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28/06/2022 | FRANCE | N°20/03098

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 28 juin 2022, 20/03098


ARRÊT N°



R.G : N° RG 20/03098 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3S7



CJP



TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'AVIGNON

16 septembre 2020

RG :18/00001



[B]

[B]

[B]



C/



E.A.R.L. [G] ET [J] [FL]

[FL]

[L]

[FL]

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 28 JUIN 2022





APPELANTS :



Monsieur [SO] [J]

[C] [A]

né le 05 Décembre 1943 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 16]



Comparant en personne,

assisté de Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Madame [N] [V] [T] [M] [A] épouse [TJ]

née le 03 Novembre 1965 à [Localité...

ARRÊT N°

R.G : N° RG 20/03098 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H3S7

CJP

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX D'AVIGNON

16 septembre 2020

RG :18/00001

[B]

[B]

[B]

C/

E.A.R.L. [G] ET [J] [FL]

[FL]

[L]

[FL]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

APPELANTS :

Monsieur [SO] [J] [C] [A]

né le 05 Décembre 1943 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 16]

Comparant en personne,

assisté de Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [N] [V] [T] [M] [A] épouse [TJ]

née le 03 Novembre 1965 à [Localité 18]

[Adresse 20]

[Adresse 20]

[Localité 16]

Comparante en personne,

assistée de Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [X] [KH] [K] [A]

né le 09 Octobre 1970 à [Localité 18]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉS :

E.A.R.L. [G] ET [J] [FL]

immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 410 313 845

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 19]

[Adresse 5]

[Localité 16]

Représentée par Me Michel DESILETS de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Madame [F] [FL]

née le 27 Mai 1976 à [Localité 18]

[Adresse 6]

[Localité 16]

Comparante en personne,

assistée de Me Michel DESILETS de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Madame [G] [R] [W] [U] épouse [FL]

représentée par Madame [O] [D], juriste salariée de la Fédération départementale des Syndicats d'exploitants agricoles de Vaucluse, organisation professionnelle agricole enregistrée sous le SIRET n° 408 660 793 00014 et dont le siège social est situé [Adresse 17], munie d'un pouvoir

née le 08 Mai 1954 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 16]

Comparante en personne,

assistée de Madame Fanny CHASSERIAU, juriste

Monsieur [J] [FL]

représenté par Madame [O] [D], juriste salariée de la Fédération départementale des Syndicats d'exploitants agricoles de Vaucluse, organisation professionnelle agricole enregistrée sous le SIRET n° 408 660 793 00014 et dont le siège social est situé [Adresse 17], munie d'un pouvoir

né le 18 Janvier 1952 à [Localité 16]

[Adresse 5]

[Localité 16]

Comparant en personne,

assisté de Madame Fanny CHASSERIAU, juriste

Statuant en matière de baux ruraux après convocations des parties par lettres simples et lettres recommandées avec avis de réception du14 février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et Mme Véronique PELLISSIER, Greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 12 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Juin 2022, prorogé au 28 juin 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 28 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Par requête reçue le 19 avril 2018 au tribunal d'instance d'Avignon, l'EARL [G] et [J] [FL] et Mme [F] [FL] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avignon et fait convoquer M. [SO] [A], Mme [N] [A] ép. [TJ] et M. [X] [A] (ci-après dénommés les consorts [A]) aux fins de voir, en substance, dit non résilié le bail rural verbal contracté par M. [J] [FL] le 1er novembre 1980 et portant sur des parcelles sises sur la commune de [Localité 16], plantées en vignes, en appellation Cotes du Rhône.

Ces parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] ont fait l'objet de modifications cadastrales pour devenir par la suite les parcelles cadastrées section AB n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9], cette dernière étant ensuite divisée en 5 lots cadastrés section AB n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14]. Ces parcelles, initialement propriété de Mme [A] ép. [E] ont été vendues, le 27 avril 1995, à M. et Mme [SO] [A]. Aux termes d'un acte de donation en date du 28 juin 2008, M. [SO] [A] a procédé à une donation-partage aux termes de laquelle la parcelle cadastrée section AB n°[Cadastre 10] a été attribuée à Mme [N] [A] ép.[TJ] et la parcelle cadastrée section AB n°[Cadastre 11] a été attribuée à M. [X] [A].

Par jugement contradictoire en date du 16 septembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avignon a :

-constaté l'existence d'un bail rural verbal entre [SO] [A], [N] [A] ép. [TJ] et [X] [A] et l'EARL [G] et [J] [FL], cette dernière venant aux droits et place de M. [J] [I] [FL], viticulteur et Mme [G] [U], son épouse, selon acte de cession de bail à métayage conclu sous-seing privé en date du 30 septembre 2013 avec prise d'effet au 1er janvier 2010 sur les parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 16] AB [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14],

-ordonné le sursis à statuer sur les demandes, dans l'attente de la décision définitive des juridictions de l'ordre administratif,

-dit qu'il appartiendra aux parties d'aviser la juridiction de la survenance de l'événement ayant donné lieu au sursis à statuer,

-réservé les frais et les dépens.

Suivant déclaration en date du 27 novembre 2020, les consorts [A] ont interjeté appel du jugement rendu en ce qu'il a constaté l'existence d'un bail rural verbal au profit de l'EARL [G] et [J] [FL] sur les parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 16] AB [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14].

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 avril 2022.

A cette audience, sont présents M. [SO] [A] et Mme [N] [A] ép. [TJ], assistés de leur conseil. M. [X] [A] est représenté par son conseil. Ils exposent leurs prétentions et moyens et s'en rapportent à leurs conclusions notifiées le 12 avril 2022 pour le surplus.

Les appelants souhaitent voir la cour réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'existence d'un bail verbal entre eux et l'EARL [G] et [J] [FL], cette dernière venant aux droit et place de M. [J] [I] [FL] et de Mme [G] [U] et, dès lors, statuant à nouveau :

-À titre principal, sur la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. [J] [FL], au visa des articles L411-32, L411-35 L411-37 et L411-38 du code rural et de la pêche maritime :

-débouter l'EARL [G] et [J] [FL] de ses demandes concomitantes de reconnaissance du bail sur les parcelles AB n° [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11],[Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14],

-et dès lors prononcer la résiliation aux torts exclusifs de M. [J] [FL] pour cession prohibée du bail et non respect des dispositions de l'article L411-37 du code rural,

-prononcer la nullité de ladite cession ou sous-location au profit de l'EARL [G] et [J] [FL],

-ordonner l'expulsion pure et simple de M. [J] [FL] desdites parcelles, ainsi que tout occupant de son chef, dont l'EARL [G] et [J] [FL],

-débouter les époux [FL] de l'ensemble de leurs demandes,

-À titre subsidiaire, sur le statut applicable aux parcelles AB [Cadastre 10] et [Cadastre 11], au visa des l'article L411-3 du code rural et de l'arrêté préfectoral portant réglementation du statut du fermage pour le département du Vaucluse et de la donation-partage du 28 juin 2018 :

-dire et juger que le bail consenti par Mme [N] [A] ép. [TJ] sur la parcelle cadastrée AB [Cadastre 10] et le bail consenti par M. [X] [A] sur la parcelle cadastrée AB [Cadastre 11] relèvent tous deux du statut des baux ruraux au sens de l'article L411-3 du code rural,

-et dès lors, dire et juger que ces baux ont été régulièrement dénoncés par le congé en date du 20 décembre 2017 à effet au 31 décembre 2018,

-ordonné l'expulsion pure et simple de M. [J] [FL], ainsi que de tout occupant de son chef dont l'EARL [G] et [J] [FL] des parcelles cadastrées section AB n° [Cadastre 10] et [Cadastre 11],

-À titre infiniment subsidiaire, sur le congé en date du 21 décembre 2017 :

-prendre acte du recours formé par les consorts [A]-[TJ] à l'encontre de la décision du refus de M. le préfet du Vaucluse en date du 18 juin 2018,

-prendre acte que ce recours est actuellement pendant devant le tribunal administratif de Nîmes sous les références 1803612-4,

-confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande relative au congé dans l'attente de la décision définitive des juridictions de l'ordre administratif,

-condamner solidairement M. [J] [FL], Mme [G] [FL], ainsi que l'EARL [G] et [J] [FL] aux entiers dépens d'instance, ainsi qu'à une somme de 7000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, les consorts [A] font valoir :

-que par acte du 30 septembre 2013, M. [J] [FL] a sollicité de M. [SO] [A] la possibilité de céder le bail au profit de sa fille, Mme [F] [FL], à compter du 1er janvier 2010 ; que Mme [G] [FL] n'est intervenue dans cet acte qu'en qualité de conjointe du titulaire du bail ; que par le même acte, il a été précisé que ce bail serait mis à disposition de l'EARL [G] et [J] [FL] ; que par courrier du 10 octobre 2013, M. [P] [Y], expert agricole et foncier, agissant pour le compte des consorts [A], a informé M. [J] [FL] du refus de ce projet de cession et a pris acte de la mise à disposition au profit de l'EARL [G] et [J] [FL] ; qu'à cette époque les consorts [A] n'étaient pas informés du départ à la retraite de leur métayer ;

-qu'en 2017, l'ensemble des parcelles cadastrées section AB n° [Cadastre 8] à [Cadastre 14] était classé en zone urbanisée ; que Mme [N] [A] et son époux ont obtenu un permis de construire sur la parcelle AB n° [Cadastre 10] en vue de l'édification d'une maison d'habitation ; que, dès lors, par acte du 21 décembre 2017, ils ont fait délivrer à l'EARL [G] et [J] [FL] un acte valant résiliation de bail pour cause d'urbanisme, en application de l'article L411-32 du code rural, avec effet au 31 décembre 2018 ;

-qu'ils sollicitent, à titre principal, la résiliation du bail pour cession ou sous-location prohibée, relevant que la motivation du tribunal paritaire des baux ruraux, selon lequel la résiliation ne pouvait être prononcée en l'absence de cession de bail illicite, est contestable ; qu'en outre, la décision comporte une contradiction entre sa motivation et son dispositif, puisqu'il est indiqué dans les motifs que Mme [F] [FL] aurait valablement succédé à son père au titre du bail, alors qu'il est constaté dans le dispositif l'existence d'un bail rural verbal au profit de l'EARL [G] et [J] [FL] ;

-que le titulaire du bail ne peut être que M. [J] [FL] ; qu'en effet à la suite de la notification de son projet de cession rétroactif et du refus signifié, de manière parfaitement explicite, par l'intermédiaire de M. [P] [Y], M. [J] [FL] n'a plus jamais persévéré dans son intention de céder le bail à sa fille ni à l'EARL [G] et [J] [FL] ; qu'en l'état de ce refus explicite du bailleur, M. [J] [FL] aurait dû saisir la juridiction d'une demande de cession de bail ; qu'il existe une fraude orchestrée par les consorts [FL], en ce compris la gérante de l'EARL ; qu'en effet, les consorts [FL] se sont toujours bien gardés d'informer les bailleurs de la constitution de l'EARL en 1996, ainsi d'ailleurs que des changements d'associés intervenus ultérieurement ; que ce n'est qu'en faveur de la présente instance qu'ils ont prient connaissance du départ de M. [J] [FL] en qualité d'associé d'exploitant de l'EARL depuis 2010 et de son départ à la retraite ; qu'ils se sont ainsi bien gardés d'en informer les bailleurs dans le projet d'acte de cession de bail du 30 septembre 2013 ; que conformément au principe selon lequel « la fraude corrompt tout » il est difficile de venir leur reprocher d'avoir fait signifier par erreur un congé d'urbanisme à l'EARL ; qu'en aucun cas la délivrance de ce congé ne peut constituer un accord valable quant à la conclusion d'un bail au profit de l'EARL, a posteriori, sans que pour autant, il ne soit rapporté la preuve de la résiliation du bail initial du 1er novembre 1980 au profit de M. [J] [FL] ; qu'au surplus s'il y avait eu apport du bail à l'EARL, M. [J] [FL] aurait dû respecter les dispositions du code rural et obtenir l'agrément personnel du bailleur ; qu'il s'est seulement contenter trois ans après son départ à la retraite de solliciter une cession de bail au profit de sa fille, cession qui a été refusée par le bailleur ; que l'argument selon lequel les bailleurs auraient consentis un bail au regard des déclarations de récolte et des apports à la cave coopérative est sans emport, d'une part, car Mme [N] [A] et M. [X] [A], propriétaires des parcelles AB [Cadastre 10] et [Cadastre 11] n'ont jamais rien perçu de la cave coopérative et, d'autre part, car le projet d'acte de cession ne faisait état que d'une mise à disposition au profit de l'EARL, ce dont il avait été pris acte, et qu'il était donc logique que l'EARL s'acquitte du métayage ; que pour autant l'EARL ne peut en aucun cas revendiquer l'existence d'un bail à son profit ;

-qu'il ne peut non plus y avoir d'accord tacite de la part des bailleurs pour une cession de bail au profit de l'EARL, l'article L411-38 du code rural n'étant pas respecté, et ce d'autant plus qu'il existe désormais trois bailleurs ; qu'en outre, l'acte du 30 septembre 2013 ne fait aucunement état d'une cession au profit de l'EARL mais seulement d'une mise à disposition ;

-que s'agissant de la demande reconnaissance d'un bail au profit de Mme [G] [FL], celle-ci ne peut être écartée, notamment parce que M. [J] [FL], dans sa demande d'autorisation de cession du bail du 30 septembre 2013, a reconnu qu'il était seul et unique titulaire du bail, Mme [G] [FL] n'intervenant qu'en qualité de conjoint ; qu'en outre, si Mme [G] [FL] fait valoir sa qualité d'associée au sein de l'EARL, elle ne justifie pas bénéficier de la qualité d'exploitante agricole ; que l'attestation d'affiliation à la MSA de février 2020 la désigne comme membre non-salariée et non-affiliée ; que seule leur fille est associée exploitante agricole et participe aux travaux d'exploitation ;

-qu'il est ainsi démontré que seul M. [J] [FL] est titulaire du bail et qu'en conséquence la cession prohibée de ce bail doit être sanctionnée par la résiliation ; que dans le cadre d'une mise à disposition, le preneur des biens loués doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque M. [J] [FL] à demander la liquidation de sa retraite en 2010 ; que les dispositions du code rural sur la mise à disposition n'ont ainsi pas été respectées pas plus que celles qui prévoient l'information du bailleur de tout changement ; que la cession du bail est intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 2009, puisqu'il est prévu dans la huitième résolution que les biens loués sont mis à disposition de l'EARL par Mme [F] [FL] ; que la résiliation du bail était, dès lors déjà, acquise à cette date, le bailleur n'ayant pas été informé de la situation ; que c'est uniquement le 30 septembre 2013, que M. [J] [FL] se décide à saisir le bailleur de la demande de cession au profit de sa fille sans pour autant préciser qu'il est déjà à la retraite depuis trois ans ; que cette demande a été refusée par courrier du 10 octobre 2013 et que postérieurement les propriétaires bailleurs n'ont jamais été informés de la situation exacte ; que la demande de M. [J] [FL] en septembre 2013 n'avait d'autre but que de régulariser une situation irrégulière datant de 2010 ;

-qu'il n'y a aucune prescription de leur action en résiliation, puisque le départ de la prescription se situe au jour où les infractions ont cessé ; qu'ainsi, la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au preneur ;

-qu'à titre subsidiaire, ils ont soulevé, en première instance, le régime des baux de petite parcelle telle qui ressort de l'article L411-3 du code rural ; que le tribunal n'a pas examiné ce moyen ; que la parcelle AB [Cadastre 10] est d'une superficie de 1180 m² et la parcelle AB [Cadastre 11] d'une superficie de 1208 m² ; que la division des parcelles initiales est intervenue il y a plus de neuf ans par rapport à la date de délivrance du congé ; qu'il s'agit de petites parcelles dont les baux ne sont pas soumis au statut du fermage ; qu'indépendamment des contestations formulées par les consorts [FL] à l'instance, un congé a bien été délivré le 20 décembre 2017 pour le 31 décembre 2018 et ce délai est largement suffisant pour emporter la résiliation des deux baux portant sur les parcelles AB [Cadastre 10] et [Cadastre 11], sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des demandeurs d'instance ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, ces derniers ont bien été informés de la division de la parcelle [Cadastre 9] par le courrier délivré par M. [Y] en octobre 2013 ; que ce moyen n'est pas irrecevable dès lors que les demandes additionnelles ou reconventionnelles ne sont pas soumises au préalable de la conciliation ; qu'il ne peut y avoir indivisibilité du bail, dès lors que la division date de plus de 9 années ; qu'il n'existe aucune fraude de leur part dans la division des parcelles ;

-qu'enfin, s'agissant du congé donné pour cause d'urbanisme, ils précisent avoir présenté une demande de changement de destination le 8 mars 2018, laquelle a été refusée par la préfecture du Vaucluse en juin 2018 et que le contentieux se trouve actuellement devant le tribunal administratif ; que la validité du congé est donc liée au sort que le tribunal administratif rendra sur leur recours.

L'EARL [G] et [J] [FL] et Mme [F] [FL], en leurs qualité d'intimées, assistés de leur conseil, exposent leurs prétentions et moyens et s'en rapportent à leurs conclusions en date du 25 février 2022 pour le surplus.

Les intimées demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avignon le 16 septembre 2020 et y ajoutant, de condamner M. [SO] [A], Mme [N] [A] ép. [TJ] et M. [X] [A] à régler à l'EARL [G] et [J] [FL] et à Mme [F] [FL] une somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'EARL [G] et [J] [FL] et Mme [F] [FL] exposent :

-que le bailleur a admis l'existence d'un bail non plus à M. [J] [FL] mais à l'EARL [G] et [J] [FL] ; que pour preuve le congé portant résiliation de bail rural pour cause d'urbanisme, délivré le 22 décembre 2017, l'a été à l'EARL [G] et [J] [FL], venant en lieu et place de [J] [FL] et de son épouse ; que l'acte délivré à la personne morale a été remis par huissier et qu'ainsi les bailleurs ont reconnu l'existence d'un bail qui s'est substitué au premier bail ; que par ailleurs, les bailleurs savaient pertinemment que la personne apportant leur vendange, reconnue comme leur métayer, est l'EARL ; qu'ainsi sur la déclaration de récolte 2018, adressée à M. [SO] [A], il est mentionné que l'exploitant est l'EARL [J] et [G] [FL] ; qu'ainsi un bail verbal au bénéfice de l'EARL [G] et [J] [FL] à remplacer le bail initial de M. [J] [FL] ; qu'enfin, en cours de procédure, l'EARL à procéder au règlement du fermage pour la récolte 2020 au bailleur par le biais d'un chèque transmis à leur conseil ;

-qu'à défaut et à titre subsidiaire, il sera constaté qu'une cession de bail de M. [J] [FL] à l'EARL [G] et [J] [FL] s'est opérée de manière tacite ; que cela est démontré par les circonstances et le comportement du bailleur postérieurement à la cession ; que cela résulte notamment du congé délivré directement à l'EARL, sans qu'une erreur de l'huissier puisse être invoquée ; qu'alors que les consorts [A] savaient que l'exploitation est réalisée par l'EARL, ils ne peuvent plus de 10 ans plus tard, alors qu'ils délivrent congé à l'EARL, venir dire que celle-ci n'est pas titulaire d'un bail verbal à métayage ; qu'en outre le bail s'est renouvelé en 1989, 1997 et 2016 et que dès lors les faits qu'ils invoquent à l'encontre de M. [J] [FL] sont non seulement prescrits mais remontent à un bail qui s'est terminé depuis plus de cinq ans, puisque la jurisprudence considère qu'un bail renouvelé est un nouveau bail ; qu'il n'est pas possible d'invoquer une faute à leur encontre alors qu'elle n'a pas été évoquée au moment où le bail devait se renouveler ;

-qu'à titre subsidiaire, s'il ne pouvait être considéré qu'il existait un bail à l'EARL, il ne pourra être que constater l'existence d'un bail à Mme [G] [FL] ; que cette situation résulte deux actes notariés, le premier le 27 avril 1995, à l'occasion d'une vente par Mme [S] [A] à M. [SO] [A], duquel il résulte que l'immeuble est loué verbalement à M. et Mme [J] [FL] depuis le 1er novembre 1980 ; que dans un second acte en date du 9 octobre 2017, portant constitution de servitude entre M. [SO] [A] et M. [H] [Z], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL] sont cités comme intervenants à l'acte en tant que titulaires d'un bail verbal ; qu'il en résulte que si l'un des co-titulaires du bail, M. [J] [FL], a pris sa retraite, le bail se poursuit au bénéfice de Mme [G] [FL], l'autre co-titulaire ; que Mme [G] [FL], étant associée de l'EARL, elle peut mettre le bien à disposition de l'EARL conformément aux dispositions du code rural ; que ses compétences en qualité d'exploitante ne peuvent être remises en cause ; que cette situation prive les consorts [A] du bénéfice de leur congé qui s'avère inefficace, comme étant nul puisque délivrer à une personne qui ne serait pas dans cette hypothèse titulaire du bail rural ;

-que l'argument selon lequel les parcelles AB [Cadastre 10] et AB [Cadastre 11] ne seraient plus soumises au statut du fermage, est irrecevable comme n'ayant pas été évoqué devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'il est également mal fondé, les bailleurs ne pouvant multiplier les donations pour morceler un fonds et diversifier les propriétaires et ainsi faire obstacle au statut d'ordre public du fermage ; qu'en outre la renonciation au statut du fermage par un exploitant ne se présume pas.

M. [J] [FL] et Mme [G] [U] ép. [FL], en leur qualité d'intimés, assistés de Mme [O] [D], juriste de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de Vaucluse, exposent leurs prétentions et moyens et s'en rapportent à leurs conclusions reçues le 20 mars 2022 pour le surplus.

Les intimés demandent à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'EARL [G] et [J] [FL] est titulaire d'un bail rural sur les parcelles sises sur la commune de [Localité 16] et cadastrée AB [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] et a ordonné un sursis à statuer dans l'attente des décisions définitives à rendre par les juridictions administratives sur le bien-fondé de la demande d'autorisation de changement de destination des parcelles.

À titre subsidiaire, à défaut, les intimés demandent à la cour de :

-dire et juger que Mme [G] [FL] est titulaire du bail rural sur les dites parcelles,

-dans le cas où, malgré les arguments apportés, la juridiction d'appel accorderait aux consorts [A] la résiliation ou la nullité du bail, de permettre à l'EARL [G] et [J] [FL] de poursuivre l'exportation des parcelles louées jusqu'à la fin de l'année culturale en cours au moment de la décision.

Et en tout état de cause, ils réclament la condamnation des consorts [A] à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [J] [FL] et Mme [G] [FL] font valoir :

-qu'il existe bien un bail consenti à l'EARL [G] et [J] [FL] ; que le premier bail verbal datant de 1980 a été consenti à M. [J] [FL] ; que ce dernier a rencontré les consorts [A] lors de son départ à la retraite pour les prévenir de sa cessation d'activité et leur demander la cession de bail au profit de sa fille ; qu'un accord verbal semblait avoir été trouvé ; que rien n'ayant été officialisé, M. [J] [FL] a envoyé une demande de signature de cession de bail en septembre 2013, que M. [SO] [A] a refusé de signer ; qu'il était cependant parfaitement informé du départ à la retraite de M. [J] [FL] et ne s'est jamais opposé à ce que l'EARL [G] et [J] [FL] poursuive l'exploitation des parcelles depuis 10 ans ; que pendant toutes ces années, il a accepté les fermages et les apports à la cave par l'EARL et a même consenti à l'EARL la réalisation de travaux nécessaires à l'entretien des vignes ; qu'un nouveau bail a donc été conclu de manière non équivoque au nom de l'EARL [G] et [J] [FL] ; que d'ailleurs le congé a été notifié à l'EARL ; qu'il n'y a en conséquence ni sous-location ni cession prohibée par rapport de bail illicite à l'EARL ;

-qu'à titre subsidiaire, si la cour ne reconnaissait pas l'existence d'un bail au profit de l'EARL, elle ne pourra que s'incliner devant l'évidence de la reconnaissance d'un bail au nom de Mme [G] [FL] ; que la co-titularité du bail résulte de deux actes notariés en date de 1995 et 2007 ; que si l'un des co-titulaires a pris sa retraite, le bail se poursuit au bénéfice de Mme [G] [FL], l'autre co-titulaire ; que Mme [G] [FL] est associée de l'EARL et possède une parfaite connaissance agricole, outre qu'elle est titulaire d'un certificat de brevet professionnel agricole et est pleinement présente dans l'activité de l'exploitation ; qu'il n'y a donc aucune cession illicite de bail, parce que celui-ci se poursuit au nom de Mme [G] [FL], co-titulaire du bail depuis 1980 ;

-que le congé pour changement de destination du fonds a été délivré alors même que les bailleurs n'avaient pas obtenu, ni même sollicité, l'autorisation administrative nécessaire à leur démarche ; que cette demande n'a été formulée à M. le préfet que le 8 mars 2018, soit après la contestation du congé devant le TPBR ; que le congé délivré sans autorisation préfectorale est donc nul et de nul effet ; qu'en tout état de cause, il est opportun que la cour sursoit à statuer concernant la question de la validité du congé, tenant les procédures pendantes devant le tribunal administratif ;

-qu'enfin concernant la prétendue absence de soumission au statut du fermage des parcelles AB [Cadastre 10] et AB [Cadastre 11], aucune information des modifications cadastrales ne leur a été faites ; que M. [SO] [A] s'est toujours comporté comme l'unique bailleur ; que le bailleur ne peut unilatéralement modifier les conditions du bail et décider de ne plus assujettir certaines parcelles au statut du fermage qui est ordre public ; qu'au surplus il a toujours été question de bail à ferme soumis au statut du fermage, tel que cela résulte du congé et des actes antérieurs.

Il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

L'article L411-35 du code rural et de la pêche maritime, dont les dispositions sont d'ordre public, dispose que la cession de bail est interdite, sauf si cette cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

L'article L411-37 du même code expose que le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, et ce pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail et sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts.

Il est ajouté qu'en cas de mise à disposition de biens, le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.

Enfin, les droits du bailleur ne sont pas modifiés. Les coassociés du preneur, ainsi que la société si elle est dotée de la personnalité morale, sont tenus indéfiniment et solidairement avec le preneur de l'exécution des clauses du bail.

Sur la base de ces dispositions, M. [J] [FL], en sa qualité de preneur, a adressé à son bailleur, M. [SO] [A], le 30 septembre 2013, un « acte de cession de bail » à métayage au profit de sa fille, Mme [F] [FL], et ce à compter du 1er janvier 2010. Par ce même acte, M. [J] [FL] a informé le bailleur de la mise à disposition des parcelles louées à l'EARL [G] et [J] [FL], à compter de la même date. Cet acte portait uniquement la signature de M. et Mme [FL] et de Mme [F] [FL].

A la suite de la réception de cet acte de cession et du courrier d'accompagnement, M. [P] [Y], expert agricole, mandaté par M. [SO] [A], a fait savoir à son preneur le refus de ce dernier « d'apposer sa signature sur le document (que vous lui avez) adressé ». Ainsi, par ce courrier, M. [SO] [A] a, de manière tout à fait explicite, exprimé son refus d'agréer à la cession du bail par M. [J] [FL] à Mme [F] [FL].

Il ne résulte nullement du dossier que M. [J] [FL], en sa qualité de preneur, ait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour être autorisé à procéder à cette cession malgré le défaut d'agrément du bailleur. Il ne résulte également aucunement que le preneur ait réitéré sa demande de cession au bailleur, ni qu'il ait exercé des actes démontrant la persistance de sa volonté de procéder à cette cession de bail au profit de son descendant.

Dès lors, tenant le refus explicite du bailleur et l'absence de réitération de la demande de cession par le preneur, c'est de manière erronée que le premier juge a retenu que « l'absence de réaction d'opposition à la cession de bail au profit de Mme [F] [FL] permet d'affirmer que M. [SO] [A] a donné son agrément à cette cession au profit d'un descendant ». Aucune cession du bail au profit de Mme [F] [A] n'a été acceptée par le ou les bailleurs et ne peut donc être retenue.

De la même manière, l'article L 411-38 du code rural et de la pêche maritime dispose que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d'exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants qu'avec l'agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier. Ces dispositions sont également d'ordre public.

Ainsi, pour pouvoir prétendre à un apport de son droit au bail à l'EARL [G] et [J] [FL], les intimés doivent démontrer que les bailleurs ont personnellement agrée à cet apport.

Si l'agrément peut résulter des circonstances ou du comportement du bailleur, il importe dans cette hypothèse que le preneur en rapporte une preuve suffisante et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans les actes de ce dernier.

En l'espèce, les intimés soutiennent que cet agrément résulte, d'une part, du fait que le congé a été délivré par les consorts [A] à l'EARL et non à M. [J] [FL] et, d'autre part, au regard du nom figurant sur les déclarations de récolte et les tickets d'apport des raisins à la cave coopérative.

Toutefois, « l'acte de cession » du 30 septembre 2013, adressé par M. [J] [FL] à son bailleur, par lequel il l'avise de la mise à disposition des parcelles louées à l'EARL, peut parfaitement expliquer que le bailleur s'adresse désormais à l'EARL dont il est informé qu'elle est désormais l'exploitante des terres louées aux cotés du preneur principal, M. [J] [FL]. Il ne s'évince pas des déclarations de récolte et des tickets d'apport des raisins à la cave coopérative que l'EARL est le « preneur principal » ensuite d'un apport du droit au bail par M. [J] [FL] et que les bailleurs ont accepté cette situation. La mise à disposition des parcelles louées à l'EARL peut tout à fait expliquer que ces courriers ou documents mentionnent cette dernière en qualité d'exploitante, sans que les consorts [A] ne comprennent que l'EARL revendique le statut de preneur ensuite d'un apport du droit au bail.

Il en est de même s'agissant du congé notifié par huissier de justice à l'EARL, lequel ne peut suffire à lui-même pour justifier d'un « agrément tacite » par les bailleurs d'un apport du droit au bail à l'EARL [G] et [J] [FL], ceux-ci invoquant une erreur de l'huissier.

La démonstration de cet agrément n'est, en conséquence, pas faite.

Les intimés soutiennent, ensuite, que l'EARL [G] et [J] [FL] est titulaire d'un bail verbal qui a succédé au bail conclu initialement avec M. [J] [FL] et reprennent pour en justifier les mêmes arguments que pour l' « agrément tacite » à la cession du droit au bail, à savoir l'indication de l'EARL dans les documents de déclarations de récolte et dans les tickets d'apport de raisins à la cave coopérative, ainsi que la notification du congé à l'EARL.

Pour qu'un nouveau bail verbal succède au précédent bail conclu avec M. [J] [FL], il doit être démontré que le bail initial a été résilié. Or, aucune explication n'est apportée sur ce point par les intimés, lesquels soutiennent que les bailleurs étaient parfaitement informés du départ à la retraite de M. [J] [FL] et donc de la non poursuite de son activité agricole par ce dernier. Cependant, les intimés, sur ce point, procèdent par voie d'affirmation et ne démontrent aucunement de la transmission de cette information aux consorts [A], ni de ce que ceux-ci avaient connaissance de la cessation d'activité de M. [J] [FL] et de la poursuite du bail par l'EARL, en qualité de preneur principal. L'accord par les consorts [A] pour la reprise du bail par l'EARL allégué est contesté par le fait que M. [SO] [A] a clairement exprimé, par l'intermédiaire de M. [P] [Y], expert agricole, son refus pour une poursuite du bail par la fille de M. [FL] suite à l'intégration des parcelles dans le PLU dont il résultait une impossibilité de poursuivre l'exploitation dans ces conditions. Le bailleur ne peut avoir opposé un refus de cession du bail au descendant du preneur pour ce motif, pour finalement accepter la conclusion d'un nouveau bail verbal au profit de l'EARL.

Au surplus, tel qu'indiqué plus avant, au regard de l'information par M. [J] [FL] de la mise à disposition à l'EARL des parcelles louées, il est cohérent que le ou les bailleurs acceptent la rédaction de documents mentionnant l'EARL comme exploitant sans pour autant accepter de manière tacite qu'un nouveau bail verbal se poursuive au profit de cette dernière.

Il en résulte que les intimés sont également défaillants dans la démonstration d'une acceptation par les bailleurs du changement d'exploitant et de l'existence d'un nouveau bail au profit de l'EARL.

En dernier lieu, et de manière très subsidiaire, les intimés soutiennent que M. et Mme [FL] étaient co-titulaires du bail et que lorsque M. [J] [FL] a fait valoir ses droits à la retraite, le bail s'est poursuivi avec Mme [G] [FL] en qualité de preneuse.

Les consorts [FL] et l'EARM se fondent pour justifier de cette co-titularité sur deux actes notariés, le premier le 27 avril 1995, à l'occasion d'une vente par Mme [S] [A] à M. [SO] [A], duquel il résulte que l'immeuble est loué verbalement à M. et Mme [J] [FL] depuis le 1er novembre 1980 et un second acte en date du 9 octobre 2017, portant constitution de servitude entre M. [SO] [A] et M. [H] [Z], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL] sont cités comme intervenants à l'acte en tant que titulaires d'un bail verbal.

Rien à la lecture de ces actes ne permet d'affirmer que Mme [G] [FL] n'est pas citée uniquement en sa qualité de conjointe, et ce, d'autant que, si ces actes mentionnent s'agissant de la profession de M. [J] [FL], « viticulteur » ou « agriculteur », il est indiqué concernant son épouse la profession de « secrétaire ».

Au surplus, il n'apparaît pas à la lecture des documents des intimés que Mme [G] [FL] revendiquait elle-même, cette qualité. Ainsi, initialement la procédure est introduite par l'EARL et non par Mme [G] [FL], et ce, alors qu'elle soutient désormais devant la cour qu'elle est le preneur principal et qu'elle met les parcelles à disposition de l'EARL. Ce sont uniquement les consorts [A] qui ont assigné Mme [G] [FL] en intervention forcée dans la présente instance.

Également, l' « acte de cession de bail à métayage » soumis au bailleur en juin 2013 mentionne expressément que par bail verbal, en date du 1er novembre 1980, M. [A] [SO] a donné à bail à M. [J] [FL] les parcelles en cause. Il n'est aucunement mentionné que Mme [G] [FL] est co-titulaire du bail, et ce, alors que ce document a été préparé par les consorts [FL] eux-même et signé par Mme [FL], laquelle ne revendique donc pas à cette date la qualité de co-preneur.

Enfin, Mme [G] [FL] ne justifie pas de sa qualité d'exploitante ; les statuts de l'EARL, dont elle est associée, mentionnent expressément que seule Mme [F] [FL] a la qualité d'associée exploitante agricole. Elle ne justifie également pas être affiliée à la MSA ni de l'exercice d'une activité agricole d'une manière générale. Les pièces versées aux débats par les intimés viennent uniquement démontrer qu'elle exerce une activité administrative au sein de la société ou de la cave coopérative.

Force est dès lors de constater qu'il n'est pas établi par les intimés que Mme [G] [FL] a la qualité de preneur à bail et qu'à ce titre, elle avait mis à disposition les parcelles louées à l'EARL.

Il résulte de ce qui précède que l'EARL [G] et [J] [FL] qui revendique la qualité de preneur à bail et qui a effectivement introduit l'instance devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avignon aux fins de voir dit le bail dont elle est bénéficiaire non résilié, ne peut avoir bénéficié de cette qualité que dans le cadre d'un apport du droit au bail irrégulier faute d'avoir bénéficié de l'agrément des bailleurs. Il convient de préciser que les dispositions de l'article L 411-38 du code rural et de la pêche maritime sont d'ordre public.

L'article L411-31 II 2°du code rural et de la pêche maritime dispose que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 411-38.

Il est acquis que l'action en résiliation du bail fondée sur l'article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime se prescrit par 5 ans. Lorsqu'elle est fondée sur l'apport irrégulier du droit au bail à une société, la prescription de l'action en résiliation court à compter du jour où le bailleur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir en justice justice (Cass. 3e civ., 23 nov. 2017, n° 16-20.065). Or, en l'espèce, il ne résulte pas des débats que les bailleurs ont eu connaissance de l'apport irrégulier du droit au bail avant l'introduction de la présente instance. Les consorts [FL] et l'EARL sont en effet défaillants dans la démonstration de la connaissance par les bailleurs du départ à la retraite de leur preneur. En outre, tel que cela a déjà été indiqué, la mention de l'EARL dans les différents documents relatifs à l'exploitation ne constitue pas une démonstration de la connaissance d'un transfert du bail à cette société, dès lors que le preneur avait uniquement informé le bailleur en 2013 d'une mise à disposition des parcelles louées à l'EARL.

Dès lors, aucune prescription ne peut être opposée à la demande en résiliation formulée par les consorts [A].

Il convient, en conséquence, conformément aux articles L311-38 et L311-31 du code rural et de la pêche maritime, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. [J] [FL] pour l'apport irrégulier du droit au bail à l'EARL [G] et [J] [FL], de lui enjoindre de quitter les lieux et, à défaut, d'ordonner l'expulsion de M. [J] [FL] des parcelles louées, ainsi que celle de tout occupant de son chef, dont l'EARL.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la nullité de la cession ou de l'apport du droit au bail comme le réclament les appelants dès lors que la cour constate l'irrégularité de l'apport du droit au bail par M. [J] [FL] à l'EARL [G] et [J] [FL].

Il convient, en revanche, de faire droit à la demande des intimés tendant à être autorisés à poursuivre l'exploitation des parcelles louées jusqu'à la fin de l'année culturale en cours.

L'EARL [G] et [J] [FL], Mme [F] [FL], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL], qui succombent dans l'intégralité de leurs demandes, seront condamnés, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de condamner les mêmes, in solidum, à payer aux consorts [A] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 16 septembre 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avignon en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du bail verbal à métayage conclu entre M. [J] [FL] et M. [SO] [A] sur les parcelles cadastrées section AB n°[Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] sur la commune de [Localité 16], aux torts exclusifs de M. [J] [FL] pour apport irrégulier du droit au bail à l'EARL [G] et [J] [FL],

Enjoint à M. [J] [FL] ou tout occupant de son chef de libérer les parcelles louées, en autorisant notamment l'EARL [G] et [J] [FL] à poursuivre l'exploitation des parcelles louées jusqu'à la fin de l'année culturale en cours,

A défaut, ordonne l'expulsion de M. [J] [FL] des dites parcelles, ainsi que celle de tout occupant de son chef, dont l'EARL [G] et [J] [FL],

Déboute l'EARL [G] et [J] [FL], Mme [F] [FL], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL] de leur demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'EARL [G] et [J] [FL], Mme [F] [FL], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL] à payer, in solidum, à M. [SO] [A], Mme [N] [A] ép. [TJ] et M. [X] [A], ensemble, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne l'EARL [G] et [J] [FL], Mme [F] [FL], M. [J] [FL] et Mme [G] [FL], in solidum, aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 20/03098
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.03098 ?
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