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04/07/2022 | FRANCE | N°21/04485

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 04 juillet 2022, 21/04485


ARRÊT N°



N° RG 21/04485 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJBP



NG/CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

01 décembre 2021

RG :21/00590



Compagnie d'assurance SA PACIFICA



C/



[D]

Caisse CPAM DU GARD



Grosse délivrée

le

à













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 04 JUILLET 2022





APPELANTE :



Compagnie d'assurance SA PACIFICA

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 352 358 865

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]



Représentée par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIE...

ARRÊT N°

N° RG 21/04485 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJBP

NG/CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

01 décembre 2021

RG :21/00590

Compagnie d'assurance SA PACIFICA

C/

[D]

Caisse CPAM DU GARD

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 04 JUILLET 2022

APPELANTE :

Compagnie d'assurance SA PACIFICA

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 352 358 865

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Madame [N] [D]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Stanislas CHAMSKI de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Caisse CPAM DU GARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

assignée les 8 février 2022 et 9 mars 2022 à personne habilitée

[Adresse 2]

[Localité 5]

Non comparante ni représentée

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 2 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 09 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 04 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

La société Pacifica est l'assureur de Mme [N] [D], victime d'un accident de la circulation le 16 décembre 2018 au volant de son véhicule. Les conséquences corporelles et financières de cet accident ont conduit Mme [D] à solliciter, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une expertise médicale afin de permettre d'évaluer les différents postes de préjudice en relation directe avec l'accident et, au visa de l'article 1315 du code civil, une indemnité provisionnelle de 20 000 €.

Par actes d'huissier de justice des 9 et 20 septembre 2021, Mme [D] a assigné, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, devant le juge des référés de Nîmes la société Pacifica et l'organisme de sécurité sociale auquel elle est affiliée, la CPAM du Gard.

Par ordonnance réputée contradictoire du 1er décembre 2021, la CPAM n'ayant pas comparu, une expertise médicale confiée à Mme [P] a été ordonnée, destinée à décrire les différents préjudices subis par Mme [D] ; la société Pacifica a été condamnée au paiement d'une somme provisionnelle de 20 000 € à Mme [D]. La décision a été déclarée commune et opposable à la CPAM du Gard.

Par déclaration au greffe du 17 décembre 2021, la société Pacifica a interjeté appel de cette ordonnance dont elle critique l'ensemble du dispositif.

Par ses dernières conclusions reçues le 29 avril 2022, la société Pacifica, constatant l'existence de contestations sérieuses, demande à la cour, à titre principal, d'infirmer la décision déférée, de dire la juridiction des référés incompétente pour statuer sur les demandes de Mme [D], de débouter cette dernière de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer une somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et, à titre subsidiaire, de débouter Mme [D] de sa demande de condamnation provisionnelle, de constater qu'elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise médicale judiciaire, de limiter l'évaluation des postes de préjudice aux seuls postes énumérés aux conditions générales du contrat, soit les dépenses de santé, les pertes de gains professionnels actuels et futurs, l'assistance par tierce personne, les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté, le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique permanent et le préjudice d'agrément.

L'appelante demande en outre la condamnation de Mme [D] à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de l'appel, la société Pacifica fait valoir que l'analyse des prélèvements sanguins auxquels Mme [D] a été soumises peu après l'accident a révélé la positivité au cannabis ce dont il résulte l'exclusion de garantie expressément prévue par la police, lorsque l'assuré a conduit un véhicule automobile à moteur en ayant fait l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (article L. 235-1 du code de la route).

L'assureur se prévaut ainsi d'une circonstance dont la preuve est établie, soit la conduite d'un véhicule par une personne ayant consommé du cannabis, quelqu'aient été les suites de la poursuite pénale engagée par le ministère public à l'encontre de Mme [D] pour infractions au code de la route.

Par conclusions reçus par le RPVA le 4 avril 2022, Mme [D] demande la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la contestation de l'appelante et ordonné l'application de la garantie du dommage corporel du conducteur et dommages accidents par l'assureur, sauf par infirmation partielle relative au montant de l'indemnité provisionnelle, à porter la provision à la somme de 60 000 €, de statuer ce que de droit sur l'étendue de la mission, de rejeter la demande formée par l'appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Pacifica à lui payer la somme de

2 000 € à ce titre.

À cet effet, elle réfute l'existence d'une contestation sérieuse, dès lors que l'exclusion de garantie prévue par la police souscrite auprès de la société Pacifica ne peut trouver application ; elle soutient que l'assureur inverse la charge de la preuve en affirmant que Mme [D] conduisait son véhicule après avoir consommé du cannabis, élément que l'enquête pénale échoue à justifier.

Elle soutient que la garantie de l'assureur étant acquise, la provision à valoir sur son indemnisation doit être sensiblement réévaluée, compte tenu de l'importance des préjudice d'ores et déjà établis et des éléments médicaux produits tels ceux faisant état de ses multiples fractures cervicales, vertébrales et du bassin, de ses hospitalisation, en réanimation d'abord durant 2 mois, complète durant les 4 mois suivants, puis de jour durant 5 mois et demi, de son placement sous le régime de protection des majeurs, eu égard à son incapacité à pourvoir à ses intérêts, de ses pertes de revenus, percevant jusqu'à l'accident un salaire de 2 375 € moyen mensuel en sa qualité d'infirmière.

Par acte du 8 février 2022, la société Pacifica a signifié à personne sa déclaration d'appel à la CPAM du Gard.

Sur ce,

La société Pacifica soutient que la preuve de la consommation de substance classée comme stupéfiants se fait par tous moyens et qu'il résulte du procès- verbal de synthèse dressé par la gendarmerie appelée sur les lieux de l'accident que l'analyse des échantillons sanguins prélevés sur Mme [D] révèle la présence de THC (tétrahydrocannabinol) dans le sang de la victime ce qui démontre qu'elle conduisait en ayant consommé du cannabis. La société Pacifica en conclut que l'exclusion de garantie prévue par la police d'assurance souscrite par Mme [D] s'applique dès lors que le contrat stipule qu'il y a exclusion de garantie si le conducteur, selon les modalités de dépistage en vigueur, conduit en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (article 235-1 du code de la route).

Cependant, Mme [D] a été poursuivie pénalement du chef de blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sur la personne de [S] [T] [W], son fils âgé de 2 ans et demi, avec cette circonstance qu'il résulte de l'analyse sanguine qu'elle avait fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Mais, la circonstance aggravante tenant à ce que Mme [D] avait conduit son véhicule après avoir consommé du cannabis a été écartée par un arrêt de cette cour du 4 décembre 2020 devenu irrévocable.

L'assureur n'est donc pas fondé à remettre en cause ce qui a été définitivement jugé relativement à la culpabilité et à la qualification pénale finalement retenue des faits, objet de la poursuite.

En conséquence, c'est à juste titre que Mme [D] a attrait devant le juge des référés la société Pacifica en tant qu'elle a souscrit auprès de cet assureur un contrat garantissant la réparation des préjudices consécutifs à l'accident de la circulation causé par le véhicule qu'elle conduisait.

Or, aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il résulte de ce texte qu'un tel motif légitime existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure demandée est légalement admissible, que la mesure sollicitée est utile et améliore la situation probatoire des parties, enfin que la mesure d'instruction ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur.

La mesure d'instruction que Mme [D] sollicite est de nature à améliorer sa situation probatoire en considération d'une action en indemnisation de ses préjudices tels que définis par le contrat souscrit auprès de la société Pacifica.

La mission d'expertise, qui ne saurait nuire aux intérêts légitimes de la société légitime, doit, néanmoins, comme d'ailleurs les parties en conviennent, être conforme aux clauses du contrat souscrit par Mme [D] auprès de la société Pacifica.

Il convient en conséquence de limiter l'appréciation des postes de préjudice de Mme [D] aux seuls postes énumérés dans les termes des conditions générales du contrat d'assurance en cause tels que précisés au dispositif.

Sur la demande de provision,

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il est constant que le refus de l'assureur de garantir les dommages corporels subis par Mme [D] repose sur la clause d'exclusion de garantie prévue en cas de consommation de cannabis par conducteur. Cependant, si des énonciations du procès-verbal de synthèse établi par la gendarmerie lors de l'enquête initiale relative aux causes et circonstances de l'accident établissent l'existence de traces de THC, la consommation volontaire de stupéfiants n'est pas établie. En effet, Mme [D] l'a contestée, les modalités de contrôle des premières analyses n'ont pas été respectées et l'injection de produits anesthésiants lors de la désincarcération de Mme [D] de son véhicule a été envisagée, sans pouvoir être confirmée, raisons pour laquelle la cour d'appel n'a pas retenu cette circonstance particulière, dans son arrêt en date du 4 décembre 2020.

Il en résulte que la contestation de l'assureur de son obligation à garantir ce sinistre ne peut être considérée comme sérieuse, de sorte que sa garantie doit s'appliquer, notamment en ce qui concerne la réparation des préjudices corporels de la conductrice, causés par l'accident (multiples fractures cervicales, vertébrales et du bassin, hospitalisation en réanimation du 16.12.18 au 12.02.19, hospitalisation complète du 13.02.19 au 18.06.19, hospitalisation de jour du 19.06.19 au 03.12.19, nombreuses interventions chirurgicales, projet d'une mise sous mesure de protection, arrêt de son activité d'infirmière avec un salaire de 2 300 euros /mois depuis 2018).

Il y a lieu dès lors de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a accordé une provision à Mme [D]. En considération de la nature des garanties souscrites et des blessures subies par la victime, la provision allouée sera portée à la somme de 25 000 euros.

L'équité conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [D], en cause d'appel, dans la mesure énoncée au dispositif. Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SA Pacifica.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière de référé et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance rendue le 1er décembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'elle a :

-ordonné une expertise médicale de Mme [D] confiée à Mme [P],

-condamné la société Pacifica au paiement d'une provision à verser à Mme [D],

-déclaré la décision commune et opposable à la CPAM du Gard,

-dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

La réforme pour le surplus et statuant à nouveau des chefs réformés,

Dit que la mission d'expertise confiée à Mme [M] [P] est l'appréciation des postes de préjudice suivants :

-Dépenses de santé (actuelles et futures), soit les frais médicaux, pharmaceutiques, chirurgicaux, de rééducation, d'hospitalisation ;

-Perte de gains professionnels actuels : pertes actuelles de revenu éprouvées par la victime pendant la période médicalement constatée du fait de l'accident ;

-Perte de gains professionnels futurs : le retentissement économique définitif, après consolidation, sur l'activité professionnelle future de la victime entraînant une perte de revenus ou son changement d'emploi ;

-Assistance par tierce personne : la présence nécessaire d'une personne au domicile de Mme [D] pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne et suppléer sa perte d'autonomie ;

-Frais de logement adapté : les seuls travaux à effectuer dans l'habitation principale suite à l'accident en cas d'impossibilité d'accomplir les actes essentiels de la vie courante ( aménagement de la salle de bains ou de la cuisine par exemple) ;

-Frais de véhicule adapté : les seuls aménagements à effectuer dans le véhicule personnel de Mme [D] afin de l'adapter à son handicap ;

-Déficit fonctionnel permanent : la réduction définitive des capacités fonctionnelles (physiologiques, intellectuelles, psychosensorielles) de la victime dont l'état de santé est considéré comme consolidé. Cette incapacité est médicalement constatée et évaluée entre 0 et 100% ;

-Souffrances endurées : les souffrances physiques et psychiques endurées par Mme [D] depuis l'accident jusqu'à consolidation. Elles sont qualifiées médicalement selon une échelle de 0 à 7 ;

-Préjudice esthétique permanent : toute disgrâce physique permanente consécutive à l'accident garanti, à évaluer médicalement selon une échelle de 0 à 7% ;

-Préjudice d'agrément : l'impossibilité pour la victime de continuer à exercer une activité sportive ou culturelle régulièrement et intensément pratiquée auparavant ;

Dit que l'expertise, opposable à la Caisse primaire d'assurances maladie du Gard, restera suivie par le juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Nîmes,

Dit que l'expert tiendra informé le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Nîmes de toute difficulté rencontrée,

Condamne la société Pacifica à payer la somme de 25 000 € à Mme [D] à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, en considération des clauses contractuelles liant les parties,

Condamne la société Pacifica à payer à Mme [D] la somme de 1 500 € à titre d'indemnité de procédure d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Pacifica aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/04485
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;21.04485 ?
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