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04/07/2022 | FRANCE | N°21/04452

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 04 juillet 2022, 21/04452


ARRÊT N°



N° RG 21/04452 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II7E



CJP



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

15 novembre 2021

RG:21/00394



S.A.R.L. CONSTRUCTIONS DE PROVENCE

Société SCCV [Adresse 15]



C/



S.C.I. LA GRANDE BASTIDE



Grosse délivrée

le

à













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 04 JUILLET 2022





A

PPELANTES :



S.A.R.L. CONSTRUCTIONS DE PROVENCE exerçant sous l'enseigne VILLAS INDIVIDUELLES LA PROVENCALE

inscrite au RCS de SALON DE PROVENCE sous le n° 422 939 397

prise en la personne de son représentant légal en exercice et domicilié audit siège

[Adr...

ARRÊT N°

N° RG 21/04452 - N° Portalis DBVH-V-B7F-II7E

CJP

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

15 novembre 2021

RG:21/00394

S.A.R.L. CONSTRUCTIONS DE PROVENCE

Société SCCV [Adresse 15]

C/

S.C.I. LA GRANDE BASTIDE

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 04 JUILLET 2022

APPELANTES :

S.A.R.L. CONSTRUCTIONS DE PROVENCE exerçant sous l'enseigne VILLAS INDIVIDUELLES LA PROVENCALE

inscrite au RCS de SALON DE PROVENCE sous le n° 422 939 397

prise en la personne de son représentant légal en exercice et domicilié audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SCCV [Adresse 15]

société civile de construction vente, inscrite au RCS de SALON DE PROVENCE sous le n°828 801 027, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Géraldine PUCHOL de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER PUCHOL, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

S.C.I. LA GRANDE BASTIDE

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 443 719 844

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Joséphine LAVIE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean-Claude BENSA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Cyril PRIEUR, avocat au barreau de MARSEILLE

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère,

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 16 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 04 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

La SCI La Grande Bastide est propriétaire des parcelles cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 16] sises sur la commune de Velleron (84).

Les parcelles voisines, cadastrées section AK n° [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 10] font l'objet d'un projet de construction d'un lotissement dénommé « [Adresse 15] » initiée par la SARL Construction de Provence et la SARL Provence Concept Projets.

Le 23 novembre 2016, la direction départementale des territoires (DDT) du Vaucluse a donné à la SARL Construction de Provence récépissé de sa déclaration, déposée le 15 juin 2016 au titre de l'article L214'3 du code de l'environnement, concernant la création d'un système de collecte des eaux pluviales pour le lotissement dont la construction est envisagée.

Le 4 avril 2017, la SARL Construction de Provence et la SARL Provence Concept Projets ont créé une société civile construction vente dénommée « [Adresse 15] » (ci-après dénommée SCCV [Adresse 15]) ayant pour objet, notamment, l'acquisition de terrains à bâtir sis à [Localité 17], cadastrés section AK [Cadastre 8], [Cadastre 7], [Cadastre 10] et [Cadastre 9] ainsi que tout immeuble et droits susceptibles de constituer des accessoires annexes dudit terrain, l'aménagement et la construction de ces terrains de villas, commerces et logements sociaux et la vente de ces immeubles construits à des tiers, sous quelque forme que ce soit, en totalité ou par fractions.

Par acte notarié du 25 septembre 2017, la SCCV [Adresse 15] est devenue propriétaire de la parcelle cadastrée section AK [Cadastre 10].

Sur saisine de la SCI la Grande Bastide, laquelle considérait subir un trouble manifestement illicite résultant, d'une part, de l'édification sur sa propriété de travaux d'aménagement et, d'autre part, l'intégration de sa propriété dans un dossier de déclaration environnementale rendant son propre terrain inconstructible, a fait assigner la SARL Construction de Provence devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon par exploit du 7 janvier 2021.

Par ordonnance en date du 6 avril 2021, le juge des référés a, notamment,

-déclaré recevable l'action formée par la SCI la Grande Bastide à l'encontre de la SARL Construction de Provence,

-a constaté que l'atteinte au droit de propriété de la SCI la Grande Bastide par la SARL Construction de Provence, résultant du fait que cette dernière a intégré dans son dossier de déclaration de loi sur l'eau déposé auprès de la DDT les parcelles appartenant à la SCI la Bastide, est constitutif d'un trouble manifestement illicite,

-a retenu que, depuis le 25 septembre 2017, la SCCV [Adresse 15] est devenue propriétaire au moins de la parcelle n° AK [Cadastre 10] et est désormais la seule à disposer de la capacité juridique pour déposer un nouveau dossier auprès de la DDT,

-a, en conséquence, rejeté les demandes de dépôt de dossier de déclaration devant le DDT et d'obtention de certificat de non opposition de la SCI la Grande Bastide dirigée contre la SARL Construction de Provence et non contre la SCCV [Adresse 15].

Par acte d'huissier en date du 20 janvier 2021, la SCI la Grande Bastide a fait citer devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15].

Par ordonnance contradictoire du 15 novembre 2021, le président du tribunal judiciaire d'Avignon a :

-dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la SARL Construction de Provence,

-ordonné à la SCCV [Adresse 15] et, si nécessaire, à la SARL Construction de Provence de :

-procéder ou faire procéder à la démolition de l'ouvrage édifié sur la ou les parcelles de la SCI la Grande Bastide et à remettre les lieux en leur état antérieur, et ce dans un délai d'un mois, à compter de la signification de l'ordonnance, mais également de l'autorisation donnée par écrit par la SCI la Grande Bastide à ces sociétés de pénétrer sur la ou les parcelles concernées pour effectuer lesdits travaux de démolition et de remise en état,

-d'effectuer auprès de la DDT de Vaucluse toutes démarches (dépôt d'un dossier modificatif de la déclaration déposée le 15 juin 2016 et enregistrée sous le n°84-2016-00152 ou autres démarches) afin que les parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], propriétés de la SCI la Grande Bastide, soient exclues de manière explicite de ce projet, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

-dit que, dans l'un et l'autre cas, passé ces délais d'un mois, une astreinte provisoire de 500 € par jour de retard commencera à courir, et ce, pendant un délai de 60 jours au-delà duquel il sera à nouveau statué,

-débouter la SCI la Grande Bastide sa demande de dommages-intérêts,

-rejeter toutes autres demandes,

-condamner in solidum la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15] à verser à la SCI la Grande Bastide la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration du 15 décembre 2021, la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions leur faisant grief.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 23 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15], appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile et 835 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions leur faisant grief, à l'exception de celles leur ayant ordonné de procéder à la démolition de l'ouvrage édifié sur les parcelles de la SCI la Grande Bastide et à remettre les lieux en leur état antérieur, en conséquence, de :

-juger irrecevable la SCI la Grande Bastide pour défaut de qualité et d'intérêt à agir contre la société Construction de Provence et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre cette société,

-débouter la SCI la Grande Bastide de ses demandes, fins et conclusions relatives au dépôt d'une déclaration au titre des articles L214'1 et R214'1 et suivants du code de l'environnement relative lotissement [Adresse 15], dit dossier « loi sur l'eau », et l'obtention d'une décision de non- opposition sous astreinte, et la renvoyer à mieux se pourvoir,

-confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la SCI la Grande Bastide de sa demande de provision sur dommages-intérêts,

-débouter la SCI la Grande Bastide tous ses demandes plus amples ou contraires,

-en tout état de cause, condamner l'appelante à leur payer la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15] font valoir :

-que la SARL Construction de Provence n'est pas propriétaire des parcelles sur lesquelles est édifié le lotissement [Adresse 15] et n'est plus bénéficiaire du dossier de la « loi sur l'eau » litigieux ; que c'est la SCCV [Adresse 15] qui est propriétaire des parcelles cadastrées section AK [Cadastre 12] et [Cadastre 10] et AK [Cadastre 9] et [Cadastre 11] et qui est donc titulaire des droits réels et des droits et obligations accessoires ; que la SCCV a été créé le 4 avril 2017 avec pour associées la société Provence Concept Projets et la société Construction de Provence ; qu'elle a, ainsi, repris les actes accomplis par ses associées pour le compte de la société en formation et que contrairement à ce que le premier juge a retenu, cela résulte bien des statuts ; que si la SARL Construction de Provence apparaît comme le demandeur pour le dossier « loi sur l'eau », ce n'est qu'en sa qualité d'associée de la SCCV [Adresse 15] en formation ; qu'ainsi, eu égard à ces éléments et à l'absence de droits réels de SARL Construction de Provence sur les parcelles objets de la déclaration de « la loi sur l'eau » critiquée, le procès de la SCI la Grande Bastide est mal dirigé ;

-que contrairement à ce que soutient l'intimée, même en l'absence d'appel de l'ordonnance de référé du 6 avril 2021, il n'y a pas de consécration de l'existence d'un trouble manifestement illicite qui aurait été constaté par le magistrat des référés dans la dite ordonnance ; qu'un « constat » n'est pas une décision de justice et qu'il y a possibilité d'une autre interprétation par la juridiction des référés, saisie à nouveau à la requête de la SCI la Grande Bastide ; que cette ordonnance ne s'impose pas à la présente juridiction, laquelle peut souverainement d'apprécier les éléments qui lui sont soumis ;

-que le premier juge s'est contenté de reprendre les termes des correspondances des 23 juin 2020 et 20 juillet 2020 de la DDT de Vaucluse, sans analyse ni aucune réponse aux moyens de contestations élevés ; qu'il appartenait au premier juge d'apprécier l'analyse de la DDT pour trancher le litige, et à tout le moins de relever l'existence de contestations sérieuses ; que le trouble manifestement illicite ne peut être déduit des seules affirmations de la SCI la Grande Bastide et de l'interprétation de courriers de la DDT ;

-qu'il ressort des données du dossier « loi sur l'eau » que la compensation de l'imperméabilisation est réalisée sur les seules parcelles de la SCCV [Adresse 15] par la création de six bassins de compensation sur lesdites parcelles à ciel ouvert ou enterré sur les bâtiments ; que la parcelle n° AK [Cadastre 4] est évoquée en sa qualité de parcelles voisines, sur laquelle il sera créé un bassin d'orage par la communauté d'agglomération du Grand Avignon ;

-que la SCI [Adresse 15] ne démontre pas que ses parcelles seraient devenues inconstructibles par l'effet de la déclaration « loi sur l'eau » de la SARL Construction de Provence reprise par la SCCV [Adresse 15] ; qu'il a été réalisé, pour démontrer l'inanité de la position de la DDT reprise par la SCI la Grande Bastide, une nouvelle étude hydraulique par la société INGEROP analysant et expliquant les données déposées dans le cadre du dossier « loi sur l'eau » critiquée, de laquelle il ressort que [Adresse 15] n'a qu'une incidence très limitée sur le caractère inondable des parcelles AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et surtout qui démontre qu'elles sont inondables intrinsèquement et indépendamment de toute construction limitrophe ;

-que le merlon de 15 cm de hauteur en limite nord ouest de la parcelle [Cadastre 13] ne permet en aucun cas d'augmenter la capacité de stockage naturelle lié uniquement au contexte topographique au droits de parcelles AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ; qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'inondabilité des parcelles AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et la prévision, puis la création du merlon sur ces parcelles ;

-qu'en réponse à la demande incidente formée par la SCI la Grande Bastide quant à l'augmentation du délai de l'astreinte, il convient de préciser que du fait de l'exécution provisoire de droit les appelantes ont exécuté l'ordonnance contestée que cette demande n'est donc pas justifiée ;

-qu'enfin la demande de provision souffre de nombreuses contestations sérieuses dont l'examen relève du juge du fond et que c'est donc à juste titre que le premier juge l'a rejetée.

La SCI la Grande Bastide, en sa qualité d'intimée et d'appelante sur incident, par conclusions en date du 5 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles [Cadastre 8] du code civil et 835 du code de procédure civile, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de provision et en ce qu'elle a limité la durée de l'astreinte provisoire à 60 jours et, en conséquence, de :

-débouter la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15] de toutes leurs fins et demandes,

-dire que l'astreinte courra pendant un délai d'un an,

-condamner, à titre provisionnel, la SCCV [Adresse 15] et la SARL Constructions de Provence, solidairement, au paiement d'une somme de 37 500 € à valoir sur le préjudice subi,

-condamner les sociétés appelantes chacune à 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile par devant la cour d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Lavie, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCI la Grande Bastide expose :

-que le projet immobilier monté par la SARL constructions de Provence génère une superficie imperméabilisée de 19 146 m² qui nécessitent de réaliser un bassin de compensation de 1506,8 m³ et qu'elle a déclaré réaliser ce volume de compensation en partie sur les terrains lui appartenant ; que cette façon de procéder est problématique, d'une part, car la société Construction de Provence se permet, sans être propriétaire de ces terrains et sans son autorisation, d'intégrer les parcelles AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5] dans son dossier « loi sur l'eau » et de prévoir d'y réaliser un bassin de compensation de 9785 m³ après réalisation d'une « diguette » de 15 cm de haut et, d'autre part, car les sociétés appelantes se sont permises de réaliser ces travaux sur la parcelle [Cadastre 13] lui appartenant ;

-que cette intégration dans le dossier « loi sur l'eau » et la réalisation des travaux de création d'un bassin lui interdisent de réaliser tout projet immobilier sur son terrain pourtant constructible ;

-que l'ordonnance du 6 avril 2021 du juge des référés du tribunal judiciaire d'Avignon, laquelle constate que l'atteinte à son droit de propriété est constitutive d'un trouble manifestement illicite, et définitive, aucun appel n'ayant été interjeté ; qu'en dépit de cette décision la SARL Construction de Provence et la SCCV [Adresse 15], ne semblant pas prendre la mesure du problème et cherchant à gagner du temps et à s'affranchir de leurs obligations, elle a été contrainte de saisir à nouveau le tribunal judiciaire en référé ;

-que le trouble manifestement illicite est constitué du fait de la réalisation de travaux sans autorisation du propriétaire, du fait de l'intégration de parcelles ne lui appartenant pas dans un dossier de déclaration environnementale et du fait de la réalisation d'un bassin de compensation sur des parcelles ne lui appartenant pas ayant pour effet immédiat de les rendre inconstructibles ;

-que la SARL Construction de Provence étant toujours titulaire, à sa connaissance, de l'autorisation «loi sur l'eau » ayant permis la réalisation du lotissement « [Adresse 15] »,et tenant le caractère temporaire de la SCCV, il est légitime qu'elle demande que la SARL Construction de Provence soit condamnée à garantir le paiement de toute condamnation financière prononcée à l'encontre de la SCCV [Adresse 15] ;

-qu'elle justifie d'un préjudice résultant du fait qu'elle avait promis de vendre à la société G3S Provence les terrains litigieux et qu'il était dûment convenu au titre des conditions suspensives l'obtention d'un permis d'aménager un lotissement ; qu'une telle condition n'a pu être réalisée du fait des actes des appelantes ; qu'il en résulte un préjudice important découlant du non règlement du prix de vente ou encore du non versement d'une indemnité d'immobilisation de 37 500 €.

La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'action de la SCI la Grande Bastide à l'encontre de la SARL Construction de Provence :

Soutenant que la SARL Construction de Provence n'est plus propriétaire des parcelles sur lesquelles sont édifiées le lotissement le « [Adresse 15] » et n'est plus bénéficiaire du dossier « loi sur l'eau », les appelantes souhaitent voir la cour réformer l'ordonnance dont appel et rejeter les demandes formées contre la SARL Construction de Provence.

Toutefois, comme l'a très justement relevé le premier juge, si la SCCV [Adresse 15] justifie être propriétaire de la parcelle section AK n° [Cadastre 10], aucune des pièces produites au dossier ne permet, en revanche, de déterminer la propriété des parcelles section AK n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8] pourtant directement concernées par le projet de construction du lotissement « [Adresse 15] » et visées dans le dossier de déclaration dit « loi sur l'eau » déposée à la DDT de Vaucluse le 21 novembre 2016.

Également, et contrairement à ce que soutiennent les parties appelantes, si les statuts de la SCCV [Adresse 15] prévoit effectivement en annexe que « la liste ci-jointe des actes accomplis par les associés pour le compte de la société en formation pendant la phase de préparation du projet de construction'vente (notamment frais d'études, d'architectes, de géomètre, de publicité et de vente des biens à construire) », il n'est pas pour autant citer de manière explicite que ladite société en formation, la SCCV [Adresse 15], reprend à son compte le dossier de déclaration litigieux. La liste qui se trouve au verso de cette annexe et qui porte l'en-tête « états des frais engagés pour la société en formation » mentionne effectivement parmi ces frais, ceux générés par la société INGEROP, laquelle a instruit le dossier de déclaration, ce qui ne signifie pas explicitement que le projet de déclaration dit « loi sur l'eau » relève désormais uniquement de la compétence de la SCCV [Adresse 15].

En l'état de ces imprécisions, il y a lieu de considérer qu'il n'est pas établi par les appelantes que la SARL Construction de Provence doit être mise hors de cause.

C'est, en conséquence, à bon droit que le premier juge a écarté cette demande.

Sur le trouble manifestement illicite et la demande de remise en état :

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

À titre liminaire, il convient d'écarter l'argument soulevé par la SCI la Grande Bastide tenant à l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 6 avril 2021, laquelle a « constaté que l'atteinte aux droits de propriété de la SCI la Grande Bastide par la SARL Construction de Provence est constitutive d'un trouble manifestement illicite ». En effet, le constat réalisé par le juge des référés ne saurait constituer un motif de décision et ne peut avoir autorité de la chose jugée dans la présente instance quant à l'existence ou non d'un trouble manifestement illicite.

L'ordonnance dont appel relève, qu'au regard des pièces et en particulier des courriers de la DDT de Vaucluse, il est établi que les parcelles section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], propriété de la SCI la Grande Bastide, ont été intégrées dans le dossier de déclaration « loi sur l'eau » par la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence et qu'il a été effectué des travaux par la SCCV [Adresse 15], sur la parcelle section AK n° [Cadastre 5], ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». L'atteinte au droit de propriété constitue un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, les appelantes contestent les motifs retenus par le premier juge s'agissant du dossier de déclaration déposée à la DDT de Vaucluse, étant précisé qu'elles ne soutiennent plus leur appel concernant la condamnation qui leur a été faite de procéder à la démolition de l'ouvrage édifié sur la la ou les parcelles appartenant à la SCI la Grande Bastide.

La SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence soutiennent, ainsi, que le premier juge s'est livré à une interprétation erronée des courriels de la DDT et que les parcelles appartenant à l'intimée ne sont évoquées, dans le dossier de déclaration « loi sur l'eau », qu'en leur qualité de parcelles voisines.

La lecture du courriel, rédigé par M. [K], du service « eau, environnement et forêts » de la DDT de Vaucluse, le 23 juin 2020, met en évidence, sans qu'il y ait lieu à interprétation, que selon ce service « les parcelles section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] font partie intégrante du DLE 84'2016'00152 pour lequel un récépissé de déclaration a été accordé le 23 novembre 2016 à la SARL Construction de Provence ». Il est ajouté que « cette zone de stockage doit être délimitée au nord par un merlon ou un muret (') qui permet de ne pas surverser au niveau du chemin du stade. Cette zone de stockage est assimilée aux autres ouvrages de rétention nécessaires au projet ('). Par conséquent, l'occupation de ces parcelles par un nouveau programme immobilier ne pourra intervenir que s'il y a modification du DLE initiale et qu'à la condition d'intégrer ces volumes dans les nouveaux aménagements ».

Le courrier rédigé par le chef de service « eau, environnement et forêts de la DDT », M. [W], le 28 juillet 2020, reprend les mêmes éléments et indique clairement que les parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] « font partie d'un autre programme immobilier « [Adresse 15] » ayant fait l'objet d'un dossier loi sur l'eau (') pour lequel un récépissé de déclaration a été délivré le 23 novembre 2016 ». Ce courrier précis également que les parcelles litigieuses « restent attachées aux obligations du DLE n° 84'2016'00152 ».

Ainsi, au regard de ce courriel et de ce courrier émanant de la DDT de Vaucluse, c'est sans commettre d'erreur que le premier juge a considéré qu'il résulte clairement de ces documents que les parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] « faisaient partie intégrante » du projet de construction du lotissement le « clos de l'Angeli ».

Les appelantes contestent cette analyse et indiquent verser aux débats, pour démontrer l'inanité de la position de la DDT, une nouvelle étude hydraulique par la société INGEROP expliquant les données déposées dans le dossier de déclaration « loi sur l'eau ».

Or, sans qu'il y ait lieu de rentrer dans ces considérations techniques, le seul examen du courriel et du courrier de la DDT permet de connaître la position de celle-ci et les conséquences que ce positionnement génèrent pour la SCI la Grande Bastide. En effet, la DDT dans ces documents indique de manière explicite qu'aucun nouveau programme immobilier ne pourra intervenir sur les parcelles appartenant à la SCI la Grande Bastide s'il n'y a pas au préalable modification du dossier de déclaration « loi sur l'eau » déposée par la SARL Construction de Provence.

Force est dès lors de constater qu'il y a bien atteinte aux droits de propriété de l'intimée, dès lors que cette dernière voit son droit à envisager un programme immobilier sur les parcelles lui appartenant sérieusement limité et tributaire du dépôt d'un nouveau dossier de déclaration « loi sur l'eau » modifiant le premier.

C'est à tort que les appelantes considèrent que le premier juge se fourvoie en indiquant qu'il importe peu que l'analyse de la DDT soit exacte ou non, puisque la conséquence de cette analyse est l'impossibilité pour la SCI la Grande Bastide de proposer un projet immobilier sur ses propres parcelles. Il en résulte de façon incontestable que les mentions portées dans le dossier de déclaration « loi sur l'eau » déposée par la SARL Construction de Provence ont donnait lieu à une analyse de la DDT de Vaucluse, ayant pour conséquence une atteinte au droit de propriété de la SCI la Grande Bastide, ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant une remise en état.

C'est, dès lors, de manière parfaitement justifiée, que l'ordonnance dont appel a fait droit aux demandes de la SCI la Grande Bastide et a ordonné à la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence d'effectuer auprès de la DDT de Vaucluse toutes démarches afin que les parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] soient exclues de manière explicite de ce projet.

La décision de ce chef sera, en conséquence, confirmée. Il en sera de même s'agissant du délai accordé aux appelantes pour s'exécuter, ainsi que de l'astreinte fixée et le délai durant lequel l'astreinte courra, la SCI la Grande Bastide n'apportant aucun élément venant justifier une réformation de ces dispositions.

Sur la demande de provision :

L'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le premier juge a considéré que la demande de provision de la SCI la Grande Bastide était sérieusement contestable faute pour cette dernière de démontrer, d'une part, que la promesse de vente invoquée n'a pas été réitérée parce que le bénéficiaire n'a pu obtenir de permis d'aménager et, d'autre part, parce qu'elle ne démontre pas que les autres conditions suspensives prévues dans la promesse ont été réalisées.

En cause d'appel, la SCI la Grande Bastide n'apporte pas d'éléments supplémentaires pour justifier sa demande de provision.

Au surplus, il convient d'indiquer qu'il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'apprécier la faute invoquée résultant des agissements de la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence ni le lien de causalité entre cette faute et le dommage prétendu par la SCI la Grande Bastide.

Tenant ces éléments et le caractère sérieusement contestable de l'obligation de la SCI la Grande Bastide, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de cette dernière.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient d'accorder à la SCI la Grande Bastide, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence, qui succombent, devront supporter les dépens de l'instance d'appel et ne saurait bénéficier d'une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Confirme les dispositions de l'ordonnance de référé rendue le 15 novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire d'Avignon en toutes ses dispositions,

Déboute la SCI la Grande Bastide de sa demande de rallongement du délai pendant lequel l'astreinte fixé peut courir,

Déboute la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence de leur demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence, in solidum, à payer à la SCI la Grande Bastide la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétible d'appel,

Condamne la SCCV [Adresse 15] et la SARL Construction de Provence, in solidum, aux dépens de la procédure d'appel distraits au profit de Me Lavie, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/04452
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;21.04452 ?
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