ARRÊT N°
N° RG 20/01635 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXYT
CG
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ALES
29 mai 2020 RG :18/00965
[S]
[L]
C/
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
Grosse délivrée
le
à Me Vasquez
SCP RD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 23 JUIN 2022
APPELANTS :
Monsieur [K] [S]
né le 03 Mars 1981 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Alexandre VASQUEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES
Madame [N] [L]
née le 06 Février 1981 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexandre VASQUEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES
INTIMÉE :
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine Ginoux, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre
Mme Catherine Ginoux, conseillère
Madame Laure Mallet, conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 14 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 mai 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière le 23 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la cour
Expose du litige
M. [K] [S] et Mme [N] [L] (les consorts [S]/[L])ont passé un marché de travaux avec la société 2BC Construction en vue de la construction de leur maison individuelle à [Localité 4] le 12 septembre 2014.
Afin de financer leur projet de construction, M. [S] et Mme [L] ont souscrit un emprunt auprès du Crédit foncier de France (la banque) le 28 octobre 2014.
La société 2BC Construction n'a pas achevé les travaux.
Après avoir mis en demeure en vain la société 2BC Construction de reprendre les travaux , M. [S] et Mme [L] ont fait assigner, par actes d'huissier de justice des 2 février 2016 et 26 février 2016, la société 2BC Construction et le Crédit foncier de France devant le tribunal de grande instance d'Alès afin d'obtenir la résolution du contrat de construction et la condamnation solidaire de la société 2BC Construction et du Crédit foncier de France au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 16 décembre 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société 2 BC Construction et a désigné Maître [H] [U] en qualité de mandataire judiciaire puis, par jugement du 27 janvier 2017, a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et désigné Maître [H] [U] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte d'huissier de justice en date du 16 août 2018, M. [S] et Mme [L] ont fait assigner en intervention Maître [H] [U] en qualité de liquidateur de la société 2 BC Construction, sollicitant en outre la reprise de l'instance.
Par ordonnance du 2 octobre 2018, les deux procédures ont été jointes.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 29 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Alès a :
- prononcé la résiliation du contrat conclu le 12 septembre 2014 entre M. [S], Mme [L] et la société à responsabilité limitée à associé unique 2 BC Construction immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro 792 008 163 à la date du 27 mai 2015,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la fixation de la créance de M. [S] et Mme [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée à associé unique 2BC Construction immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro 792 008 163,
- débouté M. [S] et Mme [L] de leur demande formulée à l'encontre du Crédit foncier de France,
- condamné M. [S] et Mme [L] aux entiers dépens,
- condamné M. [S] et Mme [L] à verser à la SA Crédit foncier de France, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 029 848, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de M. [S] et Mme [L] formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration enregistrée le 9 juillet 2020, M. [S] et Mme [L] ont interjeté appel.
Suivant conclusions notifiées le 21 février 2022, M. [S] et Mme [L] demandent à la cour :
- d' infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Alès du 29 mai 2020 en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes formulées à l'encontre du Crédit foncier de France,
en conséquence,
- de condamner la SA Crédit immobilier de France à leur payer
*la somme de 77 670 euros à titre de dommages et intérêts,
*la somme de 2 400 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l'instance.
Les appelants prétendent que leur opération de construction relève des dispositions de l'article L232-1 du code de la construction et de l'habitation, dans la mesure où le contrat de construction incluait la pose des chambranles des ouvertures extérieures, constituant selon eux la mise hors d'air de la maison . Ils en déduisent que la banque devait dans le cadre de son obligation de conseil imposée par l'article L231-10 du même code, vérifier avant de débloquer les fonds que la livraison était effective.
Subsidiairement, ils soutiennent que la responsabilité de la banque est engagée dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance de l'opération financée et aurait dû les alerter sur le fait qu'ils ne bénéficiaient pas des règles protectrices et étaient exposés à des risques en l'absence de garantie de livraison.
Suivant conclusions notifiées le 26 novembre 2020, la SA Crédit foncier de France demande à la cour de :
- confirmer en tous points le jugement rendu,
- débouter M. [S] et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [S] et Mme [L] à lui porter et payer une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée soutient qu'elle n'était pas soumise aux vérifications imposées à la banque en cas de financement d'un projet de construction de maison individuelle. Elle prétend que le contrat signé n'était pas un contrat de construction de maison individuelle puisque l'installation des menuiseries extérieures n'était pas prévue. Elle fait valoir que l'attestation d'assurance décennale de l'entreprise exclut expressément de la garantie les activités de construction de maisons individuelles.
Elle soutient qu'elle n'était pas tenue de vérifier la qualification de la convention qui lui était soumise lors de l'émission de l'offre de prêt de mettre en garde l'emprunteur.
Elle estime que les appelants ne démontrent pas qu'ils auraient renoncé à contracter si elle avait attiré leur attention sur l'absence de garantie de livraison.
La clôture de la procédure a été fixée au 24 février 2022.
Motifs de la décision
Les consorts [S]/[L] recherchent la responsabilité de la banque sur le manquement d'une part à son obligation de ne pas débloquer les fonds avant la communication de l'attestation de livraison en cas de financement d'un projet de de construction de maison individuelle (I), et d'autre part à l'obligation de conseil et de mise en garde sur les risques encourus, compte tenu de la nature du contrat de construction signé (II)
I)Sur le manquement à l'obligation prévue à l'article L231-10 du code de la construction et de l'habitation
Selon l'article L231-10 du code de la construction et de l'habitation, aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat de construction de maison individuelle comporte celles des énonciations qui doivent y figurer au moment où l'acte est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'y a pas communication de l'attestation de garantie de livraison.
Ainsi dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle, le déblocage des fonds affectés au financement des travaux reste conditionné à l'obtention de l'attestation de garantie de livraison.
En l'espèce, les consorts [S]/[L] prétendent que la convention signée avec l'entreprise 2 BC Construction, bien que ne portant pas l'intitulé de contrat de construction d'une maison individuelle, ne constitue pas un simple contrat de louage d'ouvrage mais doit être qualifiée de contrat de construction d'une maison individuelle sans fourniture de plan.
L'article L232-1 du code de la construction et de l'habitation définit comme contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan , le contrat de louage d'ouvrage ayant pour objet l'exécution des travaux de gros oeuvre, de mise hors d'eau et hors d'air d'un immeuble à usage d'habitation ne comportant pas plus de deux logements.
La qualification du contrat de louage d'ouvrage en contrat de construction de maison individuelle suppose la prise en charge par l'entreprise de la mise hors d'air de l'immeuble. Or, la mise hors d'air est réalisée lorsque la maison est totalement close et étanche aux aléas climatiques du fait de la pose des menuiseries extérieures telles que les portes et les fenêtres.
Force est de constater que la convention litigieuse ne comporte pas la pose des menuiseries extérieures par l'entreprise 2 BC Construction.
Surabondamment, l'article L232-2 du même code dresse la liste des articles régissant le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan qui sont applicables au régime sans fourniture de plan. Or, L'article L231-10 du même code ne figure pas dans la liste des articles applicables.
Ainsi, les consorts [S]/[L] ne peuvent se prévaloir du manquement de la banque à son obligation telle que prévue par l'article L231-10 du code de la construction et de l'habitation
II) sur le manquement de la banque à l'obligation de conseil et de mise en garde
Si le prêteur de deniers doit vérifier que la convention entre son client et le constructeur ne recouvre pas un contrat de construction de maison individuelle imposant le respect des dispositions protectrices imposées par le code de la construction et de l'habitation, en l'espèce, il a été vu supra que la convention signée entre les consorts [S]/[L] et la société 2BC Construction ne pouvait pas être qualifiée de contrat de construction de maison individuelle, de sorte que la banque n'a pas manqué à son obligation de conseil à cet égard.
Par ailleurs, l'obligation qui pèse sur les banques ne va pas jusqu'à leur imposer de conseiller aux accédants à la propriété tel cadre contractuel plutôt que tel autre pour réaliser leurs projets de construction, alors que le contrat de louage d'ouvrage entre les consorts [S]/[L] et la société 2 BC Construction, soumis à la banque ne comportait pas toutes les prestations inhérentes au contrat de construction de maison individuelle.
Les consorts [S]/[L] ne démontrent donc pas un manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde.
Par voie de conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [S]/[L] de leur demande dirigée à l'encontre de la banque
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité en l'espèce commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque.
Les consorts [S]/[L] qui succombent en leur recours, seront condamnés aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M. [K] [S] et Mme [N] [L] aux dépens d'appel
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
la greffière, la présidente,