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23/05/2022 | FRANCE | N°21/03055

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 23 mai 2022, 21/03055


ARRÊT N°



N° RG 21/03055 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IETX



CJP



PRESIDENT DU TJ DE NIMES

07 avril 2021

RG :20/00776



[J]

[L]

[O]



C/



[H]



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 23 MAI 2022







APPELANTS :



Madame [N] [J]

[Adresse 6]

[

Localité 4]



Représentée par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON



Monsieur [C] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représenté par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON



Madame [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité...

ARRÊT N°

N° RG 21/03055 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IETX

CJP

PRESIDENT DU TJ DE NIMES

07 avril 2021

RG :20/00776

[J]

[L]

[O]

C/

[H]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 23 MAI 2022

APPELANTS :

Madame [N] [J]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Monsieur [C] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

Madame [W] [H]

née le 31 Mars 1973 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra BOUILLARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 28 mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 04 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 23 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Par actes d'huissier de justice en date du 17 novembre 2020, Mme [W] [H] a fait assigner Mme [N] [J], M. [C] [L], Mme [V] [O] [O] et M. [F] [A] devant le président du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant en référé, aux fins notamment de voir enjoindre à ces derniers de ne plus entreposer leurs poubelles devant sa propriété et de ne plus stationner leurs véhicules devant l'entrée de sa propriété.

Par ordonnance contradictoire mixte rendue le 7 avril 2021, le président du tribunal judiciaire a :

-pris acte du désistement de Mme [W] [H] de sa demande relative au stationnement des véhicules de ses voisins devant l'entrée de sa propriété,

-dit que constitue un trouble anormal de voisinage, ainsi qu'un trouble manifestement illicite, le non-respect par les riverains de l'impasse des fauvettes, et notamment par les parties défenderesses, de l'accord intervenu le 14 juin 2019, tel que mentionné dans le courrier écrit du SMICTOM, ainsi que le positionnement des 11 ou 12 bacs à ordures devant le domicile de Mme [W] [H],

-dit que le juge des référés compétent pour prononcer une mesure de réparation,

-pris acte de la mesure proposée par Mme [W] [H],

-vu l'article 232 du code de procédure civile, désigner le président du syndicat intercommunal de collecte et traitement des ordures ménagères (SMICTOM) en qualité de technicien pour éclairer la juridiction sur la mesure proposée par Mme [W] [H] et dit que le président du SMICTOM prendra connaissance de la page 8 des conclusions de celle-ci, annexées à l'ordonnance, et indiquera par simple courrier adressé au greffe du juge des référée si ladite mesure est possible en termes de man'uvre pour les camions de ramassage eu égard à la configuration des lieux,

-dit que Mme [W] [H] fera l'avance de la somme de 250 € à valoir sur la rémunération du technicien,

-renvoyé l'affaire à l'audience du 12 mai 2021.

L'avis du technicien a été déposé au greffe le 21 mai 2021.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 7 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire, au visa de l'ordonnance rendue le 7 avril 2021 et de la lettre circulaire du 17 juin 2019 adressé par le président du SMICTOM aux propriétaires de l'impasse des fauvettes, a :

-interdit aux consorts [J], [L], [O] [O] et [A] ainsi que tous les occupants de leur chef, de stationner leurs bacs à poubelles devant la propriété n° 2,

-assorti cette interdiction d'une astreinte de 100 € par infraction dûment constatée,

-dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes dommages-intérêts,

-condamné solidairement les consorts [J], [L], [O] [O] et [A] à payer à Mme [W] [H] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration du 6 août 2021, les consorts [J], [L] et [O] ont interjeté appel de de l'ordonnance du 7 avril 2021, en ce qu'elle a constaté un trouble anormal de voisinage et un trouble manifestement illicite, pris acte de la mesure proposée par Mme [W] [H] et dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes et de l'ordonnance du 7 juillet 2021 en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 28 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, les consorts [J], [L] et [O], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 9, 32-1, 76 et 835 du code de procédure civile et 1240 et 1353 du code civil :

A titre principal et in limine litis, de relever d'office l'incompétence du juge judiciaire pour ordonner un déplacement des bacs à poubelles sur la voie publique,

À titre subsidiaire et sur le fond, si la cour d'appel devait se déclarer compétente d'infirmer les ordonnances déférées des chefs dont appel et, statuant à nouveau, de :

-dire qu'aucun accord n'est intervenu entre Mme [W] [H] et eux-mêmes,

-dire qu'il existe ni trouble anormal de voisinage ni trouble manifestement illicite,

-ordonner que les bacs à déchets continueront d'être entreposés sur l'air de présentation et de retournements des véhicules de collecte située, en domaine public, le long de la parcelle AY [Cadastre 2],

-condamner Mme [W] [H], à titre provisionnel, à leur payer respectivement la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

-condamner la même à leur payer respectivement la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit du cabinet Ydès conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, les consorts [J], [L] et [O] font valoir :

-que la mesure querellée prise par le tribunal judiciaire de Nîmes « touche » à l'occupation du domaine public communal puisqu'il est ordonné sous astreinte le déplacement de bacs à poubelles positionnés sur un endroit de la voie publique à un autre endroit de la voie publique ; que cette question d'occupation du domaine public communal est du seul ressort du maire, tel que cela ressort d'ailleurs du courrier adressé par le SMICTOM du 6 mai 2021 ; que seule Mme le maire de [Localité 8] est habilitée à ordonner le déplacement de bacs à poubelles via l'adoption d'un arrêté ; que si ledit arrêté devait faire l'objet d'une contestation, ce serait bien évidemment le seul juge administratif qui serait compétent ;

-que sur ce point le raisonnement de Mme [W] [H] est erroné, dès lors qu'il existe bien un arrêté du maire de [Localité 8], en date du 5 août 2015, concernant la réglementation sur le dépôt des ordures ménagères ; qu'en outre, la question n'est pas de savoir s'il existe une décision administratif faisant grief, mais de savoir si le juge judiciaire peut s'immiscer dans l'occupation du domaine public ; que le fait de passer les bacs à déchets à l'angle de la propriété de Mme [W] [H] résulte d'un usage qui s'est instauré depuis de nombreuses années et qui est fondé sur des considérations d'intérêt public ;

-que sur le fond, il est erroné d'affirmer qu'un accord aurait été passé entre les parties, le courrier du SMICTOM du 17 juin 2019 constituant uniquement une proposition, laquelle présente des risques, ce qui a été signifié par un courrier rédigé par eux le 25 juin 2019 et adressé au SMICTOM ; que le courrier du 17 juin 2019 constitue une dénaturation de la volonté de toutes les parties et le tribunal en se fondant sur ce prétendu accord s'est trompé en fait et en droit ;

-qu'il est encore erroné d'affirmer qu'il existerait du fait de la présence desdites poubelles des nuisances olfactives alors que, d'une part, le courrier du SMICTOM du 6 mai 2021 confirme qu'aucune plainte ne leur a été adressée pour des nuisances olfactives et, d'autre part, que l'ancienne propriétaire de la maison aujourd'hui occupée par Mme [W] [H] atteste qu'il n'existait aucune nuisance olfactive du fait de la présence des bacs à poubelles dans l'angle de la haie clôturant sa propriété ; qu'au surplus, le tribunal a uniquement retenu que le trouble était « tout à fait plausible » et donc non avéré ;

-que le tribunal judiciaire de Nîmes a ainsi commis une seconde erreur consistant à déduire de l'existence d'un trouble anormal de voisinage, non démontré et non caractérisé, un trouble manifestement illicite ;

-que le courrier adressé par le SMICTOM à la demande du juge des référés précise bien que la proposition faite par Mme [W] [H] (déplacement des bacs à poubelles à 15 m de sa maison) « entraînerait pour la commune la création sur la voie publique d'une aire de présentation des bacs en béton avec garde corps pour garantir l'horizontalité, cette portion de voirie étant en pente. Cette aire compliquerait notoirement la tâche de la collecte ... » ; que le tribunal a déduit de ce courrier qu'il convenait alors d'ordonner la remise en état tel que prévu à la lettre du 17 juin 2020, et donc de présenter leurs bacs à poubelles sur le trottoir entre les maisons n° 5 et 7 ; que cependant cette injonction est impossible techniquement et dangereuse ;

-que la demande en condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire est fondée tenant l'extrême mauvaise foi de Mme [W] [H] et le préjudice moral en résultant pour eux du fait de s'être trouvés attraits dans une procédure judiciaire pour une problématique de voisinage créée « de toutes pièces » par Mme [H].

Mme [W] [H], en sa qualité d'intimée, par conclusions en date du 28 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 544 du code civil et 835 du code de procédure civile, de :

-in limine litis, rejeter l'exception d'incompétence soulevée par les appelants et dire et juger que la juridiction judiciaire est pleinement compétente pour statuer sur le litige de droit privé,

-au fond, confirmer les ordonnances entreprises en toutes leurs dispositions et débouter les appelants de toutes leurs demandes indemnitaires, fins et prétentions dirigées à son encontre,

-et y ajoutant, condamner les consorts [J], [L] et [O] [O] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais engagés pour les constats du huissier de justice des 12 juillet et 22 novembre 2019 et le remboursement de l'avance de 250 € pour l'avis SMICTOM.

Mme [W] [H] expose :

-que l'exception d'incompétence soulevée par les appelants est infondée, la cour ne pouvant que constater que le juge des référés n'a pris aucune mesure de police administrative relevant de la réglementation du domaine public de la commune de [Localité 8] ou allant à l'encontre de la réglementation applicable ; que bien au contraire les ordonnances entreprises sont en parfaite cohérence avec la réglementation en vigueur sur la commune, édictée par l'arrêté du maire n°PA/2015/143 et avec les consignes générales du SMICTOM ; que dès lors qu'aucun arrêté municipal n'autorise les appelants à entreposer leurs bacs à ordures ménagères contre sa clôture, à moins de 3 mètres de ses ouvertures, le juge des référés ne s'est aucunement substitué au maire de la commune et n'a absolument pas outrepassé sa compétence ; qu'en l'état du trouble anormal de voisinage qui lui est occasionné et qui caractérise un trouble manifestement illicite, le juge des référé est compétent pour y mettre un terme ; que l'espace disponible est vaste et permet aisément de respecter tant les dispositions réglementaires en vigueur que les ordonnances déférées ; que précisément parce qu'il n'existe aucun arrêté prescrivant aux résidents de cette voirie de déposer et d'accoler leurs bacs devant sa parcelle, elle serait bien en peine d'élever une contestation, à savoir de déposer un recours en annulation, devant le tribunal administratif contre une décision administrative qui n'existe pas ; que le fait que le SMICTOM se soit déplacé en juin 2019 pour essayer de concilier les parties et trouver une solution moins préjudiciable est une démonstration supplémentaire de ce qu'un accord de droit privé pouvait intervenir entre les riverains et qu'à défaut une décision judiciaire pouvait être prise pour faire cesser le trouble ; que le comportement des appelants qui s'évertuent à lui nuire justifie, en conséquence, la saisine du juge judiciaire, lui seul compétent à statuer sur une question de droit privé ;

-sur le fond, il est établi qu'elle n'a pas à supporter les odeurs nauséabondes des poubelles entreposées devant l'ouverture de sa cuisine à une distance comprise entre 2,50 m 3,50 m, ni tout bonnement un amas de déchets devant sa propriété, lui causant un trouble de voisinage manifestement anormal ;

-que le SMICTOM, prenant en considération les nuisances anormales, avait demandé aux riverains de déplacer leurs bacs à ordures ménagères pour les déposer entre les maisons 5 et 7 ; que tous les appelants ont reçu le courrier du 17 juin 2019 du SMICTOM ; que cependant dans le seul but de lui nuire, ils ont continué d'entreposer leurs bacs à ordures contre sa clôture et ont dénoncé l'accord passé par un courrier du 25 juin 2019 ;

-qu'il existe des alternatives possibles pour mettre un terme au trouble qui lui est causé ; qu'ainsi il a été proposé aux appelants de déplacer les containers à 15 m de sa propriété, soit de l'autre côté de l'air de retournement, à l'abri du vent et sans aucune gêne pour les riverains ; que l'avis du SMICTOM dans son courrier du 6 mai 2021, selon lequel le déplacement des containers à cet endroit obligerait la création d'une aire de présentation en béton avec garde corps compte-tenu du fait que cette portion de voirie est en pente, est surprenant dès lors que toute l'aire de retournement est pentue et qu'il n'est pas expliqué pour quelles raisons une aire de présentation devrait être créée à cet endroit alors qu'aucune aire de présentation n'a été estimée nécessaire devant son domicile ; qu'également ce courrier fait état de « manutentions non prévues par le règlement de collecte » qui devraient être réalisées sans davantage de précision ; que cet avis est carencé et ne peut caractériser un obstacle au déplacement des containers à ordures ménagères ; qu'en tout état de cause à défaut de meilleur accord l'arrêté du maire n°PA/2015/143, lequel dispose que les « sacs et/ou bacs doivent être entreposés devant l'habitation ou à l'extrémité de la voie les desservant, si celle-ci n'est pas accessible au véhicule de ramassage », doit s'appliquer.

La clôture de la procédure est intervenue le 28 mars 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 04 avril 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 23 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exception d'incompétence :

L'alinéa 1 de l'article 81 du code de procédure civile dispose que lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.

Aux termes de l'article L2331-1 1° du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires.

Les appelants excipent d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative soutenant que la mesure querellée est relative à l'occupation du domaine public communal échappant à la compétence du juge judiciaire.

Cependant, les demandes de Mme [W] [H] ont pour objet non pas de voir déterminer par le juge des référés l'emplacement des bacs à ordures de ses voisins, sur la voie publique, mais de faire cesser le trouble qu'elle prétend subir du fait du dépôt de ces bacs à ordures devant sa propriété. Il n'est, également, pas demandé au juge judiciaire de modifier ou de contrevenir à une décision administrative.

L'arrêté pris par le maire de la commune de [Localité 8] du 5 août 2015 n°PA/2015/143 portant réglementation sur le dépôt des ordures ménagères en attente du service de collecte dispose que « les sacs et/ou les bacs doivent être disposés devant l'habitation ou à l'extrémité de la voie la desservant, si celle-ci n'est pas accessible aux véhicules de ramassage », demeure respecté quelle que soit la décision du juge des référés et Mme [W] [H] ne sollicite pas, par son action, devant le juge judiciaire de modification de cet arrêté. L'emplacement contesté des bacs à ordures résulte, en effet, d'un usage et non d'une application stricte de cet arrêté.

Comme justement relevé par l'intimée, il lui est impossible de saisir le juge administratif pour contester l'emplacement litigieux des bacs à ordures des appelants, dès lors qu'il n'existe aucune décision administrative définissant précisément cet emplacement. Au surplus, même si le juge des référés est amené à s'interroger sur les autres emplacements possibles pour ces bacs à ordures, la demande n'est pas de définir précisément l'emplacement à choisir sur la voie publique, mais de mettre fin au trouble que Mme [W] [H] prétend subir en interdisant à ses voisins de positionner leurs bacs à ordures devant son domicile.

Il en résulte que le juge judiciaire saisi en référé aux fins de mettre fin à un trouble qualifié de manifestement illicite est compétent pour statuer sur la demande de Mme [W] [H] et qu'il convient de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par les consorts [J], [L] et [O] [O].

Sur le fond :

Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article 835 du code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés de prescrire, même en présence d'une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Afin de caractériser le trouble manifestement illicite dont elle s'estime victime, l'intimée se plaint de nuisances olfactives et de la prolifération d'insectes, qu'elle qualifie de troubles anormaux de voisinage, résultant du regroupement des bacs à ordures des consorts [J], [L], [A] et [O] le long de la haie située devant sa propriété et à une distance de 2,5 à 3,5 mètres de la fenêtre de sa cuisine.

Le juge apprécie souverainement l'anormalité des troubles invoqués, laquelle dépend du type de nuisances, des circonstances de temps et de lieu, de la nature de l'environnement, de la situation des propriétés, le tout apprécié in concreto, en caractérisant le dépassement du seuil de tolérance.

Il convient de souligner que l'emplacement des propriétés des consorts [J], [L], [A] et [O] [O] empêchent le dépôt de leurs bacs à ordures devant leur propriété, celles-ci étant inaccessibles pour les véhicules de ramassage. Il est acquis que depuis plusieurs années ces derniers déposent la veille des jours de collecte leurs bacs à déchets le long de la haie située devant la propriété de Mme [W] [H], emplacement accessible pour les véhicules de ramassage.

La propriété de Mme [W] [H] se trouve, en effet, devant une aire de retournement et celle-ci soutient qu'il y a possibilité d'entreposer ces bacs à ordures sur cette aire de retournement, mais à un autre endroit que le long de sa propriété.

De prime abord, il convient de préciser qu'il n'appartient pas au juge des référés de déterminer l'endroit où ces bacs à ordures doivent être entreposés sur la voie publique, mais uniquement de dire si l'emplacement contesté génère un trouble anormal de voisinage pour l'intimée et donc un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

Au soutien de sa demande, Mme [W] [H] verse au dossier deux procès-verbaux de constat réalisés par huissier de justice les 12 juillet et 22 novembre 2019 démontrant que 11 ou 12 bacs à ordures appartenant aux consorts [J], [L], [A] et [O] [O] sont effectivement entreposés le long de la haie qui longe sa propriété à une distance de 2,5 à 3,5 mètre de la fenêtre de sa cuisine.

Les appelants, quant à eux, versent plusieurs attestations venant démontrer que les bacs à déchets sont entreposés, les jours de collecte, à l'endroit contesté depuis plusieurs années. Ils versent également au dossier l'attestation de Mme [K] [Z], ancienne propriétaire de l'immeuble appartenant désormais à Mme [W] [H], laquelle indique qu'elle ne subissait aucune nuisance, notamment olfactive, résultat du regroupement des bacs à déchets devant la haie clôturant sa propriété sur l'air de retournement.

Il n'est pas contesté que ces bacs à ordure ne sont pas positionnés en permanence devant la propriété de Mme [W] [H], mais uniquement la veille des jours de collecte, soit une fois par semaine, et retirés par les usagers après le ramassage des ordures.

Le premier juge a considéré que les « allégations de nuisance olfactive occasionnée par les 11 12 bacs à ordures, tous au même endroit, et toujours plein compte tenu d'un seul passage hebdomadaire du SMICTOM, sont tout à fait plausibles et non purement imaginaires, notamment en période chaude ». Or, comme stipulé par l'article 9 du code de procédure civile susvisée, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et il n'appartient pas au juge des référés de considérer que le trouble invoqué est « plausible ». Mme [W] [H] ne verse au dossier aucune pièce venant démontrer que le regroupement des bacs à ordures, la veille du ramassage, devant sa propriété, génère des nuisances olfactives et entraîne la prolifération d'insectes en période estivale rendant, comme soutenue, son jardin impropre à sa destination.

S'il peut être entendu que le regroupement de ses bacs à ordures à cet endroit génère un trouble pour l'intimée, il n'est cependant pas démontré le caractère manifestement illicite de ce trouble, ni que ce trouble à une incidence majeure sur la jouissance du bien immobilier de Mme [W] [H] et qu'il constitue donc un trouble manifeste et anormal de voisinage.

S'agissant du courrier établi par le SMICTOM, le 17 juin 2019, c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il constituait un accord entre les parties « ainsi qu'un engagement moral méritant d'être appliqué de bonne foi et loyalement » et que la violation de cet accord constitué « à l'évidence et à lui seul un trouble anormal de voisinage ». En effet, rien à la lecture de ce courrier ne permet de considérer que les parties se sont entendues sur une solution pour remédier à leur désaccord. La mention « il a été convenu » est particulièrement imprécise et ne permet pas de savoir qui a participé à cette négociation. En outre, le courrier adressé quelques jours plus tard par les riverains de l'impasse des fauvettes au SMICTOM démontre bien qu'il n'y a pas eu véritablement de concertation et qu'en tout état de cause il ne peut s'agir d'un engagement qui s'impose aux appelants. Aucun trouble manifestement illicite ne peut, en conséquence, résulter du non-respect de la proposition faite par le SMICTOM.

Il en ressort que Mme [W] [H] est défaillante dans la démonstration d'un trouble manifestement illicite et doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes. La décision déférée sera, en conséquence, réformée en ce qu'elle a constaté l'existence d'un trouble anormal du voisinage ainsi qu'un trouble manifestement illicite et en ce qu'elle a interdit aux consorts [J], [L], [A] et [O] de stationner leurs bacs à poubelles devant la propriété de Mme [W] [H], sous astreinte.

Il n'y a, en revanche, pas lieu à ordonner, comme le réclament les appelants, que les bacs à déchets continuent d'être entreposés sur l'air de retournement le long de la parcelle appartenant à Mme [W] [H] sur la voie publique, le juge judiciaire n'étant pas compétent pour statuer de ce chef.

Sur la demande de condamnation à des dommages-intérêts :

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation de Mme [W] [H] à des dommages-intérêts.

Les appelants sollicitent la condamnation de Mme [W] [H] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Toutefois, le seul fait pour l'intimée, partie demanderesse en première instance, d'être déboutée de ses demandes ne suffit pas à qualifier la procédure engagée d'abusive. En l'absence d'autres éléments venant caractériser le caractère abusif de la procédure, et dès lors que les appelants ne justifient pas d'un préjudice particulier, autre que la nécessité de se défendre, cette demande de dommages-intérêts ne peut donc aboutir.

La décision entreprise sera, également, confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [W] [H] succombant dans l'intégralité de ses demandes sera condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de condamner Mme [W] [H] à payer aux consorts [J], [L], et [O], ensemble, une indemnité globale, de 2 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référés et en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel,

Rejette l'exception d'incompétence et dit le juge judiciaire compétent,

Infirme les ordonnances rendues les 7 avril 2021 et 7 juillet 2021 par le président du tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'elles ont :

-dit que constituent un trouble anormal de voisinage ainsi qu'un trouble manifestement illicite, le non-respect par les riverains de l'impasse des fauvettes, et notamment par les parties défenderesses, de l'accord intervenu le 14 juin 2019, tel que mentionné dans le courrier écrit du SMICTOM, ainsi que le positionnement de 11 ou 12 bacs à ordures devant le domicile de Mme [W] [H],

-dit que le juge des référés compétents pour prononcer une mesure de réparation,

-prendre acte de la mesure proposée par Mme [H],

-interdit à Mme [N] [J], M. [C] [L], Mme [V] [O] et M. [F] [A] ainsi qu'à tous occupants de leur chef, de stationner leurs bacs à poubelles devant la propriété n° 2,

-assorti cette interdiction d'une astreinte de 100 € par infraction dûment constatée,

-condamne solidairement Mme [N] [J], M. [C] [L], Mme [V] [O] et M. [F] [A] à payer à Mme [W] [H] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau du chef réformé,

Dit le trouble anormal de voisinage et le trouble manifestement illicite invoqués par Mme [W] [H] non établis,

Déboute Mme [W] [H] de l'ensemble de ses demandes,

Déboute Mme [W] [H] de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] [H] à payer à Mme [N] [J], M. [C] [L], Mme [V] [O] [O], ensemble, la somme globale de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne Mme [W] [H] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03055
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;21.03055 ?
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