ARRÊT N°
N° RG 21/02561 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IDID
Magistrat Rédacteur :
CD
JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NIMES Cab 1
02 juin 2021
RG:20/01952
[C]
C/
[Z]
ATG
Grosse délivrée
le 18/05/2022 à :
Me Lobier Tupin
Me Galtier
Me Mattler
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
3ème chambre famille
ARRÊT DU 18 MAI 2022
APPELANT :
Monsieur [A] [C]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 9] (MAROC)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Béatrice LOBIER TUPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Madame [I] [Z], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille [H] [C]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean Philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ASSOCIATION TUTÉLAIRE DE GESTION
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, es qualité d'administrateur ad' hoc de la mineure [H] [C].
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Laure MATTLER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/008081 du 15/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre,
Madame Catherine DOUSTALY, Conseillère,
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffière,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
hors la présence du public le 23 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 mai 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre, le 18 mai 2022,
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [A] [C] et Mme [I] [Z] ont eu ensemble une enfant, [H], née le [Date naissance 5] 2008, reconnue par M. [C] le 26 juin 2008.
Par acte d'huissier du 9 avril 2018, M. [C] a assigné Mme [Z] devant le tribunal de grande instance de NÎMES, en présence du Procureur de la république, afin de voir ordonner une mesure d'expertise pour déterminer s'il est le père biologique de [H].
Par jugement du 2 juin 2021, intervenu après radiation de l'affaire pour défaut de diligences des parties, puis mise en cause de l'Association Tutélaire de Gestion du Gard en qualité d'administrateur ad'hoc de la mineure [H] [C], le tribunal a :
- dit que l'action en contestation de paternité diligentée par M. [A] [C] n'est pas recevable,
- condamné M. [C] au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné M. [C] aux dépens.
M. [C] a relevé appel de ce jugement, selon déclaration d'appel du 1er juillet 2021. L'appel porte sur toutes les dispositions expressément énumérées du jugement.
Par conclusions du 24 février 2022 M. [C] demande à la cour, réformant le jugement et statuant à nouveau, de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- rejeter l'ensemble des fins et prétentions de Mme [Z] et de l'association tutélaire de gestion,
- faire droit aux demandes de M. [C],
- ordonner une mesure d'expertise médicale, à savoir une analyse de sang ou un examen de l'ADN et désigner un expert judiciaire avec pour mission de (...)
- condamner Mme [Z] au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'appelant soutient :
- que de nombreuses attestations établissent que Mme [Z] déclarait régulièrement que la petite [H] n'est pas sa fille.
- que lui-même avait exprimé ses doutes rapidement, nés des propres déclarations de Mme [Z], ainsi que cela résulte de la plainte qu'il a déposée le 3 septembre 2009 pour non-représentation d'enfant,
- qu'il n'y a jamais eu le comportement d'un père avec l'enfant qui ne lui ressemble pas et qu'il n'a plus revu depuis la séparation en 2014,
- que s'il a proposé de verser une contribution, c'est qu'il s'y croyait obligé par sa reconnaissance de l'enfant à sa naissance.
- que la possession d'état n'est donc pas conforme au titre,
- que dès lors c'est la prescription de dix ans prévue à l'article 334 du code civil qui s'applique, soit un délai expirant au 24 juin 2018 alors que l'action a été engagée le 9 avril 2018 ;
- que le test ADN qu'il a fait dès 2015 lui a confirmé qu'il ne pouvait pas être le père.
Par conclusions du 22 décembre 2021, Mme [Z] demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 333 du code civil,
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris,
- déclarer l'action de M. [C] prescrite,
A titre subsidiaire,
- débouter M. [C] de l'ensemble de ses prétentions,
- le condamner au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient :
- qu'en raison de violences de M. [C], elle a dû quitter le domicile familial avec ses deux filles le 16 juillet 2015, et ce après une communauté de vie de 13 années au cours de laquelle est née [H],
- que M. [C] s'est mis à contester sa paternité en rétorsion à une procédure qu'elle a initiée le 28 juillet 2015 afin d'obtenir la fixation des mesures relatives à l'enfant,
- que dans un premier temps, M. [C] n'a pas contesté sa paternité, sollicitant au contraire un droit de visite et d'hébergement, un accord ayant été trouvé à ce titre,
- que M. [C] a ensuite introduit une requête afin de diminution de sa contribution, sans invoquer de prétendus doutes,
- que les attestations qu'il produit émanent de ses parents ou de personnes qu'elle ne connaît pas, et ne portent aucunement sur l'évidente possession d'état,
- que les attestations qu'elle-même verse aux débats, apporte la preuve que M. [C] s'occupait de l'enfant en père aimant et soucieux de sa fille, et qu'il en était de même de la famille paternelle.
L'ATG, agissant en qualité d'administrateur ad'hoc de la mineure [H] [C] née le [Date naissance 5] 2008, en vertu d'une ordonnance du juge aux affaires familiales de Nîmes du 3 décembre 2019, demande à la cour de :
Au principal,
- constater l'irrecevabilité de l'action de M. [C],
- condamner M. [C] aux dépens de première instance et d'appel,
A titre très subsidiaire, pour l'hypothèse où la cour, avant dire droit, ferait droit à la demande d'expertise biologique de M. [C], dire et juger qu'elle devrait être réalisée aux frais avancés de l'appelant et porter sur la comparaison de l'ADN de ce dernier avec celui de [H] [C],
- réserver dans ce cas les dépens de l'instance.
L'association soutient :
- qu'en vertu de l'article 33 du code civil, nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance ou la reconnaissance si elle a été faite ultérieurement.
- que M. [C] et Mme [Z] ont partagé leur vie dès avant la naissance et au moins jusqu'au 24 juin 2013 puisqu'ils se sont séparés après cette date,
- que les attestations produites ne font pas état du contexte de vie de l'enfant ni de la date des déclarations alléguées,
- que M. [C] s'est très longtemps présenté comme le père de l'enfant qu'il a élevée et éduquée comme sa fille pendant au moins 6 ans,
- postérieurement à la séparation, il a revendiqué un droit de visite et d'hébergement et offert de régler une contribution pour l'entretien et l'éducation de l'enfant,
- que pendant 8 ans l'enfant, qui porte le nom de M. [C], était reconnue comme sa fille dans la famille maternelle comme dans la famille paternelle et dans la société,
- que l'anéantissement de sa filiation risquerait de la déstabiliser complètement l'enfant et serait contraire à son intérêt supérieur que le juge doit considérer prioritairement en application de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.
Le ministère public a sollicité la confirmation du jugement selon avis du 8 février 2022.
L'ordonnance de clôture est en date du 12 janvier 2022, à effet au 2 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 332 du code civil, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.
Selon l'article 333 du code civil, lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir, l'enfant, l'un de ses père et mère, ou celui qui se prétend le parent véritable.
L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.
Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.
Il est rappelé que dans le droit français de la filiation, tel que réformé par l'ordonnance du 4 juillet 2005, la possession d'état demeure un mode d'établissement de la filiation de tous les enfants (art. 310-1 du code civil), à condition qu'elle soit constituée, caractérisée et prouvée, et que, par leur concours, le titre et la possession d'état de l'enfant ont des conséquences déterminantes sur le régime de l'action en contestation d'un lien de filiation maternelle ou paternelle, qu'il s'agisse d'un enfant né dans le mariage ou d'un enfant né hors mariage.
En l'espèce :
M. [C] et Mme [Z] ont vécu ensemble à partir de l'année 2004 et se sont séparés en 2014. L'enfant [H] est née le [Date naissance 5] 2008, et a été reconnue par M. [C] le 26 juin 2008. L'enfant est ainsi déclarée à l'état civil sous le nom de [H] [C].
Elle porte depuis sa naissance et est scolarisée sous le nom de M. [C] qu'elle considère comme son père.
Plusieurs personnes (Mme [V], Mme [G], M. [O], Mme [P], Mme [D]) déclarent que M. [C] s'est pendant le temps de sa vie commune avec Mme [Z] occupé de [H] comme un père aimant et attentionné ; qu'il se comportait en père de famille. M. [O] déclare également que les parents de M. [C], rencontrés à l'occasion d'un anniversaire, se comportaient comme les grands-parents paternels de [H].
Après la séparation du couple, Mme [Z] et M. [C] ont trouvé un accord enregistré par jugement du 17 juin 2016, au titre des mesures relatives à l'enfant, notamment du droit de visite et d'hébergement du père et de sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
M. [C] conteste s'être comporté comme un père pour l'enfant pendant la durée de la vie commune avec Mme [Z], au motif que celle-ci aurait remis en cause publiquement sa paternité. Il produit une attestation de sa mère qui indique qu'elle 'croyait [H] sa petite fille' mais que Mme [Z] lui ' a toujours envoyé des signes que [H] n'est pas la fille de son fils' qu'en effet, elle ne pouvait pas garder l'enfant 'comme toutes les grands-mères du monde', et que Mme [Z] ' (les) a obligés à se déconnecter du lien qui (les) unissait avec [H]'.
Il produit d'autre part des attestations de personnes, déclarant, par des formules stéréotypées, que la mère de l'enfant aurait déclaré ' à tout le monde' 'plusieurs fois' que M. [C] n'est pas le père de l'enfant. D'autres attestations, sont également rédigées en des termes généraux'M. [C] n'a jamais eu l'occasion de s'occuper de la petite présumée' et pourraient d'ailleurs concerner la période postérieure à la séparation d'avec Mme [Z].
Ces attestations ne contredisent pas le fait que depuis la naissance de l'enfant, qu'il a aussitôt reconnue, et jusqu'à la séparation des parents, soit pendant plus de cinq ans, M. [C] s'est comporté comme un véritable père pour [H].
C'est à bon droit que le premier juge a dit que l'action en contestation de M. [C] est en conséquence irrecevable.
Le jugement est en conséquence confirmé, sans qu'il apparaisse équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant, publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Comdamne Monsieur [A] [C] aux dépens.
Arrêt signé par M. BEAUCLAIR, Président de Chambre et par Mme VILLALBA, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,