La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2022 | FRANCE | N°21/00935

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 16 juin 2022, 21/00935


ARRÊT N°



N° RG 21/00935 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7BB



ET-AB



JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES

22 janvier 2021

RG:20/03058



[E]



C/



[T]

[U]





























Grosse délivrée

le 16/06/22

à Me Jean-michel DIVISIA

Me Benjamin MINGUET













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre
<

br>

ARRÊT DU 16 JUIN 2022







APPELANT :



Maître [J] [E]

[Adresse 9]

[Localité 1]



Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP BRUGUES-LASRY, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES







INTIMÉS ...

ARRÊT N°

N° RG 21/00935 - N°Portalis DBVH-V-B7F-H7BB

ET-AB

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES

22 janvier 2021

RG:20/03058

[E]

C/

[T]

[U]

Grosse délivrée

le 16/06/22

à Me Jean-michel DIVISIA

Me Benjamin MINGUET

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANT :

Maître [J] [E]

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP BRUGUES-LASRY, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [I] [T] épouse [D]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me KAIGL ANGELOZZI de la SCP KAIGL ANGELOZZI, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE

Représentée par Me Benjamin MINGUET, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [Z] [U]

né le [Date naissance 5] 1942 à [Localité 8] (Algérie)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me KAIGL ANGELOZZI de la SCP KAIGL ANGELOZZI, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE

Représenté par Me Benjamin MINGUET, Postulant, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l'audience publique du 15 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2022 et prorogé au 16 Juin 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 16 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 30 avril 2005, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur a prêté à M. [L] [U] une somme de 83 000 euros au taux de 5,4 % remboursable en 84 mensualités.

Le remboursement de ce prêt a été garanti par le cautionnement solidaire de ses parents, M. [Z] [U] et de Mme [I] [T] dans la limite de 107 900 euros.

M. [L] [U] n'a plus réglé les échéances de l'emprunt à compter du mois de février 2006 et fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 19 juillet 2012.

La banque a mis en demeure les cautions de régler les sommes dues par courriers des 7 juillet et 8 septembre 2006, et les cautions ont procédé à deux virements les 20 et 21 septembre 2006.

Par acte du 8 octobre 2006, le Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur a assigné M. [Z] [U] et Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Dignes les Bains afin d'obtenir paiement de la somme de 86 875.21 euros.

M. [U] et Mme [T] ont sollicité l'intervention de Maître [E] qui s'est constitué devant ledit tribunal.

Par jugement du 9 mai 2012, le tribunal de grande instance de Dignes les Bains a débouté la banque de ses demandes.

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur a interjeté appel du jugement.

Maître [E] s'est constitué en qualité d'intimés dans l'intérêt de M. [Z] [U] et de Mme [T].

Par ordonnance du 11 décembre 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Maitre [E] notifiées au-delà du délai de deux mois.

Par arrêt du 11 juin 2015, la cour d'appel a infirmé le jugement rendu et condamné solidairement les consorts [U] et [T] à payer à la banque 'la somme de 77 575,21 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,40 % sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure du 22 mai 2006, outre une indemnité de procédure de 1 500 euros et les dépens'.

Par acte du 17 juin 2020, M. [Z] [U] et Mme [I] [T] épouse [D] ont assigné Maître [E] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de rechercher sa responsabilité civile professionnelle.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 29 septembre 2020, Maître [E] a saisi le juge de la mise en état afin de voir constater que l'action engagée par acte du 17 juin 2020 était irrecevable du fait de la prescription intervenue.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2020, M.[U] et Mme [T] ont demandé au juge de la mise en état de débouter Maître [E] de sa fin de non-recevoir, et de recevoir l'assignation du 17 juin 2020.

Le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nîmes, par ordonnance contradictoire du 22 janvier 2021, a :

- déclaré recevable l'assignation délivrée le 17 juin 2020 ;

Par conséquent,

- débouté Maître [J] [E] de sa fin de non-recevoir ;

- renvoyé les parties à l'audience de la mise en état du 26 mars 2021 à 10h00 ;

- condamné Maître [J] [E] à payer à M. [Z] [U] et Mme [I] [T] épouse [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 mars 2021, Maître [J] [E] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2021, l'appelant demande à la cour de :

- juger que le délai de prescription a commencé à courir à compter de l'ordonnance d'irrecevabilité du 11 décembre 2014 pour s'achever le 12 décembre 2019 ;

Si mieux n'aime la cour,

- juger que le délai de prescription n'est pas soumis au régime des délais de procédure ;

- juger que le délai de prescription n'a pas été prorogé par le décret n°2020-306 du 25 mars 2020;

- juger que le délai de prescription a commencé à courir à compter de l'arrêt de la cour du 11 juin 2015 pour s'achever le 11 juin 2020 ;

- juger que dans un cas comme dans l'autre l'action engagée par acte du 17 juin 2020 est irrecevable du fait de la prescription intervenue ;

En toute hypothèse,

- condamner les consorts [U] [T] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens.

Il fait valoir essentiellement valoir que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 décembre 2014, en déclarant irrecevables les conclusions et pièces des intimés, fixait la fin de sa mission conformément à la dernière jurisprudence de la Cour de cassation (14 janvier 2016) de telle manière que les demandeurs disposaient d'un délai quinquennal expirant le 11 décembre 2019 pour agir contre leur ancien conseil en application des dispositions de l'article 2225 du code civil.

Il précise qu'à compter de l'ordonnance d'irrecevabilité, il ne pouvait ni conclure ni communiquer de nouvelles pièces devant la cour, l'irrecevabilité empêchant toute nouvelle initiative procédurale, et peu important que l'arrêt mentionne son nom comme avocat des consorts [U] [T].

Il ajoute qu'en toute hypothèse, l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire ne s'applique pas aux délais de prescription, ces derniers n'étant pas soumis au régime des délais de procédure des articles 641 et 642 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2021, M. [U] et Mme [T] demandent à la cour de :

- juger irrecevable, en tout cas mal fondé, l'appel de l'ordonnance entreprise interjeté par Maître [E] ;

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

dit que le délai de prescription a commencé à courir le 15 juin 2015 pour s'achever le 23 août 2020 ;

déclaré recevable l'assignation délivrée le 17 juin 2020 ;

débouté Maître [J] [E] de sa fin de non-recevoir;

condamné Maître [J] [E] à payer à M. [Z] [U] et Mme [I] [T] épouse [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Maître [J] [E] aux entiers dépens ;

- dire qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge leurs frais irrépétibles en appel ;

En conséquence,

- condamner Maître [E] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Maître [E] aux entiers dépens d'appel.

Ils soutiennent notamment que Maître [E] ne pouvait pas légalement cesser son mandat de représentation, l'avocat constitué n'ayant pas le droit de se déconstituer puisque chacune des parties a besoin d'être représentée par un avocat pour matérialiser son droit d'accès à la cour d'appel.

Ils exposent qu'il n'avait pas perdu son pouvoir de répliquer aux conclusions de l'appelant, ni plaider, ni de représenter à l'audience devant la cour d'appel après l'ordonnance du 11 décembre 2014, précisant qu'ils n'ont pas fait le choix de changer d'avocat entre le 11 décembre 2014 et le 13 mai 2015, choix qu'il leur était loisible de faire. Ils ajoutent qu'en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et alors que le délai quinquennal de l'article 2225 du code civil avait commencé à courir le 11 juin 2015, l'assignation signifiée le 17 juin 2020 est réputée avoir été faite à temps pour avoir été signifiée avant le 23 août 2020.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, la procédure a été clôturée le 1er mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 mars 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la recevabilité de l'action en responsabilité de l'avocat

L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission en application des dispositions de l'article 2225 du code civil.

Maître [E] reproche au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes d'avoir retenu que l'action engagée par M.[Z] [U] et Mme [I] [T] épouse [D] n'était pas prescrite alors que l'action en responsabilité contre un avocat au titre d'une faute commise dans l'exécution de sa mission d'interjeter appel se prescrit à compter du prononcé de la décision constatant l'irrecevabilité de cette décision.

Il lui reproche ainsi de s'être abstenu de rechercher l'évènement qui avait mis fin à sa mission et qui constitue le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée à son encontre.

Il ajoute qu'il n'a pas poursuivi sa mission jusqu'à l'arrêt d'appel comme injustement retenu par le juge de la mise en état puisqu'il ne pouvait plus ni conclure, ni plaider. N'ayant aucun moyen d'accomplir des diligences sa mission avait donc cessé dès l'ordonnance rendue le 11 décembre 2014 et non au jour de l'arrêt d'appel.

Cependant, la jurisprudence retient que le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité de l' avocat étant la date de la fin de sa mission et non pas celle du jour où le dommage s'est révélé, la mission prend fin avec le prononcé de la décision de justice qui termine l'instance pour laquelle l'avocat a été mandaté.

L'instance à laquelle Maître [E] a reçu mandat d'assister ou de représenter ses clients est l'instance d'appel initiée par la banque.

S'il est exact que l'ordonnance d'irrecevabilité des conclusions ne permettait plus à Maître [E] de plaider devant la cour au titre des écritures déposées tardivement et déclarées par voie de conséquence irrecevables, il n'en demeure pas moins qu'il pouvait être jusqu'à la décision de la cour d'appel en sa qualité de représentant des intimés dans une procédure où la représentation par avocat est obligatoire, invité à présenter des observations sur demande de la cour en réponse à des évenement postérieurs émanant de l'appelante et en tout cas représenter ses clients devant la cour. Ses fonctions n'ont ainsi pas cessé comme il le soutient à compter du prononcé de la décision constatant l'irrecevabilité de ses conclusions.

Enfin,il a été jugé que le prononcé de la décision ne signifie pas la fin des obligations du mandataire et qu'il entre dans sa mission de faire procéder par exemple à sa signification. Le mandant n'a pas dans cette hypothèse à lui fournir une nouvelle procuration pour effectuer les diligences qui s'imposent. Il en est de même de la représentation devant la cour d'appel malgré l'impossibilité pour lui de soutenir les écritures déclarées irrecevables, l'instance d'appel se poursuivant jusqu'à la décision rendue par la cour et le mandataire pouvant être amené à présenter des observations pour le compte des intimés comme il a été rappelé ci-dessus. Ainsi sa mission ne s'est pas arrêtée dés la commission de sa faute comme il le prétend et la conception fractionnée de la mission de l'avocat ne trouve pas application.

Par voie de conséquence, la décision du juge de la mise en état mérite confirmation en ce qu'elle a retenu comme point de départ de la prescription invoquée, la date de l'arrêt de la cour d'appel qui a infirmé le jugement soit le 11 juin 2015.

L'expiration du délai est donc intervenue pendant la période protégée de l'ordonnance du 25 mars 2020 prise durant la crise sanitaire repoussant à deux mois après la fin de la période protégée fixée au 23 juin 2020, l'expiration des délais entrainant notamment une irrecevabilité, étant rappelé que la prescription d'une action en justice est expressement mentionnée aux termes de l'article 2 de l'ordonnance.

Ainsi les intimés qui ont assigné en responsabilité professionnelle Maître [E] le 17 juin 2020 sont recevables en leur action dès lors que le délai pour agir prolongé par les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance précitée, expirait le 23 août 2020.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté Maître [E] de sa fin de non recevoir.

2-Sur les demandes accessoires et les dépens

Partie perdante, Maître [E] supportera la charge des dépens d'appel et sera nécessairement débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de faire droit à la demande des intimés à ce titre et Maître [E] sera condamné à leur payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles complémentaires.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute Maître [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne à supporter les dépens de l'appel et à payer à M.[Z] [U] et Mme [I] [T] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00935
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.00935 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award