La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2022 | FRANCE | N°21/01349

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 16 juin 2022, 21/01349


ARRÊT N°



N° RG 21/01349 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IAAB



MPF - NR



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

18 février 2021

RG:12/02964



[Y]

[H]



C/



[Y]



























Grosse délivrée

le 16/06/2022

à Me Sylvie SERGENT

à Me Sylvie JOSSERAND











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère ch

ambre



ARRÊT DU 16 JUIN 2022







APPELANTS :



Monsieur [Z], [D] [Y]

né le 13 Septembre 1980 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 6]



Madame [L], [B], [S] [H]

née le 10 Janvier 1949 à Alger (Algérie)

[Adresse 7]

[Localité 6]



Représentés par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SE...

ARRÊT N°

N° RG 21/01349 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-IAAB

MPF - NR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

18 février 2021

RG:12/02964

[Y]

[H]

C/

[Y]

Grosse délivrée

le 16/06/2022

à Me Sylvie SERGENT

à Me Sylvie JOSSERAND

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANTS :

Monsieur [Z], [D] [Y]

né le 13 Septembre 1980 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Madame [L], [B], [S] [H]

née le 10 Janvier 1949 à Alger (Algérie)

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentés par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Madame [R] [Y] épouse [W]

née le 02 Février 1959 à INKERMANN ( Algérie)

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représentée par Me Sylvie JOSSERAND, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

À l'audience publique du 03 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 16 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE :

Le 28 novembre 2010, [I] [Y] est décédé laissant pour lui succéder :

- Mme [R] [Y], épouse [W], sa fille née de sa première union ;

- sa seconde épouse, Mme [L] [Y] née [H], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté de biens ;

- M. [Z] [Y], son fils né de sa seconde union.

Par acte du 12 mai 2006, les époux [Y] avaient vendu au prix de 15 000 euros à leur fils [Z] une parcelle de terrain sur lequel l'acquéreur a construit une maison dont les travaux se sont achevés en août 2007.

Par jugement contradictoire du 18 février 2021, rendu sur assignation de [R] [Y] épouse [W], le tribunal judiciaire de Nîmes a :

- ordonné le partage judiciaire de la communauté ayant existé entre [I] [Y] décédé le 28 novembre 2010 et [L] [H] veuve [Y] ainsi que de la succession de [I] [Y] ;

- dit que la cession du 12 mai 2006 des parcelles situées à [Localité 6] cadastrées section [Cadastre 2] et [Cadastre 3] constitue une donation déguisée ;

- condamné [Z] [Y] à rapporter à la succession de [I] [Y] pour sa valeur à la date du partage fixée à 70 000 euros, la valeur de la moitié des droits ayant appartenu au de cujus, soit 35 000 euros ;

- débouté [R] [Y] de sa demande de rapport à la succession de la valeur de la servitude de passage affectant la parcelle située à [Adresse 7] et cadastrée sous le [Cadastre 8] ;

- condamné [Z] [Y] à rapporter à la succession de [I] [Y] la somme de 9 200 euros ;

- débouté [R] [Y] de sa demande de rapport de la somme de 1 750 euros ainsi que de la somme de 41 050 euros ;

- débouté [R] [Y] de sa demande de rapport à la succession de [I] [Y] de la somme de 1 300 euros au titre des retraits opérés postérieurement au décès de [I] [Y] sur son compte bancaire ;

- dit que [Z] [Y] est responsable d'un recel successoral concernant les sommes de 35 000 euros et 9 200 euros, dont il doit le rapport sans pouvoir y prétendre à aucune part ;

- condamné M. [Z] [Y] et Mme [L] [H] veuve [Y], ensemble, à payer à Mme [R] [Y] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Par déclaration du 2 avril 2021, M. [Z] [Y] et Mme [L] [H] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 22 décembre 2021, les appelants demandent à la cour d' infirmer partiellementt le jugement entrepris en ce qu'il a et, statuant à nouveau, de :

- constater que les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ont été vendues le 12 mai 2006 à M.[Z] [Y] au prix de 15 000 euros ;

- constater que la somme de 9 200 euros a servi à payer un véhicule automobile ;

- statuer qu'il n'y a eu aucune donation déguisée au profit de M. [Z] [Y] et qu'il n'y a aucune somme à rapporter à la masse partageable ;

- si, par extraordinaire, une quelconque somme était rapportée à la masse partageable, constater que, faute d'élément matériel et d'élément intentionnel, le recel successoral ne peut être retenu ;

- statuer en conséquence que [Z] [Y] pourra prétendre à sa part sur l'intégralité de la succession de son père ;

- débouter Mme [R] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais induits par cette procédure ;

Ils font valoir que la vente effectuée au prix de 15 000 euros s'est faite au juste prix et non à vil prix, et qu'en outre, les éléments matériel et moral caractéristiques d'une donation déguisée font défaut, de sorte que cette qualification ne peut être justifiée. L'élément matériel requis pour la qualification de recel successoral n'est pas démontré en l'absence d'appréhension matérielle d'un bien de la part de [Z] [Y], en l'absence de minoration frauduleuse de la valeur d'un bien ainsi qu'en l'absence de donation déguisée ; qu'en outre, [R] [Y] n'apporte aucune preuve de l'intention frauduleuse de M. [Z] [Y], ce dernier ayant participé à l'ensemble des opérations d'expertise, fourni les justificatifs demandés par les différents jugements et produit des pièces de son propre chef afin de prouver sa bonne foi. Quant à la demande de rapport de la dépréciation du bien indivis imputable à la servitude de passage accordée pour désenclaver la parcelle doit être rejetée, dès lors que l'octroi de cette servitude était obligatoire en application de l'article 682 du code civil et que les servitudes sont attachées au fonds et non aux personnes conformément à l'article 637 du même code. Les mouvements bancaires constatés entre les comptes de [Z] [Y] et de son père durant la période litigieuse ne sauraient donner lieu à rapport, ces mouvements étant justifiés soit par des cadeaux d'une valeur non suspecte, soit par le paiement d'un véhicule automobile. S'agissant de la somme de 51 000 euros dont il est demandé le rapport, celle-ci ne saurait être rapportée à la masse partageable en l'absence de preuve que cette somme provient d'un compte du de cujus.

Dans ses dernières conclusions « d'intimée » déposées et notifiées par voie électronique le 13 octobre 2021, [R] [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la vente, suivant acte notarié du 12 mai 2006, des deux parcelles cadastrées section [Cadastre 2] et [Cadastre 3], constitue une donation déguisée au profit de [Z] [Y] ;

- ordonner le rapport à la masse partageable de la valeur du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation, soit la somme de 35 000 euros correspondant à la part du de cujus ;

- infirmer le jugement pour le surplus,

- ordonner le rapport à la masse partageable de la somme totale de 9 950 euros, provenant directement du compte bancaire du de cujus, déposée sur le compte bancaire de [Z] [Y] entre janvier 2006 et le 28 novembre 2010, en ce compris la somme de 9 200 euros, admise par le premier juge ;

- ordonner, en outre, le rapport à la masse partageable de la somme de 41 050 euros, déposée sur le compte bancaire de [Z] [Y] entre janvier 2006 et le 28 novembre 2010 ;

- ordonner le rapport à la masse partageable de la somme de 1 300 euros au titre des versements en espèce,

- juger que [Z] [Y], auteur d'un recel successoral, ne pourra prétendre ni à la somme de 35 000 euros au titre de la donation déguisée, ni à la somme de 7 500 euros au titre de la constitution gratuite d'une servitude de passage, ni à la somme de 9 950 euros provenant directement du compte bancaire du de cujus, ni à la somme de 41 050 euros au titre de chèques et virements dont il a bénéficié ;

- condamner [L] [H] veuve [Y], et [Z] [Y], à lui régler solidairement la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice moral subi ;

Subsidiairement,

- ordonner la réduction à la quotité disponible des libéralités consenties à [Z] [Y] par le de cujus, pour un montant connu de 93 500 euros (42 500 + 51 000) ;

- débouter [L] [H] veuve [Y] et [Z] [Y], demeurés silencieux tout au long des opérations d'expertise, de leurs demandes ;

- renvoyer les parties devant le notaire et non pas l'avocat, qu'il plaira à la cour de désigner, pour calculer les droits des parties et dresser un état liquidatif de la succession ;

- condamner [L] [H] veuve [Y] et [Z] [Y] au paiement de la somme de 6 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise assumés par elle dans leur intégralité.

L'intimée soutient que le terrain, évalué par l'expert à 70 000 euros à l'époque de la vente, a été vendu au prix de 15 000 euros et qu'en outre, la preuve du prétendu règlement de la somme de 15 000 euros n'est pas rapportée. Elle estime aussi que doit être rapportée la somme de 7 500 euros laquelle correspond à l'appauvrissement du de cujus à raison de l'absence de contrepartie indemnitaire à la servitude de passage consentie et à l'origine d'une moins-value de 15 000 euros de la parcelle [Cadastre 8]. De même doivent rapportées, en l'état des mouvements de fonds apparaissant sur le compte bancaire du de cujus, de son vivant, des sommes correspondant aux retraits d'espèces et aux chèques au profit de son cohéritier. En l'état de la volonté de [L] [H] et [Z] [Y] d'occulter la rupture d'égalité dans le partage qu'ils ont organisée, il convient d'appliquer les dispositions de l'article 778 du code civil sanctionnant le recel successoral sur une somme totale de 93 500 euros. [R] [Y] fait enfin valoir qu' elle a subi un préjudice moral causé par la fraude dont elle a été victime, et qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Par ordonnance du 28 février 2022, la procédure a été clôturée 20 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 mai 2022.

MOTIFS :

Sur la vente des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] au profit de [Z] [Y] :

Le 12 mai 2006, les époux [Y] ont vendu à leur fils [Z] les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3], la première, d'une superficie de 300 m², classée en zone constructible, et la seconde, d'une superficie de 500 m², sur laquelle avait été édifiée une piscine classée en zone agricole. L'expert désigné par le juge de la mise en état a évalué les deux parcelles à la somme de 70 000 euros au jour du partage selon leur état lors de la vente.

Selon [R] [Y], [Z] [Y] a bénéficié d'une donation déguisée : il a acheté ces parcelles à vil prix - 15 000 euros au lieu de 70 000 euros - et de surcroît il ne rapporte pas la preuve du paiement de ce prix, lequel a été selon l'acte de vente réglé hors la vue du notaire.

Le tribunal a constaté que ces deux parcelles avaient été acquises pour l'une en indivision par le couple [Y] [H] à hauteur de 50 % chacun avant mariage et pour l'autre par le couple commun en biens : il a donc retenu que [Z] [Y], fils du couple [I] [Y] et [L] [H] était tenu de rapporter à la succession de son père la somme de 35 000 euros correspondant à la moitié de la valeur desdites parcelles.

Les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article 843 du code civil lequel dispose : « le rapport est dû de la valeur du bien donné au jour du partage d'après son état à l'époque de la donation». Après avoir constaté que [Z] [Y] ne rapportait pas la preuve du règlement du prix qu'il prétend avoir payé en espèces et par compensation avec des créances sur son père, le tribunal a qualifié la vente de donation déguisée.

Les appelants contestent cette évaluation des parcelles à la somme de 70 000 euros et font observer à la cour qu'à la date de la vente, elles n'étaient pas viabilisées et que le couple [Y] avait exigé que la maison de leur fils soit construite hors de leur champ de vision de sorte que leur valeur en 2006 n'excédaient pas la somme de 15 000 euros correspondant au prix payé. Ils font grief à l'expert de ne pas avoir évalué les parcelles à la date de la vente, en 2006, et de s'être référé au prix moyen des terrains à bâtir de 2017.

Les intimés relèvent que les appelants n'ont pas critiqué l'évaluation durant les opérations d'expertise.

Pour évaluer le bien vendu en 2006 à [Z] [Y] à la somme de 70 000 euros, l'expert s'est référé au prix des terrains à bâtir dans les banlieues « ordinaires » de [Localité 9] pour l'année 2017 lequel se situe dans une fourchette entre 57 100 euros et 167 600 euros. L'expert a ensuite retenu comme élément positif que la parcelle attenante à celle sur laquelle la maison a été construite offrait l'intérêt d'un terrain d'agrément avec piscine et comme éléments négatifs qu'au moment de la vente, le terrain n'était pas viabilisé mais se trouvait à proximité des réseaux et qu'il devait être désenclavé.

Si l'évaluation de l'expert réalisée par référence au marché immobilier de 2017 ne permet de conclure que la vente de 2006 avait été réalisée à vil prix, il reste que la qualification de donation déguisée retenue par le tribunal est pertinente dans la mesure où [Z] [Y] ne justifie pas avoir payé le prix de 15 000 euros aux vendeurs. En effet, comme le souligne le tribunal, le chèque et les deux retraits en espèces portent des dates ' 2003 et 2008 ' ne correspondant pas du tout à la date de la vente, ils ne sont pas suffisamment probants pour rapporter la preuve du paiement du prix dont la charge incombe à [Z] [Y].

En ne percevant pas le prix de vente des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] vendues le 12 mai 2006 à leur fils [Z] au prix de 15 000 euros, les époux [Y] se sont appauvris au profit de ce dernier dans l'intention de le gratifier.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que [Z] [Y] serait tenu de rapporter à la succession de son père la somme de 35 000 euros correspondant à la moitié de la valeur à la date du partage et d'après leur état le 12 mai 2006 des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] lesquelles ont fait l'objet d'une donation déguisée.

Sur la servitude conventionnelle de passage grevant la parcelle [Cadastre 4] :

Le tribunal a rejeté la demande de rapport motif pris que la création de la servitude sur la parcelle des époux [Cadastre 4] appartenant à l'indivision [I] [Y]/ [L] [H] au profit des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] cédées à [Z] [Y], était indispensable au désenclavement des parcelles susvisées et qu'en cas de cession à un tiers, elle se serait imposée.

Sur appel incident, l'intimée prétend que cette servitude réelle et perpétuelle a diminué la valeur de la parcelle [Cadastre 4] que l'expert a évalué à la somme de 15 000 euros et fait observer à la cour que [Z] [Y] n'a réglé aucune contrepartie à la constitution de cette servitude conventionnelle consentie par ses parents pour l'établissement de [Z] [Y] lequel doit rapporter à la succession la somme de 7 500 euros par application de l'article 851 alinéa 1er du code civil.

Comme le relèvent avec pertinence les appelants, les servitudes en application de l'article 637 du code civil sont attachées aux fonds et non aux personnes. La servitude a été consentie parce qu'à la suite de la division de l'ensemble immobilier initial, lequel comprenait les parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ont dû être désenclavées. La création de la servitude laquelle est une charge imposée par la seule situation géographique des parcelles et pesant sur le fonds servant ( parcelle [Cadastre 4]) au profit du fonds dominant ( [Cadastre 2] et [Cadastre 3]) : charge imposée par la loi et indépendante de la volonté des propriétaires des fonds concernés, elle ne peut donc être analysée comme une aide matérielle apportée à [Z] [Y] par ses parents pour favoriser son établissement.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les mouvements bancaires :

Les premiers juges ont considéré que [Z] [Y] devait rapporter la somme de 9 200 euros, les conclusions de l'expert soulignant un chèque de ce montant au débit du compte de [I] [Y] et sa remise sur le compte Crédit agricole de [Z] [Y]. Ils ont toutefois rejeté la demande de rapport de la somme de 51 000 euros, retenant que [R] [Y] échouait à démontrer que les sommes inscrites au crédit du compte de [Z] [Y] provenaient des comptes bancaires de son père. Ils ont également rejeté la demande de rapport concernant les retraits effectués postérieurement au décès de [I] [Y], [R] [Y] ne démontrant pas quel serait l'auteur de ces retraits.

[Z] [Y] fait grief au tribunal de l'avoir condamné à rapporter à la succession la somme de 9 200 euros alors qu'elle correspond au prix réglé le 22 juin 2006 d'un véhicule Citrën Xsara qu'il a vendu à son père.

Le 22 juin 2006, un chèque de 9 200 euros émis à l'ordre de [Z] [Y] a été débité du compte de [I] [Y]. [Z] [Y] ne justifie pas avoir été propriétaire du véhicule Citroën Xsara, les deux documents versés aux débats pour le prouver ' une facture du garage Delahaye du 15 mai 2006 au nom de « Mr [Y] [Adresse 7] », et un document émanant de SOFCA du 19 mai 2006 adressée à « Mr [Y] [Z], [Adresse 5] » et attestant du relevé du compteur en vue de la souscription d'une assurance relative à une utilisation limitée à 7 000 km du véhicule Citroën Xsara. Outre que les deux adresses figurant sur ces deux courriers contemporains sont différentes, la première à [Localité 6] correspondant à celle de [I] [Y], ces deux documents ne suffisent pas à établir que [Z] [Y] était propriétaire du véhicule Citroën Xsara avant d'appartenir à son père.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamné à rapporter à la succession la somme de 9 200 euros.

[R] [Y] estime que le tribunal a rejeté à tort sa demande tendant au rapport de la somme de 41 050 euros dont son frère à bénéficié entre 2006 et 2010 et relève que [L] [Y], la seconde épouse du de cujus, a refusé de communiquer à l'expert ses relevés bancaires. Elle considère que toutes les opérations inscrites au crédit du compte de [Z] [Y] de 2006 à 2010 (versements d'espèces et remises de chèques) ont été financés par leur père.

Les appelants font valoir qu'hormis le chèque de 9 200 euros du 22 juin 2006, l'expert n'a relevé que quatre chèques d'un montant de 150 à 200 euros lesquels correspondaient à des cadeaux d'usage.

L'expert, après analyse des mouvements bancaires entre les comptes de [I] [Y] et ceux de son fils [Z] sur la période du 28 novembre 2005 au 28 novembre 2010, hormis le chèque de 9 200 euros précité du 22 juin 2006 et quatre autres remises de chèques de 100 à 200 euros, n'a pas retrouvé trace de flux financiers entre les comptes du père et ceux du fils atteignant un montant total de 41 050 euros durant ces quatre années.

Il n'est pas davantage établi que les virements de 650 euros effectués mensuellement au profit du compte de son épouse commune en biens aient pu avoir d'autre destination que la participation aux charges de la vie courante, le montant total desdits virements étant en outre inférieur aux sommes prétendument données à [Z] [Y].

La demande de l'intimée tendant au rapport de la somme de 41 050 euros ainsi que des quatre chèques d'un montant total de 750 euros a été à bon droit rejetée par le premier juge dont la décision sera confirmée.

En ce qui concerne les deux retraits d'espèces de 300 et de 1 000 euros débités sur le compte de [I] [Y] postérieurement à son décès les 30 novembre et 2 décembre 2010, les appelants exposent qu'ils ont servi à régler une dette au Trésor Public mais n'en justifient pas. Ces deux retraits selon l'expert ont été effectués sur le compte LCL n°003281 F, compte personnel du de cujus. Les fonds inscrits au crédit du compte même ouvert au seul nom de l'époux sont réputés communs, de sorte que seule la moitié de ces fonds entrent dans l'actif successoral. Dès lors, [L] [H] et [Z] [Y] qui reconnaissent tous deux avoir retiré de ce compte la somme de 1 300 euros pour régler une dette au Trésor Public dont ils ne justifient pas seront tenus de rapporter à la succession la somme de 650 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur le recel successoral :

Le tribunal a estimé caractérisée la volonté de [Z] [Y] d'échapper au rapport du prix de vente des parcelles litigieuses et il a aussi constaté que la perception de la somme de 9 200 euros ou encore de 1 300 euros en provenance du compte bancaire de [I] [Y] n'avait été révélée qu'au cours des opérations d'expertise par l'étude des comptes bancaires du père et de son fils.

Estimant avoir justifié qu'il n'avait pas bénéficié d'une donation déguisée des parcelles litigieuses dont il avait réglé l'intégralité du prix de vente et que le chèque de 9 200 euros émis à son ordre était la contrepartie de la vente de son propre véhicule à son père, [Z] [Y] conteste avoir commis un recel successoral.

Le recel successoral vise toutes les fraudes au moyen desquels un héritier à cherché à rompre l'égalité du partage : en s'abstenant de déclarer à la succession qu'il avait bénéficié le 22 juin 2006 d'une donation rapportable de 9 200 euros et en se prêtant à la dissimulation volontaire sous un acte de vente de la donation de deux parcelles, [Z] [Y] s'est rendu coupable de recel successoral, son intention frauduleuse découlant de ses affirmations non étayées par des éléments de preuve sérieux et empreintes de mauvaise foi pour maintenir qu'il a payé le prix des parcelles litigieuses et que la somme reçue le 22 juin 2006 était le prix de vente d'un véhicule à son père.

Sur le préjudice moral subi par [R] [Y] :

Les mensonges et les dissimulations de [Z] [Y] et de sa mère ont causé un préjudice moral à [R] [Y], fille née d'une première union du défunt, laquelle a dû subir depuis de nombreuses années les affres d'une procédure judiciaire pour rétablir l'équilibre du partage. Le tribunal les a donc à bon droit condamnés à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il est équitable de condamner [L] [H] et [Z] [Y] à payer à [R] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Quant aux dépens, ils seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté [R] [Y] de sa demande tendant au rapport à la succession de la somme de 1 300 euros représentant deux retraits en espèces effectués sur le compte bancaire de [I] [Y] après son décès,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne [L] [H] et [Z] [Y] à rapporter à la succession la somme de 650 euros,

Y ajoutant,

Les condamne à payer à [R] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01349
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.01349 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award