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12/05/2022 | FRANCE | N°16/05330

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 12 mai 2022, 16/05330


ARRÊT N°



N° RG 16/05330 -

N° Portalis DBVH-V-B7A-GPQ4



ET-AB



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES - FRANCE

17 novembre 2016

RG:15/02582



[B]



C/



[B]

[B]

























Grosse délivrée

le 12/05/2022

à Me Jacques TARTANSON

à Me Hugo FERRI











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 12 MAI 2022









APPELANT :



Monsieur [F] [P] [B]

né le 23 Octobre 1955 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON





INTIMÉS :



Monsieur [G] [B]

né le 07 Février 1947 à [Localité 5]

[Adresse 6]

[L...

ARRÊT N°

N° RG 16/05330 -

N° Portalis DBVH-V-B7A-GPQ4

ET-AB

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES - FRANCE

17 novembre 2016

RG:15/02582

[B]

C/

[B]

[B]

Grosse délivrée

le 12/05/2022

à Me Jacques TARTANSON

à Me Hugo FERRI

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 12 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [F] [P] [B]

né le 23 Octobre 1955 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jacques TARTANSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉS :

Monsieur [G] [B]

né le 07 Février 1947 à [Localité 5]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Madame [M] [B] épouse [I]

née le 07 Octobre 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Hugo FERRI de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentés par Me Jean Luc VINCKEL, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente et Mme Séverine LEGER, Conseillère, ont entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour lors de leur délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

M Nicolas MAURY, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Stéphanie RODRIGUEZ, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

À l'audience publique du 25 Janvier 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mars 2022, et prorogé au 12 Mai 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente, le 12 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

[W] [B], décédé le 26 février 1996, et [R] [B], décédée le 5 février 2011, ont eu trois enfants : M. [F] [B], M. [G] [B] et Mme [M] [B] épouse [I].

A la suite du décès de M.[W] [B] son épouse a opté pour recevoir l'intégralité en usufruit de la succession.

Dans le cadre de la succession de leur père, M. [F] [B], M.[G] [B] et Mme [M] [B] épouse [I] ont conclu quant à eux le 19 novembre 1999, une cession transactionnelle de droits successifs, cet accord concernant la moitié en pleine propriété d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 7] à [Localité 8] acquise conjointement par [W] [B] et son épouse et la moitié en pleine propriété et d'un ensemble immobilier dénommé La Résidence situé à Avignon appartenant à [W] [B] pour une moitié.

Aux termes de cet acte, il est indiqué que ' M. [F] [B] cède et transporte (...) à Mme [I] et M. [G] [B] cessionnaires conjoints et solidaires qui acceptent, tous les droits mobiliers et immobiliers lui revenant tant dans la succession de son père M. [W] [B], que dans la succession de sa grand-mère Mme [A] veuve [B]'.

La cession a été consentie moyennant le prix de 1 930 158 francs soit 249 250,69 euros.

Le 12 juillet 2000, M. [G] [B], [R] [B] et Mme [M] [B] épouse [I] après avoir fait procéder à une division parcellaire ont cédé à M. [Y] [Z] et son épouse, la maison à usage d'habitation située [Adresse 7] à [Localité 8] ainsi qu'un tiers indivis du chemin d'accès contre la somme de 365 877,64 euros.

Le 5 septembre 2000, M. [G] [B], [R] [B] et Mme [M] [B] ont cédé à M. [C] [N] [L] et son épouse une deuxième parcelle de terrain à bâtir située à [Localité 8] pour la somme de 114 336,76 euros.

Le 6 juillet 2001 ils ont vendu à une troisième parcelle de terre à bâtir à Mme [H].

Le 13 décembre 2006, ils ont cédé à Mme [J] [D] un dernier terrain situé à [Localité 8] pour la somme de 9 540 euros.

Selon un rapport rendu par un expert foncier et patrimonial le 26 avril 2013, cette division parcellaire de la propriété familiale aurait généré une plus-value . Les biens étant évalués pour l'année 1999 à la somme de 794 652 euros et à 1 866 540 euros pour l'année 2013.

Par acte du 20 mai 2015, M. [F] [B] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nîmes M. [G] [B] et Mme [M] [B] épouse [I] afin que soit ordonné le partage de biens de la succession de sa mère [R] [B].

Par ordonnance rendue le 16 décembre 2015, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs.

Par jugement contradictoire rendu le 17 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Nîmes a rejeté l'intégralité des demandes formulées par M. [F] [B], condamné ce dernier au dépens et dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a rejeté les contestations émises par M. [F] [B] relatives à l'évaluation des biens immobiliers qui avait été faite en 1999 lors de la cession transactionnelle et notamment les prix de vente intervenus ultérieurement, relevant que ces ventes avaient été réalisées au profit de personnes tiers à la succession et du vivant de [R] [B].

Il a jugé au regard des relevés de comptes bancaires produits qu'il n'était pas établi que les mouvements de fonds opérés et dont se prévalait [F] [B], avaient été effectués au profit de M. [G] et Mme [M] [B], le demandeur ne rapportant pas non plus la preuve d'une intention libérale de la part de la défunte.

Le tribunal a également rejeté la demande de réintégration des loyers versés à la SCI Carsa par [R] [V]. Il a ainsi considéré que M. [F] [B] n'apportait aucun élément probant démontrant que M. [G] [B] et Mme [M] [B] avaient bénéficié de fonds dépendant de la succession, les sommes revendiquées correspondant au paiement de loyers ayant servi à la défunte à se loger.

Le tribunal a enfin jugé au visa de l'article L132-13 du code des assurances que la demande de réintégration des primes d'assurances vie formulée par M. [F] [B] n'était pas justifiée, ce dernier ne rapportant pas la preuve de l'importance du patrimoine de la défunte ou de la nécessité de réintégrer des fonds à la succession.

Par déclaration du 26 décembre 2016, M. [F] [B] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Retenant que chacune des contestations élevées par [F] [B], qui a un intérêt à voir la masse successorale reconstituée et qui apporte suffisamment d'éléments de nature à faire douter d'avantages indirects, doit être examinée, et qu'une expertise judiciaire est nécessaire à l'examen de ces contestations au regard des éléments déjà rapportés par [F] [B], la cour d'appel de Nîmes, par arrêt contradictoire du 24 janvier 2019, a :

- infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de [R] [K] veuve [B] ;

- commis M. le président de la chambre des notaires du Gard avec faculté de délégation pour y procéder ;

- ordonné préalablement au partage une mesure d'expertise pour déterminer la masse successorale ;

- commis pour y procéder M. [T] expert près la cour d'appel de Nîmes.

L'expert a déposé son rapport le 24 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, M. [F] [B] demande à la cour de :

- ordonner le rabat de la clôture fixée au 11 janvier 2022 suivant ordonnance de fixation avec clôture différée en date du 30 septembre 2021 ;

- ordonner le rapport à succession de la somme de 523 039,93 euros, tel que fixé au rapport d'expertise judiciaire ;

- condamner la succession à lui payer la somme de 130 759,88 euros au titre de sa part dans la succession ;

- condamner les défendeurs au paiement de la somme de 20 000 euros chacun de dommages et intérêts en réparation du préjudice par lui subi ;

- condamner in solidum les défendeurs au versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les timbres fiscaux ainsi que les frais d'expertise judiciaire laissés à la charge de l'appelant pour le montant de 5 108,33 euros et, à titre de dommages et intérêts complémentaires, en cas d'exécution forcée de la condamnation, le paiement des sommes correspondant au montant de l'article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par décret 2001/212 du 8 mars 2001 ;

- débouter M. [G] [B] et Mme [M] [I] de l'ensemble de leurs demandes.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que la communication tardive des conclusions déposées par les intimés le 11 janvier 2022, jour de clôture, justifie son rabat afin de lui permettre de répliquer à leur argumentation.

Il soutient principalement que l'expert a constaté de nombreuses anomalies :

- l'absence de biens mobiliers, qui auraient été détruits dans le cadre d'inondations mais qui n'ont pas donné lieu à indemnisation et qu'il convient de prendre en compte à hauteur de 5 000 euros à défaut d'éléments ;

-une somme de 180 000 euros a disparu entre 2000 et 2002 sur les comptes bancaires de Mme [B] ;

-une somme de 64 788 euros a disparu de son patrimoine entre juin 2002 et son décès sans qu'il soit possible d'en retrouver trace ;

- l'expert a également identifié une plus-value de 97 960,04 euros dans le cadre de la vente des lots par rapport à l'estimation ayant servi de base au protocole de cession des droits ;

- trois contrats Socapi (filiale CIC) de 9 910 euros chacun ont été souscrits au profit des enfants des intimés ;

-des versements au profit de [M] [I] d'un montant de 40 774 euros ; des dons et libéralités diverses à hauteur de 107 496 euros.

Il est donc indispensable de rapporter à la succession les sommes ayant disparu pour un montant de 244 788 euros, auxquelles s'ajoutent les biens corporels à hauteur de 5 000 euros, ainsi que les biens réintégrables - la plus-value de vente par lots, les versements identifiés au profit de [M], les versements Socapi, les dons et libéralités diverses - pour un montant de 275 660 euros, soit un total de 523 039,93 euros au titre de l'actif net successoral, et une part lui revenant à hauteur de 130 759,88 euros.

Il ajoute qu'il a été victime d'une spoliation de ses droits par son frère et sa soeur, qui ne pourra être réparée puisque l'expert judiciaire n'a pas pu retrouver l'intégralité des biens et fonds cachés et dispersés par les intimés et qu'il est également victime depuis une dizaine d'années de la résistance abusive et de la malhonnêteté des consorts [B]-[I], ce comportement justifiant que lui soit allouée la somme 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Enfin, il n'est pas redevable de droits d'enregistrement à l'administration fiscale pour un montant de 9 249,69 euros, le notaire ayant effectué une application erronée de l'article 404B de l'annexe 3.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 11 janvier 2022 en raison d'une défaillance du RPVA, M. [G] [B] et Mme [M] [I] demandent à la cour de :

- rejeter la demande d'homologation du rapport d'expertise ;

En conséquence,

- débouter M. [F] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer que le patrimoine de feue [R] [B] ne contenait aucun actif justifiant un partage ;

- condamner M. [F] [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent essentiellement qu'il ne peut être fait droit à la demande de partage de M. [F] [B] en l'absence d'actif successoral disponible au décès de feue [R] [B]. Ainsi il ne saurait y avoir selon eux de débats sur la prétendue disparition de sommes dés lors que les ventes successives réalisées par [R] [B] entre le 12 juillet 2000 et le 12 décembre 2006, sont la manifestation de l'exercice du droit de propriété reconnu par les articles 544 et 546 du code civil.

Ils ajoutent que M. [F] [B] a signé le 19 novembre 1999 une cession transactionnelle mettant fin à ses droits sur les biens issus de la succession de son père [W] [B] ; qu'il est forclos à demander une plus-value à hauteur de 97 960,43 euros, à supposer que cette demande soit fondée, et qui en toute hypothèse ne pourrait être que de la moitié de cette somme; que la plus-value réalisée par Mme [B] de son vivant en cédant les biens lui appartenant, lui revient à elle seule et non à ses héritiers.

S'agissant des comptes bancaires, ils précisent que l'état des actifs et passifs des comptes bancaires détenus par feu [R] [B] au jour du décès, révèle des sommes modiques, insusceptibles de constituer un actif successoral et que les sommes restantes ont été utilisées pour acquitter les frais d'obsèques et les impôts de la défunte.

Il ne peut davantage être fait droit à la demande de partage de M. [F] [B] portant sur des biens ne faisant pas partie de la succession de [R] [B] et par voie de conséqeunce, les loyers versés parelle à la SCI Carsa sont étrangers à l'actif successoral de la de cujus. En outre, en application de l'article L. 132-13 du code des assurances, les demandes de M. [F] [B] relatives aux rapports à la succession du capital du contrat d'assurance-vie doivent être écartées, les montants versés par [R] [B] n'étant pas excessifs eu égard à ses facultés au jour du versement et qu'il en est de même pour les contrats Socapi, qui correspondent à des dons manuels non réintégrales, la somme de 9 910 euros pour chacun d'eux étant faible eu égard au patrimoine global. Par ailleurs, Mme [M] [I] conteste la somme de 40 774 euros retenue par l'expert et rappelle qu'elle bénéficiait d'une procuration sur le compte bancaire de [R] [B] . Elle n'a donc effectué aucun prélèvement en illégalité ; les retraits d'espèces effectués ont alimenté les dépenses courantes de [R] [B], ainsi que les cadeaux qu'elle a pu faire à son entourage et les dépenses n'ont pas été effectuées alors qu'elle était en soins palliatifs.

Enfin, ils considèrent que le mobilier qui restait au décès de [R] [B] n'avait pas de valeur sur le marché de l'occasion et qu'il ne peut donc être estimé à 5 000 euros.

Ils en concluent que la valeur estimée de 244 788 euros qui aurait disparu du patrimoine de [R] [B] est injustifiée et ne saurait être réintégrée dans l'actif de la succession.

Mme [I] a assumé les frais d'obsèques de 4 892,87 euros par virement effectué au débit du compte commun qu'elle avait avec [R] [B], cet élément devant être porté sur les éléments de passifs assumés par elle. Elle a également réglé les frais de la clinique, une facture de l'Institut Sainte [M] et l'annonce nécrologique.

Par ordonnance du 30 septembre 2021, la procédure a été clôturée le 11 janvier 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 janvier 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Avant ouverture des débéats il a été procédé avaec l'accord des parties au rabat de la clôture afin d'admettre aux débats l'enseemble des écritures déposées et débattues contradictoirement. La nouvelle clôture a été fixée au 25 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur les sommes dont la réintégration est sollicitée et sur la masse partageable de la succession de [R] [B]

En droit les articles 843 et 850 du Code civil disposent que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. Le rapport ne se fait qu'à la succession du donateur.

Par ailleurs, ce même code, en ses articles 851 et 852 prévoit s'agissant de la consistance des rapports que le rapport est dû de ce qui a été employé pour l'établissement d'un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes.

Il est également dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n'ait été faite expressément hors part successorale,

Les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipement, ceux de noces et les présents d'usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.

Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.

Enfin l'article 9 du Code de procédure civile rappelle qu'il 'incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' de sorte qu'il appartient à l'héritier sollicitant le rapport de démontrer l'existence des donations qu'il invoque et partant tant l'appauvrissement du donateur que son intention libérale, ces éléments étant démontrables par tous moyens, dès lors qu'il s'agit de l'exercice d'un droit propre sur la succession.

La cour aux termes de son arrêt du 24 anvier 2019 a ouvert les opérations de comptes liquidation partage de la succession de Mme [R] [B] et à la lecture des pièces produites aux débats par M.[F] [B], a estimé nécessaire que soit ordonnée une expertise judiciaire aux fins de déterminer la masse à partager, ce que le notaire chargé de la succession avait estimé inutile au regard de la consistance dérisoire des biens au jour du décés.

L'expert judiciaire a déposé son rapport et a conclu que l'actif successoral ne pouvait se limiter à la somme de 7 885,60 euros comme retenu par le notaire.

Aux termes de ses conclusions, il propose deux hypothèses à la cour :

-masse partageable = 277 719,30 euros ; part revenant M.[F] [B] = 69 429,82 euros ;

-masse partageable = 523 039,93 euros ; part revenant à M.[F] [B] 130 759,88 euros.

Dans cette seconde hypothèse, il retient le versement sur les comptes de [R] [B] de sommes provenant de la vente des biens ayant fait l'objet du protocole d'accord transactionnel signé par M.[F] [B] et dont la vente par lots projet initiée antérieurement au protocole sans que [F] [B] et le notaire en soient avertis, qui a dégagée une plus value de 97 960 euros.

M.[F] [B] demande l'homologation du rapport d'expertise en son hypothèse la plus favorable.

Les intimés critiquent les conclusions de l'expert remplis selon eux d'inexactitudes. Ils considèrent que [R] [B] n'a fait qu'exprimer ses droits de propriété en dépensant son argent comme elle le souhaitait de sorte qu'il ne restait rien à sa succession ou très peu, et s'opposent à ce que la vente en lots puisse donner lieu à plus- value dés lors que [F] [B] a définitivement liquider ses droits sur ces biens par l'accord de 1999.

Enfin, ils soutiennent qu'il n'est pas démontré que les mouvements de fonds retenu par l'expert aient été faits à leur profit et ils ajoutent tout particulièrement sur les versements Socapi, qu' ils constituent des dons manuels à trois de ses petits-enfants et qu'ils ne peuvent être pris en compte étant hors succession et ne sont pas manifestement exagérés.

S'agissant du rapport d'expertise, les intimés ont formulé auprès de l'expert un dire dans lequel ils ont évoqué l'ensemble des inexactitudes qu'ils soutiennent encore à ce jour. Ce dernier en a retenu deux et les a pris en compte dans son rapport définitif concernant les charges assumés et la date de l'ouverture du compte joint de [M] [I] et sa mère.

Pour le reste, ils ne parviennent pas à donner une explication plausible :

-au projet de division de partie des biens objet de la succession d'[W] [B], envisagée antérieurement à la vente en lots,

-à l'emploi des sommes perçues par [R] [B] provenant de ses droits d'usufruit et de propriété dans les 4 ventes dont il résulte de la 4ème vente à Mme [D] qu'ils étaient de 65% du prix de vente.

Dés lors, l'appréciation de l'expert judiciaire ne repose pas sur des allégations inexactes ou mensongères mais sur des pièces dont il donne la teneur (réponse du géomètre-expert M.[S]-ses factures de 1997-évaluation des biens par M.[U] en 2013) et une absence totale de production de relevés bancaires des comptes de la défunte antérieurement à 2002.

L'expert à partir de ces éléments, a pu à juste titre observer que la non révélation du projet de division lors de la signature du protocole d'accord avait pour conséquence un perte de la plus-value dans la succession de son père. En effet, si M.[F] [B] avait été informé de cette division il aurait eu la possibilité de transiger avec ses frère et soeur à un prix supérieur à celui retenu. Cette plus-value n'a été possible que parce qu'il a cédé ses droits sans connaître le projet.

Dés lors qu'elle a bénéficié aux autres héritiers dont à sa mère, il est logique de la retrouver dans le patrimoine de Mme [B] à hauteur de ses droits dans l'indivision. Par ailleurs, M.[F] [B] qui a abondonné ses droits dans la succession de son père ne les a pas abandonné dans celle de sa mère.

Enfin, il n'est nullement démontré que cette plus-value provienne d'aménagements ou d'investissements, M.[U] évoquant que la division elle seule a permis cette plus value.

Si aucun élément de répartition n'est apporté sur les 3 premières ventes des biens de la rue [Adresse 7] à [Localité 8], l'extension à celles-ci du raisonnement fait par le notaire pour la 4ème est conforme à la réalité des droits de chacun soit 65% pour la de cujus.

Il est ainsi tout à fait pertinent de retenir comme le fait l'expert une plus-value de 97 960 euros à réintégrer dans la masse successorale.

S'agissant de l'analyse des comptes bancaires, l'expert a retenu deux périodes :

-avant 2002, en indiquant qu'en l'absence de tout relevé bancaire il partait d'un solde de zéro, ce qui paraît au regard des ressources de Mme [B] ne serait-ce que du montant de ses pensions de retraite s'élevant à plus de 3 000 euros, bien peu probable,

- aprés 2002, avec les relevés bancaires produits.

Sur la première période l'expert a pu établir sans être contredit par des pièces suffisamment probantes, que sur 29 mois [R] [B] a perçu le montant des ventes en lots de la maison familiale suivant ses droits dans l'indivision soit 320 858,30 euros ; a perçu des loyers de deux appartements loués soit 59 856 euros et des pensions de retraite soit 61 161 euros et soit un total de 441 875 euros.

Puisqu'en 2002, il pouvait être retrouvé sur ses différents comptes la somme de 138 182 euros elle avait donc dépensé sur cette période la somme de 303 693 euros.

Arguant de ce qu'elle pouvait parfaitement disposer de son argent comme elle l'entendait les intimés contestent que de telles dépenses puissent apparaître comme le reflet de donations directes ou indirectes, réparties à leur profit, Mme [R] [B] ayant décidé de vivre sans forcément compter et sans épargner.

Or, l'expert souligne à juste titre qu'il ne peut retenir à défaut pour les parties de le démontrer par des pièces produitent, aucun achat conséquent suceptible d'expliquer ces dépenses.

Par ailleurs, il examinera sur la période postérieure pour laquelle il a disposé des relevés bancaires, le train de vie de la de cujus qui s'éleve à 55 000 euros annuels et retiendra donc sur cette première période la somme de 133 000 euros de dépenses plausibles.

Il en conclut que ce sont 180 000 euros qui ont disparu sur cette période du patrimoine de Mme [R] [B] sans qu'aucun élément ne permettent de dire qu'elle aurait disposer de cette somme.

De la même manière et cette fois à l'analyse des relevés bancaires postérieurs à 2002, il démontre que sur les comptes bancaires de la de cujus d'importants mouvements sur un peu plus de 7 ans, sont intervenus.

En 2002, le patrimoine de Mme [B] était ainsi de 138 183 euros. Certains mouvements sont identifiés s'agissant des recettes (pensions, loyers) et des dépenses (loyers versés à la Sci Carsa son bailleur à compter de juin 2002). D'autres postes de dépenses ne sont pas identifiables selon l'expert s'agissant de retrait en espèces en distributeurs de billets, de chèques dont le montant est inférieur à 150 euros ou de paiements par carte bancaire. Ils s'élèvent pourtant à la somme de 334 682 euros.

Contestant les mentions de l'expert s'appuyant sur la réponse que lui a fait la Lyonnaise de banque interrogée, Mme [I] indique qu'elle avait une procuration sur le compte courant de sa mère et que tous les retraits qu'elle a fait été pour les besoins personnels de sa mère. Elle reconnait ainsi qu'elle a utilisé le compte de sa mère librement mais qu'elle l'a fait pour le compte de cette dernière.

De plus, sur le sondage effectué par l'expert de chèques émis (15 demandés suivant l'importance de leur montant), il en est ressorti que sur 14 copies de chèques émis obtenues auprès de la banque entre le mois de janvier et décembre 2010 soit peu avant le décés de Mme [B], 5 sont de la main de cette dernière et 9 de Mme [M] [I].

L'expert n'a pas pu établir que l'ensemble des dépenses étaient au seul bénéfice de Mme [B] et il ajoute que durant cette période lors de l'admission de Mme [B] en soins palliatifs et jusqu'à son décés, plus de 5 400 euros ont été retirés en espèces et 1 854,77 euros ont été payés par carte bancaire par une autre personne que cette dernière hospitalisée, enfin, 1403 euros de chèques ont été émis tous supérieur à 150 euros.

Ayant observé que sur la période de juin 2002 à son hospitalisation en août 2010, le compte courant de Mme [B] a toujours été quasiment à l'équilibre : autant de rentrées que de dépenses, et qu'à son décés, au crédit de ses comptes ne figuraient plus que la somme de 7 170 euros, son assurance vie étant chiffrée à la somme de 66 225 euros, il en déduit que 64 788 euros ont disparu.

Par ailleurs, il souligne que de nombreux chèques ont été émis du compte courant de Mme [B] de 2002 à 2010 d'un montant unitaire multiple de 100 euros dont en 2003 pour 40 000 euros et au total pour 73 900 euros.

Il ne saurait s'agir de factures dont les montants ne sont que très rarement des multiples de 100 et il a retrouvé 3 chèques qui ont été émis à l'ordre de petits -enfant et à [M] et que sur ces 3 chèques 2 étaient de la signature de [M].

Enfin, des virements sont parfaitement identifiés au profit de [M] pour un montant de 40 774 euros.

Il ne peut s'agir également de simples sommes perçues à titre de cadeaux dans des circonstances particulières dés lors qu'interrogés sur cette questions les intimés n'ont pas apporté d'éléments en ce sens et qu'il n'est aps démontré que ses versements viendrait enr emboursement de frais occasionnés par la dé cujus et pour ses besoins.

Dés lors que le train de vie de Mme [B] a été évalué par l'expert à 55 000 euros année et qu'aucun élément ne vient démontrer qu'elle aurait vécu très différemment avec une dépense bien au delà de ce montant, l'argumentaire présenté en défense visant à faire admettre qu'elle aurait toute seule dépensé toutes ces sommes, n'est pas réaliste et est contredit par les investigations de l'expert. Il sera rappelé que les 2/3 des chèques sondés par l'expert ont été rédigés par [M] [I]. Il sera également noté que le compte 602 a été conjoint entre Mme [R] [B] et sa fille [M] lui permettant de réaliser les virements à son profit. De même, aucune autre personne que les deux enfants de [R] [B] avec lesquels elle était en contact, étaient en capacité de retirer ces sommes par la connaissance qu'ils pouvaient avoir des codes bancaires de leur mère et il n'est pas contestable que [M] rédigeait des chèques et utilisait la carte bancaire de sa mère. Ainsi, les liens d'affection qu'avait [R] [B] avec ses deux enfants intimés et la distance qu'avait pris [F] [B] avec sa famille, démontrent que les mouvements de fonds opérés, mis en évidence par l'expert, ne pouvaient être fait qu'au profit de [M] [I] et [G] [B] à l'exception des viremets à ses petits-enfanst identifés -chéques et placement socapi) et non uniquement pour ses besoins personnels, et suffisent à expliquer l'intention libérale notamment des versements parfaitement établis par l'expert au profit de [M] à hauteur de 40 774 euros.

Enfin, s'il est exact que des sommes ont aussi été données à des tiers ce sont pour l'essentiel à 2 des enfants des intimés : [X] [I] et [E] [B].

S'agissant des biens meubles, l'expert retient une somme de 5000 euros en indiquant qu'il n'a jamais pu obtenir le montant de l'indemnité perçue par [R] [B] lors du sinistre dont elle a été victime à la suite d'inondations et rappelle qu'elle n'est partie de son domicile qu'en 2010 ce qui ne rend pas crédible la destruction totale de tous les meubles lors de ces inondations.

Si en cause d'appel les intimés indiquent qu'ils entendaient dire que les meubles n'avaient plus aucune valeur et non qu'il n'en existait plus, l'expert sera suivi dans son analyse à minima de la situation. Il est peu crédible au regard du train de vie soutenu et revendiqué par ses enfants que Mme [B] ait vécu dans un appartement sans meubles meublants ayant un minimum de valeur.

S'agissant des primes d'assurance vie, il a été mentionné par l'espert que dés l'origine Mme [B] a souscrit ce contrat en 2001 pour 3 de ses petits-enfants [X] et [O] [I] et [E] [B] de sorte que les primes dont M.[F] [B] ne démontrent pas qu'elles étaient exagérées au regard de la situation matérielle de sa mère et de son patrimoine, ne sauraient faire l'objet d'un rapport.

En dernier lieu, s'agissant des loyers versés par Mme [B] à la Sci Carsa dont sont associés [G] et [M], M.[F] [B] s'en remet à l'avis de l'expert qui les a écartés ne pouvant malgré la correspondance des sommes affirmer que le bien immobilier lui appartenant aurait été acquis par les fonds provenant des ventes des biens de la maison familiale, la Sci Carsa ayant fait un prêt pour financer au final cette achat.

Dans ces conditions, au regard des constatations de l'expert et des éléments recueillis, sont en faveur d'une réintégration à la succession de [R] [B] :

- un montant de 244 788 (180 000 + 64 788) euros qui n'a pas été retrouvé à l'ouverture de sa succession et qui ne correspondent pas à des dépenses pour les besoins de la de cujus,

-un montant de 97 960 euros correspondant à la plus-value de la vente en lots de la maison familiale,

-un montant de 107 496 euros de dépenses non justifiées par les besoins de la de cujus constituant des dons diverses et un montant de 40 774 euros en faveur de [M] [I],

-un montant de 5000 euros de meubles meublants ;

soit un total de 496 018 euros (étant rappelé que les virements socapi en faveur de ses 3 petits-enfants sont retirés à hauteur de 29 730 euros).

L'expert a retenu un passif de 11 126,30 euros comprenant les frais d'obséques, soit un actif successoral reconstitué partageable de 489 891,70 euros.

2-Sur la part revenant à M.[F] [B]

Mme [R] [B] laissant à sa succession ses 3 enfants elle pouvait disposer de ses biens à hauteur d'un quart conformément aux dispositions de l'article 912 du code civil, la réserve de chacun de ses enfants étant d'un quart.

La part revenant à [F] [B] s'élève donc à la somme de 121 222,95 euros.

3-Sur la demande de dommages et intérêts

M.[F] [B] demande que ses frère et soeur qui ont été les bénéficiaires des sommes et ont fait en sorte que les comptes de leur mère soient vides à l'ouverture de la succession, soient condamnés à réparer le préjudice moral qu'il subit à hauteur de 20 000 euros chacun.

Il est certain que M.[F] [B] a du mener une procédure judiciaire pour faire admettre que la situation au décés de sa mère n'était pas conforme à la réalité et que sa part dans la succession de celle-ci ne pouvait être ramenée à zéro.

Si les frais qu'il a dû engager pour mener à bien cette procédure sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les tracasseries qu'elle lui a occasionné , la perte de temps et d'énergie qu'il a du y consacrer et le préjudice moral qu'il a subi en ayant eu depuis le début le sentiment d'avoir été floué par ses frére et soeur, justifient que lui soit accordée une indemnité de 5000 euros que Mme [M] [I] et M.[G] [B] seront condamnés in solidum à lui verser.

4-Sur les autres demandes

Parties perdantes, les intimés seront solidairement condamnés à supporter les dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire. Ces derniers seront nécessairement déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche d'allouer à M.[F] [B] la somme de 4000 euros aux titres de ses frais irrépétibles que les intimés seront tenus de lui payer avec la même solidarité.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

La cour vidant sa saisine ;

Ordonne le rapport à la succession de Mme [R] [B] de la somme de 489 891,70 euros ;

Fixe la part revenant à M.[F] [B] dans la succession de sa mère [R] [B] à la somme de 121 222,95 euros ;

Condamne [M] [B] épouse [I] et [G] [B] à lui payer solidairement cette somme ;

Les condamne à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Les condamme à supporter solidairement la charge des dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire ;

Les condamne à payer à M.[F] [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Président et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/05330
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;16.05330 ?
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