ARRÊT N°
N° RG 20/03273 -
N° Portalis DBVH-V-B7E-H4AI
MPF-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS
30 novembre 2020
RG:19/02174
S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE
S.A.R.L. CRUSSOL COURTAGE ASSURANCE
C/
[T]
[I]
S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE
S.A.R.L. CRUSSOL COURTAGE ASSURANCE
Grosse délivrée
le 23/06/2022
à Me Jean-michel DIVISIA
à Me Stéphanie ROUSSEL
à Me Frédéric MANSAT JAFFRE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 23 JUIN 2022
APPELANTES :
S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE
exerçant sous le nom commercial CNA HARDY Société Anonyme d'un État membre de la CE immatriculée au RCS de PARIS sous le n°844 115 030 prise en la personne de son représentant légal en France domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Céline LEMOUX de la SCP LAWINS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
SAS CRUSSOL COURTAGE ASSURANCE
SAS au capital de 10.000 euros, dont le siège social est sis [Adresse 8], immatriculée au RDC de AUBENAS sius le numéro 524 411 329, représentée par son Président en exercice domicilié audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Monsieur [H] [T]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Dimitri PINCENT de la SCP PINCENT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [L] [I]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Dimitri PINCENT de la SCP PINCENT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE
La SA CNA INSURANCE COMPANY EUROPE, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 844 115 030, dont le siège social est situé [Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Céline LEMOUX de la SELEURL CL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
SAS CRUSSOL COURTAGE ASSURANCE
SAS au capital de 10.000 euros, dont le siège social est sis [Adresse 8], immatriculée au RDC de AUBENAS sius le numéro 524 411 329, représentée par son Président en exercice domicilié audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
À l'audience publique du 19 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022, et prorogé au 23 Juin 2022,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, en l'absence du Président légitimement empêché, le 23 Juin 2022, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE:
Créée en 2003, la Sas Aristophil dont l'activité consistait à acheter et revendre auprès de particuliers des oeuvres d'art, des lettres autographes ainsi que des manuscrits et livres anciens, a entrepris de constituer des collections de lettres et manuscrits anciens en vue d'en faire des produits de placement qu'elle présentait à sa clientèle comme des outils innovants de diversification patrimoniale.
Pour organiser la commercialisation de ces produits, elle avait notamment mandaté la société Art courtage laquelle avait eu recours à un réseau d'agents commerciaux et de courtiers chargés de les proposer et de les vendre pour le compte de la société Aristophil.
La société Art courtage a souscrit auprès de la société CNA Insurance Company Limited, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société CNA Insurance Company Europe (la société CNA) un contrat d'assurance groupe pour garantir la responsabilité des intermédiaires précités pour les fautes commises dans le cadre de la commercialisation des produits Aristophil.
L'un de ces intermédiaires, la société Crussol a vendu, au nom et pour le compte de la société Aristophil:
- le 27 janvier 2011 une collection de manuscrits anciens , pour un montant de 47 000 euros, à [H] [T] ;
- le 30 mars 2011 une collection de manuscrits anciens pour un montant de 40 000 euros, à [L] [I].
Le 6 décembre 2012, l'autorité des marchés financiers a saisi le service national d'enquêtes de la DGCCRF pour mener des recherches sur les agissements de la société Aristophil et le 6 février 2014, la DGCCRF a dressé un procès-verbal relevant, notamment, des infractions de pratiques commerciales trompeuses à l'encontre de cette société. Une information judiciaire a été ouverte.
Par jugement du 16 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Aristophil, convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 5 août 2015.
Le 14 juin 2019, [H] [T] et [L] [I] ont mis en demeure la société Crussol de leur régler diverses sommes en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subis à la suite de la surévaluation des collections vendues et du défaut d'information et de conseil à l'origine de leur décision d'investir.
N'ayant pu obtenir satisfaction, ils ont, par actes des 11 et 12 juillet 2019, assigné la société Crussol et son assureur, la société CNA, en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Le 19 mai 2020, la société CNA Insurance Company Europe est intervenue volontairement à l'instance, venant aux droits de la société CNA Insurance Company Limited.
Par jugement contradictoire du 30 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Privas a :
- condamné in solidum la société Crussol et son assureur, la société CNA Insurance Company Europe, au paiement de la somme de 42 285 euros à [H] [T] et de celle de 36 410 euros à [L] [I] avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2019 à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier,
- dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 ancien du code civil ;
- condamné in solidum la société Crussol et la société CNA Insurance Company Europe, au paiement de la somme de 1 500 euros à [H] [T] et de celle de 1 500 euros à [L] [I] à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamné in solidum la société Crussol et la société CNA Insurance Company Europe au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le tribunal a retenu que la société Crussol avait manqué à son devoir de conseil en n'éclairant pas les demandeurs sur un élément essentiel de nature à influer sur leur décision d'investir, et à son devoir d'information en laissant croire aux demandeurs qu'elle avait une connaissance suffisante du produit litigieux et en leur en transmettant une image faussement séduisante, tout en se montrant déloyale à leur égard. En outre, elle a selon les premiers juges caché aux demandeurs le fait qu'elle ne pouvait pas intervenir auprès d'eux en qualité de conseiller en gestion de patrimoine en ce qui concerne les lettres et manuscrits anciens, puisqu'elle agissait en qualité d'agent de la société Aristophil, chargé de commercialiser ses produits et rémunéré à ce titre sur la base d'un pourcentage du produit des ventes réalisées. Le tribunal a ainsi considéré que la société Crussol avait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, applicable au litige.
Sur la garantie de la société CNA, le tribunal a retenu que le plafond de garantie devait s'appliquer séparément aux dommages subis par chacun des demandeurs et seulement ceux-là. Les montants concernés étant largement inférieurs au plafond de garantie pour chaque période d'assurance en cause, il n'y avait pas lieu de le mettre en oeuvre.
Sur les préjudices subis par les demandeurs, les premiers juges ont souligné que la valeur des collections plafonnait à environ 11 % du prix réglé par les demandeurs, l'écart résultant essentiellement d'une bulle spéculative créée de toutes pièces par la société Aristophil, qui achetait les manuscrits composant ses collections à un prix surévalué et en fixait la valorisation à un prix plusieurs fois supérieur au premier avant de les commercialiser. Le tribunal en a déduit que les demandeurs ont perdu une chance de placer leur capital durant neuf ans et de recevoir 13,5 % d'intérêts. La duperie dont ils ont été victimes étant à l'origine d'un préjudice économique considérable, le tribunal a considéré que cette situation les avait affectés moralement.
Par déclaration du 14 décembre 2020, la société CNA Insurance Company Europe a interjeté appel de cette décision.
Par déclaration du 14 janvier 2021, la société Crussol courtage assurance a également relevé appel de cette décision.
Les appels ont été joints par ordonnance de jonction du 10 février 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 14 avril 2022, la société CNA Insurance Company Europe demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, à titre principal, de juger l'action prescrite et, à titre subsidiaire, de débouter les intimés de toutes leurs prétentions. A titre très subsidiaire, les appelantes demandent de réduire à la somme de 6 315 euros le montant de l'indemnité allouée à [H] [T] et à celle de 4 864,8 euros le montant de l'indemnité allouée à [L] [I]. Elle demande à titre très subsidiaire de juger que l'ensemble des réclamations formées par les personnes ayant investi dans des collections constituées par la société Aristophil par l'intermédiaire de la société Art courtage ou de ses mandataires, assurés par la police n° FN 1925, constituent un seul et même sinistre, soumis au plafond de garantie par sinistre prévu à la police n° FN 1925 de 2 000 000 euros.
L'appelante considère en premier lieu que le délai de prescription a commencé à courir au plus tard au jour de la conclusion des contrats litigieux, soit respectivement les 27 janvier 2011 et 30 mars 2011, de sorte que la présente action, introduite par acte du 12 juillet 2019, est prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil. Elle soutient en second lieu que le risque de revendication par l'Etat des biens acquis étant inexistant, les griefs formulés par les intimés sur la composition et le prix des collections achetées sont impropres à engager la responsabilité de la société Crussol Courtage. Les intimés ont été par ailleurs informés du risque intrinsèque à leurs investissements et y ont souscrit en connaissance de cause: la société Crussol en proposant à ses clients d'investir dans les collections constituées par la société Aristophil n'a pas commis de faute, compte tenu des informations qui étaient en sa possession ou auxquelles elle pouvait avoir accès sur le sérieux et la solidité de la société Aristophil ainsi que de l'adéquation des conseils prodigués avec la situation et les objectifs de placement des intimés.
L'assureur conclut que les préjudices invoqués sont la conséquence de la liquidation de la société Aristophil et des manoeuvres frauduleuses commises par son dirigeant de sorte qu'il n'y a pas de lien de causalité entre ces derniers et les éventuelles fautes commises par l'intermédiaire ayant présenté les investissements litigieux. Les intimés ne peuvent se prévaloir que d'une simple perte de chance de ne pas contracter qui ne peut donner lieu qu'à une indemnisation partielle, la perte de chance devant être évaluée à 15 % des sommes perdues. La société Crussol étrangère à la duperie ne saurait être tenue à réparer le dommage moral causé par ladite duperie.
La société CNA Insurance Company Europe expose pour finir que toutes les réclamations formées par les personnes ayant investi dans les collections constituées par la société Aristophil par l'intermédiaire de la société Art Courtage ou de ses mandataires, assurés par la police n° FN 1925, constituent un seul et même sinistre, soumis à un unique plafond de garantie, en l'espèce celui applicable au jour où la première réclamation a été formulée, soit 300 000 euros, porté à 2 000 000 euros par avenant du 7 mars 2012.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 5 avril 2022, la société Crussol demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, à titre principal, juger les demandes prescrites, à titre subsidiaire, débouter les intimés de toutes leurs prétentions, à titre très infiniment subsidiaire, condamner la compagnie CNA Insurance Limited Company à la relever indemne et la garantir et, en tout état de cause, condamner solidairement MM. [T] et [I] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Crussol considère que le délai de prescription a commencé à courir au plus tard au jour de la conclusion des contrats litigieux, qu'elle n'était pas tenue à une obligation de mise en garde, dès lors que l'opération litigieuse, en apportant aux clients la propriété des manuscrits constituant la collection acquise, ne présentait pas de caractère spéculatif. Elle soutient que les intimés ont signé la convention Amadeus en connaissance de cause, la possibilité leur ayant été laissée, après présentation de la collection, de la refuser et donc de renoncer au contrat et au placement. L'appelante affirme qu'en outre, il ne saurait lui être reproché d'avoir commercialisé des produits financiers dont la rentabilité et la stabilité ont été remis en cause par un tiers ayant commis des actes illicites, alors qu'elle n'était pas informée, ni en mesure de connaître en 2011 les pratiques illicites et occultes des dirigeants de la société Aristophil qui ont mis en péril par leur faute les produits et placements qu'ils commercialisaient. Estimant que ses conseils relevaient d'une bonne gestion patrimoniale au vu des déclarations de chacun des intimés, étant rappelé qu'elle ne disposait d'aucune prérogative d'investigation et que son obligation de conseil était de moyen, les intimés ne peuvent lui faire grief de ne pas avoir atteint leurs objectifs. Elle ajoute qu'elle n'a pas manqué au devoir de loyauté et de vigilance, n'ayant jamais caché à ses clients qu'elle était rémunérée pour la commercialisation des produits Aristophil. L'appelante considère ensuite que le préjudice invoqué par les intimés est hypothétique dès lors que les intimés sont toujours propriétaires des collections ou parties de collections d'oeuvres d'art acquises en indivision, et que les fruits de leur vente viendront de facto réduire le prétendu préjudice allégué par les intimés.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 8 avril 2022, les intimés demandent à la cour de :
- rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur les quantums d'indemnisation au titre du préjudice financier et du préjudice moral ;
- le réformer sur ces quantums ;
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum la société Crussol et son assureur à verser à M.[H] [T] la somme de 48 369 euros, avec intérêt légal à compter du 17 juin 2019 et capitalisation des intérêts;
- condamner in solidum la société Crussol et son assureur à verser à M. [L] [I] la somme de 36 233 euros avec intérêt légal à compter du 17 juin 2019 et capitalisation des intérêts ;
- condamner in solidum la société Crussol et son assureur à verser à M. [L] [I] la somme de 1 500 euros et à M. [H] [T] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
Y ajoutant,
- condamner la société CNA Insurance Company Europe à verser à chacun des intimés une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Les intimés font valoir que les manquements commis à l'occasion de la commercialisation des produits Aristophil n'étaient pas décelables à la signature des contrats litigieux, de sorte qu'il ne peut être considéré que la date à laquelle le dommage a été révélé à chacun des intimés correspond à la date des souscriptions auxdits produits ; que le point de départ retenu est soit le 20 décembre 2017, date de première vente aux enchères des biens des collections Aristophil, soit le 5 mars 2015, date d'ouverture de l'information judiciaire. Ils reprochent à la société Crussol d'avoir manqué à son obligation générale d'information quant aux caractéristiques essentielles du placement Aristophil au regard des dispositions de l'article L. 111-1, alinéa 1er, du code de la consommation, cette société ne leur ayant fourni aucune information sur les aspects essentiels des biens vendus et leur ayant communiqué des informations juridiques et économiques trompeuses sur le placement Aristophil. La société Crussol aurait selon eux manqué à son devoir de conseil au regard du caractère lacunaire de la 'fiche connaissance client', qui n'a été signée que par M. [I], et de l'impossibilité pour eux de mesurer la portée de leur engagement sur la base des incitations trompeuses dont ils ont fait l'objet. Professionnelle de l'investissement et de l'ingénierie patrimoniale, elle aurait aussi manqué de vigilance en ne s'interrogeant pas sur le pourcentage de gain inespéré et sur la pérennité du placement Aristophil, et en ne tenant pas compte des publications officielles émises par l'AMF.
Si une information correcte leur avait été donnée sur la valeur réelle des biens acquis - un dixième ou un cinquième - et sur la progression de valeur réelle - nulle -, ils n'auraient pas contracté de sorte que leur perte de chance de ne pas investir dans ce placement Aristophil peut être fixée à 95 %. Les intimés excipent enfin d'un préjudice moral lié aux tracasseries induites par l'estimation et la mise en vente des collections, particulièrement complexes vu leur éloignement géographique, leur ignorance complète du marché de l'art et la complexité juridique et administrative de la dispersion des fonds Aristophil.
Initialement fixée à l'audience du 12 avril 2022, l'affaire a été déplacée à l'audience du 19 avril 2022.
MOTIFS:
Sur la prescription:
Cette fin de non-recevoir a été soulevée par la société Crussol et son assureur pour la première fois en cause d'appel
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'action en responsabilité engagée par [H] [T] et [L] [I] contre la société Crussol, laquelle tend à la réparation d'un préjudice de perte de chance de ne pas contracter, est fondée sur les manquements de leur contractante à ses obligations d'information et de conseil sur les caractéristiques du produit de placement, notamment sur la valeur réelle des collections ainsi que sur l'absence de garantie de rachat des collections à terme par la société Aristophil.
En matière d'action en responsabilité fondée sur le manquement du professionnel à son devoir de conseil, la prescription court à la date de la conclusion du contrat si le contractant pouvait avoir connaissance du dommage dès celle ci. A défaut, elle court à la date ultérieure où il a eu la connaissance certaine de son dommage.
Selon les appelantes, les intimés savaient dès la conclusion du contrat que le placement réalisé n'était pas sécurisé, les documents contractuels ne recelant aucune ambiguité quant au mécanisme des investissements litigieux: le contrat de vente ne fait à aucun moment référence à un éventuel rachat des collections par la société Aristophil et le contrat de garde et de conservation prévoit seulement la possibilité de ce rachat à la seule convenance de la société Aristophil: il n'a donc été consenti aux acheteurs qu'une promesse d'achat que la promettante restait libre d'honorer de sorte qu'il était clair dès le départ que la société Aristophil n'était tenue à aucune obligation de rachat: le dommage allégué existait donc dès le jour de la souscription des contrats les 27 janvier et 30 Mars 2011.
Les intimés estiment au contraire que les manquements du courtier a société Crussol à son obligation d'information et de conseil n'étaient pas décelables au jour de la conclusion du contrat mais seulement fin février 2015, à la date de l'ouverture de la procédure judiciaire ou le 5 mars 2015, à la date de l'ouverture de l'information judiciaire, les deux procédures leur ayant permis de découvrir les pratiques commerciales trompeuses instaurées par la société Aristophil: le 12 juillet 2019, date de l'assignation, leur action n'était pas à leurs dires prescrite.
La cour relève qu'il a été proposé aux intimés, simples profanes, un placement atypique et que les documents contractuels qu'ils ont signés formaient un ensemble complexe composé de deux conventions, la première ayant trait à la vente de parts indivises de collections d'oeuvres d'art, de lettres et de manuscrits anciens et la seconde confiant au vendeur leur garde et leur conservation.
En outre, l'article III de la convention de garde et de conservation est rédigé en ces termes: « 1) Société et acquéreur sont convenus de la possibilité pour la société d'acheter la collection au terme de la convention de garde, de conservation et de disposition. La durée de ce droit d'option est de 6 mois.
2) La promesse de vente accordée par l'acquéreur et acceptée en tant que promesse par la société se réalisera au même prix que le prix de vente de la collection à l'acquéreur. Ce prix sera néanmoins majoré de 8% par année de garde si le dépôt a une durée au moins de 5 années pleines et entières. »
Cette clause est équivoque: tout en insistant sur l'assurance de réaliser une plus-value de 8% par an en cas de revente de la collection à la société Aristophil, elle n'attire pas du tout l'attention de l'investisseur sur l'incertitude pesant sur la réalisation de cette plus-value. L'utilisation du futur simple de l'indicatif (« la promesse se réalisera au même prix...ce prix sera néanmoins majoré de 8%... ») exprime un haut degré de certitude pour la réalisation de la plus value alors qu'elle est laissée toute entière à la discrétion de la société Aristophil, la clause n'envisageant que la possibilité du rachat de la collection.
En l'état de ces éléments, les intimés n'ont pas pu avoir connaissance dès la souscription des placements litigieux que la réalisation d'une plus-value en contrepartie de leur investissement était totalement aléatoire.
Ils n'ont pris conscience de leur dommage qu'à la date à laquelle ils ont été informés des poursuites engagées contre la société Aristophil du chef du délit de pratiques commerciales trompeuses reposant sur des indications fausses ou de nature à induire en erreur ses contractants: en effet, ayant conclu le contrat en 2011, ils devaient attendre 2016 pour réaliser la plus-value espérée de sorte qu'entre 2011 et jusqu'au 5 mars 2015, date de l'ouverture de l'information judiciaire, ils ne mesuraient pas l'incertitude pesant sur la rentabilité de leur investissement.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc écartée.
Sur les fautes:
Le tribunal a considéré qu'à la lecture des documents contractuels, le client allait retenir que la société Aristophil s'engageait à racheter sa collection en fin de convention, le terme « promesse acceptée » utilisée dans l'article IV le confortant dans sa conviction. En l'état de l'ambiguité des stipulations contractuelles, la société Crussol, conseiller en gestion de patrimoine, était tenue d'éclairer son client sur un élément essentiel de nature à influer sur leur décision d'investir, étant précisé que M.[T] est un retraité aux revenus modestes et M.[I] un jeune ouvrier agricole.
Le premier juge a également relevé que la société Crussol avait fait preuve d'une grave imprudence en s'abstenant de vérifier le degré réel de la gravité du risque de sorte qu'elle a transmis aux investisseurs une image faussement séduisante du produit proposé. Elle a de surcroît dissimulé aux investisseurs qu'elle intervenait comme mandataire de la société Aristophil en charge de la commercialisation de ses produits.
La société Crussol plaide qu'elle n'a commis aucune faute, n'étant tenue qu'à une obligation d'information et de conseil de moyens et non à une obligation de mise en garde sur le risque de l'investissement réalisé lequel ne revêtait pas de caractère spéculatif. Par ailleurs, la fiche connaissance client n'a pas mentionné que le risque était inexistant, elle a précisé qu'il était faible. Aucun document contractuel n'a par ailleurs présenté le rendement à 8% comme étant garanti et elle est étrangère aux malversations commises par le dirigeant de la société Aristophil.
La société CNA Insurance Company Europe considère que le mécanisme des investissements litigieux était exposé de manière claire et dépourvue d'ambiguïté et qu'il était compréhensible même des investisseurs profanes comme les intimés. Selon elle, la société Crussol Courtage a présenté les investissements litigieux qu'à titre de diversification patrimoniale et s'est assurée que les intimés n'y alloueraient qu'une part limitée de leur patrimoine. Elle affirme n'avoir manqué ni de vigilance à l'égard de son mandant ni de loyauté à l'égard des intimés en rappelant qu'à la date de la conclusion des contrats, la société Aristophil jouissait d'une réputation sérieuse et présentait des garanties de solidité financière.
Les intimés soutiennent à l'inverse que la société Crussol a commis des manquements caractérisés à son obligation d'information et de conseil sur les caractéristiques essentielles du placement, notamment sur la composition précise des collections et sur la valeur des pièces les composant, mais aussi sur le mécanisme juridique du placement et sur son opportunité. Enfin, en situation de conflits d'intérêts pour avoir été mandataire simultanément du vendeur et de l'acquéreur, la société Crussol Courtage aurait manqué gravement à son devoir de loyauté à leur égard.
Le produit de placement proposé, atypique, repose sur un ensemble contractuel complexe comportant plusieurs conventions. L'éventualité d'un rachat de la collection acquise par la société Aristophil y est annoncée de manière insistante et offre la perspective d'une plus-value d'au moins 8% du montant de l'investissement.
En effet,l'article III de la convention de garde et de conservation est rédigé en ces termes: « 1) Société et acquéreur sont convenus de la possibilité pour la société d'acheter la collection au terme de la convention de garde, de conservation et de disposition. La durée de ce droit d'option est de 6 mois.
2) La promesse de vente accordée par l'acquéreur et acceptée en tant que promesse par la société se réalisera au même prix que le prix de vente de la collection à l'acquéreur. Ce prix sera néanmoins majoré de 8% par année de garde si le dépôt a une durée au moins de 5 années pleines et entières. ».
Tout en insistant sur l'assurance de réaliser une plus-value de 8,85% par an en cas de revente de la collection à la société Aristophil, elle n'attire pas du tout l'attention de l'investisseur sur l'incertitude pesant sur la réalisation de cette plus-value. L'utilisation du futur simple de l'indicatif (« la promesse se réalisera au même prix...ce prix sera néanmoins majoré de 8%... ») exprime un haut degré de certitude pour la réalisation de la plus value alors qu'elle est laissée toute entière à la discrétion de la société Aristophil, la clause n'envisageant que la possibilité du rachat de la collection.
Les intimés auraient dû bénéficier d'une information complémentaire sur la situation de leur placement et sur ses perspectives d'avenir dans l'hypothèse où la société Aristophil n'opterait pas pour le rachat de leur collection.
Dans les contrats, les clients lui avaient expressément donné mandat de rechercher un placement à moyen terme mais cet objectif ne pouvait pas être atteint en l'absence de rachat par la société Aristophil: les intimés n'étant ni des amateurs d'art ni des collectionneurs, la seule issue conforme à leurs attentes était donc le rachat par la société Aristophil de la collection ou des droits indivis sur une collection, seul à même de procurer une contrepartie financière à leur investissement. En s'abstenant de prévenir les intimés du danger encouru de se trouver dans une situation incompatible avec le but qu'ils recherchaient, la société Crussol Courtage n'a donc pas accompli des diligences suffisantes pour informer et conseiller les intimés sur l'opportunité du placement dans les produits proposés par la société Aristophil. Largement informés sur les chances de succès de l'opération envisagée, les intimés n'ont pas du tout été alertés sur ses risques de sorte que leur choix de souscrire les placements litigieux n'a pas été suffisamment éclairé.
Sur le préjudice:
le tribunal a considéré que si les clients avaient été éclairés sur la portée de la promesse de vente et sur le degré d'incertitude du risque, il est quasi-certain qu'ils n'auraient pas investi. Le tribunal a arbitré à 90% le taux de probabilité du choix de ne pas souscrire l'investissement litigieux et a estimé à la somme de 1500 euros le préjudice moral subi par [H] [T] et [L] [I].
La société Crussol Courtage et son assureur ne contestent pas que le préjudice financier de [H] [T] et de [L] [I] consiste en la perte de chance de ne pas contracter mais jugent excessive son évaluation qu'ils proposent de réduire au taux de 15 % des sommes perdues, soit 6315 euros pour [H] [T] et 4 864,80 euros pour [L] [I]. Ils soutiennent par ailleurs que le préjudice moral allégué n'est pas établi en l'absence de mauvaise foi et d'intention de duper de la société Crussol Courtage.
[H] [T] sollicite l'indemnisation intégrale de son préjudice, la sécurité de l'opération ayant été déterminante de son consentement et la société Crussol Courtage ayant omis de l'aviser de tout risque associé à l'opération. Quant à [L] [I], il estime que le taux de sa perte de chance de ne pas contracter s'élève à 95%.
Les intimés sont des petits épargnants qui en raison du faible rendement des placements classiques ont été intéressés par des placements innovants dont les perspectives de rendement étaient attractives. Dans leur démarche, la perspective d'un rendement plus élevé que ceux procurés par les produits financiers classiques mais sûrs du type Livret A ou assurance-vie a joué un rôle déterminant dans leur décision de sorte qu'il n'est pas certain que, même suffisamment informés sur les risques de l'opération projetée, ils n'auraient pas malgré tout accepté de miser sur le rachat certes éventuel mais cependant probable de leur collection par la société Aristophil. Cette acceptation possible du risque présenté par l'investissement proposé est d'autant plus vraisemblable qu'à la période de leur engagement, la société Aristophil honorait systématiquement les promesses de vente de ses clients.
Le taux de perte de chance sera donc estimée à 50 % de la perte du capital investi réellement subie. Les biens acquis ayant été revendus aux prix respectifs de 4900 euros et de 7 568 euros, sera allouée la somme de 21 050 euros à [H] [T] ( 42 100 ( 47 000 ' 4900 ) x 50% ) et celle de 16 216 euros à [L] [I] à 32 432 euros ( 40 000 ' 7568 ) x 50% ).
Les indemnités allouées produiront intérêts à compter du jugement en application de l'article L 12371-7 du code civil et il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Il n'y a pas lieu de prendre en considération d'autres préjudices financiers que celui de la perte de chance de ne pas souscrire l'investissement litigieux et qui ne peut être fixé qu'à une part de la somme investie puis perdue. Il ne sera donc pas fait droit à la demande tendant à l'indemnisation du manque à gagner découlant de l'immobilisation des fonds investis durant plusieurs années.
Les intimés n'ont pas subi un préjudice seulement financier, l'insuffisance des conseils prodigués par les employés de la société Crussol Courtage lors de la souscription des investissements litigieux les ayant exposé à une grave déconvenue à laquelle ils n'étaient pas préparés pour avoir fait toute confiance à des professionnels qui ne les ont pas alertés sur le risque de l'opération. L'atteinte morale subie par [H] [T], retraité aux revenus modestes ayant investi plus des deux tiers de ses économies, sera évaluée à la somme de 5 000 euros. Elle sera évaluée à la somme de 1500 euros en ce qui concerne [L] [I].
Sur la garantie de la société CNA Insurance Company:
Pour organiser la commercialisation de ses produits, la société Aristophil avait mandaté la société Art courtage laquelle avait eu recours à un réseau d'agents commerciaux et de courtiers chargés de les proposer et de les vendre pour le compte de la société Aristophil. La société Crussol Courtage faisait partie de ces intermédiaires..
La société Art courtage a souscrit auprès de la société CNA Insurance Company Limited, un contrat d'assurance groupe pour garantir la responsabilité des intermédiaires précités pour les fautes commises dans le cadre de la commercialisation des produits Aristophil.
L'assureur considère que les réclamations formées par toutes les personnes ayant investi dans les collections de la société Aristophil par l'intermédiaire de la société Art Courtage et ses mandataires, assurés par la police n°FN 1925, forment un seul et même sinistre ' un sinistre sériel ' soumis à un unique plafond de garantie, 2 000 000 euros selon l'avenant du 7 mars 2012.
Cependant, une prestation d'information et de conseil étant donnée individuellement à chaque contractant et personnalisée en fonction des besoins et des attentes qui lui sont propres, les manquements commis à l'occasion de l'exécution de cette pretation ne peuvent être considérés comme une seule et même faute professionnelle ni comme une série de fautes professionnelles. Les dommages sont des sinistres distincts.
L'assureur est malvenu à prétendre que la règle précitée ne s'appliquerait pas aux prestations de conseil de la société Crussol Courtage lesquelles consisteraient en un conseil standardisé et limité à la remise à l'identique et dans les mêmes conditions pour tous les investisseurs d'un contrat-type de souscription alors qu'il est précisément fait grief à cet intermédiaire de ne pas s'être montré suffisamment diligent dans l'exercice de son devoir d'information et de conseil à l'égard de [H] [T] et de [L] [I].
Le plafond de garantie de 2 000 000 euros, en application de l'article 4 de la police d'assurance, constitue en revanche l'indemnité maximale à laquelle est tenu l'assureur pour l'ensemble des réclamations introduites à l'encontre des assurés pendant la période d'assurance. Une franchise de 3000 euros par sinistre est également prévue.
L'assureur ne justifie pas par ailleurs que le contrat d'assurance a été résilié le 31 décembre 2014 dans des conditions de forme et de délai stipulées par l'article 2.3 des conditions générales.
Les réclamations se rattachant à la période d'assurance comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, il y a lieu de condamner l'assureur à garantir son assurée après application d'une franchise de 3000 euros par demandeur et dans la limite du plafond de 2 000 000 euros applicable à toutes les condamnations prononcées à l'encontre de quelque tiers que ce soit au titre des réclamations formulées dans le cadre de la police FN 1925 au cours de l'année 2019.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles
En cause d'appel il est équitable de condamner in solidum la société Crussol Courtage Assurance à payer à [H] [T] et à [L] [I] la somme de 2000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société CNA Insurance Company à leur payer la somme de 3000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
Infirme partiellement le jugement sur l'indemnisation des préjudices subis par [H] [T] et par [L] [I] ainsi que sur la garantie de la société CNA Insurance Company Europe,
Statuant à nouveau sur ces points,
Condamne la société Crussol Courtage Assurance à payer à [H] [T] la somme de 21 050 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 5000 euros en réparation de son préjudice moral,
Condamne la société Crussol Courtage Assurance à payer à [L] [I] la somme de 16 216 euros en réparation de son préjudice financier et celle de 1500 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboute [H] [T] et [L] [I] de leur demande d'indemnisation du manque à gagner liée à l'immobilisation des fonds investis,
Les déboute de leur demande tendant à faire courir les intérêts à compter du 17 juin 2019 et de leur demande de capitalisation des intérêts,
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Condamne la société CNA Insurance Company Europe à garantir son assurée après application d'une franchise de 3000 euros par demandeur et dans la limite du plafond de 2 000 000 euros applicable à toutes les condamnations prononcées à l'encontre de quelque tiers que ce soit au titre des réclamations formulées dans le cadre de la police FN 1925 au cours de l'année 2019,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Crussol Courtage Assurance à payer à [H] [T] et à [L] [I] la somme de 2000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société CNA Insurance Company Europe à leur payer la somme de 3000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Crussol Courtage Assurance et la société CNA Insurance Company Europe aux dépens.
Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère, par suite d'un empêchement du Président et par Mme RODRIGUES, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,