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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00251

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 02 juin 2022, 21/00251


ARRÊT N°



N° RG 21/00251 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5G3



BM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

01 décembre 2020 RG :19/01948



[P]

[B]



C/



[X]

[T]

SARL AUDIGIER SAUTEL



















Grosse délivrée

le

à Selafa Avocajuris

Me Doux

SCP BERAUD

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chamb

re section A



ARRÊT DU 02 JUIN 2022







APPELANTS :



Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 12]



Représenté par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE



Madame [Z] [B]

née le [Date naissance 4] 1983...

ARRÊT N°

N° RG 21/00251 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5G3

BM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

01 décembre 2020 RG :19/01948

[P]

[B]

C/

[X]

[T]

SARL AUDIGIER SAUTEL

Grosse délivrée

le

à Selafa Avocajuris

Me Doux

SCP BERAUD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

APPELANTS :

Monsieur [F] [P]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représenté par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Madame [Z] [B]

née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

INTIMÉS :

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représenté par Me Vanessa DOUX, Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Représenté par Me Justine BISTOLFI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

Madame [G] [T]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 10] (26)

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentée par Me Vanessa DOUX, Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

Représentée par Me Justine BISTOLFI, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

SARL AUDIGIER SAUTEL prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Henri BERAUD de la SCP D'AVOCATS BERAUD LECAT BOUCHET, Plaidant, avocat au barreau D'ARDECHE

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 31 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Bruno Marcelin, magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Mme Agnès-Michel, présidente de chambre

Madame Laure Mallet, conseillère

M. Bruno Marcelin, magistrat honoraire juridictionnel

GREFFIER :

Mme Céline Delcourt, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 21 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Juin 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Agnès-Michel, présidente de chambre et par Mme Céline Delcourt, greffière, le 02 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS DE LA PROCEDURE ET DES MOYENS DES PARTIES

Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B], propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 6] à [Localité 12] (07) ont pour voisins Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T], propriétaires d'une maison d'habitation située au [Adresse 7].

Se plaignant de nuisances sonores générées par la pompe à chaleur installée par Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] sur leur terrain, Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Privas qui, par ordonnance rendue le 17 novembre 2016 a ordonné une expertise qui a été confiée à Monsieur [J].

A la suite du dépôt du pré-rapport par l'expert, la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL, installateur de la pompe à chaleur, a été appelée à la cause.

L'expert a déposé son rapport le 10 octobre 2018.

Par acte en date du 09 juillet 2019, Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] ont fait assigner Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] devant le tribunal judiciaire de Privas qui, par jugement rendu le 1er décembre 2020, a :

- Débouté Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] de leur demande de déplacement de la pompe à chaleur installée chez Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T],

- Débouté Mr [F] [P] et Madame [Z] [B] de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] d'une part et de la Sarl AUDIGIER SAUTEL d'autre part,

- Débouté Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Sarl AUDIGIER SAUTEL,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- D'it n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- Condamné Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] in solidum à payer à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'Article 700 du CPC,

- Condamné Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] in solidum à payer à la Sarl AUDIGIER SAUTEL la somme de 2.000 € sur le fondement de l'Art. 700 du CPC,

- Condamné Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] in solidum aux dépens.

Par déclaration électronique du 06 juillet 2018, Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] ont interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai non contestées.

Par conclusions déposées par voie électronique le 06 mai 2020, Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] demandent à la cour de :

Vu le décret n°2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et modifiant le code de la santé publique

Vu les articles R 1337-6, R 1334-32, L 1311-1, R 1337-8 et L 1334-32 et suivants du Code de la santé publique,

Vu les article 544, 1382, 1384 du Code Civil

Vu le rapport d'expertise

Vu les pièces produites,

- RECEVOIR les Epoux [P] en leur appel et le déclarer bien fondé

- REFORMER le Jugement du Tribunal Judiciaire de Privas du 01/12/2020 en toutes ces dispositions

- CONDAMNER les Consorts [X] [T] tant en raison de leurs fautes dans l'installation de leur PAC que de la gêne anormale qui en résulte

- CONDAMNER la Société AUDIGIER SAUTEL sur une installation non conforme qui a engendré la situation actuelle

- CONDAMNER les intimés de mettre en 'uvre le déplacement de la PAC tel que préconisé par l'Expert soit sur la face Ouest et assortir cette obligation d'une astreinte permettant d'assurer son exécution de 150 €/jour deux mois après la signification de la décision à intervenir;

- CONDAMNER les intimés, à payer la somme de 12.000 € au titre du préjudice subi par les époux [P] du fait des années de nuisance ;

- CONDAMNER les intimés à payer la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER les intimés aux entiers dépens de première d'instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Roland DARNOUX

- DEBOUTER les intimés de leurs actions et moyens.

A l'appui de leurs demandes, Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] font valoir que la SARL AUDIGIER-SAUTEL a commis une faute en acceptant d'installer la pompe à chaleur en vis-à-vis direct de leurs fenêtres. En sa qualité de professionnel il était tenu d'une obligation d'information et de conseil envers eux et était au fait de la question des nuisances sonores en matière d'acoustique aérienne. Ils ajoutent que les consorts [X] [T] ont commis une faute en faisant installer la pompe à chaleur en face de leur maison. Ils précisent que l'expert judiciaire a conclu que l'installation de cet équipement ne satisfait donc pas les règles et exigences relatives à la lutte contre les bruits de voisinage.

Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 15 mars 2022, Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] demandent à la cour de :

Vu l'article R 1334-31 du Code de la Santé Publique

Vu l'article 1382 ancien du code civil,

Vu l'article 1147 ancien du code civil,

A TITRE PRINCIPAL

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de PRIVAS le 1er décembre 2020

- Débouter Madame [Z] [B] et Monsieur [F] [P] de l'intégralité de leurs demandes

- Condamner in solidum Madame [Z] [B] et Monsieur [F] [P] à verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 3.000,00 euros en réparation de leur préjudice moral

- Condamner in solidum Madame [Z] [B] et Monsieur [F] [P] à verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- Condamner in solidum Madame [Z] [B] et Monsieur [F] [P] aux entiers dépens du référé et de l'instance au fond (1 ère instance et cause d'appel)

A TITRE SUBSIDIAIRE si la juridiction fait droit aux demandes formulées par les consorts [P]/[B]

- Dire et juger que la SARL AUDIGIER SAUTEL a failli à son obligation contractuelle d'information et de conseil en procédant à l'installation de la PAC à l'endroit litigieux

- Condamner la SARL AUDIGIER SAUTEL à relever et garantir Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] de toutes les condamnations qui seront prononcées à leur encontre

- Condamner la SARL AUDIGIER SAUTEL à assurer et prendre en charge l'intégralité du coût et le déplacement de la PAC.

- Condamner la SARL AUDIGIER SAUTEL à verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 3.000,00 euros en réparation de leur préjudice moral

- Condamner la SARL AUDIGIER SAUTEL à verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Condamner la SARL AUDIGIER SAUTEL aux entiers dépens de du référé et de l'instance au fond (1 ère instance et cause d'appel).

Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 08 octobre 2021, la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL demande à la cour de :

- DIRE ET JUGER que l'installation de la pompe à chaleur n'est affectée par aucun désordre et vise exclusivement à assurer le chauffage de la maison [X] ' [T] ;

- DIRE ET JUGER que le bruit généré par l'installation ne dépasse pas les seuils réglementaires applicables sur un site proche de l'ancienne route nationale et dans l'agglomération de [Localité 12] ;

- DIRE ET JUGER que les sons graves et continus provoqués par la pompe à chaleur, ne sont perceptibles malgré un écran de protection et les absorbants acoustiques dans la pièce du 1er étage de la villa des appelants que pendant la mauvaise saison et lorsque les fenêtres et volets sont totalement ouverts ;

- DIRE ET JUGER qu'il n'est pas d'habitude sur la commune de VIVERS, située au bord du Rhône et exposée au vent, d'ouvrir les portes fenêtres et fenêtres pendant l'hiver ;

- DIRE ET JUGER que Monsieur [P] et Madame [B] ne rapportent pas la preuve d'un trouble anormal de voisinage provoqué par la pompe à chaleur, ni de façon générale ou d'un quelconque préjudice susceptible d'être imputé à une faute de la société AUDIGIER SAUTEL ;

- DIRE ET JUGER que la société AUDIGIER SAUTEL est victime d'un long et lourd contentieux judiciaire opposant deux voisins qui ont perdu toute conscience raisonnable ;

- REJETER, par conséquent, les moyens et prétentions développés à l'encontre de la société AUDIGIER SAUTEL par Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B], et REJETER l'appel incident de Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] ;

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judicaire de PRIVAS en date du 01 décembre 2020 ;

- CONDAMNER la ou les parties qui succomberont devant la Cour à régler une indemnité au profit de la société AUDIGIER SAUTEL de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la présente instance a été prononcée le 11 février 2022 avec effet différé au 31 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Sur la demande principale

Il est constant que l'action tirée du trouble anormal de voisinage présente un caractère autonome et ne se confond pas avec les autres régimes de responsabilité civile. Seules les nuisances excédant les inconvénients normaux de voisinage peuvent constituer un tel trouble. L'excès s'apprécie in concreto selon la situation réelle des personnes et des biens, toute autre considération étant indifférente.

Le simple fait pour l'auteur d'un trouble de ne pas respecter une norme officielle ne suffit pas à établir ipso facto le caractère anormal du trouble (civ. 2ème 17 février 1993 n°91-16.928). Il est nécessaire de caractériser l'existence de nuisances actuelles (Civ. 3ème 28 juin 2018 n°17-18.755) et de rechercher si les troubles ont excédé les limites aux inconvénients normaux du voisinage (civ.3ème 05 octobre 1994 n° 92-12.031). Cette anormalité s'apprécie différemment selon l'environnement. Au surplus, les éventuelles fautes d'un installateur ne sont pas une cause d'exonération.

L'article R. 1334-31 du code de la santé publique dispose que aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.

Aux termes de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique, l'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause.

« Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier :

« 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes,

« 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ;

« 3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ;

« 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ;

« 5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ;

« 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ;

« 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures.

Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] reprochent à la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL d'avoir commis une faute en acceptant d'installer la pompe à chaleur à l'endroit proposé par les consorts [X] [T] c'est-à-dire en vis-à-vis direct des fenêtres des consorts [P] [B] alors qu'en sa qualité de professionnel il était tenu d'une obligation d'information et de conseil envers eux et était au fait de la question des nuisances sonores en matière d'acoustique aérienne.

Ils reprochent également aux consorts [X] [T] d'avoir commis une faute en omettant de rédiger un cahier des charges et en installant la pompe à chaleur en face de leur maison.

Il incombe aux consorts [P] [B] de démontrer que les nuisances provenant de la pompe à chaleur les ont incommodés et leur ont causé un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Selon facture en date du 31 mai 2013, la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL a installé une pompe à chaleur destinée à alimenter un plancher chauffant et un chauffe-eau au domicile de Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T]. Elle n'est pas réversible.

Cette pompe à chaleur, qui comprend deux ventilateurs, a été installée dans un angle de mur de la façade nord est de l'habitation, à une distance d'environ 15 mètres de la façade sud de la maison d'habitation de Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B], façade sur laquelle s'ouvrent les fenêtres du salon situé au rez-de-chaussée et de la chambre située à l'étage.

La documentation commerciale de la pompe à chaleur de marque CIAT modèle AQUALIS 2 35H installée par la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL mentionne une pression sonore de 47 db (A). Elle a été posée conformément aux prescriptions du fabricant.

La fiche technique n°1 des pompes à chaleur à environnement acoustique émise par l'Association Française des Pompes à Chaleur indique dans son point 3 intitulé 'recommandations pour l'implantation, règles de base' 'ne pas diriger les ventilations vers les voisins'. La fiche ajoute que si la ventilation est dirigée vers les voisins, un écran anti-bruit est la solution pour réduire les nuisances sonores.

Du rapport établi le 1er avril 2014 par Monsieur [K] [V], acousticien, il ressort que l'émergence sonore est de 6 db(A) au lieu de 3 db(A) la nuit et 'du fait de son caractère intermittent et répété, avec des mises en marche de 10 minutes environ entrecoupées par des arrêts de 10 minutes durant la période de nuit, ce bruit peut porter atteinte à la tranquillité du voisinage. Compte tenu des mesures réalisées, nous pouvons conclure que le groupe froid installé à 10 mètres environ de la maison de M. [P] à [Localité 12] est potentiellement gênant pour M. [P], notamment la nuit du fait que les chambres à coucher de M.[P] donnent directement sur cet équipement. D'après notre analyse, l'installation de cet équipement ne satisfait donc pas les règles et exigences relatives à la lutte contre les bruits du voisinage'.

Les consorts [X] [T] ont alors entrepris de remédier à ces bruits.

La Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL a indiqué que 'compte tenu des caractéristiques de l'installation, plus particulièrement de la position de l'échangeur hydraulique situé sur l'unité extérieure et de l'allongement de la tuyauterie entre la source et les émetteurs de chaleurs, le déplacement de la pompe à chaleur depuis la façade nord-est jusqu'à la façade sud-est de l'habitation entraînerait une perte de rendement et une surconsommation électrique.'

Si, selon le courriel du responsable CIAT RHONE-ALPES AUVERGNE en date du 13 novembre 2015, le déplacement de la pompe à chaleur n'a pas de répercussion sur la performance thermodynamique de l'installation, la vitesse du circulateur devra être augmentée pour conserver le même débit et une perte de calories, estimée à 7W par mètre, est à prévoir.

Les consorts [X] [T] ont en conséquence privilégié l'isolation de la pompe à chaleur. La Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL a alors installé des silent-blocs sous le groupe extérieur ainsi qu'une isolation phonique supplémentaire sur le compresseur. Les consorts [X] [T] ont fait installer par la suite des panneaux phoniques autour de la pompe à chaleur et capitonné l'intérieur en mousse alvéolée en novembre 2016.

Le rapport du sapiteur de l'expert judiciaire judiciaire, Monsieur [C] [N], a conclu que 'la mise en place par les défenseurs d'un écran et absorbants acoustiques a permis d'abaisser de façon significative le niveau d'émergence en période diurne qui est réglementaire d'un point de vue global'. Les mesures ont été effectuées le 19 janvier 2018 entre 11 heures 37 et 12 heures 33 et 29 juin 2018 entre 09 heures et 12 heures et le sapiteur n'a effectué aucune mesure de nuit. Il ne peut être alors raisonnablement conclu que 'la présence d'une tonalité marquée de jour comme de nuit apparaissant à intervalle régulier est de nature à mon sens de générer une gêne anormale de voisinage. Les travaux réalisés ne sont pas suffisants et doivent être complétés afin de permettre une absorption des fréquences basses'.

L'expert judiciaire, Monsieur [S] [J], s'en rapporte aux conclusions du sapiteur en indiquant que 'les mesures acoustiques réalisées par le sapiteur acousticien en janvier 2018 montre que malgré les différents travaux réalisés, l'installation de la pompe à chaleur n'est pas conforme en termes d'émergence sonore'. Il préconise un déplacement de la pompe à chaleur.

Cependant, ces mesures d'émergence sonore ont été réalisées de jour sans tenir compte du contexte urbain pourtant relevé par le sapiteur : 'le faubourg des sautelles est un axe assez bruyant vu le trafic routier qui l'emprunte. Son impact est très important dans l'environnement sonore de ces deux propriétés' alors que les tableaux de mesures démontrent que le niveau sonore de la pompe à chaleur est inférieur au niveau sonore résiduel.

L'huissier de justice, mandaté le 13 février 2019 par les consorts [P] [B] a constaté après avoir ouvert la porte-fenêtre à simple vitrage de la pièce située au premier étage, un bruit de fond, régulier sourd et permanent qui est atténué une fois la porte-fenêtre à simple vitrage refermée.

En défense, les consorts [X] [T] produisent aux débats des photographies démontrant l'existence d'une végétation importante en limite de la propriété [P] [B], susceptible d'amortir les bruits. Par ailleurs, Madame [Y] [E] a témoigné que 'le bruit de la N86 couvre largement celui de la pompe à chaleur en étant juste au dessus'.

Le seul fait que la pompe à chaleur, pour laquelle aucun cahier des charges n'est exigé, soit située face à la maison d'habitation des consorts [P] [B], sans qu'il soit démontré que cette installation résulte d'une volonté de nuire des consorts [X] [T] ou que la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL ait commis une faute en acceptant l'installation, que la pompe à chaleur respecte ou non les valeurs légales de l'émergence compte tenu du caractère bruyant de l'environnement, ne peut pas suffire à caractériser un trouble anormal de voisinage et ouvrir droit à dommages et intérêts, s'il n'en résulte pas des inconvénients spécifiques.

Le bruit émis par la pompe à chaleur en journée est considéré comme réglementaire par le sapiteur depuis la mise en place d'un écran et des absorbants acoustiques, et de nuit le bruit, largement couvert par celui de la route nationale, est atténué si les portes fenêtres des consorts [P] [B], pourtant à simple vitrage, sont fermées.

Les consorts [P] [B] ne démontrent en conséquence aucunement l'existence d'un caractère anormal du trouble de voisinage dont ils se disent victimes.

Le jugement de première instance sera alors confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté les consorts [P] [B] de leur demande de déplacement de la pompe à chaleur et de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Les consorts [X] [T] sollicitent la condamnation des consorts [P] [B] à leur verser la somme de 3.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Si les consorts [P] [B] ont montré par le nombre de procédures intentées contre leurs voisins un comportement quérulent, l'action objet de la présente instance était reconnue légitime par le juge des référés.

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [X] [T] de leur demande.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] devront verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 3.000 euros et à la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] seront en outre condamnés aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Privas,

Condamne Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] à verser à Monsieur [D] [X] et Madame [G] [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] à verser à la Société A Responsabilité Limitée AUDIGIER SAUTEL la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Monsieur [F] [P] et Madame [Z] [B] aux entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00251
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00251 ?
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