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02/06/2022 | FRANCE | N°20/02528

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 02 juin 2022, 20/02528


ARRÊT N°



N° RG 20/02528 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2E3



MAM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS

22 septembre 2020

RG:19/00558



[C]



C/



[X]

[X]



[P]







































Grosse délivrée

le

à Selas Praeteom

Me Benhadj

















COUR D'APPEL DE NÃ

ŽMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A





ARRÊT DU 02 JUIN 2022











INTERVENANTE



Madame [R], [Z] [C] née [P]

En qualité d'héritière de Madame [U] [K] née [P] de nationalité Française, née à [Localité 6] (Bouches-du-Rhône) le 22 Septembre 1933 et décédée le 26 Octobre 2021 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représent...

ARRÊT N°

N° RG 20/02528 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2E3

MAM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS

22 septembre 2020

RG:19/00558

[C]

C/

[X]

[X]

[P]

Grosse délivrée

le

à Selas Praeteom

Me Benhadj

COUR D'APPEL DE NÃŽMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

INTERVENANTE

Madame [R], [Z] [C] née [P]

En qualité d'héritière de Madame [U] [K] née [P] de nationalité Française, née à [Localité 6] (Bouches-du-Rhône) le 22 Septembre 1933 et décédée le 26 Octobre 2021 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nadia EL BOUROUMI de la SELAS PRAETEOM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Wafae EZZAITAB, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [B] [X]

né le 21 Novembre 1976 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Samira BENHADJ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Madame [E] [X] épouse née [O]

née le 28 Juillet 1974 à EL HARRACH (ALGÉRIE)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Samira BENHADJ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline Delcourt, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 15 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre et Mme Céline Delcourt, greffière, le 02 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Suivant compromis de vente du 23 avril 2012, signé en l'étude de Me [A], notaire à [Localité 7] (Vaucluse), Madame [U] [P] veuve [K], née le 22 septembre 1933, a vendu à Monsieur [B] [X] et Madame [E] [O], son épouse, dans un ensemble en copropriété dénommée [Adresse 4] à [Localité 2], le lot numéro 32: une maison d'habitation avec terrain attenant, élevée d'un étage sur rez-de-chaussée, avec garage de type 4PA, villa jumelée avec le lot 33 et ce, moyennant le prix de 205 000 €, convertie en une rente viagère annuelle, indexée, sur la tête et pendant la vie du vendeur, en douze termes égaux, d'un montant de 1200 € payables le cinq de chaque mois qui suivra la réalisation de l'acte authentique.

Il est précisé dans cet acte que l'acquéreur aura « la propriété du bien vendu à compter de la réitération par acte authentique de la vente; Il en aura la jouissance à compter du même jour par la prise de possession réelle. Les biens devront, à cette date, être libres de toute location ou occupation et débarrassés de tous meubles et objets mobiliers quelconques (à l'exception de ceux éventuellement compris aux termes des présentes)».

Le 2 juillet 2012 Madame [K] a été admise dans un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes a [Localité 3].

L'acte authentique a été signé en l'étude du même notaire le 30 juillet 2012. Il contient la clause suivante: L'acquéreur aura la pleine propriété du bien vendu à compter de ce jour. Il n'en aura la jouissance qu'au jour du décès du vendeur, celui-ci s'en réservant l'usage, soit par la prise de possession réelle, soit par la perception des loyers, selon qu'à cette époque le bien vendu sera occupé par le vendeur ou loué à une tierce personne »

Monsieur et Madame [X] ont pris possession de la maison puis y ont installé leur domicile avec leurs enfants.

Après avoir sollicité en juin 2018 l'application de l'indexation annuelle de la rente, Madame [R] [C], se présentant comme représentant les intérêts de sa tante Madame [K], a informé les époux [X] par courrier des 8 et 22 octobre 2018, qu'elle considérait la vente de 2012 comme un viager occupé et leur a demandé, soit d'accepter la conclusion d'un contrat de bail (pour un loyer proposé de 790 € mensuels, à payer en plus de la rente viagère), soit de libérer les lieux.

Les époux [X] ont répondu qu'ils avaient conclu avec Madame [K] un viager libre d'occupation qu'ils avaient toujours versé la rente viagère mensuelle prévue au contrat.

Par ordonnance du 24 octobre 2018 Madame [K] a été placée sous le régime de la sauvegarde de justice par le juge des tutelles d'Orange, Madame [C] étant désignée en qualité de mandataire spécial. Par jugement du 29 mars 2019 elle a été placée sous tutelle par le même magistrat, désignant Madame [C] en qualité de tutrice.

Par acte d'huissier du 17 avril 2019 Madame [R] [C], ès qualités de tutrice de Madame [K] a fait assigner Monsieur [X] et Madame [O] épouse [X] devant le tribunal de grande instance de Capentras aux fins principalement de les voir condamnés au paiement de la somme de 78 000 € à titre de rappel de loyers, d'ordonner leur expulsion, annuler la vente viagère en application de la clause résolutoire.

Par jugement du 22 septembre 2020 le tribunal de grande instance de Carpentras a statué comme suit :

'déclare irrecevable l'exception de nullité tirée du défaut de motivation en droit de l'assignation,

'rejette la fin de non-recevoir fondée sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir,

'déboute Madame [R] [C] en qualité de tutrice de Madame [U] [P] veuve [K] de l'ensemble de ses demandes,

'déboute les époux [X] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

'déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

'condamne Madame [R] [C] à verser aux époux [X] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamne Madame [R] [C] aux entiers dépens de l'instance,

'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 9 octobre 2020 Madame [R] [C], ès qualités de tutrice de Madame [U] [P] veuve [K], a relevé appel de ce jugement.

Madame [U] [P] veuve [K] est décédée le 26 octobre 2021.

Par conclusions du 21 février 2022, Madame [R] [P] épouse [C] est intervenue volontairement à l'instance d'appel en qualité d'héritière de Madame [U] [P] veuve [K].

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées à cette date elle demande à la cour de:

'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [C] en qualité de tutrice de l'ensemble de ses demandes, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,l'a condamné à verser aux époux [X] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Statuant à nouveau,

à titre liminaire,

'lui donner acte de son intervention volontaire en qualité d'héritière,

'déclarer son intervention volontaire recevable,

sur la résolution du contrat de vente,

'dire et juger que l'acte de vente viagère avec réserve d'usufruit conclu le 30 juillet 2012 était un viager de type occupé,

'constater que les époux [X] profitant du départ en EHPAD de Madame [K] ont occupé ce bien sans procéder au paiement de loyer en contrepartie de l'occupation du bien,

'dire et juger que les consorts [X] ont méconnu la clause aux termes de laquelle : « l'acquéreur aura la pleine propriété du bien vendu à compter de ce jour, il n'en aura la jouissance qu'au jour du décès du vendeur, celui-ci s'en réserve en l'usage, soit par la prise de possession réelle, soit par la perception des loyers, selon qu'à cette époque le bien vendu sera occupé par le vendeur ou loué à une tierce personne » et ont par voie de conséquence violé les droits de Madame [P] veuve [K],

'constater que les consorts [X] n'ont pas procédé au paiement de la rente viagère mensuelle d'un montant de 1200 €,

par voie de conséquence,

' prononcer la résolution du contrat de vente viagère en application de la clause résolutoire de plein droit prévu au contrat,

'restituer le bien objet de la vente en sachant que tous les embellissements et améliorations qui ont été faits sur le bien vendu ainsi que tous les paiements intervenus sur le paiement du prix de vente demeureront acquis de plein droit,

sur les conséquences de l'occupation du bien en violation des stipulations de l'acte de vente viagère,

'condamner les consorts [X] à verser la somme de 78 000 € au titre du rappel de loyers non versés,

'ordonner l'expulsion des époux [X] ainsi que de tous occupants de leur chef au besoin avec l'aide de la force publique et sous astreinte,

'fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due à compter de la résolution de l'acte de vente à la somme de 1000 € et ce, jusqu'à complète libération des lieux,

'condamner Monsieur Madame [X] au paiement de la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral et de celle de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle fait valoir qu'il résulte clairement de l'acte qu'il s'agit d'un « viager occupé » et soutient que les époux [X] ont profité de l'absence de Mme [K] pour occuper le bien. Elle ajoute qu'ils n'ont pas payé la rente et les loyers et sollicite la résolution de plein droit du contrat.

Dans leurs dernières conclusions, remises et notifiées le 5 janvier 2021, Monsieur [B] [X] et Mme [E] [O], son épouse demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et infirmant le jugement de ce chef condamner les époux [X] au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il sollicite la condamnation de Madame [C] au paiement de la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Ils maintiennent la qualification de viager libre de toute occupation se référant à l'avant contrat et affirment avoir toujours payé la rente mensuelle.

L'instruction de la procédure a été clôturée le 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A la suite du décès de Mme [U] [P] veuve [K] en cours de procédure d'appel, l'intervention volontaire de Mme [R] [P] épouse [C] en qualité d'héritière, dont elle justifie par l'attestation de dévolution de succession dressée le 20 décembre 2021 par Me [D], est recevable et non contestée.

In limine la cour observe qu'elle n'est saisie d'aucune exception de procédure ou fin de non recevoir, que les intimés ne maintiennent pas devant la cour.

Il est également observé que:

- le contrat litigieux a été conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, en conséquence, en application de l'article 9 de ladite ordonnance, il demeure soumis à la loi ancienne,

- est produite devant la cour, la copie authentique de l'acte du 30 juillet 2012.

En l'état de la contradiction entre les deux clauses rappelées plus haut, l'une incluse dans l'avant contrat, qui s'analyse en une promesse synallagmatique, et l'autre dans l'acte authentique, se rapportant à la même opération de vente en viager d'une maison d'habitation, conclue entre les époux [X] et Mme [K], il convient de se référer aux règles d'interprétation des conventions.

Selon l'article 1156 du code civil, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. Cette intention s'apprécie au regard des comportements des parties entourant la vente.

Il est constant que le contrat a été conclu en 2012, soit six ans avant l'ouverture par le juge des tutelles d'Orange, saisi par Mme [C], d'une mesure de protection au bénéfice de Mme [K]. Il est également constant que pendant cette période, les époux [X] ont pris possession de la maison vendue, réalisé des travaux et payé la rente viagère fixée au contrat, sans contestation de Mme [K].

Est versée au dossier l'attestation circonstanciée de M. [J] [F], « voisin direct et mitoyen de [U] [K] » lequel affirme « '.[U] [K] m'avait parlé de son souhait de quitter cette maison au profit d'une maison de repos. Le viager était alors une solution évidente pour elle afin de financer la maison de repos. Elle m'avait exposé de façon lucide son projet de viager. Jusqu'à son départ en juillet 2012, j'atteste que [U] [K] était en pleine possession de ses moyens intellectuels avait un niveau de conversation riche, lucide et raisonné et une parfaite cohérence entre ses mots et des actes... ».

Il résulte par ailleurs de l'attestation également circonstanciée de M. [N], que « ..Mme [K] a toujours été consciente de ses faits, gestes et dires. Elle avait de la répartie avec un vocabulaire sensé et large même au moment où elle a décidé d'entrer en maison de retraite et de mettre sa maison en vente viager à M. et Mme [B] [X].. ».

La volonté éclairée de Mme [K] est confirmée par le fait qu'elle a quitté la maison dès le mois de juillet 2012, concomitamment à la signature de l'acte authentique, que la maison a été libérée au même moment, M. [F] ayant constaté la présence de Mme [C] lors du déménagement « ..[U] se débarrassait de ses meubles pour partir en maison de repos. [R] [C] est venue accompagnée d'un homme et en est repartie avec plusieurs biens mobiliers importants... »

En l'état de ces éléments, il est établi que la volonté réelle de Mme [K], qu'elle n'a jamais remise en cause pendant plusieurs années, était de vendre son bien en viager sans aucune intention d'occuper les lieux, ni de les louer, de sorte que, la clause incluse à l'acte authentique, résulte d'une erreur manifeste du rédacteur de l'acte, en contradiction avec l'intention commune des parties, caractérisée ci-dessus et explicite dans la promesse synallagmatique assortie uniquement des conditions suspensives de droit commun. En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a analysé le contrat litigieux en un contrat de vente viagère sans réserve d'usufruit. Mme [C], désormais héritière de Mme [K], sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive des époux [X], le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré qu'en l'état des termes de l'acte de vente, il n'est pas démontré que Mme [C] ait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice et de relever.

Il sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] qui succombe supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer aux intimés la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [R] [P] épouse [C] en qualité d'héritière de Mme [U] [P] veuve [K], décédée le 26 octobre 2021,

Confirme le jugement déféré, sauf à dire Mme [R] [P] épouse [C] en qualité d'héritière de Mme [U] [P] veuve [K],

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [P] épouse [C] à payer à Monsieur [B] [X] et Madame [E] [O], son épouse, la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne Mme [R] [P] épouse [C] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente de Chambre et par la greffière.

La greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/02528
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.02528 ?
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