble,

-que la demande relative à l'édification d'un second mur de clôture dépassant d'un mètre le mur en pierre sèche actuel est présentée pour la première fois en cause d'appel et est donc irrecevable,

-que la destruction du séchoir sollicitée et sa modification se heurtent à des contestations sérieuses relevant exclusivement des juges du fond, et risque de ne pas être validée par l'architecte des bâtiments de France,

-que l'arrêt du chantier avec la modification de la maison est manifestement hors de proportion avec les intérêts que les appelants entendent vouloir protéger, alors que les travaux sont conformes au permis de construire et aux règles de l'art, que la perte d'ensoleillement et de luminosité est inexistante, et que le trouble esthétique, de panorama et la perte de vue sont illusoires,

-qu'une haie de bambous a été érigée par les appelants afin de constituer un rempart de verdure, restaurant leur intimité,

-que l'imminence du dommage allégué par les époux [Y] n'était pas établie en première instance et ne l'est toujours pas en cause d'appel,

-que la demande d'expertise doit être rejetée sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile, et à tout le moins, la mission de l'expert doit être limitée en considération des preuves rapportées par les époux [Y].

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et qui ont été reprises à l'audience.

La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2022. L'audience s'est tenue le 16 mai 2022 et l'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2022.

Sur ce,

-Sur la procédure :

La appelants ont sollicité en cause d'appel que l'intimée soit éventuellement condamnée à édifier sur ses parcelles, le long de leur fonds, un autre mur dépassant d'un mètre de plus la hauteur de l'actuel mur en pierre, au besoin en déposant un permis de construire ou une déclaration de travaux, et ce, à ses entiers frais.

L'intimée soulève l'irrecevabilité de cette demande, qu'elle qualifie de nouvelle, par référence aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, qui prohibe, en principe, toute prétention nouvelle en cause d'appel.

Mais, en considération des dispositions de l'article 565 du même code, qui prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, il convient de considérer cette demande recevable, puisqu'elle a également pour objectif d'ériger entre les deux fonds en cause une clôture d'une hauteur plus importante que celle existante.

-Sur la demande principale :

Les époux [Y] sollicitent, à titre principal, de condamner la SARL [Adresse 11] :

-à interrompre les travaux de construction de la maison sur les parcelles cadastrées section BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur le territoire de la commune de [Localité 10] jusqu'à la modification du projet de construction conforme à sa condamnation,

-à procéder à la modification du projet de construction de la maison en supprimant la terrasse ouverte, sise au premier étage, et en la remplaçant par une toiture à double pente ou simple pente surmontant le rez-de-chaussée et aux besoins en déposant un permis de construire modificatif auprès de la mairie de [Localité 10], et ce, à ses entiers frais, et

-à procéder au rehaussement d'un mètre du mur de clôture située en limite des parcelles BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], d'une part, et des parcelles BR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], d'autre part, ou au besoin, en édifiant sur les parcelles de la SARL [Adresse 11] le long des parcelles des époux [Y] un autre mur dépassant d'un mètre de plus la hauteur de l'actuel mur en pierre, et au besoin en déposant un permis de construire ou une déclaration de travaux, et ce, à ses entiers frais.

Ils produisent à l'appui de leurs prétentions les procès verbaux de constat d'huissier en date des 14 septembre 2021 et 27 avril 2022 établissant l'importance de cette construction et les vues ainsi créées sur leur propriété.

Leurs demandes ne relèvent pas des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile dès lors qu'elles se heurtent à des contestations sérieuses argumentées par la SARL [Adresse 11] et que les mesures qu'elles imposent ne sont pas justifiées uniquement par le différent opposant les parties.

En revanche, elles peuvent justifier l'application de l'article 835 du même code, qui prévoit que le juge des référés peut toujours, dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Les appelants se fondent sur le trouble manifestement illicite qui, selon eux, serait causé par la construction par la SARL [Adresse 11] d'un bâtiment comprenant un étage disposant d'une terrasse et de fenêtres donnant une vue directe et plongeante sur leur fonds, notamment sur leur piscine, ses plages et leur terrasse, constituant une salle à manger d'été. Ils allèguent également une perte de vue, d'ensoleillement, de lumière, de panorama, un préjudice esthétique, une dévalorisation de leur bien et une perte d'intimité.

Pour obtenir gain de cause en référé, ils doivent donc caractériser, au jour où le premier juge a rendu sa décision, la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique. L'illicéité résulte de la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire dont l'origine est délictuelle ou contractuelle.

Or, ainsi que l'a relevé le premier juge, les appelants revendiquent une atteinte à leur droit de propriété du fait de l'anormalité des troubles qu'ils allèguent émanant de leurs voisins, qui ne peut être appréciée par le juge des référés qu'avec l'évidence inhérente à ce contentieux. En effet, le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de manière la plus absolue consacrée par l'article 544 du code civil est limité par l'obligation qu'il a de ne causer aucun dommage aux tiers dépassant les inconvénients normaux de voisinage. Ainsi, un trouble pour être qualifié d'anormal doit être caractérisé et apprécié en fonction de son intensité et sa durée. En référé, cette anormalité doit être évidente.

En l'espèce, la construction d'une maison avec étage, dans le style local, disposant une terrasse comparable aux séchoirs visibles dans cette région du Luberon, avec un permis de construire, ne peut constituer un trouble manifestement illicite, justifiant à titre de mesure conservatoire un arrêt du chantier. En effet, cet ouvrage a fait l'objet d'un permis de construire ; il respecte les limites de propriété et les distances nécessaires à la création du vue ; il est situé dans une zone urbaine du PLU et présente une architecture validée par l'architecte des bâtiments de France. Il est érigé à une distance respectable de la clôture et de la terrasse des époux [Y].

S'il crée un trouble à la propriété voisine, appartenant aux époux [Y], celui-ci ne peut être qualifié, en l'état, de manifestement excessif, son caractère anormal n'étant pas avéré.

Dans ces conditions, les appelants seront déboutés de leur demande tendant à condamner la SARL [Adresse 11] à interrompre les travaux de construction de la maison sur les parcelles cadastrées section BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur le territoire de la commune de [Localité 10] jusqu'à la modification du projet de construction conforme à sa condamnation.

Pour le surplus, il sera observé que les demandes de condamnation de la SARL [Adresse 11] à procéder :

-à la modification du projet de construction de la maison et

-au rehaussement d'un mètre du mur de clôture situé en limite des parcelles mitoyennes ou à l'édification d'un second mur,

excèdent manifestement les pouvoirs du juge des référés, puisqu'il ne s'agit ni de mesures conservatoires, ni mesures de remise en état.

En conséquence, les appelants seront déboutés de leur demande principale et la décision de première instance sera confirmée sur ce point.

-Sur la demande subsidiaire :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Les expertises ordonnées in futurum ont un but probatoire et il va de soi que les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, applicables en cours de procès, ne peuvent être opposées lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 précité.

En l'espèce, les époux [Y] établissent, par les constats d'huissier visés ci-dessus, l'existence de troubles résultant de l'édification sur le fonds voisin d'une construction imposante donnant sur leur fonds. Ils sont en droit de faire constater cet état de fait par un professionnel afin que les incidences sur la valorisation de leur propriété et les moyens de remédier aux troubles qu'ils subissent soient déterminés, sous réserve de l'appréciation ultérieure des juges du fond.

Ils présentent donc un motif légitime à la désignation d'un expert. Il sera donc fait droit à leur demande.

Toutefois, la mission confiée à ce professionnel doit exclure l'examen de la conformité des travaux de construction au permis de construire obtenu par la SARL [Adresse 11] et la détermination de leurs préjudices au regard du dossier de permis de construire et de l'arrêté de permis de construire, puisqu'aucune constatation ou revendication ne repose sur ces documents administratifs.

La décision de première instance sera donc réformée sur ce point, une mesure d'expertise sera ordonnée et la mission de l'expert sera précisée dans le dispositif du présent arrêt.

L'article 145 du code de procédure civile ne permet au juge des référés d'ordonner l'arrêt des travaux durant l'expertise. Cette demande a été rejetée sur le fondement de l'article 835.

Les époux [Y] supporteront les dépens de première instance et d'appel, d'une part, puisqu'ils succombent majoritairement dans le soutien de leurs prétentions, et d'autre part, car ils cherchent à se préconstituer une preuve en sollicitant une expertise.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL [Adresse 11], ni en première instance, ni en cause d'appel. L'intimée sera donc déboutée de sa demande en paiement d'une somme en contrepartie des frais irrépétibles qu'elle a dû engager en première instance et en cause d'appel.

Mme et M. [Y] ne sauraient prétendre à l'allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en référé et en dernier ressort,

Déclare recevable la demande prévoyant que l'intimée soit éventuellement condamnée à édifier sur ses parcelles, le long du fonds des époux [Y], un autre mur dépassant d'un mètre de plus la hauteur de l'actuel mur en pierre, au besoin en déposant un permis de construire ou une déclaration de travaux, et ce, à ses entiers frais,

Réforme l'ordonnance de référé rendue le 13 décembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon, excepté en ce qu'elle a :

-débouté les époux [Y] de leurs demandes tendant à une interruption des travaux, à une modification du projet de construction afin que la terrasse ouverte prévue au premier étage de l'immeuble soit remplacée par une toiture et à un rehaussement du mur séparatif, le tout, sous astreinte, et

-les a condamnés au paiement des dépens de première instance,

Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Déboute Mme et M. [Y] de leur demande tendant à ce que l'intimée soit éventuellement condamnée à édifier sur ses parcelles, le long du fonds des époux [Y], un autre mur dépassant d'un mètre de plus la hauteur de l'actuel mur en pierre, au besoin en déposant un permis de construire ou une déclaration de travaux, et ce, à ses entiers frais,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder M. [I] [R], demeurant SAS Ellyps, [Adresse 3], [Localité 8], lequel aura pour mission, les parties régulièrement convoquées et connaissance prise des documents et pièces par elles produits :

- de convoquer les parties et tous sachants, sur les lieux : à [Localité 10], [Adresse 12], parcelles cadastrées BR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], de recueillir leurs dires et explications,

- de dresser un bordereau des documents communiqués et étudier et analyser ceux en rapport avec l'objet du litige,

- décrire les travaux de construction entrepris sur les parcelles cadastrées BR n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2],

- dire, au regard de l'état des constructions et de la configuration des lieux, si la construction entreprise engendre des préjudices pour les époux [Y] en termes de perte d'intimité, de préjudice esthétique, de perte de vue, de panorama, d'ensoleillement, de luminosité, de perte de valeur vénale, de toutes nuisances,

- le cas échéant, décrire et chiffrer lesdits préjudices,

- donner son avis sur les moyens ou/et les travaux constructifs propres à remédier auxdits préjudices,

- donner tous éléments permettant à une juridiction de se prononcer,

Dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés de Mme et M. [Y] qui devront consigner à la régie du tribunal judiciaire d'Avignon,avant le 4 août 2022, la somme de trois mille euros (3 000 €) à titre de provision à valoir sur les honoraires de l'expert,

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité,

Dit que, s'il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l'expert devra, lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,

Dit que l'expert se conformera pour l'exécution de son mandat aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, communiquera directement rapport de ses opérations à chacune des parties et en déposera un exemplaire au greffe du tribunal judiciaire d'Avignon avant le 31 décembre 2022,

Désigne le magistrat du tribunal judiciaire d'Avignon chargé du contrôle des mesures d'expertises pour :

1) remplacer par ordonnance l'expert empêché ou refusant, soit à la requête de la partie la plus diligente, soit d'office,

2) assurer le contrôle de la mesure d'instruction,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner une interruption des travaux, le tout, sous astreinte,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel,

Condamne Mme et M. [Y] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/04577
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;21.04577 ?
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