ARRÊT N°
N° RG 22/00450 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IKWR
MAM
COUR D'APPEL DE NIMES
25 janvier 2022
RG:21/02366
S.C.I. SDMS
C/
Compagnie d'assurance MAIF
Grosse délivrée
le
à SCP Coulomb Divisia...
SCP Fontaine Floutier
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
DEFERE
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
DEMANDERESSE AU DEFERE:
S.C.I. SDMS prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGLER GOUGOT BREDEAU-TROEGLER, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Représentée par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
DEFENDERESSE AU DEFERE :
Compagnie d'assurance MAIF prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Charles FONTAINE de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me LIZEE de la SCP LIZEE PETIT TARLET, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Nîmes, en date du 25 janvier 2022,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,
Mme Catherine Ginoux, conseillère,
Madame Elisabeth Granier, conseillère,
GREFFIER :
Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 03 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2022, prorogé à ce jour,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, Présidente de Chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 30 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 29 décembre 2008, la SCI Nugou a vendu à la SCI SDMS une maison d'habitation située [Adresse 5] (Vaucluse),
Constatant l'apparition de fissures, la SCI SDMS a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon, lequel a ordonné une expertise afin d'en rechercher l'origine.
Un arrêté ministériel du 25 juillet 2017 a reconnu pour la commune de [Localité 6] l'état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols du 1er janvier au 31 décembre 2016.
Par acte d'huissier du 17 janvier 2018, la SCI SDMS a fait assigner la SCI Nugou sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par ordonnance du 15 octobre 2018, le juge des référés a déclaré communes et opposables à la société MAIF, assureur de la SCI SDMS, les opérations d'expertise confiées à M. [L].
Puis, la SCI SDMS a fait assigner la MAIF devant le tribunal de grande instance d'Avignon afin de voir reconnaître sa garantie catastrophe naturelle.
Après jonction des deux procédures, par jugement réputé contradictoire du 17 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Avignon statuant dans l'instance introduite par la SCI SDMS a statué comme suit :
- déboute la SCI SDMS de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société MAIF,
- condamne la SCI Nugou à payer à la SCI SDMS la somme de 465 987,12 € en réparation du préjudice causé par les vices cachés affectant l'immeuble vendu par la SCI Nugou à la SCI SDMS suivant acte authentique du 29 décembre 2008, situé [Adresse 5] (Vaucluse),
- condamne la SCI Nugou à payer à la SCI SDMS la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SCI Nugou à payer à la société MAIF la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SCI Nugou aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire,
- ordonne l'exécution provisoire.
Par déclaration du 18 juin 2021 la SCI SDMS a relevé appel de ce jugement intimant la société MAIF et la SCI Nugou.
Par ordonnance du 10 août 2021, le magistrat de la mise en état a constaté le désistement d'appel de la SCI SDMS à l'encontre de la SCI Nugou, dit l'instance éteinte dans leurs rapports, l'instance se poursuivant entre les autres parties.
Invoquant une situation d'indivisibilité caractérisée par la contrariété de situation juridique de nature irréductible, par conclusions du 20 octobre 2021, la société MAIF a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable l'action de la SCI Nugou, déclarer caduque la déclaration d'appel et condamner la SCI SDMS au paiement de la somme de de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 25 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de la SCI SDMS à l'encontre de la MAIF.
Par requête motivée du 3 février 2022, la SCI SDMS a déféré cette ordonnance à la cour et sollicite l'infirmation de l'ordonnance, de voir déclarer l'appel à l'encontre de la MAIF recevable et la condamner au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions sur déféré notifiées le 26 avril 2022, auxquelles il est expressément référé, la société SDMS maintient ses demandes.
Elle soutient que:
- il n'existe aucune indivisibilité entre les deux actions,
- l'indivisibilité suppose qu'il ne soit pas possible de différencier la situation des divers intéressés et de les condamner de manière distincte, or, l'action en garantie des vices cachés peut être jugée à l'égard de la SCI Nugou sans que soit jugée la garantie catastrophe naturelle de la Maif et inversement la garantie catastrophe naturelle de la MAIF peut être jugée, quel que soit le sort réservé à l'action en garantie des vices cachés,
- il n'existe aucune impossibilité juridique d'exécution simultanée des deux décisions condamnant le vendeur et l'assureur catastrophe naturelle, ni aucune contrariété irréductible entre l'appréciation de ces deux actions.
Dans ses dernières conclusions sur déféré notifiées le 29 avril 2022, la MAIF demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, déclarer irrecevable l'appel de la société SDMS à son égard et condamner la SCI SDMS à payer à la MAIF la somme de 2800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que:
- par l'effet du désistement d'appel, le jugement est devenu définitif à l'égard de la SCI Nugou,
- ce jugement en faisant droit à l'action en garantie des vices cachés a reconnu le caractère antérieur du vice par rapport à la vente de 2008, de sorte que la garantie de la MAIF pour la catastrophe naturelle de 2016 ne peut être recherchée, il existe une contrariété de droit,
A l'audience du 3 mai 2022 à laquelle le dossier a été appelé, les parties ont maintenu leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 916 alinéa 3 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles statuent sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel.
Le déféré formé le 3 février 2022 par la société SDMS à l'encontre de l'ordonnance du 25 janvier 2022 est en conséquence recevable.
L'article 552 du code de procédure civile dispose qu'en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserver le droit d'appel des autres ; dans les mêmes cas, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.
Selon l'article 553 du même code, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé par l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
Il y a indivisibilité lorsque la situation juridique, objet du procès, intéresse plusieurs personnes, de telle manière que l'on puisse la juger sans que le procédure et la décision aient des conséquences sur tous les intéressés. Plus précisément, l'indivisibilité est caractérisée lorsqu'il existe une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions tenant à leur contrariété irréductible.
En l'espèce, la société SDMS recherchait devant le premier juge la garantie de sa venderesse sur le fondement des vices cachés et celle de sa compagnie d'assurance au titre du risque catastrophe naturelle. Ayant obtenu satisfaction dans son action à l'égard de la société Nugou, venderesse, par le jugement déféré, désormais définitif de ce chef, et déboutée de ses demandes envers la MAIF, elle a finalement dirigé son appel qu'à l'égard de cette dernière.
Afin d'apprécier l'indivisibilité alléguée entre ces deux actions, aux fondements distincts, bien que procédant d'un même fait, il convient de rechercher s'il serait possible d'exécuter l'arrêt à intervenir statuant sur la garantie de la MAIF, assureur de la société SDMS et le jugement dont appel, statuant sur l'action estimatoire de la société SDMS, et condamnant la SCI Nugou à lui payer la somme de 465 987,12 € en réparation du préjudice causé par les vices cachés affectant l'immeuble vendu.
Or, la cour statuant sur la garantie catastrophe naturelle de la MAIF, n'est pas susceptible de rendre une décision de nature à contrarier ledit jugement, de sorte qu'il n'existe pas d'indivisibilité. Il n'existe pas davantage de contrariété de situation juridique de nature irréductible, caractérisée selon la MAIF par le fait que le jugement, définitif, a reconnu l'antériorité du vice à la vente intervenue en 2008, de sorte que la garantie catastrophe naturelle pour un épisode de sécheresse en 2016 ne peut être mobilisée. Ce moyen qui relève à l'évidence de la cour statuant au fond, laquelle peut seule apprécier l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'au dispositif, est inopérant pour caractériser une situation d'indivisibilité.
Si une exécution simultanée peut présenter un risque d'enrichissement sans cause, il appartiendra éventuellement à la cour de le prévenir, par référence au jugement déféré en ses dispositions devenues définitives.
En conséquence, en l'absence d'indivisibilité du litige, l'appel ne se heurte pas à l'irrecevabilité susvisée, l'ordonnance déférée sera infirmée.
La MAIF supportera les dépens de l'incident et du déféré et sera condamnée à payer à la société SDMS la somme de 1200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé que le droit de recouvrement direct est devenu sans objet du fait de la suppression de tout tarif de l'avocat ,en application de la loi du 6 août 2015. Or, le jugement déféré a été rendu postérieurement au 8 août 2015, date d'entrée en vigueur de ladite loi, de sorte que la demande de distraction des dépens au profit de l'avocat en la cause est sans objet
Le dossier sera renvoyé à la mise en état avant fixation.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, sur déféré, en matière civile et en dernier ressort,
Déclare recevable et bien fondée la requête en déféré présentée par la société MAIF,
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de la société MAIF aux fins de voir déclarer irrecevable l'appel de la SCI SDMS
Condamne la société MAIF à payer à la SCI SDMS la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Renvoie le dossier à l'audience de mise en état 8 novembre 2022 à 14 heures avant fixation,
Condamne la société MAIF aux dépens de l'incident et du déféré,
Dit sans objet la demande de distraction des dépens.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
la greffière, la présidente,