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05/05/2022 | FRANCE | N°22/00492

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 mai 2022, 22/00492


ARRÊT N°



N° RG 22/00492 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IKZK



CJP



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

11 février 2021

RG :20/00248



[J]



C/



[I]



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 05 MAI 2022







APPELANTE :



Madame [R] [J] épouse [D]

née

le 26 Janvier 1979 à AGDAL-MAR (MAROC)

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Laurie LE SAGERE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Ibrahim ZOUNGRANA, Plaidant, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



Monsieur [O] [I]

né le 03 Décembre 1979 à [Localité 6]

[...

ARRÊT N°

N° RG 22/00492 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IKZK

CJP

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

11 février 2021

RG :20/00248

[J]

C/

[I]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANTE :

Madame [R] [J] épouse [D]

née le 26 Janvier 1979 à AGDAL-MAR (MAROC)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurie LE SAGERE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Ibrahim ZOUNGRANA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [O] [I]

né le 03 Décembre 1979 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Geoffrey RAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE

Monsieur [N] [F]

assigné à jour fixe le 21 juillet 2021 à Etude d'huissier

né le 08 Janvier 1981 à MAROC (99)

[Adresse 7]

[Localité 1]

Non comparant ni représenté

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Statuant selon la procédure d'assignation à jour fixe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 21 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 05 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Par acte du 9 octobre 2020, Mme [R] [J] ép. [D] a assigné M. [O] [I] et M. [N] [F] devant le président du tribunal judiciaire de Privas, statuant en référé aux fins de voir, notamment, ordonner sa réintégration dans le local commercial, à usage de restaurant, loué sis [Adresse 2], sous astreinte et condamner, solidairement, les défendeurs à lui verser la somme de 15 000 € à titre de provision, outre de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 février 2021, le président du tribunal judiciaire de Privas :

-a déclaré recevable l'action engagée par Mme [R] [J] ép. [D],

-s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond du tribunal judiciaire de Privas,

-a renvoyé, en conséquence, les parties à mieux se pourvoir au fond,

-a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-et a dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration des 8 et 9 juillet 2021, Mme [R] [J] ép. [D] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions qui lui font grief.

Les procédures enregistrées sous les numéros RG 21/2645 et RG 21/2637 ont été jointes sous ce dernier numéro.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, le premier président de la cour d'appel de Nîmes a autorisé Mme [R] [J] ép. [D] à assigner à jour fixe MM. [O] [I] et [N] [F].

Par arrêt du 6 décembre 2021, la cour d'appel a ordonné la radiation de l'affaire du rang des affaires en cours.

Par conclusions en date du 2 février 2022, Mme [R] [J] ép. [D] a sollicité la réinscription au rôle de l'affaire.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [R] [J] ép. [D], appelante, demande à la cour, au visa des articles 873, 834, 835 et 901 et suivants du code de procédure civile, 1231'1 et 1240 du Code civil, L14-6 et L442'6 du code de commerce, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable son action et d'infirmer et annuler cette ordonnance en ce qu'elle renvoie les parties se pourvoir au fond.

Elle demande, ainsi, à la cour de :

-dire et juger que M. [O] [I] a manqué à ses obligations issues du bail commercial et a engagé sa responsabilité au regard de son comportement fautif dans la rupture du contrat,

-dire et juger que M. [N] [F] a commis une faute en participant à cette éviction et en exploitant irrégulièrement son matériel de travail,

-constater le trouble manifestement illicite de la part des intimés,

-dire et juger qu'elle a subi un préjudice tant financier que professionnel du fait des intimés,

-en tout état de cause, infirmer la décision en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conservera la charge ses dépens,

-en conséquence, se déclarer compétent à statuer sur ses demandes,

-ordonner sa réintégration dans les lieux sous astreinte de 250 € par jour à compter de la signification de la décision à venir et l'expulsion de tous les occupants,

-condamner solidairement M. [O] [I] et M. [N] [F] à lui verser les sommes de :

- 1500 € par mois à compter de l'éviction des lieux jusqu'à sa réintégration, soit 15 000 € laquelle somme pourra être actualisée,

- 25 000 € pour la perte de clientèle et l'exploitation irrégulière de son matériel de travail,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

-à titre infiniment subsidiaire, ordonner la restitution du matériel et outils de travail par les intimés, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter de la décision à intervenir,

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de son appel, Mme [R] [J] ép. [D] fait valoir :

-qu'elle a signé avec M. [O] [I], le 1er janvier 2017, un bail dérogatoire, devenu en juillet 2017, un bail commercial ;

-qu'un contrat tripartite de cession du fonds de commerce a été régularisé entre elle, M. [O] [I] et la société SEMIA, mais qui a été rendu caduc du fait du non paiement des sommes dues par la société SEMIA ;

-qu'elle a, ensuite, le 25 octobre 2017, régularisé par acte notarial un projet de cession du fonds de commerce avec M. [N] [F], avec le consentement exprès de M. [O] [I] ; que cette cession n'a également pas pu aboutir du fait de la mauvaise foi de M. [O] [I] ;

-que le bailleur n'a pas hésité à consentir, au mépris de ses droits, un nouveau bail avec M. [N] [F], si bien qu'elle est empêchée d'exploiter son fonds de commerce et subit un trouble de jouissance et un important préjudice financier ;

-que le moyen de défense de l'intimé relatif à l'irrecevabilité de son action pour défaut de qualité et d'intérêt à agir est purement dilatoire et infondé, dès lors que le projet de cession avec la société SEMIA n'a finalement pas abouti, le contrat prévoyant une clause suspensive en cas de non respect des conditions préétablies et notamment en cas de non paiement des sommes dues ; qu'elle dispose donc toujours de l'intégralité de ses droits afférents au bail ; qu'il est contradictoire pour l'intimé de soutenir qu'elle n'est plus titulaire de droits sur le bail et de lui notifier dans le même temps un commandement de payer visant la clause résolutoire ;

-que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'existe aucune contestation sérieuse ; qu'elle bénéficie d'un droit au bail intangible, lequel est menacé de péril par une exploitation frauduleuse du bail et du fonds de commerce savamment organisé par M. [O] [I] au profit de M. [N] [F] ;

-que le bail est toujours en cours et n'a fait l'objet d'aucune résiliation amiable ou judiciaire ;

-que la signature d'un bail entre M. [O] [I] et M. [N] [F], en fraude de ses droits constitue un trouble manifestement illicite ;

-qu'au surplus, M. [N] [F] exploite irrégulièrement son matériel et ses outils de travail ;

-que M. [N] [F] a également contribué à la commission des préjudices, puisqu'il a accepté un bail commercial frauduleux en toute connaissance de cause ;

-que l'argument selon lequel, elle n'est pas immatriculée au RCS est inopérant, dès lors que M. [O] [I] n'ignorait pas cette situation et a, malgré cela, accepté de signer le bail ;

-que le commandement de payer a été signifié par M. [O] [I] après l'introduction de la présente instance, dans le seul but de faire échec à cette procédure ; que ce commandement est imprécis et ne comporte pas le détail des sommes dues ; que depuis 2017, M. [O] [I] a exigé le paiement des loyers en espèce sans remise de quittance et qu'il y a donc lieu de s'interroger sur les modalités et les bases de décompte de la prétendue créance locative ; qu'en outre, M. [O] [I] a consenti un bail frauduleux à M. [N] [F] le 31 juillet 2020 et qu'elle ne peut donc être redevable de loyers postérieurement à cette période ;

-qu'il est de jurisprudence constante que la clause résolutoire n'est pas acquise si elle a été mise en 'uvre de mauvaise foi et de façon abusive par le créancier ;

-que l'incertitude concernant l'exigibilité et le quantum de la prétendue créance démontre la mauvaise foi de l'intimé ; que M. [O] [I] ne justifie d'aucune mise en demeure préalable ; que les « sms tronqués » ne sont pas caractéristiques d'une mise en demeure et ne sont pas suffisants pour établir la créance locative.

M. [O] [I], en sa qualité d'intimé et appelant sur incident, par conclusions en date du 11 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 834, 835 et 837 du code de procédure civile, de déclarer recevable bien-fondé son appel incident et d'infirmer, en conséquence, l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- déclarer l'action de Mme [R] [J] ép. [D] irrecevable, faute pour elle de justifier de la résiliation amiable de la cession du droit au bail,

- subsidiairement, confirmer l'ordonnance dont appel en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [R] [J] ép. [D],

- déclarer irrecevables, comme étant nouvelles, la demande de restitution du mobilier sous astreinte et la demande financière au titre de la perte de clientèle,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

À titre reconventionnel,

- constater la résiliation unilatérale du bail commercial par Mme [R] [J] ép. [D],

- condamner Mme [R] [J] ép. [D] à lui payer la somme de 13 200 €, à titre de provision, à valoir sur les loyers impayés d'octobre 2018 à fin juillet 2020,

- subsidiairement, constater l'acquisition de la clause résolutoire et, par conséquence, la résiliation du bail de plein droit par le jeu de la clause résolutoire y insérée, suite commandement de payer visant la clause résolutoire du 12 novembre 2020, resté infructueux, et ce en application de l'article L 145'41 du code de commerce,

- ordonner l'expulsion de Mme [R] [J] ép. [D], ainsi que de tous occupants et tous objets de son chef, des lieux situés [Adresse 2], dans les formes légales et avec l'assistance de la force si besoin est,

- condamner Mme [R] [J] ép. [D] à lui payer la somme de 25 200 € à titre de provision à valoir sur les loyers impayés d'octobre 2018 à fin mars 2022,

- condamner la même à lui payer la somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur son préjudice,

À titre subsidiaire,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Privas à fins qu'il soit statué au fond,

À titre infiniment subsidiaire,

- ordonner à M. [N] [F] de séquestrer entre les mains, d'un notaire ou de tout autre intervenant à l'établissement d'un acte de cession du droit au bail autre, du prix de cession, et ceux afin qu'il puisse faire valoir ses droits,

En tout état de cause,

- débouter l'appelante de toutes ses demandes contraires,

- condamner Mme [R] [J] ép. [D] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance la procédure d'appel,

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître [L] sur son affirmation de droit.

M. [O] [I] fait valoir :

-que Mme [R] [J] ép. [D] a cédé son droit au bail à la société SEMIA par acte du 25 octobre 2017 ; que l'acte de cession ne prévoyait aucune clause de résiliation de plein droit en cas de non paiement ; que Mme [R] [J] ép. [D] ne justifiant pas d'une résiliation de cet acte de cession, n'a plus intérêt ni qualité à agir dans la présente instance ;

-que Mme [R] [J] ép. [D] n'est en réalité qu'une « personne de paille », son époux M. [D] étant en réalité à l'origine de toutes les démarches ; que Mme [R] [J] ép. [D] n'est, au surplus, pas immatriculée au RCS ;

-que pour éviter une liquidation judiciaire, M. [D] a eu l'idée de céder son droit au bail à la société SEMIA, à compter du 1er juillet 2017 ; qu'il a perçu, en tant que bailleur, chaque mois de la société SEMIA le règlement des loyers par virements bancaires, et ce jusqu'en septembre 2018 ; qu'à compter de cette date, le restaurant n'a plus été exploité et il n'a plus perçu de loyers ;

-que M. [D] a, ensuite, réussi à convaincre M. [N] [F] de reprendre l'exploitation du restaurant début juillet 2020 et lui a, à cet effet, remis les clefs ; que M. [D] a exigé le paiement par ce dernier d'un loyer de 1500 € (alors que le loyer convenu dans le bail est de 600 €) et d'un dépôt de garantie de 5000 € ; qu'il n'avait donné aucun accord pour un telle sous-location ; que M. [D] a rassuré son bailleur en lui indiquant qu'il entendait céder son bail commercial à M. [N] [F] ; qu'ayant constaté le « double jeu » de M. [D], il a refusé de consentir à la cession du droit au bail ;

-que Mme [R] [J] ép. [D], en remettant par l'intermédiaire de son époux, les clefs du local commercial à M. [N] [F] a manifesté son intention de résilier le bail commercial ;

-que si la cour considérait que le bail commercial n'était pas résilié du fait de Mme [R] [J] ép. [D], il est parfaitement fondé à solliciter la résiliation judiciaire du bail litigieux et ce d'autant plus au vu du commandement de payer visant la clause résolutoire ;

-qu'en présence d'un commandement de payer visant la clause résolutoire resté infructueux et en l'absence de la moindre contestation sérieuse, Mme [R] [J] ép. [D] n'ayant pas justifié du règlement des loyers, le juge des référés avait l'obligation de constater l'acquisition de la clause résolutoire ; que les attestations mensongères versées au dossier par l'appelante ne lui permettent pas de justifier une contestation sérieuse ;

-que contrairement à ce que soutient la partie adverse, il n'a jamais exigé le paiement des loyers en espèce ; qu'il établit d'ailleurs que les premiers loyers ont été réglés par virement ; que s'agissant des loyers compris entre juillet 2017 et septembre 2018, ils ont été réglés par la société SEMIA ;

-que s'il n'a effectivement jamais adressé préalablement de mise en demeure, il a toujours réclamé paiement des loyers et tenté de trouver des solutions avec le couple [D].

M. [N] [F] n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'action de Mme [R] [J] ép. [D] :

L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Soutenant que Mme [R] [J] ép. [D] a cédé son droit au bail, M. [O] [I] estime l'action de cette dernière irrecevable comme étant dépourvue d'intérêt et de qualité à agir.

Toutefois, si l'examen du dossier met en évidence qu'un acte de cession du droit au bail a été signé entre Mme [R] [J] ép. [D] et la société SEMIA, en présence de M. [O] [I], le 25 octobre 2017, il doit être également relevé que les parties sont en désaccord sur la qualification de cet acte et sur sa suspension pour non paiement du prix de cession, l'objet du présent litige portant notamment sur les conséquences de cet acte. Dès lors, il n'appartient pas au juge des référés, in limine litis, de se prononcer sur la nature de cet acte et ses conséquences.

Il doit, en revanche, être relevé que de manière non contestable et non contestée, M. [O] [I] a consenti, le 1er janvier 2017, un bail dérogatoire portant sur le local commercial litigieux lequel depuis le 19 juillet 2017 a revêtu la qualification de bail commercial. En l'état, les droits issus de ce contrat justifient l'action de Mme [R] [J] ép. [D] laquelle n'est, dès lors, pas dépourvue de qualité ni d'intérêt à agir.

La décision entreprise, en ce qu'elle a déclaré Mme [R] [J] ép. [D] recevable en son action, doit être confirmée.

Sur la recevabilité des demandes de restitution du mobilier et de dommages et intérêts pour perte de clientèle :

Il résulte de l'application combinée des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf si ces dernières tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou si ces prétentions étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

En l'espèce, les demandes de restitution du mobilier et de dommages et intérêts pour perte de clientèle formulées pour la première fois en appel par Mme [R] [J] ép. [D] ont été formulées à titre subsidiaire et constituent des demandes accessoires à ses prétentions initiales.

Il n'y a pas lieu, par conséquent, de déclarer ces demandes irrecevables.

Sur le fond :

L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Mme [R] [J] ép. [D] soutient subir un trouble manifestement illicite résultant de la présence de M. [N] [F] dans le local commercial qu'elle loue à M. [O] [I] et de l'exploitation par celui-ci du fonds de commerce.

M. [O] [I] soutient, quant à lui, d'une part, que Mme [R] [J] ép. [D] a cédé son droit au bail par acte du 25 octobre 2017, d'autre part, qu'elle a entendu résilier unilatéralement le bail en remettant les clefs du local à M. [N] [F] et, enfin, que la résiliation du bail doit être constatée ensuite de la signification d'un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». Le trouble manifestement illicite procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou, corrélativement, d'une interdiction les protégeant.

Il est acquis et non contesté que Mme [R] [J] ép. [D] et M. [O] [I] ont signé un bail dérogatoire, le 1er janvier 2017, devenu le 19 juillet 2017, un bail commercial portant sur un local commercial, sis [Adresse 2].

Postérieurement à cette date, le sort de ce contrat et les droits de Mme [R] [J] ép. [D] sur le bail font l'objet d'importantes contestations de la part des parties.

Ainsi, il est versé au dossier un acte de cession du droit au bail signé le 25 octobre 2017 par Mme [R] [J] ép. [D] et la société SEMIA, en présence du bailleur, M. [O] [I]. Mme [R] [J] ép. [D] soutient que cet acte a été suspendu et que conformément aux dispositions de l'acte de cession, elle a repris ses droits sur les locaux. Pour autant, elle ne verse aucune pièce venant justifier de ce que le prix de cession n'a pas été réglé ni des modalités de résiliation dudit acte. De son coté, M. [O] [I] ne conteste pas qu'en exécution de cet acte, il a perçu les loyers directement de la société SEMIA, entre juillet 2017 et septembre 2018, sans pour autant donner connaissance à la cour des informations qu'il a reçues par la suite du sort de cet acte de cession et ce alors que cet événement n'est pas sans incidence pour lui en sa qualité de bailleur.

En parallèle, Mme [R] [J] ép. [D] produit un procès-verbal de constat d'huissier établi le 19 août 2020 duquel il résulte que l'huissier de justice a rencontré au sein du local loué, M. [N] [F], lequel a indiqué bénéficier d'un bail commercial consenti par le propriétaire, M. [O] [I], pour une durée de neuf ans, à compter du 1er août 2020. L'huissier de justice précise que M. [N] [F] lui a présenté une copie dudit bail mentionnant en qualité de bailleur, M. [O] [I], et en qualité de preneur, la SASU Au Palais du Oujda. Ledit bail n'est, cependant, pas versé aux débats et cette carence ne permet donc pas à la cour, comme l'a très justement relevé le premier juge, d'en examiner le contenu ni les conditions de sa signature.

Également, et de manière parfaitement contradictoire, M. [O] [I] tout en soutenant que Mme [R] [J] ép. [D] a cédé par acte du 25 octobre 2017 son droit au bail, fait signifier à cette dernière un commandement de payer visant la clause résolutoire, le 12 novembre 2020, soit un mois après son assignation devant le juge des référés, et soutient que Mme [R] [J] ép. [D] est défaillante dans le règlement des loyers depuis le mois d'octobre 2018. Dans le même temps, il ne conteste pas que M. [N] [F] exploite actuellement le local tout en soutenant que c'est Mme [R] [J] ép. [D], elle-même, qui lui a remis les clefs.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et comme relevé à juste titre dans l'ordonnance entreprise, que les rapports contractuels, au regard de leurs explications contradictoires et des pièces versées au dossier, ne sont pas clairement établis et la multitude d'attestations, pour certaines contradictoires, versées au dossier par chacune des parties ne vient aucunement clarifier les éléments du dossier. Il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, d'interpréter les conventions qui lui sont soumises ni de fixer les droits des parties.

Dès lors, faute pour Mme [R] [J] ép. [D] de démontrer les droits dont elle demeurerait titulaire sur le local litigieux, il convient de dire qu'elle est défaillante dans la démonstration d'une atteinte à ces droits, et donc d'un trouble manifestement illicite. Quant à M. [O] [I], au regard du caractère sérieusement contestable de son obligation, il ne peut prétendre à la constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire. Enfin, il n'appartient pas au juge des référés, non saisi du principal, tel que le stipule l'article 484 du code de procédure civile, de prononcer la résiliation du bail comme réclamé par l'intimé.

Force est dès lors de constater qu'il n'y a pas lieu à référé et que c'est à bon droit que le premier juge a renvoyé les parties à mieux se pourvoir s'agissant de l'ensemble des demandes des parties. Pour les mêmes motifs, les demandes, nouvellement formulées en appel par Mme [R] [J] ép. [D], seront écartées au regard des contestations sérieuses qui prédominent dans la présente instance.

Enfin, rien ne justifie, en l'espèce, de renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire pour qu'il soit statuer au fond, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir cette juridiction pour faire valoir ses droits. Il n'y a, également, pas lieu de se prononcer sur l'exécution provisoire du présent arrêt, comme le réclame Mme [R] [J] ép. [D], s'agissant d'une décision rendue en appel.

*

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.

En cause d'appel, l'équité ne commande également pas de faire droit aux demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aucune des parties n'ayant vu ses demandes retenues. Les dépens d'appel demeureront, en revanche, à la charge de l'appelante, Mme [R] [J] ép. [D].

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, en référé et en dernier ressort,

Dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables les demandes de restitution du mobilier et de dommages et intérêts pour perte de clientèle,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 11 février 2021 par le président du tribunal judiciaire de Privas, en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes des parties,

Déboute Mme [R] [J] ép. [D] et M. [O] [I] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [R] [J] ép. [D] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 22/00492
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;22.00492 ?
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