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12/05/2022 | FRANCE | N°21/03366

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 12 mai 2022, 21/03366


ARRÊT N°



2ème chambre section A



N° RG 21/03366 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFQ2



MAM



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DRAGUIGNAN

30 août 2017

RG:15/05621

S/RENVOI CASSATION



[Y]

[Adresse 12]



C/



[G]

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE















Grosse délivrée le :



à SCP Leonard Vezian

Me Stoppa Boccaleoni

SCP RD














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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT DU 12 MAI 2022







DEMANDEURS :



Monsieur [J] [Z] [N] [Y] Représenté par son tuteur Mme [R] [E] [K], née le 13 avril 1968 au Cannet, de nationalité française, demeurant [Adresse 4], ...

ARRÊT N°

2ème chambre section A

N° RG 21/03366 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IFQ2

MAM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DRAGUIGNAN

30 août 2017

RG:15/05621

S/RENVOI CASSATION

[Y]

[Adresse 12]

C/

[G]

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE

Grosse délivrée le :

à SCP Leonard Vezian

Me Stoppa Boccaleoni

SCP RD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 12 MAI 2022

DEMANDEURS :

Monsieur [J] [Z] [N] [Y] Représenté par son tuteur Mme [R] [E] [K], née le 13 avril 1968 au Cannet, de nationalité française, demeurant [Adresse 4], Suivant Jugement d'aggravation de curatelle en tutelle rendu par le Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN le 07 septembre 2018 (RG 16/00200-1).

né le 01 Novembre 1942 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Yves BOYER de la SELAS YVES BOYER/ ANNICK BASSOT BOYER MAX VAGUE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [R] [E] [K] ès qualités de tutrice pour avoir été désignée avec les pouvoirs nécessaires aux présentes suivant jugement d'aggravation de curatelle en tutelle rendu par le Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN le 07 septembre 2018

née le 13 Avril 1968 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Yves BOYER de la SELAS YVES BOYER/ ANNICK BASSOT BOYER MAX VAGUE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS :

Madame [V] [G]

née le 22 Août 1957 à ELVA (ITALIE)

domiciliée [Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Suzanne STOPPA BOCCALEONI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° 332 377 597, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Serge PAULUS de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

Avis de fixation de l'affaire à bref délai suite à renvoi après cassation (art.1037-1 et s. du CPC)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 01 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 mai 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 12 mai 2022, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [Y], qui avait souscrit auprès de la société Assurances du crédit mutuel (la société ACM) avant son mariage, le 7 mars 1998, avec Mme [V] [G], cinq bons de capitalisation au porteur Hérédial Croissance 8, a, le 28 avril 2015, déclaré la perte de ces titres. Puis, ayant été avisé le 17 juin 2015 par la société ACM que ces titres avaient été présentés à l'encaissement par Mme [V] [G] les 29 mai et 4 juin 2015, avec laquelle il était en procédure de divorce depuis le 2 février 2015, il a fait assigner cette dernière devant le tribunal de grande instance de Draguignan par acte d'huissier du 6 juillet 2015, aux fins de la voir condamnée à les lui restituer, puis a appelé la société ACM en garantie.

Par jugement du 30 juin 2017, le tribunal de grande instance a :

- déclaré recevable l'action en revendication introduite par M. [J] [Y],

- rejeté l'ensemble des demandes de M. [Y],

- fait droit à la demande de Mme [V] [G] de rester en possession des titres au porteur visés,

- ordonné la mainlevée de l'opposition au paiement des bons de capitalisation au porteur visés faite par M. [J] [Y] le 28 avril 2015,

- rejeté la demande de dommages et intérêts faite par Mme [V] [G],

- condamne M. [J] [Y] à payer à Mme [G] la somme de 2500 € et à la société ACM celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] [Y] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Saisie de l'appel interjeté par M. [J] [Y] assisté de Mme [R] [Y] épouse [K], sa fille, désignée curatrice renforcée par jugement du 16 décembre 2016 du juge des tutelles de Draguignan, par arrêt du 2 juillet 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action en revendication formée par M. [J] [Y] contre Mme [V] [G] recevable et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts contre Mme [V] [G],

- confirmé également le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [J] [Y] à l'encontre de la SA ACM vie et en ce qu'il a débouté Mme [V] [G] de sa demande de dommages et intérêts contre M. [J] [Y],

- infirmé le jugement pour le surplus de ses dispositions et statuant à nouveau et y ajoutant,

- fait droit à la demande en revendication de M. [J] [Y] des bons de capitalisation au porteur émis par la SA ACM vie et portant les numéros 6B7112181 6B7112182 6B7112184 6Q22120512 6Q22120515 contre Mme [V] [G],

- condamné Mme [V] [G] à payer à M. [J] [Y] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ACM vie,

- condamne Mme [V] [G] aux entiers dépens.

Les titres ont été payés à M. [Y] par la société ACM vie le 20 décembre 2019 à hauteur de la somme de 157 167,54 €.

Le divorce du couple a été prononcé par jugement du 19 décembre 2019, auquel les ex-époux ont acquiescé.

Saisie du pourvoi formé par Mme [V] [G], par arrêt 7 juillet 2021, la première chambre de la Cour de cassation, après avoir donné acte à Mme [G] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société ACM vie, a cassé en toutes ses dispositions ledit arrêt, a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la présente cour, condamné M. [Y] aux dépens et à payer à Mme [G] la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 7 septembre 2021, M. [J] [Y], représenté par Mme [R] [K], sa tutrice, désignée par jugement du juge des tutelles de [Localité 10] du 7 septembre 2018 ont saisi la présente cour.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 février 2022, auxquelles il est expressément référé, M. [J] [Y] représenté par Mme [R] [Y] épouse [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action en revendication recevable,

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- juger bien fondée l'action en revendication,

en conséquence,

- dire qu'il a toujours été le propriétaire légitime des bons de capitalisation querellés,

- condamner Mme [V] [G] au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis, et de celle de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Si par extraordinaire la cour ordonnait la mainlevée de l'opposition au paiement des bons de capitalisation querellés,

- lui donner acte que les titres lui ayant été remboursés par la société ACM vie le 20 décembre 2019 pour la somme de 157 167,54 €, il ne saurait être condamné à l'exécution en nature dès lors qu'elle est impossible, mais seulement à l'exécution en valeur,

- ayant reçu d'ACM vie la somme de 157 167,54 € le montant de la condamnation en valeur devra être fixé à pareille somme,

- de plus fort, si la cour suivant l'argumentation de Mme [G] considérait l'action en revendication est irrecevable du fait des erreurs commises par ACM vie et condamnait M. [Y] au paiement de la somme de 157 167,54 €, dire que la société ACM vie est responsable du préjudice subi par M. [Y] et la condamner à le relever et garantir du montant de l'ensemble des condamnations prononcées au profit de Mme [G],

- condamner la société ACM vie au paiement de la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il soutient que:

- sur la recevabilité, les dispositions du code des assurances régissant la procédure d'opposition et revendication de titres au porteur ne sont assorties d'aucune sanction,

- l'application de l'article L 160-1 du code des assurances ne permet par à Mme [G] d'invoquer le bénéfice d'une possession non équivoque au sens de l'article 2276 du code civil,

- il lui appartient en conséquence de démontrer ses droits sur ces bons par don manuel ou vente, ce qu'elle ne fait pas,

- la société ACM qui ne peut soulever l'autorité de la chose jugée en l'état de la cassation totale, doit le relever et garantir en raison de la faute commise dans la procédure d'opposition.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 11 février 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [V] [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de M. [J] [Y], fait droit à sa demande de rester en possession des titres au porteur, ordonné la mainlevée de l'opposition des bons de capitalisation au porteur faite par M. [Y] le 28 avril 2015 et condamné M. [Y] au paiement de la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré recevable l'action en revendication introduite par M. [J] [Y], assisté de sa curatrice, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [G],

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'action en revendication de M. [Y] et le condamner, assisté de sa curatrice au paiement de la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- déclarer irrecevable, mal fondée et abusive l'action en revendication introduite par M. [Y] dès lors que les titres n'ont jamais été perdus et qu'il savait que Mme [G] était porteuse des cinq titres,

- dire et juger que cette action en revendication ne répond pas aux impératifs des articles L 160-1, R 160-4 et R 160-6 du code des assurances,

- faire droit à sa demande de rester en possession des titres en application de l'article 2276 du code civil,

- ordonner la mainlevée de l'opposition formée le 28 avril 2015 par M. [Y] sous astreinte de 150 € par jour de retard dans le délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. [Y] au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice qu'elle subit du fait de l'impossibilité d'encaisser les bons de capitalisation en sa possession,

- le condamner au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir que :

- l'action en revendication est irrecevable en raison du non respect des dispositions des articles L 160-1 et R 160-4 du code des assurances,

- les bons lui ont été remis bien avant la requête en divorce, M. [Y] avait fait part de cette volonté devant des tiers, dont elle produit les attestations,

- en possession des originaux de ces bons, elle bénéficie de la présomption de l'article 2276 du code civil,

- M. [Y] a fait une fausse déclaration de perte, cette utilisation déloyale de la procédure d'opposition justifie l'allocation de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 9 février 2022, auxquelles il est expressément référé, la SA ACM vie demande à la cour de:

A titre principal,

- juger que la cour d'appel d'Aix en Provence a rejeté l'intégralité des demandes formulées par M. [Y] et Mme [G], par arrêt du 2 juillet 2019,

- juger pas conséquent irrecevables les demandes formulées par M. [Y] et Mme [G], en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée audit arrêt,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la société ACM vie n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. [Y],

- rejeter la demande de condamnation d'ACM vie à verser à M. [Y] le montant des bons au porteur, soit 155 618,83 € correspondant à la valeur de ces bons au 31 août 2016, sauf à parfaire,

- rejeter la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Y] au paiement de la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

En application de l'article 1037 du code de procédure civile, le dossier a été fixé à bref délai à l'audience du 1er mars 2022, avec clôture de l'instruction de la procédure au 17 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action en revendication,

Selon l'article L 160-1 du code des assurances dans sa version applicable au litige, «'quiconque prétend avoir été dépossédé par perte, destruction ou vol d'un contrat ou police d'assurance sur la vie, ou d'un bon ou contrat de capitalisation ou d'épargne, lorsque le titre est à ordre ou au porteur, doit en faire la déclaration à l'entreprise d'assurance, de capitalisation ou d'épargne, à son siège social, par lettre recommandée avec avis de réception. L'entreprise destinataire en accuse réception à l'envoyeur, en la même forme, dans les huit jours au plus tard de la remise ; elle lui notifie en même temps qu'il doit, à titre conservatoire et tous droits des parties réservés, acquitter à leur échéance les primes ou cotisations prévues, dans le cas où le tiers porteur ne les acquitterait pas, afin de conserver au contrat frappé d'opposition son plein et entier effet.

La déclaration mentionnée à l'alinéa précédent emporte opposition au paiement du capital ainsi que de tous accessoires'».

L'article L. 160-2 ajoute que «si le contrat frappé d'opposition vient à être présenté à l'entreprise, elle s'en saisit et en demeure séquestre jusqu'à ce qu'il ait été statué par décision de justice sur la propriété du titre ou que l'opposition soit levée ».

En outre, « il est délivré récépissé du contrat saisi au tiers porteur s'il justifie de son identité et de son domicile. A défaut de cette justification, le contrat est restitué sans formalité à l'opposant ».

Les articles R. 160-4 à R. 160-6 précisent les détails de la procédure.

Ainsi, l'article R160-4, dans sa version applicable au litige, dispose que «'S'il se manifeste un tiers porteur du contrat frappé d'opposition, l'entreprise en avise l'opposant dans le mois, par lettre recommandée avec avis de réception ; elle doit également en aviser, dans la même forme, le souscripteur originel du contrat, s'il est autre que l'opposant.

Cet avis mentionne l'obligation d'introduire dans le mois une action en revendication, à peine de mainlevée de l'opposition'»;

Et l'article R160-5, dans sa version applicable au litige, «' Dans le mois qui suit la réception de la lettre prévue à l'article R. 160-4, l'opposant doit saisir de son action la juridiction compétente et notifier, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'entreprise, l'introduction de cette demande en spécifiant la date de l'assignation et le nom de l'huissier qui l'a délivrée.

Faute par l'opposant d'avoir introduit et notifié son action dans ledit délai, l'opposition est levée de plein droit et mention de cette mainlevée est faite sur le registre des oppositions.

Toutefois, si l'opposant justifie d'une cause légitime l'ayant empêché d'agir ou en cas de fraude, il peut exercer son recours contre le tiers porteur et toute personne responsable de la fraude'».

Il est établi par la pièce n°3 versée au dossier de M. [Y], complétée par les pièces 9 et 10 de la société ACM, parfaitement lisibles, que M. [Y] a formalisé son opposition portant sur les bons litigieux, adressée à la société ACM le 28 avril 2015 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, réceptionnée le 4 mai 2015.

Mme [G] fait valoir que la procédure rappelée ci-dessus n'a pas été respectée au motif d'abord que la société ACM ne justifie pas avoir accusé réception de cette opposition par lettre recommandée dans les huit jours, ainsi que l'exige l'article L 160-1 du code des assurances, le courrier simple par lequel elle en accuserait réception étant daté du 17 juin 2015.

La cour relève que ce courrier, dont l'envoi par lettre recommandée est établi par les pièces 8 et 11 d'ACM, ne constitue pas l'accusé de réception de l'opposition mais l'information de l'opposant de ce que les titres avaient été présentés au remboursement et lui donnant les informations exigées par les articles R 160-4 et 160-5, quant à la forme et délai pour introduire l'action en revendication.

Certes, il n'est pas justifié du courrier par lequel la société ACM a accusé réception de l'opposition, cependant, la date de sa réception est certaine, ainsi qu'en atteste le tampon «CIC services'» du 4 mai 2015 porté sur l'accusé de réception du courrier recommandé d'opposition posté le 28 avril 2015, le cachet de la poste en faisant foi, en outre, ainsi que relevé à bon escient par le premier juge, les textes ci-dessus n'assortissent cette irrégularité d'aucune sanction.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [G], il est établi qu'après avoir été informé par le courrier du 17 juin 2015, posté le 24 juin 2015, de ce que les bons avaient été présentés à l'encaissement, M. [Y] a engagé son action en revendication dans le délai d'un mois, soit le 6 juillet 2015 et a notifié l'introduction de cette action à la société ACM vie par lettre recommandée avec demande de réception du 9 juillet 205 (AR portant le tampon du CIC 15 du juillet 2015) spécifiant la date de l'assignation et le nom de l'huissier qui l'a délivrée, respectant ainsi les dispositions de l'article R 160-5 du code des assurances (pièce 6 M. [Y]).

En conséquence, le moyen tiré de la mainlevée de plein droit de l'opposition à défaut d'introduction et de notification de l'action en revendication dans le délai d'un mois est manifestement infondé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en revendication introduite par M. [J] [Y].

Dès lors la demande de ce dernier contre la société ACM vie, si elle est recevable, en l'état de la cassation totale de l'arrêt, qui s'étend aux décisions présentant un lien de dépendance nécessaire, est sans objet, l'appel en garantie étant formé dans l'hypothèse où l'action serait déclarée irrecevable du fait des erreurs commises par la société ACM dans la procédure d'opposition.

Sur le fond,

Il est établi par la pièce n°7 du dossier de M. [Y] que ce dernier a souscrit les bons de capitalisation au porteur litigieux auprès d'ACM vie entre le 1er mai 1989 et le 1er avril 1996.

Les bons de capitalisation au porteur sont considérés, en raison de l'incorporation de la créance dans le titre, comme un meuble corporel de sorte que leur sont applicables les dispositions de l'article 2276 du code civil.

Il résulte de ce texte et de la jurisprudence qui s'y rattache que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption et il appartient donc à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace, soit une possession continue, publique, à titre de propriétaire et non équivoque ; ce n'est que si une possession efficace n'est pas établie qu'il appartient au détenteur de démontrer l'existence d'une intention libérale.

M. [Y] expose que ces bons de capitalisation, acquis avant le mariage, sont des biens propres et souligne que lorsque la dépossession du souscripteur est celle prévue par l'article L 160-1 du code des assurances, le détenteur des bons originaux ne peut invoquer une possession non équivoque, de sorte que Mme [G], qui a sollicité le remboursement des bons après l'opposition, et alors que le couple était en cours de séparation, ne bénéficie pas d'une possession efficace et doit donc démontrer le don manuel qu'elle invoque, ce qu'elle échoue à faire, il dénie toute intention libérale de sa part.

Mme [G] réplique qu'elle est en possession des bons originaux, que sa possession résultant d'un don manuel de son époux pendant le mariage n'est pas viciée, qu'elle bénéficie d'une présomption, que c'est faussement à titre de rétorsion, après le dépôt de la requête en divorce, qu'il a formé opposition pour perte de ces bons, qui étaient, selon sa déclaration, déposé dans un coffre commun auquel elle avait accès, de sorte que sa possession n'est pas davantage viciée.

La cour relève que dès lors qu'une opposition pour perte des titres avait été formée par M. [Y], souscripteur, antérieurement à la demande de remboursement des bons par Mme [G], la possession de cette dernière est atteinte d'équivoque, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une possession efficace lui permettant d'invoquer les dispositions de l'article 2279 du code civil, ce que Mme [G] admet d'ailleurs page 15 de ses conclusions premier paragraphe, dans les termes suivants: «'Il est constant que lorsque la dépossession du souscripteur de bons au porteur est celle prévue par l'article L 160-1 du code des assurances, le détenteur des bons originaux ne peut invoquer une possession non équivoque apte à prouver la propriété des bons'». Il est rappelé qu'il y a équivoque quand les actes accomplis par le prétendu possesseur ne manifestent pas clairement son animus et qu'ils peuvent s'expliquer autrement que par la prétention à un droit sur la chose. Or, les pièces 27 et 28 du dossier de M. [Y] confirment l'affirmation de ce dernier selon laquelle les bons litigieux étaient placés dans un coffre bancaire où il a constaté leur disparition le 28 avril 2015, date de l'opposition et de son hospitalisation, ce coffre étant loué conjointement par les époux, la possession ne pouvait avoir un caractère exclusif.

En cet état, la présomption étant écartée, il appartient à Mme [G] de démontrer qu'elle est en possession de ces bons à la suite du don manuel de M. [Y] qu'elle invoque, et donc l'intention libérale de ce dernier.

Elle produit sur ce point les attestations de ses trois enfants, selon lesquelles, M. [Y] «'...nous a toujours dit qu'il avait mis ma mère en sécurité par la mise en place de l'usufruit et qu'il l'avait mise à l'abri s'il lui arrivait malheur, qu'elle avait de quoi subvenir à ses besoins..'», «'.. M. [Y] [J] m'a toujours rassurée sur le bon devenir de ma mère coté financier en m'expliquant le don de bons au porteur à ma mère et l'usufruit des biens pour éviter les moindres problèmes avec ses enfants à lui...'», «'...lors d'une discussion avec M. [Y] en vacances chez ma mère [Y] [V], il m'a fait part de sa donation des titres au porteur à ma mère pour la mettre en sécurité..'».

Ces attestations , nullement circonstanciées en ce qu'elles ne contiennent aucune précision quant à la date à laquelle ils auraient reçu ces confidences, la date ou les circonstances dans lesquelles les bons auraient été donnés, et la détermination de ces derniers, sont contredites par celles versées au dossier dans le cadre de la procédure de divorce des époux, lesquelles relatent un comportement de M. [Y] dénué de toute générosité sur le plan financier (cf pièces 15,16 et 17), ce que confirme sa première épouse «'..Pour avoir vécu 25 ans avec lui, je sais qu'il n'aurait jamais donné l'autorisation à qui que ce soit de prendre possession de ces bons, bien trop avare pour laisser quoi que ce soit qui lui appartienne à une tierce personne...'»

(cf pièce 27).

Certes, M. [Y] ne s'est pas opposé au remboursement d'un bon au porteur présenté à l'encaissement par Mme [G] le 14 novembre 2014, cependant, cela n'établit pas pour autant un don manuel portant sur les bons litigieux et partant son intention libérale.

En cet état, dès lors que le don manuel n'est pas établi, il convient d'accueillir l'action en revendication de M. [Y] et infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [G] de rester en possession des bons, dont il est établi qu'ils ont été remboursés à M. [Y] en exécution de l'arrêt.

Sur la demande de dommages et intérêts,

M. [Y] sollicite le paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences qu'a eu sur sa santé le détournement de ces bons par Mme [G], à l'origine de son hospitalisation, puis de la mise en place d'une mesure de protection. Cependant il n'est pas démontré un lien de causalité, dès lors que des suivis antérieurs en psychiatrie avaient déjà été mis en place. Cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes,

Eu égard à la décision rendue, la demande de dommages et intérêts de Mme [G] ne peut qu'être rejetée.

Mme [G] qui succombe supportera les dépens de la présente instance et ceux de l'arrêt cassé et sera condamnée à payer à M. [Y] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société ACM vie.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi de la Cour de Cassation et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en revendication formée par M. [J] [Y], débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts, et débouté Mme [V] [G] de sa demande de dommages et intérêts,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fait droit à l'action en revendication de M. [J] [Y] représenté par Mme [R] [Y] épouse [K], sa tutrice, des bons de capitalisation au porteur émis par la SA ACM vie et portant les numéros 6B7112181, 6B7112182, 6B7112184, 6Q22120512, 6Q22120515,

Constate que ces bons ont été remboursés à M. [J] [Y] représenté par Mme [R] [Y] épouse [K], sa tutrice, par la société ACM vie,

Dit recevable mais sans objet l'appel en garantie de M. [J] [Y] représenté par Mme [R] [Y] épouse [K], sa tutrice, envers la société ACM vie,

Condamne Mme [V] [G] à payer à M. [J] [Y] représenté par Mme [R] [Y] épouse [K], sa tutrice, la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ACM vie,

Condamne Mme [V] [G] aux dépens de première instance et de la présente instance, comprenant ceux de l'arrêt cassé.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

la greffière, la présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/03366
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.03366 ?
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