La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°20/01773

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 19 mai 2022, 20/01773


ARRÊT N°



N° RG 20/01773 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HYEL



CG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

30 avril 2020

RG:18/01123



[I]



C/



[Z]

[A]

[H]









































Grosse délivrée

le

à Me CETINKAYA

SELARL ALEGRIA

















COUR D'APPEL

DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 19 MAI 2022







APPELANT :



Monsieur [R] [P] [C] [I]

né le 21 Janvier 1962 à [Localité 13] (08)

[Adresse 9]

[Localité 10]



Représenté par Me Simon MIRAVETE de la SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET, Plaidant, avocat au barreau de REIMS

Représenté par Me Fatos CETINKAYA, Postulan...

ARRÊT N°

N° RG 20/01773 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HYEL

CG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

30 avril 2020

RG:18/01123

[I]

C/

[Z]

[A]

[H]

Grosse délivrée

le

à Me CETINKAYA

SELARL ALEGRIA

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [R] [P] [C] [I]

né le 21 Janvier 1962 à [Localité 13] (08)

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représenté par Me Simon MIRAVETE de la SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET, Plaidant, avocat au barreau de REIMS

Représenté par Me Fatos CETINKAYA, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉS :

Madame [N] [Z]

née le 20 Mars 1944 à [Localité 10] (84)

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Hervé DE LEPINAU de la SELARL ALEGRIA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Monsieur [V] [A]

né le 15 Novembre 1947 à [Localité 10] (84)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté par Me Hervé DE LEPINAU de la SELARL ALEGRIA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Madame [K] [H] épouse [A]

née le 24 Avril 1952 à [Localité 14] (79)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Hervé DE LEPINAU de la SELARL ALEGRIA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Mme Céline Delcourt, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 08 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre et par Mme Céline Delcourt, greffière, le 19 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé du litige

Selon acte authentique reçu le 30 avril 2010, M. [I] a acquis de Mme [Z] un tènement immobilier sis à [Adresse 12].

L'acte authentique mentionne en page 6 que Mme [Z] lui consent un pacte de préférence portant sur les parcelles voisines cadastrées AN [Cadastre 5],[Cadastre 4], [Cadastre 3], [Cadastre 6] , [Cadastre 7] et [Cadastre 2]

Le 18 décembre 2012, après que M. [I] a renoncé expressément à exercer son pacte de préférence, Mme [Z] a signé un compromis de vente avec Mme [T], compagne de M. [I].

Mme [T] ayant exercé sa faculté de rétractation, la vente n'a pas été régularisée.

Le 12 décembre 2013 , Mme [Z] a cédé les parcelles litigieuses aux époux [A] . Préalablement et dans un document manuscrit en date du 31 juillet 2013, M. [I] renonçait une nouvelle fois à exercer son pacte de préférence , document annexé par le notaire au compromis du même jour.

Par acte du 15 novembre 2013, M. [I] a fait assigner Mme [Z] aux fins de se substituer aux acquéreurs.

Le 2 juin 2015, le tribunal de grande instance de Carpentras a débouté M. [I] de ses demandes

Le 2 mars 2017, la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de substitution, en l'absence de mise en cause de l'acquéreur

Par acte du 21 août 2018, M. [I] a fait citer Mme [Z] et les acquéreurs -les époux [A]-aux fins de se voir substituer aux époux [A] dans la vente des parcelles objets du pacte de préférence .

Par jugement rendu le 30 avril 2020, le tribunal judiciaire de Carpentras a :

- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes

- condamné M. [I] à payer à chacun des trois défendeurs la somme de 750 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens .

Par déclaration enregistrée le 21 juillet 2020, M. [I] a interjeté appel .

Suivant conclusions notifiées le 31 janvier 2021, M. [I] demande à la cour

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions

- d'annuler la vente par Mme [Z] des parcelles objets du pacte

- de condamner in solidum les intimés à lui payer la somme de 489.656,12 € à titre de dommages et intérêts pour perte financière

- subsidiairement de condamner M. [A] seul à lui payer cette somme , outre 20.000€ de dommages et intérêts

- de débouter les intimés de leurs demandes

- de condamner M. [A] et Mme [Z] à lui payer 2.000€ au titre des frais irrépétibles

L'appelant soutient avoir été trompé par Mme [Z] et M. [A] sur les conditions de la vente projetée (notamment le prix), pour l'amener à renoncer à son pacte de préférence .

Il estime qu'il ne peut lui être opposée sa première renonciation au pacte de préférence dans la mesure où la rétractation de l'acquéreur a entrainé l'anéantissement de sa renonciation. S'agissant de la seconde renonciation, il prétend que son consentement a été vicié par les manoeuvres conjuguées des consorts [Z]/[A]. Il fait valoir que Mme [Z] ne peut justifier avoir porté à sa connaissance les modalités de vente, de sorte qu'elle n'a pas satisfait à ses obligations mentionnées dans le pacte de préférence , ce qui caractérise sa faute.

Il affirme avoir subi un préjudice résultant de la perte de chance de réaliser le projet immobilier de sa vie (construction d'une structure hôtelière touristique en éco- habitat structure bois). Il évalue sa perte financière au montant de la plus-value réalisée par M. [A] lors de la revente des parcelles .

Suivant conclusions notifiées le 20 janvier 2021, M. [V] [A], Mme [K] [H] épouse [A] et Mme [N] [Z] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre de l'article 32 -1du code de procédure civile

- débouter M. [I] de ses demandes

- le condamner à leur payer la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts , par application des dispositions de l'article 32-1du code de procédure civile

- subsidiairement, de prévoir que la substitution comportera outre le réglement des sommes revenant à Mme [Z] (capital de 40.000€ et rente mensuelle de 600 €) l'indemnisation des constructions édifiées par les époux [A], évaluées à dire d'expert.

- le condamner à payer à chacun d'eux la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés soutiennent que M. [I] ne peut invoquer l'application des dispositions de l'article 1123 du code civil, dont l'entrée en vigueur est postérieure à la signature du pacte de préférence.

Ils prétendent que la substitution est possible sous la double condition que l'acquéreur :

- ait eu connaissance de l'existence d'un pacte de préférence

- ait connu l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.

Ils font observer qu'en l'espèce, M. [I] a expressément renoncé à deux reprises par écrit au bénéfice du pacte, de sorte que les conditions pour obtenir une substitution ne sont pas réunies.

La clôture de la procédure a été fixée au 17 février 2022.

Motifs de la décision

Il convient de rappeler que conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur la validité de la renonciation de M. [I] à son droit de préférence

Le 30 avril 2010, Mme [N] [Z] a consenti à M. [R] [I] un pacte de préférence, mentionné en pages 6 à 9 et ainsi rédigé:

pacte de préférence

Le vendeur déclare prendre l'engagement à compter de ce jour et inclusivement et ce pour une durée de trente années dans le cas où il se déciderait à vendre l'immeuble ci-après désigné, même par fractions de gré à gré ou aux enchères publiques qu'il ait ou non reçu des offres de tiers, de faire connaitre à l'acquéreur le prix demandé ou offert ainsi que les modalités de paiement et toutes autres conditions auxquelles il sera disposé à traiter.

A ces prix, modalités de paiement et conditions, il s'engage à donner la préférence à tout autre amateur, à l'acquéreur, qui en conséquence, aura le droit d'exiger que l'immeuble ou la fraction d'immeuble dont s'agit lui soit vendu pour ces mêmes prix, modalités de paiement et de conditions ...

Le 18 décembre 2012, M. [I] a renoncé expressément à exercer son pacte de préférence, au vu du projet de vente de Mme [Z] avec Mme [T], compagne de M. [I]. Mme [T] ayant exercé sa faculté de rétractation, la vente n'a pas été régularisée.

Dans le cas où la vente n'intervient pas aux conditions notifiées, il est prévu en page 9 que le vendeur devra purger à nouveau le pacte de préférence.

Il s'en déduit qu'après l'échec du projet de vente au bénéfice de Mme [T], M. [I] a conservé son droit de préférence d'une validité de trente ans et que Mme [Z] se devait de notifier à M. [I] le nouveau projet de vente aux époux [A], selon les modalités définies en page 8 de l'acte.

L'acte stipule en page 8 au paragraphe 'Modalités d'exercice du droit de préférence ' que

dans l'hypothèse où le vendeur se déciderait à vendre l'immeuble ci-dessus désigné, en totalité ou par fractions, il notifiera à l'acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception adressée à son domicile , le prix, les modalités de paiement et les conditions auxquelles il est disposé à traiter.

A compter de la date de l'avis de réception, l'acquéreur disposera alors d'un délai franc de un mois pour faire connaitre également par lettre recommandée avec avis de réception adressée au domicile du vendeur son intention de faire usage de son droit de préférence .

Or, la remise en mains propres à M. [I], par les époux [A] d'un exemplaire du projet de vente, qui aurait été effectuée le 23 juillet 2013, ainsi qu'en atteste dans le procès-verbal établi le 4 septembre 2018 Mme [T] , se présentant comme l'ancienne compagne de M. [I], ne satisfait pas aux exigences contractuelles prévoyant une remise par lettre recommandée émise par le vendeur (et non par le nouveau candidat acquéreur) , suivie d'un délai d'un mois pour apporter une réponse par lettre recommandée . En l'espèce, la renonciation par M. [I] à son droit de préférence en date du 31 juillet 2013 , a été faite par lettre simple.

Par voie de conséquence, cette renonciation n'est pas régulière .

Sur la sanction de la violation du droit de préférence de M. [I]

Il importe de relever que dans le dispositif de ses conclusions fixant le périmètre de saisine de la cour, M. [I] ne sollicite pas de se voir substitué aux époux [A] dans l'acquisition des terrains litigieux mais réclame l'annulation de la vente ainsi que des dommages et intérêts

- sur l'annulation

Il apparait que M. [A] a cédé au moins partiellement les terrains litigieux .

M. [I] qui n'a pas mis en cause le nouveau propriétaire d'une partie des terrains objet du pacte de préférence, - M. [L]-, ne peut obtenir l'annulation de la vente entre Mme [Z] et les époux [A], auteur de M. [L] .

Il ne démontre pas par ailleurs que les époux [A] avaient connaissance de son intention de se prévaloir du pacte de préférence, qu'au demeurant il ne justifie pas avoir manifestée avant la signature de l'acte de cession .

Par voie de conséquence, il y a lieu de le débouter de sa demande d'annulation de la vente .

- sur les dommages et intérêts

sur le préjudice financier

M. [I] prétend qu'il aurait pu réaliser une opération immobilière de revente par lots des parcelles , génératrice de plus-value notables, à l'instar de celle faite par M. [A] . Il évoque également un projet d'éco-habitat.

Toutefois, il ne produit aucun élément établissant qu'il avait élaboré ces projets et disposait du financement pour le faire . Il n'établit donc pas la perte de chance d'un préjudice financier .

Sur le préjudice moral

L'attitude conjuguée d'une part de Mme [Z] qui a délégué aux acquéreurs le soin d'informer M. [I] du projet de vente, en contravention avec le protocole défini dans l'acte et d'autre part de celle de M. [A] qui s'est substitué illégitiment à la venderesse pour obtenir un acte de renonciation de M. [I] , sont constitutives d'une faute à l'origine d'un préjudice moral subi par M. [I] qu'une somme de 20.000€ sera de nature à compenser.

Il y a donc lieu de condamner in solidum Mme [Z] et M. [A] à payer à M. [I] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par M.[I] dont les droits issus du pacte de préférence ont été bafoués.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes et de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par M. [I] au titre de son préjudice moral.

Sur les demandes de mise en oeuvre de l'article 32-1 du code de procédure civile

La cour ayant fait droit partiellement aux demandes de M. [I], les conditions d'application de l'article susvisé ne sont pas remplies.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [Z]/[A] de leur demande à ce titre.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera infirmé en ses dispositions concernant l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.

Mme [Z] et les époux [A] seront condamnés à verser à M. [I] la somme globale de 2.000€ au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel ainsi qu'aux dépens de l'instance (première instance et appel).

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Z] et les époux [A] de leur demande sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et l'infirme pour le surplus

Statuant des chefs infirmés dans la limite de sa saisine et y ajoutant

Condamne in solidum Mme [N] [Z], M. [V] [A] et Mme [K] [H] épouse [A] à payer à M. [R] [I] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

Déboute M. [R] [I] de son surplus de demandes de dommages et intérêts

Déboute Mme [N] [Z], M. [V] [A] et Mme [K] [H] épouse [A] de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum Mme [N] [Z], M. [V] [A] et Mme [K] [H] épouse [A] à payer à M. [R] [I] la somme globale de 2.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum Mme [N] [Z], M. [V] [A] et Mme [K] [H] épouse [A] aux dépens de l'instance (1ère instance et appel)

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

la greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/01773
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.01773 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award