La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2022 | FRANCE | N°21/03859

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 04 juillet 2022, 21/03859


ARRÊT N°



N° RG 21/03859 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IHDR



NG



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

22 septembre 2021

RG:21/00461



S.C.I. SCI M & MS



C/



[S]

S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LAURE



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 04 JUILLET 2022





APPELANTE :



S.C.I.

SCI M & MS

immatriculée au RCS de NIMES sous le n° D 539 734 723

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 12]



Représentée par Me Gabriel CHAMPION de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat a...

ARRÊT N°

N° RG 21/03859 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IHDR

NG

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

22 septembre 2021

RG:21/00461

S.C.I. SCI M & MS

C/

[S]

S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LAURE

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 04 JUILLET 2022

APPELANTE :

S.C.I. SCI M & MS

immatriculée au RCS de NIMES sous le n° D 539 734 723

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représentée par Me Gabriel CHAMPION de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

Madame [F] [S]

née le 26 Janvier 1979 à [Localité 17]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, substituée par Me Julie CASTOR, avocat au barreau de NIMES

S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LAURE

immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 445 136 427

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 11]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES, substituée par Me Julie CASTOR, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère,

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 16 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 04 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

La SCI M & MS, propriétaire sur le territoire de la commune de Caveirac (30820) d'une parcelle cadastrée BN n°[Cadastre 5], a été assignée devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes par la propriétaire du fonds contigu, cadastré BN n°[Cadastre 6], la SCI Laure, ainsi que l'une de ses associés, Mme [S], afin que soit ordonnée la suppression des ouvrages et installations entravant son passage sur la servitude qu'elle revendique, et ce, sous astreinte.

Le dispositif de l'ordonnance rendue le 22 septembre 2021 est ainsi rédigé :

-dit que la SCI M & MS porte atteinte aux droits de propriété de la SCI Laure en condamnant la servitude réelle et perpétuelle grevant sa parcelle sise [Adresse 16], cadastrée section BN n°[Cadastre 5], et permettant d'accéder à la parcelle cadastrée section BN n° [Cadastre 6] appartenant à la SCI Laure, atteinte constitutive d'un trouble manifestement illicite,

-ordonne à la SCI M & MS de rétablir la servitude de passage d'une largeur de 4 m depuis l'entrée de sa propriété jusqu'à la parcelle BN n°[Cadastre 6] et de remettre à la SCI Laure, prise en la personne de ses représentants légaux, les clés permettant l'ouverture du portail d'entrée de la parcelle BN n° [Cadastre 5] et/ou du cadenas condamnant cette ouverture, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai,

-condamne la SCI M & MS à verser à la SCI Laure une somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la SCI Laure et Madame [S], ès qualités d'associée de la SCI Laure, à l'encontre de la SCI M & MS,

-les renvoie à mieux se pourvoir de ces chefs de demande devant le juge du fond,

-déboute la SCI M & MS de ses prétentions fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne la SCI M & MS aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 25 octobre 2021, la SCI M & MS a interjeté appel de l'intégralité de cette décision, à l'exception des disposition suivantes : « dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la SCI Laure et Madame [S], ès qualités d'associée de la SCI Laure, à l'encontre de la SCI M & MS ».

Dans ses dernières conclusions, signifiées par RPVA, le 19 avril 2022, la SCI M & MS demande :

-que son appel soit jugé recevable,

-que les dispositions de la décision dont appel prévoyant qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la SCI Laure et Madame [S], ès qualités d'associée de la SCI Laure, à l'encontre de la SCI M & MS, soient confirmées,

-que les autres dispositions soient réformées,

-que, statuant à nouveau :

-il soit jugé que la SCI M & MS ne porte aucune atteinte droit de propriété de la SCI Laure constitutive d'un trouble manifestement illicite,

-la SCI Laure et Madame [S] soient déboutées de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

-la SCI Laure soit condamnée à porter et payer à la SCI M & MS une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance,

-qu'y ajoutant, la SCI Laure soit condamnée à lui verser une indemnité de

2 500 € au titre de ses frais irrépétibles pour la procédure d'appel et à supporter les dépens d'appel,

-que, à titre subsidiaire, il soit jugé n'y avoir lieu à ordonner à la SCI M & MS de rétablir la servitude de passage d'une largeur de 4 m depuis l'entrée de sa propriété jusqu'à la parcelle BN n° [Cadastre 6] et de remettre à la SCI Laure les clés permettant l'ouverture du portail d'entrée de la parcelle BN n° [Cadastre 5] et/ou du cadenas condamnant cette ouverture.

Elle soutient :

-que la parcelle détenue par la SCI Laure ne bénéficie d'aucune servitude de passage, légale conventionnelle, lui permettant d'accéder directement à sa propriété, celle-ci étant enclavée, ainsi qu'en attestent tous les documents produits par l'intimée,

-qu'en tout état de cause, l'assiette de la servitude de passage consenti au profit de la précédente parcelle B [Cadastre 3] ne permet pas d'accès direct à la propriété de la SCI Laure,

-qu'elle n'est pas à l'origine des prétendues aménagements dénoncés par les intimées, qui ne démontrent pas ne plus pouvoir utiliser le portail d'entrée notamment en présence d'une benne, d'autant que le portail métallique muni d'un cadenas se situe côté ouest de la parcelle (et non au sud-est de celle-ci),

-que le droit de passage revendiqué ne se pratique plus sur l'assiette de la servitude initialement prévue, puisque l'entrée de l'ensemble immobilier a été agencée 8 m plus à l'ouest du passage initial, tel que l'indique un plan annexé à un acte notarié rectificatif de l'acte d'acquisition de la société M & MS,

-que la demande d'octroi de dommages et intérêts pour comportement déloyal n'est pas justifiée.

Elle a ajouté avoir exécuté les termes de l'ordonnance au titre de l'exécution provisoire et avoir vendu la parcelle BN n° [Cadastre 5] le 10 décembre 2021, motif pour lequel elle ne pourra pas être condamnée à rétablir la servitude de passage depuis l'entrée de la propriété jusqu'à la parcelle BN n° [Cadastre 6] et à remettre les clés du portail permettant l'ouverture.

Concernant les demandes nouvelles de la SCI Laure et Mme [S], elle certifie que l'acte notarié du 9 novembre 2021 n'est pas un acte modificatif de la servitude, mais simplement un acte rectificatif de l'acte de vente du 12 février 2013, indiquant l'emplacement du passage actuel, inopposable au fonds dominant. Elle ajoute qu'elle n'est pas dépourvue d'intérêt à agir depuis qu'elle a vendu le bien immobilier en cause, dès lors qu'elle considère avoir été injustement condamnée.

Pour sa part, la SCI Laure et Mme [S], dans ses dernières écritures en date du 26 avril 2022 transmises par RPVA, concluent ainsi qu'il suit :

-dire et juger l'appel interjeté par la SCI M & MS à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal d'instance de Nîmes en date du 22 septembre 2021 recevable, mais mal fondé,

-confirmé cette décision en ce qu'elle a :

-dit que la SCI M & MS portait atteinte aux droits de propriété de la SCI Laure en condamnant la servitude réelle et perpétuelle grevant sa parcelle cadastrée BN n° [Cadastre 5] et permettant d'accéder à la parcelle cadastrée BN n° [Cadastre 6] lui appartenant, atteinte constitutive d'un trouble manifestement illicite,

-ordonné à la SCI M & MS de rétablir la servitude de passage d'une longueur de 4 m depuis l'entrée de sa propriété jusqu'à la parcelle BN n° [Cadastre 6] et de remettre à la SCI Laure les clés permettant l'ouverture du portail d'entrée de la parcelle BN n° [Cadastre 5] dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard,

-condamné la SCI M & MS à payer à la SCI Laure la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-y ajoutant, vu l'acte régularisé le 9 novembre 2021,

-dire et juger que la SCI M & MS a procédé à une modification de l'assiette de la servitude de passage de façon unilatérale suivant acte du 9 novembre 2021 et sans justifier des conditions imposées par l'article 701 du code civil,

-dire et juger que cette modification est constitutive d'un trouble manifestement illicite et rend impossible l'exercice de la servitude de passage dont est bénéficiaire le fond BN n°[Cadastre 6],

-condamner la SCI M & MS ou toute personne venant à ses droits, en l'état de la vente datée du 10 décembre 2021, à rétablir la servitude de passage conformément à l'acte constitutif passé à l'étude de Me [I], notaire, le 9 juillet 1974,

-condamné la SCI M & MS ou toute personne venant à ses droits à leur verser la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal,

-en tout état de cause, condamné la SCI M & MS ou toute personne venant à ses droits, en l'état de la vente datée du 10 décembre 2021, à payer à la SCI Laure la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Après avoir expliqué le contexte de cette affaire, spécifiant notamment qu'elle avait été dans l'impossibilité d'exécuter des travaux auxquels elle avait été condamnée par jugement du 9 juin 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, à la demande de la SCI M & MS, la SCI Laure soutient qu'elle avait fait constater, par huissier de justice le 28 juin 2021, que cette dernière avait réalisé des aménagements visant à fermer tous les accès de sa propriété de la SCI Laure, à savoir :

-la pose d'un portail fermé à clé à l'endroit de la servitude de passage desservant le fond de la SCI, avec installation d'une benne derrière ce portail,

-la fermeture de l'entrée desservant le fond de la SCI Laure par la réalisation d'un talus en pierre avec pose d'une barrière le long de sa propriété,

et que cet empêchement avait été reconnu par le juge de l'exécution de Nîmes dans un jugement du 24 septembre 2021, confirmé par un arrêt de la cour d'appel, chambre commerciale, en date du 13 avril 2021.

Avec Madame [F] [S], elle soutient :

-qu'elle n'a pas fait l'acquisition d'une parcelle enclavée, puisqu'elle bénéficie d'une servitude de passage consentie en faveur de la parcelle cadastrée B [Cadastre 3], ainsi qu'en atteste l'acte d'acquisition de l'appelante qui mentionne la constitution d'une servitude suivant acte authentique du 9 juillet 1974 , bénéficiant par la suite aux parcelles B [Cadastre 9] et [Cadastre 8], après division, puis aux fonds BN n° [Cadastre 7] et BN n° [Cadastre 6],

-que les divisions de parcelle intervenues depuis 1974 ne sauraient faire disparaître la servitude de passage dont bénéficie son fonds sur la propriété appartenant à la SCI M & MS,

-que l'acte rectificatif produit en date du 9 novembre 2021, conclu entre la SCI M & MS et le nouvel acquéreur de la parcelle BN n° [Cadastre 5], conforte l'existence de cette servitude, en cause d'appel, contrairement aux allégations de la SCI M & MS en première instance, et ce, même s'il fait état de la modification de l'assiette initialement prévue,

-qu'ainsi les nouvelles demandes formées en appel résultent de l'apparition de faits nouveaux et sont donc recevables, sans qu'il soit question d'appel incident,

-que, quand bien même elle disposerait du double des clés du portail installé, le passage demeurerait impossible du fait de la présence d'une gigantesque benne installée en plein milieu du passage,

-la société appelante ne pouvait procéder au déplacement de l'assiette de la servitude dont elle bénéficie sans son autorisation préalable et y installer un portail,

-que le trouble manifestement illicite dont elle fait l'objet justifie que la SCI M & MS soit déboutée de l'ensemble de ses demandes,

-que cette société fait preuve de mauvaise foi, dans la mesure où elle a remis les clés permettant l'ouverture du cadenas du portail tout en contestant que le droit de passage soit obturé par l'apposition d'un portail dont l'ouverture serait conditionnée par la détention d'une clé,

-que suite de la vente du bien par la SCI M & MS, celle-ci est dépourvue de tout intérêt à maintenir son appel.

Par référence aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens soutenus.

La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 4 juillet 2022.

SUR CE,

-Sur l'intérêt à agir de la SCI M & MS :

Vu les dispositions de l'article 125 du code de procédure civile, même si la SCI M & MS n'est plus propriétaire de la parcelle BN n° [Cadastre 5], elle conserve un intérêt à obtenir la réformation des condamnations prononcées à son encontre, et ce, même si elle les a exécutées. La fin de non-recevoir soulevée par la SCI Laure, sur ce point, sera rejetée.

-Sur le périmètre de la saisine de la cour :

La SCI M & MS a interjeté appel de l'intégralité de cette décision, à l'exception des dispositions suivantes : « dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes formées par la SCI Laure et Madame [S], ès qualité d'associée de la SCI Laure, à l'encontre de la SCI M & MS ».

Ainsi, cette juridiction n'est pas saisie de demandes relatives à la suppression d'ouvrages ou d'aménagements qui empièteraient sur la propriété de la SCI Laure. Elle ne confirmera donc pas, comme le demande l'appelante, ces dispositions de la décision.

-Sur le trouble manifestement illicite :

Les pouvoirs du juge des référés sont déterminés par les disposition de l'article 835 du code de procédure civile, applicable en l'espèce, qui dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Il est apprécié, en référé, au jour où le premier juge a statué.

En l'espèce, l'intimée sollicitait le rétablissement d'un passage sur la parcelle BN n°[Cadastre 5] par un chemin longeant la limite séparative de ce fond avec la parcelle voisine cadastrée BN n°[Cadastre 7] pour accéder à sa parcelle BN n° [Cadastre 6]. Même si son acte de propriété en date du 13 janvier 2003 ne mentionne pas l'existence d'une servitude à son profit, il résulte du titre de propriété de l'appelante en date du 12 février 2013, au paragraphe concernant les servitudes (pages 10 et 11), qu'aux termes d'un acte reçu par Maître [I], notaire, le 9 juillet 1974, une servitude de passage, réelle et perpétuelle, avait été constituée au profit de l'immeuble cadastré alors B n° [Cadastre 3] sur une bande de terrain de 4 m de largeur prise au sud-est de la parcelle cadastrée B n° [Cadastre 2].

Nonobstant la mention figurant dans le titre de propriété de la SCI M & MS du 12 février 2013, selon laquelle le vendeur déclare que le droit de passage ainsi constitué ne s'exerce plus sur l'assiette de la servitude initialement prévue mais par l'entrée de l'ensemble immobilier, la SCI Laure verse aux débats un procès-verbal de bornage établi le 12 mars 2012, signé de l'ensemble des propriétaires concernés, qui fait référence au droit de passage en faveur de la parcelle B n°[Cadastre 3], scindée par la suite en deux pour constituer les parcelles n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9], respectivement cadastrées après remaniement cadastral du 7 septembre 2012 section BN n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Ainsi que l'a relevé le premier juge, la parcelle BN n° [Cadastre 6], située au nord de l'ancienne parcelle B n° [Cadastre 3], est en effet enclavée dans la parcelle BN n°[Cadastre 7], après scission de l'ancienne parcelle B n°[Cadastre 3], état d'enclave mentionnée à juste titre dans le titre de propriété de la SCI Laure. Cependant, par référence à l'article 700 du Code civil, la servitude constituée sur la parcelle BN n° [Cadastre 5] reste due pour chaque portion.

Ainsi, la SCI Laure est en droit de revendiquer un droit de passage sur une bande de terres de 4 m sur la propriété cadastrée BN n° [Cadastre 5], partant du [Adresse 15], par référence au plan de bornage dressé par M. [B], géomètre expert, en juillet 2011.

L'acte notarié conclu entre la SCI M & MS et ses vendeurs de la parcelle BN n° [Cadastre 5] le 9 novembre 2021 n'est pas constitutif de droit, mais tend à établir que l'accès à la servitude de passage revendiquée avait fait l'objet d'une modification de son tracé, l'entrée ayant été reportée de quelques mètres vers l'est, et non plus au droit de la limite séparative avec la parcelle BN [Cadastre 7].

Par ailleurs, le titre de propriété de la SCI M & MS du 12 février 2013 fait également apparaître une seconde servitude de passage qui s'exerce sur la parcelle BN n° [Cadastre 5], le long de la limite de propriété de la parcelle BN n° [Cadastre 4], et ce, afin de permettre l'accès de la voie publique «chemin des Lauzières» à la parcelle BN n° [Cadastre 4] par le portail installé en limite de propriété entre les deux fonds. La SCI Laure n'est pas titulaire d'un droit réel sur cette entrée, à la supposer maintenue, excepté d'une autorisation provisoire si elle ne dispose d'aucune autre entrée pour accéder à son fonds.

Ainsi, par constat d'huissier en date du 28 juin 2021, la SCI Laure établit qu'aucun accès n'existait au niveau de la bordure sud de la parcelle BN n°[Cadastre 5] en partant de l'angle sud-est de cette parcelle et en remontant vers l'angle sud-ouest de cette dernière, à l'exception d'un grand portail, installé en bordure de la limite séparative avec la parcelle BN [Cadastre 4], qui dispose d'un cadenas et derrière lequel est installée une benne, au milieu du passage. La description de l'huissier est confortée par des photographies particulièrement explicites.

Il importe peu que la SCI M & MS ne soit pas à l'origine des modifications et aménagements dénoncés par la SCI Laure, dans la mesure où le droit de passage n'est pas attaché à la personne du propriétaire, mais au bien immobilier lui-même.

Dans ces conditions, l'atteinte au droit de propriété de la SCI Laure était avérée, dès lors que celle-ci ne disposait d'aucun accès à son fonds alors que la parcelle BN n° [Cadastre 5] lui devait un passage. C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et a ordonné des mesures conservatoires et de remise en état, qui s'imposaient pour faire cesser le trouble, permettant à la SCI Laure d'accéder à sa parcelle. La décision ainsi rendue n'a pas analysé au fond la situation de chacune des parties pour dire le droit, ce qui ne correspond pas à la mission du juge des référés. Elle a mis fin au trouble démontré, les parties étant invitées pour le surplus à se concilier ou à mieux se pourvoir devant une juridiction de fond.

-Sur les demandes nouvelles :

La SCI Laure demande que, suite à la transmission de l'acte notarié régularisé le 9 novembre 2021 entre la SCI M & MS et ses vendeurs de la parcelle BN n° [Cadastre 5], à la cour de :

-dire et juger que la SCI M & MS a procédé à une modification de l'assiette de la servitude de passage de façon unilatérale suivant acte du 9 novembre 2021 et sans justifier des conditions imposées par l'article 701 du code civil,

-dire et juger que cette modification est constitutive d'un trouble manifestement illicite et rend impossible l'exercice de la servitude de passage dont est bénéficiaire le fond BN n°[Cadastre 6],

-condamner la SCI M & MS ou toute personne venant à ses droits, en l'état de la vente datée du 10 décembre 2021, à rétablir la servitude de passage conformément à l'acte constitutif passé à l'étude de Me [I], notaire, le 9 juillet 1974,

-condamné la SCI M & MS ou toute personne venant à ses droits à leur verser la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal,

Par référence à l'article 564 du code de procédure civile, ces nouvelles demandes, qui ne constituent pas un appel incident, seront déclarées recevables, dès lors qu'elle sont nées de la révélation d'un fait nouveau, à savoir la production de l'acte notarié en date du 9 novembre 2021.

Toutefois, cet acte authentique n'est pas opposable à la SCI Laure, qui n'y est pas partie. Il ne crée aucune modification de droits à son encontre, puisqu'il ne fait qu'attester et représenter sur un plan joint que, lors de l'acquisition, l'entrée principale de la parcelle BN n° [Cadastre 5], qui profitait aux fonds cadastrés BN n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7], se faisait pas un accès décalé de 8m par rapport à l'assiette initiale de la servitude.

Dans ces conditions, ni la SCI Laure, ni Mme [S] ne peuvent se prévaloir d'un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés, dans la mesure où l'accès à leur propriété est assuré. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé les concernant.

La SCI M & MS, qui succombe majoritairement dans le soutien de ses prétentions, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le sort des dépens de première instance ayant été justement tranché par le premier juge. En application de l'article 700 du code de procédure civile, il sera mis à la charge de la SCI M & MS la somme de 1 800 euros en contrepartie des frais irrépétibles que la SCI Laure et Mme [S] ont dû engager dans l'instance d'appel, les dispositions prises par le premier juge sur ce fondement étant confirmées.

La SCI M & MS sera déboutée de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel,

Déclare l'appel de la SCI M & MS recevable, celle-ci ayant intérêt à agir,

Confirme les dispositions déférées de l'ordonnance rendue le 22 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nîmes

Déclare recevables les demandes nouvelles formées par la SCI Laure et Mme [S],

Dit n'y avoir lieu à référé les concernant,

Condamne SCI M & MS à payer à la SCI Laure et Mme [S], ensemble, la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Sur le fond, invite les parties à se concilier ou à mieux se pourvoir,

Condamne SCI M & MS aux dépens de l'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03859
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;21.03859 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award