La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2022 | FRANCE | N°21/03825

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 23 mai 2022, 21/03825


ARRÊT N°



N° RG 21/03825 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IHAW



CJP



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

15 octobre 2021

RG : 21/00638



[S]



C/



S.A. ENEDIS (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE ELECTRICITÉ RÉSEAU D ISTRIBUTION FRANCE-ERDF)



Grosse délivrée

le

à















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 23 MAI 2022





APPELANT :


<

br>Monsieur [F] [K] [S]

né le 15 Avril 1958 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Thomas AUTRIC de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Jessica MUNOT de la SCP ALBEROLA/MUNOT, ...

ARRÊT N°

N° RG 21/03825 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IHAW

CJP

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

15 octobre 2021

RG : 21/00638

[S]

C/

S.A. ENEDIS (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE ELECTRICITÉ RÉSEAU D ISTRIBUTION FRANCE-ERDF)

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 23 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [F] [K] [S]

né le 15 Avril 1958 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas AUTRIC de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Jessica MUNOT de la SCP ALBEROLA/MUNOT, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

S.A. ENEDIS (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE ELECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE-ERDF)

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 444 608 442

prise en la personne de la Présidente de son Directoire domiciliée en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier PIQUEMAL de la SCP PIQUEMAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Vanessa XAMBO, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Priscilla COQUELLE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 28 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 04 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 23 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Suivant acte notarié dressé le 28 décembre 2001, M. [F] [S] a fait l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3] (34) dont l'une des caves est occupée par un transformateur électrique.

Par acte du 4 octobre 2021, la SA ENEDIS a fait assigner M. [F] [S] devant le président du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé aux fins de voir, notamment dire et juger que celui-ci commet un trouble manifestement illicite en lui refusant l'accès aux fins de remplacement du tableau HTA du poste de transformation situé dans la cave de l'immeuble dont il est propriétaire et lui enjoindre de lui remettre le double des clés permettant l'accès à cette cave et de ne rien faire qui puisse nuire aux travaux programmés, et ce sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire du 15 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Nîmes :

-a dit le juge des référés compétent,

-a enjoint à M. [F] [S] :

-de remettre à la SA ENEDIS ou tout représentant de son choix, le double des clés de la porte donnant sur la rue, de la grille de protection, de la cave de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3] sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé le délai de 3 jours suivant la signification de la décision,

-de ne rien faire qui puisse nuire à l'accès à la cave de cet immeuble et aux travaux programmés par la SA ENEDIS à compter du 7 novembre 2021 aux fins de remplacement du poste de transformation litigieux et ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée à cette injonction,

-s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

-a débouté M. [F] [S] de sa demande de dommages-intérêts,

-l'a condamné à payer à la SA ENEDIS la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 20 octobre 2021, M. [F] [S] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [F] [S], appelant, demande à la cour, au visa des articles 835, 837-1 et 789 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de :

-vu la saisine du juge de la mise en état, juger que le juge des référés était incompétent pour statuer, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire, saisi de conclusions d'incident, étant seul compétent,

-subsidiairement,

-juger que la SA ENEDIS a un accès permanent au transformateur en particulier pour effectuer les gros travaux et pour déplacer le matériel lourd, sans passer par l'intérieur de l'immeuble,

-juger que la procédure de référé qui a donné lieu à la décision entreprise était sans intérêt et sans objet, les termes de la convention étant respectés,

-juger qu'il n'y a aucune entrave pour accéder à la grille située à l'entrée du porche, ainsi qu'au transformateur,

-juger qu'il n'y a pas lieu à référé,

-débouter la SA ENEDIS de ses demandes, fins et conclusions,

-vu les demandes de la SA ENEDIS, dans son assignation et ses dernières écritures et l'absence de contradictoire sur les demandes qui ont été jugées par le juge des référés qui a dénaturé les termes de la procédure engagée par la SA ENEDIS et n'a pas respecté le principe du contradictoire statuant ainsi ultra petita,

-infirmer la décision déférée et débouter l'intimée de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la SA ENEDIS à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 5 000 € pour procédure abusive, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance d'appel.

Au soutien de son appel, M. [F] [S] expose :

-que la convention du 8 décembre 1980, dont la société ENEDIS se prévaut, n'a pas été signée par lui et lui est donc juridiquement inopposable, n'est pas mentionnée dans l'acte authentique de vente, n'a pas été publiée au bureau des hypothèques et n'a pas de durée précise ;

-que le 11 mars 2021, il a attrait la société ENEDIS devant le tribunal judiciaire de Nîmes ; que la société ENEDIS a déposé une requête aux fins d'obtenir l'incompétence de la juridiction civile au profit du tribunal administratif devant le juge de la mise en état, si bien que le juge des référés n'a plus compétence pour statuer ; que le moyen retenu par le premier juge pour écarter l'exception d'incompétence est curieux, et ce d'autant qu'à la date où il statuait le tribunal judiciaire était encore saisi et l'audience sur incident n'avait pas encore eu lieu ; -que les demandes étant similaires et relevant du même contentieux, le juge des référés devait se déclarer incompétent au profit du juge de la mise en état saisi ;

-que rien ne justifiait la saisine du juge des référés pour accéder au transformateur dès lors que la convention prévoit l'accès par la société ENEDIS uniquement par le porche et directement par la grille implantée au-dessus du transformateur ; qu'en effet, l'accès par la grille ouvrant sur la rue des loges est possible en permanence grâce à l'installation du système VIGIK ; qu'également la grille au sol ne comporte pas de clés et que la clé d'accès à la porte de la cave de la société ENEDIS n'est pas en sa possession, s'agissant d'un modèle propre à EDF/ENEDIS ; qu'ainsi la société ENEDIS a toujours eu un accès direct à la trappe métallique située au sol qui permet l'accès à sa cave et ce depuis 1980, si bien que la présente procédure n'avait aucun objet, ni intérêt, ni finalité ;

-qu'entre 1981 du mois d'octobre 2021, la société ENEDIS a, nécessairement, était en possession des clés permettant l'accès à la cave dont elle s'est trouvée bénéficiaire suite à la convention précitée; que l'intimée ne démontre pas l'impossibilité pour elle d'accéder à la cave et procède uniquement par voie d'affirmation ; qu'ainsi, il n'est pas démontré d'entrave au déploiement et à l'entretien du service public de première nécessité pouvant constituer un trouble manifestement illicite ;

-qu'enfin, l'injonction ordonnée est imprécise et le juge des référés est allé au-delà des demandes de la société ENEDIS qui avait prévu une durée, une date, les conditions d'exécution de travaux pour une mission particulière en vue du remplacement du tableau HTA du poste de transformation et non du transformateur comme précisé par le premier juge.

La SA ENEDIS, en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 7 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L121'1, L322'8 et L322'9 alinéa 1 du code de l'énergie, de débouter M. [F] [S] de sa demande réformation de l'ordonnance déférée et de ses demandes indemnitaires, de confirmer toutes les dispositions de ladite l'ordonnance et de condamner M. [F] [S] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SA ENIDIS fait valoir :

-que le poste de transformation HTA/BT et de distribution d'électricité « [Adresse 1] », ainsi que les lignes, ont été implantés dans l'immeuble en cause au terme d'une convention de servitudes «constructeur» en date du 8 décembre 1980 conclue entre EDF (aux droits de laquelle vient ENEDIS) et les propriétaires de l'époque ; que cette convention dispose que le propriétaire confère un droit d'accès permanent, de jour comme de nuit, à ENEDIS pour lui permettre d'accéder au poste notamment en vue de son « entretien, réparation, modification ou remplacement » et dispose en page 4 que la remise des clés est une obligation expresse ; qu'il s'agit d'un droit réel, cette convention de servitudes grevant l'immeuble par la suite acquis par M. [F] [S] ; que si ce dernier consent à ouvrir à ses agents, en journée et aux heures ouvrables de son cabinet, les portails et portes d'accès à l'immeuble, en revanche il refuse de donner à ses équipes le double des clés du portail, de la porte donnant sur la rue et enfin de celle de la cave ;

-que les agents d'ENEDIS ont constaté que le vieux transformateur HTA ne permet pas une man'uvre sous tension de cet appareil et peut donc causer à tout moment une problématique importante de qualité et de sécurité de fourniture d'électricité pour environ 1500 clients alimentés par le poste de distribution publique « [Adresse 1] », mais également par les postes DP adjacents, dont le poste « [Adresse 5] » ; qu'il a donc fallu programmer le remplacement du tableau HTA défaillant dans le poste de distribution précitée ; que cette étape constitue la première phase d'un chantier d'envergure visant à la rénovation et au renforcement de la desserte électrique de la [Adresse 1] et de la [Adresse 5] ; que la 2e étape concernant la [Adresse 5] ne pourra être engagée que si la première au poste « [Adresse 1] » a été réalisée ; que ces travaux doivent être réalisés de nuit pour minimiser les nuisances ;

-que M. [F] [S] a commis un double trouble manifestement illicite, en premier lieu, en méconnaissant volontairement ses obligations nées des termes de la convention de servitudes dont il soutenait, à titre de contestation sérieuse, la caducité et ce alors que cette prétendue caducité a été écartée par les juridictions administratives et est inopérante sur le fondement de l'article 835 alinéa 1, ce texte pouvant s'appliquer même en cas de contestation sérieuse ; qu'en second lieu, M. [F] [S] a porté atteinte au service public de l'électricité, fait obstacle à l'exercice par ENEDIS de ses missions de service public, portait atteinte à l'intégrité du réseau public de distribution d'électricité et, enfin, nuit à la conservation du patrimoine de la ville de [Localité 3] ;

-qu'il n'y a pas de contrariété d'appréciation sur la question de la compétence, dès lors que le juge du fond n'est pas compétent pour ordonner l'expulsion de l'ouvrage public, mais qu'en revanche le juge des référés, saisi d'une demande fondée sur le trouble manifestement illicite au regard du refus d'exécuter une convention, est parfaitement compétent pour statuer sur ses demandes en référé, distinctes en tout point de celles élevées par M. [F] [S] devant le juge du fond incompétent ;

-que le moyen tendant à voir constater l'incompétence du juge des référés au profit du juge de la mise en état doit être écarté car comme l'a justement relevé le premier juge, le juge de la mise en état n'étant compétent pour ordonner des mesures conservatoires que dans les limites de la demande formulée devant le juge du fond ; qu'en l'occurrence, la demande en référé porte sur la remise des clefs en vertu de la convention d'occupation, alors que le tribunal judiciaire est saisi d'une demande d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation ; que le juge des référés n'aurait été incompétent que si ENEDIS avait formulé reconventionnellement une demande de remise des clefs devant le juge du fond ;

-qu'enfin, il est erroné de dire que le premier juge a statué ultra petita, seul le remplacement du tableau HTA était envisagé et il importe peu que le premier juge ait omis dans son injonction de préciser qu'il s'agissait du remplacement du seul tableau, ce qui constitue une erreur de plume, car il résulte des demandes et des pièces que seul le tableau HTA était visé ; que la lecture de l'ordonnance suffit à être convaincu qu'il n'existe aucune imprécision de l'injonction, l'appelant ayant d'ailleurs remis les clés à l'huissier instrumentaire de sorte qu'il a pu mesurer le caractère précis de l'injonction qui lui était faite.

La clôture de la procédure est intervenue le 28 mars 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 avril 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 23 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exception de compétence :

Si l'article 835 du code de procédure civile prévoit que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, le juge de la mise en état lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation est seul compétent pour prononcer des mesures provisoires jusqu'à son dessaisissement en vertu de l'article 771 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'assignation devant le juge des référés a été délivrée le 4 octobre 2021 alors que l'assignation au fond devant le tribunal judiciaire de Nîmes date du 11 mars 2021. La saisine du juge de la mise en état est donc antérieure à l'assignation délivrée devant le juge des référés entre les mêmes parties.

Toutefois sont irrecevables les seules demandes formées devant le juge des référés qui tendent aux mêmes fins et ont le même objet que celles formées au fond devant le tribunal.

Pour déterminer si la procédure introduite par M. [F] [S] au fond devant le tribunal judiciaire de Nîmes au fond porte sur le même litige que celui dont la société ENEDIS a saisi le juge des référés de ce même tribunal par assignation postérieure, il convient de comparer les demandes formées par les parties et donc de vérifier s'il existe une identité de litige au regard des seules demandes dont le juge des référés est saisi.

Les demandes formées par M. [F] [S] devant le tribunal judiciaire de Nîmes visent à obtenir la libération de la cave occupée par ENEDIS et le paiement d'une indemnité d'occupation.

Le juge de la mise en état a été, par ailleurs, saisi par la société ENEDIS d'une exception d'incompétence au profit du tribunal administratif.

Les demandes formées par la société ENEDIS devant le juge des référés visent à obtenir, en urgence, la remise des clefs permettant l'accès à la cave dans laquelle se trouve le tableau HTA du poste de transformation qui doit être remplacé et à empêcher M. [F] [S] de nuire aux travaux qui doivent être réalisés dans cette cave.

Si ces dernières demandes fondées sur le trouble manifestement illicite résultant des difficultés que rencontrent la société ENEDIS pour accéder de nuit à la cave où se trouve le transformateur ont un objet identique, à savoir le transformateur présent dans une des caves de l'immeuble appartenant à M. [F] [S], elles ne relèvent pas des mesures provisoires que le conseiller de la mise en état peut prononcer, ce dernier n'étant saisi d'aucune demande relativement aux difficultés d'accès au transformateur mais d'une demande d'expulsion d'ENEDIS de la cave. L'identité de litige exigée ne peut aucunement être relevée au cas d'espèce.

Au surplus, c'est de manière parfaitement légitime que le premier juge a relevé que la société ENEDIS ne pouvait valablement soutenir l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur la demande d'expulsion formulée par M. [F] [S] et formuler dans le même temps une demande de mesures provisoires.

Au vu de ces éléments, c'est à raison que le juge des référés a retenu sa compétence, et il sera confirmé de ce chef.

Sur le fond :

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'ordonnance entreprise, relevant les dispositions de la convention du 8 décembre 1980 et le caractère de service public de première nécessité que constitue l'électricité, et considérant que toute entrave à son déploiement, à son entretien ou à sa maintenance constitue un trouble manifestement illicite, a retenu que le refus de M. [F] [S] de remettre un double des clefs à la société ENEDIS en violation de la convention susvisée est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

L'appelant conteste cette décision soutenant, d'une part, que la société ENEDIS a toujours disposé d'un accès à la trappe métallique située au sol qui permet l'accès à sa cave et qu'elle ne démontre donc pas en quoi la saisine du juge des référés était justifiée et, d'autre part, que le juge des référés aurait du rechercher si la présence du matériel d'ENEDIS dans une cave de l'immeuble lui appartenant était licite.

Sur ce dernier point, il convient de relever, comme l'a justement fait le premier juge, qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur l'opposabilité de la convention du 8 décembre 1980 ni sur la durée de la dite convention. Au surplus, saisi sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés est tenu de statuer dès lors qu'il constate un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent, et ce, même en présence d'une contestation sérieuse.

Or, en l'état, la société ENEDIS fonde sa demande sur une convention signée avec l'ancien propriétaire de l'immeuble acquis par M. [F] [S] le 28 décembre 2001, dont il n'est pas établi qu'elle n'est pas ou plus applicable à M. [F] [S], la société ENEDIS versant au dossier un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant la demande de M. [S] aux fins de résolution de ladite convention. Cette convention prévoit que le « constructeur » accorde aux agents d' EDF ou ceux des entrepreneurs le droit de pénétrer de jour et de nuit dans l'immeuble en vue de « la construction, la surveillance, l'entretien, la réparation, la modification ou le remplacement du poste de transformation et des canalisations électriques ». Il est ajouté que « le constructeur remettra à EDF les clés nécessaires à l'exercice des droits d'accès et de passage prévus au présent article ».

En outre, comme très justement mis en exergue par le premier juge, l'électricité est un service public de première nécessité et la société ENEDIS verse au dossier des pièces justifiant, d'une part, qu'elle doit procéder à des travaux dans la cave où se trouve le transformateur, et plus précisément qu'elle doit remplacer le tableau HTA défaillant et, d'autre part, des conséquences en cas de non réalisation de ces travaux pour de nombreux usagers du quartier.

M. [F] [S] soutient que la société ENEDIS dispose d'un accès libre à ladite cave et entend le justifier en produisant un procès-verbal de constat d'huissier de justice réalisé le 4 et 5 avril 2019. Or la lecture de ce procès-verbal ne démontre aucunement que l'accès est libre tant de nuit que de jour. En effet, si la grille qui permet d'accéder à la cour intérieure est ouverte la journée, l'huissier constate, en revanche, que lors de son passage à 22h20 la grille intérieure est fermée. L'appelant soutient encore que cette grille dispose du système « VIGIK » sans expliquer en quoi ce système permet à ENEDIS d'accéder librement la nuit à la cave litigieuse. Ainsi, M. [F] [S] ne démontre aucunement qu'en refusant de remettre à ENEDIS, notamment les clés de ladite grille, il respecte les disposition de la convention susvisée et ne fait pas obstacle aux travaux nécessaires sur le tableau HTA défaillant.

Quant à l'argument selon lequel ENEDIS a nécessairement les clés pour accéder à la cave, puisque leurs agents ont notamment pu récemment constater des défaillances sur le tableau HTA, il ne saurait être davantage retenu puisqu'il n'est pas contesté que ladite grille est ouverte en journée.

Dès lors, force est de constater qu'en ne permettant pas à la société ENEDIS de réaliser les travaux nécessaires sur le tableau HTA du poste de transformation de nuit, afin d'éviter une gène trop importante pour les usagers du quartier, M. [F] [S] cause un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

En ordonnant à M. [F] [S] de ne rien faire qui puisse nuire à l'accès à la cave de l'immeuble et aux travaux programmés par la SA ENEDIS, à compter du 7 novembre 2021, aux fins de remplacement du poste de transformation litigieux sous astreinte, le juge des référés n'a aucunement statué ultra petita, dès lors qu'il a tenu compte de la date d'intervention de la société ENEDIS et a uniquement commis une erreur matérielle en faisant état du remplacement du « poste de transformation » au lieu du « tableau HTA du poste de transformation ».

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, sauf préciser que les travaux concernaient le « tableau HTA du poste de transformation ».

Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge, la décision déboutant M. [F] [S] de ses demandes de dommages et intérêts sera confirmée.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, il convient d'accorder à la société ENEDIS, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel.

M. [F] [S], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et ne saurait bénéficier d'une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 15 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nîmes, en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les travaux programmés par ENEDIS ont pour finalité le remplacement du tableau HTA du poste de transformation,

Déboute M. [F] [S] de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [S] à payer à la SA ENEDIS la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [S] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03825
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;21.03825 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award