La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2022 | FRANCE | N°21/03048

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section b, 05 mai 2022, 21/03048


ARRÊT N°



N° RG 21/03048 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IETH



CJP



PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS

10 juin 2021

RG :21/00107



[U]

[M]



C/



[O]



Grosse délivrée

le

à

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B



ARRÊT DU 05 MAI 2022



APPELANTES :



Madame [V] [U] veuve [M]

représentée et assistée par sa f

ille Mme [J] [S], demeurant [Adresse 11], en qualité de curatrice suivant jugement de curatelle renforcée du 17 novembre 2016

née le 16 Août 1932 à [Localité 14]

[Adresse 13]

[Localité 1]



Représentée par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Pla...

ARRÊT N°

N° RG 21/03048 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IETH

CJP

PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS

10 juin 2021

RG :21/00107

[U]

[M]

C/

[O]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANTES :

Madame [V] [U] veuve [M]

représentée et assistée par sa fille Mme [J] [S], demeurant [Adresse 11], en qualité de curatrice suivant jugement de curatelle renforcée du 17 novembre 2016

née le 16 Août 1932 à [Localité 14]

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON, substituée par Me Julien BIOULES, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame [J] [M] veuve [S]

en sa qualité de curatrice de Mme [M] [V] désignée à ces fonctions par jugement du juge des tutelles de Privas, de curatelle renforcée du 17 novembre 2016

née le 07 Septembre 1954 à ST REMEZE

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Florence ROCHELEMAGNE de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON, substituée par Me Julien BIOULES, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉ :

Monsieur [K] [O]

né le 24 Septembre 1982 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représenté par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ARDECHE, substitué par Me Wissam BAYEH, avocat au barreau d'ARDECHE

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture du 14 mars 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre

Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère

Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 21 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 05 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Mme [V] [U] veuve [M] est propriétaire d'un bien immobilier situé à [Adresse 9], cadastré AL [Cadastre 3].

M. [K] [O] est propriétaire au même endroit des parcelles AL [Cadastre 5] (bâtisse avec cour) et 175 (droits immobiliers dépendant d'un bâtiment attenant au précédent portant sur les lots n° 2, 3 et 4 de la copropriété).

Se plaignant du fait que M. [K] [O] ait fait apposer un grillage et des portillons dans la cour et en a, ainsi, limiter l'accès, Mme [V] [U] veuve [M], assistée de Mme [J] [S], sa curatrice, a fait assigner celui-ci, par acte du huissier en date du 14 avril 2021, devant le président du tribunal judiciaire de Privas, statuant en référé, aux fins notamment de le voir condamner à procéder à l'enlèvement de la clôture et du portillon édifiés sur les parcelles AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6] et entravant le passage.

Par ordonnance contradictoire, en date du 10 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Privas a :

-débouté Mme [V] [U] veuve [M] de sa demande de retrait des portillons et clôture apposés entre le fonds 175 et le fonds [Cadastre 3],

-ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder M. [I] [G], expert inscrit à la cour d'appel de Nîmes, avec pour mission notamment de se rendre sur les lieux, de recueillir les explications des parties, de visiter les parcelles appartenant aux parties, de dire si la parcelle cadastrée AL [Cadastre 3], appartenant à Mme [U], se trouve en état d'enclave, dans l'affirmative, relever et proposer toutes solutions permettant l'accès à la parcelle précitée et en évaluer les avantages et inconvénients respectifs, ainsi que le coût et vérifier l'existence d'autres parcelles appartenant en totalité ou en partie à Mme [U] de nature à lui permettre un accès direct à la voie publique sans avoir à passer par les parcelles voisines,

-fixé l'avance des frais d'expertise à valoir sur le montant des honoraires de l'expert à la somme de 1000 €, laquelle sera consignée par Mme [V] [U] veuve [M] dans un délai d'un mois,

-débouté Mme [V] [U] veuve [M] de sa demande de dommages-intérêts,

-débouté M. [K] [O] de sa demande au titre des détritus,

-débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que Mme [V] [U] veuve [M] conservera la charge des dépens.

Par déclaration du 5 août 2021, Mme [V] [U] veuve [M], assistée de Mme [J] [S], a interjeté appel de cette ordonnance, en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la demande de M. [K] [O] « au titre des détritus ».

Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [V] [U] veuve [M], assistée de Mme [J] [S], appelante, demande à la cour, de :

-déclarer irrecevable comme étant hors délai, au visa des articles 905 et suivants du code de procédure civile, les conclusions notifiées par M. [K] [O] le 10 mars 2022,

-infirmer l'ordonnance entreprise, à l'exception du rejet de la demande de M. [K] [O] « au titre des détritus » et, en conséquence, statuant à nouveau au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil :

-condamner M. [K] [O] à cesser toute entrave au passage traversant la cour entre les parcelles AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6] et à procéder à l'enlèvement de la clôture et des portillons édifiés, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours débutant à la date de la décision à intervenir,

-condamner M. [K] [O] au paiement de la somme provisionnelle de 5 000 € sur le fondement de l'article 1240 du code civil à valoir à titre de légitimes dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance,

-condamner le même au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont le coût du procès-verbal de constat du huissier en date du 7 juillet 2020, dont droit de recouvrement direct au profit de Me Florence Rochelemagne sur ses seules affirmations de droit.

Au soutien de son appel, Mme [V] [U] veuve [M] fait valoir :

-qu'elle a notifié ses conclusions et pièces le 29 septembre 2021, soit dans le délai imparti par la cour et que M. [K] [O] a, quant à lui, conclu le 10 mars 2022, soit six mois après la notification des conclusions initiales et donc largement au delà du délai prescrit par les articles 905-2 du code de procédure civile ;

-qu'elle est âgée de 89 ans et qu'elle occupe seule sa maison depuis 1952 laquelle se situe dans un hameau « familial » très ancien, traversé à l'origine par un chemin napoléonien desservant les différentes habitations et ayant fait l'objet au fil du temps de plusieurs partages familiaux et cessions; que pour accéder à sa maison, elle dispose d'un unique accès matérialisé par un chemin traversant le hameau depuis la voie publique débouchant sur une cour, appartenant désormais à M. [K] [O], laquelle débouche sur sa propre cour où se situe l'entrée de son logement ; qu'il n'existe aucun autre accès et que jusqu'à récemment, elle a toujours utilisé paisiblement cette unique voie d'accès à son habitation ;

-que de manière récente, M. [K] [O] a procédé à l'installation d'un grillage avec deux portillons, fermant à clef, le tout apposé aux deux extrémités de la cour de l'intimé ; qu'il a également installé des cadenas sur ces portillons, sans lui mettre les clefs à disposition ; que cette installation l'empêche d'accéder à son logement tout comme les tiers lui rendant visite ; qu'ainsi, elle s'est trouvée empêchée d'être secourue dans des conditions normales, en septembre 2020, alors qu'elle présentait des signes de détresse ; qu'également les services d'aide à la personne ont décidé de ne plus intervenir compte tenu de l'impossibilité de se rendre normalement chez elle et du fait de l'attitude de M. [K] [O], ce dernier empêchant quiconque de passer par la cour et ce de manière violente ;

-que le seul moyen désormais pour accéder à son domicile est de traverser la propriété d'un tiers et d'escalader un muret depuis la parcelle AL [Cadastre 2] ;

-que sa demande ne porte pas sur la reconnaissance d'un droit de passage, mais sur une demande de remise en état sur le fondement du trouble manifestement illicite et de l'urgence ; qu'en effet, la matérialité de l'obstruction n'est pas contestée ni contestable ; qu'il est démontré qu'elle ne dispose pas d'autre accès depuis la voie publique à son domicile ; que l'urgence est caractérisée par l'impossibilité de vivre normalement à son domicile et une mise en danger compte tenu des difficultés d'accès que les services de secours d'urgence et des aides à domicile rencontrent ;

-que l'ordonnance entreprise est critiquable, d'une part, en ce que le premier juge, en indiquant qu'il s'agissait d'une « simple tolérance », a procédé à une qualification juridique du passage et ce alors que la détermination d'une servitude de passage relève de la compétence du juge du fond ; que d'autre part, le premier juge aurait du constater l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'enfin, alors que le juge des référés « ne conteste pas l'état d'enclave », il n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; qu'il a anticipé la résolution d'un litige relatif à l'enclave, dont l'instance au fond n'est pas saisie, en faisant droit à la demande d'expertise ;

-qu'elle subit un préjudice du fait du comportement abusif et fautif de M. [K] [O].

M. [K] [O], en sa qualité d'intimé, a notifié ses écritures le 10 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de débouter Mme [V] [U] veuve [M] de l'intégralité de ses demandes et moyens et de recevoir sa demande reconventionnelle.

Il souhaite, ainsi, voir la cour :

-condamner Mme [V] [U] veuve [M] pour tout rejet de détritus sur sa propriété à une somme de 100 € pour tout nouveau fait, à compter de la signification,

-condamner la même à lui payer la somme de 1200 € au titre des frais irrépétibles,

-ordonner aux frais de Mme [V] [U] veuve [M] une expertise judiciaire aux fins d'examiner la situation d'enclavement et des possibilités existantes pour sortir de cette situation,

-ordonner que l'exécution de l'ordonnance de référé à intervenir aura lieu au seul vu de la minute,

-condamner Mme [V] [U] veuve [M] aux dépens.

M. [K] [O] fait valoir :

-que son acte de propriété ne mentionne aucune servitude au profit de Mme [V] [U] veuve [M] et que cette dernière ne dispose d'aucun titre pour invoquer un droit de passage sur la cour lui appartenant ; qu'il est parfaitement en droit de clore sa propriété afin d'en limiter l'accès ; qu'il appartient à Mme [V] [U] veuve [M] dans la mesure où elle ne dispose d'aucun droit de passage d'engager une action en désenclavement ; qu'il est possible d'ordonner une expertise judiciaire, aux frais avancés de Mme [V] [U] veuve [M], pour savoir si elle est effectivement enclavée ;

-qu'il n'existe, en l'espèce, aucun trouble manifestement illicite au détriment de Mme [V] [U] veuve [M], puisqu'au contraire celle-ci fait usage de sa propriété sans aucun droit ;

-qu'en outre, contrairement à ce que soutient la partie adverse, il n'a jamais fermé complètement le passage, les portillons permettant le passage de l'appelante ;

-que Mme [V] [U] veuve [M] n'a de cesse de jeter des détritus sur son terrain.

La clôture de la procédure est intervenue au jour de l'audience soit le 21 mars 2022 et la décision a été mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 5 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exception de procédure :

A titre liminaire, l'appelante entend soulever l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé qui auraient été notifiées tardivement, soit le 10 mars 2022, dans le cadre d'une procédure à bref délai.

Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile que seul le président de chambre a compétence pour statuer sur cette exception de procédure, laquelle ne peut donc plus être soulevée devant la cour après l'ordonnance de clôture.

L'exception de procédure sera donc rejetée.

Sur le fond :

La cour est saisie, comme le juge de première instance, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, qui dispose que, même en présence d'une contestation sérieuse, il peut toujours être prescrit des mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Elle ne dispose pas du pouvoir de statuer, en référé, sur le fond du droit, mais seulement de prendre des dispositions conservatoires ou des mesures de remise en état, si l'une des conditions prévues par ce texte légal est remplie.

Le premier juge, considérant que le passage dont se prévaut Mme [V] [U] veuve [M] « semble être une simple tolérance », a estimé que l'obstruction au passage ne constituait pas un trouble manifestement illicite.

Toutefois, tel que précisé plus avant, il n'appartient, en effet, pas au juge des référés de se prononcer sur le fond du droit, et donc, en l'espèce, d'interpréter les actes notariés anciens afin de dire si une servitude conventionnelle existe, ni de trancher sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille ou par prescription sur l'assiette de celle-ci, ni de se prononcer sur l'état d'enclavement d'une parcelle. Il relève, en revanche du pouvoir du juge des référés de dire, avec l'évidence que requiert la procédure de référé, s'il existe une atteinte aux droits des parties et donc un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent.

Les pièces versées au dossier, et en particulier les procès-verbaux de constat d'huissier établis les 2 juillet 2020 et 21 octobre 2021 à la demande de Mme [V] [U] veuve [M], démontrent, d'une part, que la cour appartenant à M. [K] [O], qui permettait à l'appelante d'accéder à sa propriété a été clôturée, en ses deux extrémités par une clôture grillagée et deux portillons en palette. Le second procès-verbal de constat met en évidence que sur chaque portillon ont été installés une chaîne et un cadenas, Mme [V] [U] veuve [M] indiquant ne pas avoir la clef desdits cadenas. D'autre part, les procès-verbaux de constat confirment que la configuration actuelle des lieux ne permet pas d'accéder de manière aisée à la propriété de l'appelante, autrement qu'en traversant la cour litigieuse.

Aucune des pièces versées par M. [K] [O] ne vient contredire ces constats et ses déclarations sur un possible accès par la parcelle cadastrée AL n°[Cadastre 4] se sont étayées par aucune pièce justificative et sont même contredites par le procès-verbal de constat d'huissier du 21 octobre 2021 qui met en évidence que cette dernière parcelle est séparée par la parcelle AL n°[Cadastre 3] par un mur de soutenement en pierres rehaussé d'un garde-corps et se trouve située à près de 4 mètres en contre-bas.

Il en résulte, en conséquence, selon la configuration actuelle, pour Mme [V] [U] veuve [M] un trouble manifestement illicite en ce qu'il est porté une atteinte ou une limitation à son droit de propriété, celle-ci ne pouvant accéder normalement à son logement. Au surplus, les difficultés rencontrées par les secours ou par les aides à domicile pour rejoindre le domicile de l'appelante constituent des éléments supplémentaires venant caractériser le trouble manifestement illicite.

Dès lors, il apparaît nécessaire de prendre toutes les mesures nécessaires et utiles pour permettre de préserver les droits des parties, et permettre à Mme [V] [U] veuve [M] d'accéder à nouveau à sa parcelle. Il y a lieu, en effet, dès lors que les droits exacts de celle-ci ne sont pas à ce jour déterminés, de prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent, même en présence d'une contestation sérieuse, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 du code de procédure civile susvisé.

En l'état, le seul moyen pour Mme [V] [U] veuve [M] d'accéder à ces parcelles étant le passage par ladite cour, il convient, le trouble manifestement illicite étant avéré, d'infirmer la décision et d'ordonner à M. [K] [O] de cesser toute entrave au passage traversant la cour litigieuse et de procéder à l'enlèvement des clôtures et portillons installés, et ce, sous astreinte, tel que précisé au dispositif, afin d'assurer la bonne exécution de la décision.

Il convient, toutefois, d'ajouter que ces injonctions ne peuvent qu'être provisoires et ne demeureront valables que durant une période de 12 mois à compter de la signification de la présente décision, ou jusqu'à ce qu'une décision au fond soit rendue, à charge à la partie la plus diligente de saisir dans ce délai maximal de 12 mois la juridiction compétente ou jusqu'à ce que les parties s'entendent.

Mme [V] [U] veuve [M] demande, par ailleurs, la condamnation de M. [K] [O] au paiement, à titre provisionnel, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, et ce, du fait du comportement de celui-ci.

En clôturant sa cour, M. [K] [O] a rendu l'accès à la propriété de Mme [V] [U] veuve [M] plus difficile, voir impossible avec l'apposition de cadenas. Cette limitation de l'accès à son domicile a, au regard des pièces versées, d'une part, rendu difficile l'intervention des secours, alors que l'état de santé de l'appelante, âgée de 89 ans, nécessitait des soins et, d'autre part, a entraîné la suspension des aides à domicile dont elle bénéficiait. Mme [V] [U] veuve [M] démontre, en conséquence, un préjudice de jouissance justifiant l'octroi de dommages et intérêts. M. [K] [O] sera, en conséquence, condamné à payer à Mme [V] [U] veuve [M] la somme de 2 000 €, à titre provisionnel, à titre de dommages et intérêts.

La demande reconventionnelle formulée par M. [K] [O], sur appel incident, tendant à voir condamner Mme [V] [U] veuve [M] au titre des « rejets de détritus » ne peut qu'être écartée, en ce que, comme indiqué par le premier juge, les pièces versées au dossier ne permettent pas de démontrer que les détritus présents sur la propriété de M. [K] [O] ont été déposés par l'appelante. Il existe, en conséquence, une contestation sérieuse justifiant que cette demande soit écartée. De même, M. [K] [O] ne démontrant pas de trouble manifestement illicite ni de dommage imminent, sa demande ne peut être retenue. La décision entreprise sera, donc, confirmée de ce chef.

S'agissant, enfin, de la demande d'expertise formulée par M. [K] [O], aux frais avancés de Mme [V] [U] veuve [M], à laquelle le premier juge a fait droit, il convient de relever que bien que les parties fassent état d'une situation d'enclave empêchant tout accès à la parcelle de Mme [V] [U] veuve [M], les propriétaires des parcelles voisines, à l'exception de M. [K] [O], ne sont pas mis en cause dans la présente procédure.

Or, les juges chargés de déterminer l'assiette d'une éventuelle servitude dans l'hypothèse où une situation d'enclave serait constatée, doivent être placés dans une position leur permettant de procéder à une application globale des critères légaux.

Dès lors, en ordonnant une expertise, uniquement au contradictoire de M. [K] [O] et Mme [V] [U] veuve [M], à l'exception des propriétaires des fonds voisins sur lesquels pourrait être déterminée l'assiette du passage qui permettrait de désenclaver le fonds de l'appelante, l'expert désigné, puis le juge du fond éventuellement saisi, seront dans l'impossibilité de vérifier l'application de l'ensemble de critères posés par les articles 682 et suivants du Code civil et il ne sera pas permis de rendre contradictoires les travaux de l'expert aux propriétaires des fonds voisins de la parcelle AL [Cadastre 3], et ce, alors que cette parcelle jouxte d'autres parcelles que celles appartenant à M. [K] [O].

Il en résulte qu'il n'existe, en l'état, pas de motif légitime à ordonner une expertise conformément aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile. Il appartiendra à la partie la plus diligente, le cas échéant, de saisir le juge du fond pour voir ses droits déterminés entre une servitude conventionnelle, légale ou par destination de père de famille, et ce, éventuellement au contradictoire de l'ensemble des propriétaires de fonds riverains de ses parcelles, si l'action est engagée sur le fondement de l'enclave.

La décision entreprise sera réformée de ce chef et il sera dit n'y avoir lieu à ordonner une mesure d'expertise.

La cour faisant droit aux demandes de l'appelante, il convient de condamner M. [K] [O] aux dépens tant de la procédure de première instance que d'appel, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier du 7 juillet 2020.

L'équité commande également de faire droit à la demande de Mme [V] [U] veuve [M] au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de condamner, ainsi, M. [K] [O] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Celui-ci sera, en revanche, débouté de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Rejette l'exception de procédure tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [K] [O],

Infirme l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Privas le 10 juin 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté M. [K] [O] de sa demande au titre des détritus,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à ordonner une mesure d'expertise judiciaire,

Fait injonction à M. [K] [O] de cesser tout entrave au passage traversant la cour située entre les parcelles AL [Cadastre 5] et [Cadastre 6] et de procéder à l'enlèvement des clôtures et portillons édifiés sur cette cour et entravant l'accès et ce à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à partir de la signification de la présente décision et sous astreinte, passé ce délai, de 50 € par jour de retard pendant 12 mois à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

 

Dit que ces injonctions ne sont valables que durant une période de 12 mois à compter de la signification de la présente décision, ou jusqu'à ce qu'une décision au fond soit rendue, à charge à la partie la plus diligente de saisir dans ce délai maximal de 12 mois la juridiction compétente ou jusqu'à ce que les parties s'entendent,

Condamne M. [K] [O] à payer à Mme [V] [U] veuve [M], à titre provisionnel, la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts,

Déboute M. [K] [O] de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [O] à payer à Mme [V] [U] veuve [M] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne M. [K] [O] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier du 7 juillet 2020, dont droit de recouvrement direct au profit de Me Florence Rochelemagne sur ses seules affirmations de droit.

Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/03048
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;21.03048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award