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05/05/2022 | FRANCE | N°20/01686

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 05 mai 2022, 20/01686


ARRÊT N°



N° RG 20/01686 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX5U



EG



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

16 juin 2020 RG :11-18-1343



S.C.I. THEOMEL



C/



[V]

Association ATG



















Grosse délivrée

le

à Me Pomies Richaud

SCP Fortunet

















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

>
ARRÊT DU 05 MAI 2022







APPELANTE :



S.C.I. THEOMEL société civile immobilière au capital de 10.000,00 €, immatriculée au RCS de AVIGNON sous le n° 448 226 985 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

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ARRÊT N°

N° RG 20/01686 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX5U

EG

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON

16 juin 2020 RG :11-18-1343

S.C.I. THEOMEL

C/

[V]

Association ATG

Grosse délivrée

le

à Me Pomies Richaud

SCP Fortunet

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANTE :

S.C.I. THEOMEL société civile immobilière au capital de 10.000,00 €, immatriculée au RCS de AVIGNON sous le n° 448 226 985 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me NICOLAS HEQUET, Plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

Madame [O] [V] épouse [K]

née le 18 Novembre 1979 à [Localité 8] (13)

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Guillaume FORTUNET de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/5993 du 10/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

Association Tutélaire de Gestion de VAUCLUSE (ATG) désignée en qualité de curateur de Madame [O] [V] suivant jugement du Juge des Tutelles d'AVIGNON en date du 21 juillet 2015

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume FORTUNET de la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Elisabeth Granier, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Mme Elisabeth Granier, conseillère

GREFFIER :

Mme Céline Delcourt, greffière, lors des débats et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 10 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, Présidente de Chambre et par Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 05 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat en date du 25 juin 2014, la société civile immobilière Theomel a donné à bail à Mme [O] [V] un logement à usage d'habitation sis [Adresse 4].

Mme [O] [V], soutenant l'insalubrité de son logement, a saisi les services de la Mairie le 20 février 2015 qui se sont rendus sur les lieux, puis ont préconisé des travaux à charge du bailleur, restés vain malgré une mise en demeure de la locataire.

Mme [O] [V] a été placée sous curatelle, l'association tutélaire de gestion du [Localité 10] ayant été désigné en qualité de curateur par le juge des tutelles d'Avignon selon jugement du 21 juillet 2015.

Un diagnostic de décence, réalisé pour le compte de la caisse d'allocations familiales de Vaucluse, a été effectué le 22 février 2016.

A partir de mai 2016, la société civile immobilière Theomel a fait réaliser un certain nombre de travaux.

Par acte d'huissier délivré le 28 octobre 2016 à la société civile immobilière Theomel, Mme [O] [V] l'a faite assigner, devant le président du tribunal d' instance d' Avignon aux fins de réalisation de travaux sous astreinte, suspension du paiement des loyers et condamnation de son bailleur à une indemnité provisionnelle, lequel, par ordonnance de référé du 20 février 2017, a notamment ordonné une expertise confiée à Mme [L] [U] et condamné de la société civile immobilière Theomel à payer à Mme [O] [V] une provision de 2'000'euros.

Dans la nuit du 21 au 22 février 2017, l'appartement donné en location à Mme [V] a été cambriolé.

Dans la nuit du 24 février 2017, l'appartement a fait l'objet d'un incendie et est devenu inhabitable.

L'expert, dont la première visite sur les lieux est intervenue le 4 mai 2017, a déposé son rapport le 25 juillet 2017.

Par acte d'huissier délivré le 1er octobre 2018 à la société civile immobilière Theomel, Mme [O] [V] l' a faite assigner devant le tribunal judiciaire d'Avignon en réparation de ses préjudices, lequel, par jugement du 16 juin 2020, a statué comme suit':

- reçoit l'intervention de l'association tutélaire de gestion du [Localité 10] es-qualités de curateur ,

- écarte la demande de nullité de l'assignation,

- fixe le préjudice de jouissance à 7.695'euros,

- constate que la locataire déclare être redevable de 490,60'euros d'arriéré locatif,

- après compensation, condamne la société civile immobilière Theomel à verser à Mme [O] [V] la somme de 7.204,40'euros de dommages-intérêts et 1.000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société civile immobilière Theomel aux entiers dépens,

- rejette les autres demandes,

- condamne le défendeur aux dépens.

Par déclaration du 15 juillet 2020, la société civile immobilière Theomel a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 avril 2021, auxquelles il est expressément référé, la société civile immobilière Theomel (sci) demande à la cour de':

y venir la requise,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions exceptée la recevabilité de l'intervention volontaire,

Statuant de nouveau,

à titre principal,

Vu l'article 468 alinéa 3 du code civil,

Vu l'article 117 du code de procédure civile,

- déclarer nulle l'action introduite par Mme [O] [V],

à titre subsidiaire,

Vu l'article 1728, 2° du code civil,

Vu l'article 9 et l'article 202 du code de procédure civile,

- débouter Mme [O] [V] et l'Association tutélaire de gestion de Vaucluse de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article 1728, 2° du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

- dire et juger que Mme [O] [V] est redevable de la somme de 7.809,60'euros depuis son entrée dans les lieux au titre de l'arrière locatif qui lui est dû,

- dire et juger que le-dit arriéré locatif dû se compensera avec le préjudice de jouissance qui serait éventuellement dû par elle,

- dire et juger qu'en tout état de cause, le préjudice de jouissance qui serait éventuellement dû doit tenir compte des seuls loyers dont Mme [O] [V] s'est acquittée auprès d'elle, sauf à admettre l'enrichissement sans cause de Mme [O] [V] et l'indemnisation de son préjudice au-delà du seul préjudice direct et certain susceptible de donner lieu à indemnisation,

- condamner en tout état de cause Mme [O] [V] à lui payer la somme de 7.809,60'euros correspondant depuis son entrée dans les lieux à l'arriéré locatif qu'elle doit,

- débouter Mme [O] [V] et l'Association tutélaire de gestion de Vaucluse de l'ensemble de leurs autres demandes,

en tout état de cause,

- débouter Mme [O] [V] et l'Association tutélaire de gestion de Vaucluse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'intimées et appel incident,

- condamner Mme [O] [V] à lui verser la somme de 1.500'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'une que la somme de 2.500'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelante soutient qu'en application de l'article 468, alinéa 3 du code de procédure civile, l'action introduite le 1er octobre 2018 par Mme [V] seule, alors qu'elle a été placée sous curatelle le 21 juillet 2015, est nulle pour défaut de capacité d'ester en justice, son curateur, n'intervenant qu'en cours de procédure et ne pouvant dès lors couvrir l'irrégularité de fond. Elle critique encore le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice de jouissance de Mme [V] à la somme de 7'695'euros. Elle soutient que Mme [V] ne rapporte pas la preuve de l'état d'insalubrité du logement, le contrat de location en date du 1er juillet 2014 ne comportant pas de réserve quant à l'état du bien. Elle fait valoir que le logement avait antérieurement été loué au compagnon de Mme [V], que l'état des lieux du 30 janvier 2014 et celui du 30 juin 2014 indiquent que l'ensemble des éléments d'équipement de l'appartement est en bon état et que la plainte de Mme [V] n'est pas intervenue dans les premières semaines de la location mais cinq jours après que la gérante de la sci a manifesté son mécontentement concernant sa caravane stationnée sur son terrain sans autorisation, avec un rappel de loyer. Elle fait observer que le rapport du service de la commune de [Localité 7] ne fait pas état de l'insalubrité du logement, mais de non-conformités auxquelles elle a remédié en entreprenant des travaux dès le début de l'année 2016, l'état des lieux de sortie réalisé le 30 mai 2017 énonçant que l'ensemble des installations et équipements de l'appartement est considéré soit en 'état d'usage' soit en 'bon état'. Elle fait valoir qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire que le problème de chauffage ne pouvait pas être pris en compte pour une non-conformité locative au regard de la disparition des radiateurs, souligne que cette expertise a été effectuée dans un logement non occupé depuis le 22 février 2017, date du cambriolage et après la survenance d'un incendie et que l'appartement n'était plus habitable en raison de ce cambriolage puis de cet incendie. Elle conteste l'expertise en ce qu'elle a retenu un préjudice subi par le locataire estimé à 30% des loyers payés par ce dernier sur la période d'avril 2015 à février 2017, en faisant notamment abstraction des travaux qu'elle a effectués pendant 8 à 10 mois avant la survenance du cambriolage et de l'incendie, et en ce que, concernant la période de mars 2017 à avril 2017, elle a retenu une perte de 100% des loyers payés par le locataire, alors que Mme [V] a quitté le logement le 22 février 2017 et qu'elle n'a pas réglé les deux derniers mois de loyer. De plus, elle fait valoir que Mme [V] n'établit pas son préjudice moral. Elle réplique à l'appel incident de Mme [V] concernant son préjudice de jouissance que cette dernière ne démontre pas que l'indécence du logement était préexistante à la conclusion du bail, d'autant qu'elle a pris l'appartement en connaissance de cause, qu'elle s'est plainte de l'état de l'appartement seulement à partir du 10 février 2015, et qu'il ne ressort pas du rapport des services de la commune de la ville de [Localité 7] que l'appartement était de nature à engendrer une perte de jouissance partielle, même de 30%. Elle ajoute qu'il convient de tenir compte des travaux qu'elle a effectués et que Mme [V] ne fait pas état des aides au logement qu'elle perçoit. Elle soutient que Mme [V] ne justifie pas de son préjudice moral. Elle considère que sa demande reconventionnelle est recevable devant la cour en application de l'article 567 du code de procédure civile, dès lors qu'il s'agit d'opposer compensation, Mme [V] ne s'étant pas acquittée de l'intégralité de ses loyers, l'arriéré locatif s'élevant à la somme de 7 809,60 euros.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 16 novembre 2021, auxquelles il est expressément référé, Mme [O] [V] et l'Association tutélaire de gestion de Vaucluse (atgv) demandent à la cour de':

Vus les articles 1719 et 1720, 1240 du code civil,

Vu l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu les articles 325 et suivants, 564 du code de procédure civile,

- débouter la SCI Theomel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions :

- confirmant la décision de première instance :

* recevoir l'intervention de l'ATG et écarter par voie de conséquence la nullité de l'assignation,

* constater l'existence d'un préjudice de jouissance subi par Mme [O] [V],

* constater que Mme [O] [V] est redevable d'une somme de 490,60'euros au titre de l'arriéré locatif,

- infirmant la décision de première instance :

* condamner la société civile immobilière Theomel à lui verser une somme de 10.935'euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

* condamner la société civile immobilière Theomel à lui verser une somme de 3.000'euros en réparation du préjudice moral subi,

* constater que Mme [O] [V] demeure redevable de la somme de 490,60'euros à titre d'impayés de loyer à l'égard de la SCI Theomel,

* ordonner en conséquence la compensation de ces sommes,

* condamner la société civile immobilière Theomel au paiement d'une somme de 1.500'euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entier dépens de l'instance.

- Sur la demande nouvelle formée en appel par la société civile immobilière Theomel au titre d'un prétendu arriéré locatif de 7.809,60 euros:

* constater au visa de l'article 564 du code de procédure civile qu'elle est irrecevable en ce qu'elle s'est abstenue de la former en première instance:

* à titre subsidiaire, débouter la société civile immobilière Theomel de cette demande en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un arriéré locatif,

* constater que Mme [O] [V] rapporte la preuve du paiement de ses loyers à compter du 1er avril 2016 jusqu'à la résiliation du bail,

* en tout état de cause, et à titre infiniment subsidiaire, dire que la demande tardive formée par la société civile immobilière Theomel est prescrite pour les loyers antérieurs au 1er janvier 2016,

* en conséquence, débouter la société civile immobilière Theomel de sa demande de compensation avec le préjudice de jouissance.

- En tout état de cause :

* condamner la société civile immobilière Theomel au paiement d'une somme de 2.500'euros au titre de l'article 700 en cause d'appel ainsi qu'aux entier dépens de l'instance d'appel.

Les intimées soutiennent que la procédure a été régularisée par l'atgv, curatrice de Mme [V], qui est intervenue volontairement en première instance et que la nullité de l'action ne peut être soulevée que par le majeur protégé, Mme [V], assistée de son curateur, en application de l'article 468 alinéa 3 du code civil. Elles indiquent qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire que le logement n'était pas propre à la location, ne répondait pas aux critères de décence et que, par conséquent, elle a subi un préjudice de jouissance, dont le point de départ doit être fixé dès juin 2014, cette indécence étant pré-existante à la conclusion du bail et Mme [V] en ayant informé le bailleur huit mois après son installation, le 10 février 2015. Elles contestent le moyen de preuve consistant dans l'état des lieux de sortie effectué avec l'ancien locataire, estimant qu'il est inexploitable. Elles font valoir que Mme [V] est fondée à obtenir réparation de son préjudice de jouissance à hauteur d'une somme de 10 935 euros dans la mesure où la bailleresse a manqué à ses obligations et que ce préjudice doit être calculé au regard du montant du loyer contractuellement dû. Elles soulignent que l'appelante ne rapporte pas la preuve des manquements de Mme [V], n'a pas formé de demande reconventionnelle tendant à effectuer les comptes entre les parties en première instance, et qu'elle impute sur le préjudice de jouissance des loyers prescrits dont les impayés ne sont pas justifiés.

Elles considèrent que la demande reconventionnelle en appel est une demande nouvelle et irrecevable dans la mesure où il s'agit d'une demande de condamnation de Mme [V]. A titre subsidiaire, elles affirment que Mme [V] justifie les réglements effectués depuis janvier 2016, que la sci reconnaît avoir perçu une somme de 7 880,40 euros au titre de l'année 2016, que pour l'année 2017, une régularisation de la caisse d'allocations familiales est intervenue, le solde restant à devoir, qui s'élève à 490,60 euros, pouvant être compensé avec le préjudice de jouissance. A titre infiniment subsidiaire, elles font valoir que les sommes au titre des loyers dus ne pourraient concerner que des loyers antérieurs au 1er janvier 2016, les demandes de la sci étant prescrites puisque formées pour la première fois devant la cour d'appel selon des conclusions régularisées le 13 octobre 2020. Elles répliquent aux conclusions adverses que quand bien même le preneur aurait pris le logement en connaissance de cause, le bailleur est tenu de mettre le logement aux normes, en l'espèce, le caractère indécent du logement ne pouvant être contesté en ce qu'il ressort du rapport d'expertise et la sci ne justifiant pas des travaux qu'elle aurait réalisés, les factures produites étant antérieures au rapport d'expertise. Elles estiment que Mme [V] a subi un préjudice moral, distinct du préjudice de jouissance, justifiant des dommages et intérêts, au regard des conséquences de l'état d'insalubrité du logement sur son état de santé et celui de son enfant et de l'attitude de la sci qui a procédé à des tentatives d'intimidation à son égard alors qu'elle était placée sous une mesure de curatelle.

La clôture de la procédure a été fixée au 17 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

Sur l'exception de nullité pour vice de fond:

Mme [O] [V] a été placée sous le régime de la curatelle simple, l'Atgv ayant été désignée es-qualité de curateur, selon jugement rendu le 21 juillet 2015 par le tribunal d'instance d'Avignon. Mme [O] [V] a, par acte d'huissier délivré au bailleur le 1er octobre 2018, saisi le tribunal d'instance d'Avignon en réparation de divers préjudices au titre du caractère indécent de son logement. L'atgv est intervenue volontairement à l'instance.

Il est soutenu le défaut de capacité d'ester en justice prévu à l'article 117 du code de procédure civile de Mme [O] [V], dont la sanction est la nullité de l'assignation, en raison du défaut de l'assistance du curateur lors de l'introduction de l'instance telle qu'exigée par l'article 468 alinéa 3 du code civil.

Or il est constant que l'irrégularité d'une assignation délivrée au nom d'une personne protégée, sans celui qui l'assiste, est susceptible d'être régularisée par une intervention volontaire en cours d'instance conformément à l'article 121 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'atgv est intervenue volontairement à l'instance dans les suites de la délivrance de l'assignation à l'initiative du majeur protégé et elle s'est associée aux demandes portées par ce dernier.

Dès lors, l'assignation est parfaitement régulière et l'exception de nullité soulevée a été légitimement rejetée par les premiers juges.

Sur le fond :

Sur l'obligation de délivrance d'un logement décent :

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. La décence du logement est également relevée dans l'article 1719 du Code civil.

Les caractéristiques du logement décent sont précisées à l'article 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

Il résulte du rapport de l'expert judiciaire déposé le 25 juillet 2017 que le logement n'était pas propre à la location et ne répondait pas aux critères de décence en raison du défaut d'assurance du clos et du couvert depuis février 2017, de l'état de vétusté des matériaux qui présentaient « un risque pour la santé des occupants » et d'une non-conformité des installations aux normes de sécurité.

Le-dit rapport ne fait que corroborer d'une part le diagnostic décence de la caisse d'allocations familiales de Vaucluse porté à la connaissance de la locataire le 22 février 2016 qui, suite à une visite du 8 février précédent, a conclu à des éléments d'indécence:

- sur les revêtements portant humidité et moisissure sur le mur de la chambre, la salle d'eau et le salon,

- sur l'installation électrique ayant constaté la présence d'éléments n'assurant pas la sécurité telle que des fils non sécurisés,

-sur le chauffage qui est jugé insuffisant pour le rez-de-chaussée avec une absence de joint d'une vitre insert,

-sur l'aération tenant l'absence d'extraction d'air vicié permanente et suffisante pour la cuisine, salle d'eau et WC ainsi que l'absence de grilles d'entrée d'air pour la pièce du rez-de-chaussée,

- sur les menuiseries en l'état de problèmes de fermetures et d'étanchéité;

L'expertise judiciaire corrobore d'autre part les constats, faits par la municipalité de [Localité 7], réalisée le 16 avril 2015 suivi d'une contre-visite le 18 décembre 2015 sans amélioration sur :

- la présence de traces d'humidité et/ou de moisissures dans la salle de bain est l'une des chambres,

- l'absence des aérations réglementaires dans la cuisine, qui de surcroît est équipée avec une cuisinière gaz,

- le manque d'étanchéité à l'air de l'encadrement de la porte d'entrée et de la fenêtre du sanitaire du rez-de-chaussée,

- l'insuffisance du chauffage du rez-de-chaussée de l'habitation,

- les installations extérieures défectueuses tant électriques que s'agissant du conduit d'évacuation des eaux usées;

L'indécence du logement a donc été relevée dés les constatations effectuées par la commune de [Localité 7], contrairement à ce que soutient le bailleur, avant le cambriolage intervenu dans la nuit du 21 au 22 février 2017 et avant l'incendie ayant endommagé l'appartement dans la nuit du 24 février 2017.

Ce constat d'indécence n'est pas remis en cause par les trois factures versées par le bailleur courant 2016 étant rappelé la fin du bail au 22 mars 2019 et le départ des locataires au 14 juin 2019:

Celle du 3 mai 2016 porte sur un groupe de sécurité et un chauffe eau pour 197,80 euros ttc et vise la réparation d'une absence d'eau chaude signalée. Celle du 23 septembre 2016 porte sur le remplacement d'un cumulus pour 600 euros ttc et celle du 24 septembre 2016 porte sur la reprise du solin de jonction du mur à la toiture et la révision de la toiture par remplacement des tuiles défectueuses et réparation de celles non démontables pour 1520,60 euros ttc.

L'expert judiciaire a chiffré le 25 juillet 2017, soit après les reprises réalisées par le bailleur, les travaux nécessaires à hauteur de 7'091,47'euros.

Or, l'apport de l'eau chaude, le rafistolage de tuiles en toiture et une reprise d'étanchéité par un solin entre le mur externe et la toiture ne peut répondre à lui seul aux multiples désordres constatés remédiant à l'indécence du logement sans commune mesure avec les menus travaux à l'initiative du bailleur en 2016.

Il n'y a pas eu d'état des lieux d'entrée et le bon état présumé des lieux ne libère pas le bailleur de son obligation de remettre au locataire un logement décent, comme tente de le faire le bailleur en produisant un état des lieux de sortie du précédent locataire de la veille du nouveau bail.

L'absence d'aération, l'humidité et la moisissure interne à l'habitation, l'insécurité de l'installation électrique entrent précisément dans les caractéristiques du logement indécent marquant la violation par les bailleurs de leur obligation de délivrance d'un logement décent.

Les premiers juges ont donc parfaitement apprécié la responsabililité du bailleur.

Sur le préjudice résultant de la violation de l'obligation de délivrance par le bailleur:

1/ Le préjudice de jouissance du fait d'une occupation affectée par l'indécence du logement:

L'expert judiciaire a estimé le préjudice subi par les locataires à 30% des loyers sur la période d'avril 2015, date des doléances dont le bailleur a été informé, à février 2017 (25 mois à 243 euros soit 6075 euros) et à 100% des loyers sur la période de mars 2017 à avril 2017 ( 2 mois à 810 euros soit 1620 euros) soit 7695 euros.

Ce préjudice est tiré des désagréments de jouissance en raison des infiltrations, moisissures, absence d'isolation et installation électrique non conforme auxquels les locataires ont du faire face et composer. Ce préjudice ne saurait remonter à l'entrée dans les lieux à défaut pour la locataire d'en avoir saisi le propriétaire.

C'est donc fort légitimement que les premiers juges ont apprécié le préjudice de jouissance de la locataire à la somme de 7695 €. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

2/ le préjudice moral de la locataire:

Le certificat médical versé par la locataire du 23 décembre 2015 faisant état de l'état d'insalubrité de son logement nocif pour la santé de son futur enfant, n'est corroboré d'aucun certificat confirmatif à la naissance de l'enfant. Par ailleurs, l'attestation établie le 9 septembre 2016 par Mme [B] [C] indiquant avoir hébergé Mme [V] et son enfant pour prendre des douches n'est corroborée d'aucune pièce d'identité et est en totale contradiction avec la facture établissant le changement du chauffe eau au 3 mai 2016.

Surabondamment, ce dernier point revient à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance déjà analysé ci-dessus et qui ferait double emploi avec celui précédemment alloué. Ce point est à nouveau confirmé.

Sur l'arriéré locatif:

Le bailleur forme une demande nouvelle devant la cour d'appel aux fins de condamnation de la locataire au titre de l'arriéré locatif du par la locataire à hauteur de 7809,60 euros pour opposer, à titre infiniment subsidiaire, compensation avec le préjudice de jouissance de la locataire. Cette prétention nouvelle est recevable conformément à l'article 564 du code de procédure civile. Il fait état des loyers de juillet à décembre 2016 sur lesquels les décomptes qu'il produit démontre un paiement mensuel de la locataire de 503,04 euros, soit 3018,24 euros perçus. Il fait également état des loyers de janvier à avril 2017 impayés en totalité. Les décomptes du bailleur ne tiennent aucunement compte des versements que lui a directement fait la caisse d'allocations familiales qui en a avisé la locataire par deux courriers versés aux débats d' avril 2017 pour 2824 euros et de juillet 2018 pour 1765 euros soit 4589 euros.

La bailleur a donc perçu sur la période considérée la somme totale de 7607,24 euros et aurait du percevoir la somme de 8100 euros, soit 492 euros d'arriérés de loyers restant dus.

Or, la locataire reconnaît spontanément devoir à son bailleur la somme de 490,60 euros que le premier juge déduit du préjudice de jouissance pour, après compensation, porter la condamnation de la sci à la somme de 7.204,40 euros.

En conséquence, et en l'état de la compensation opérée en première instance aucun arriéré de loyer ne reste du au bailleur et la décision de première instance est confirmée en toutes ses disposition.

Sur les frais de procédure et les dépens:

La sci est condamnée à payer à Mme [O] [V] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La sci est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon,

Y ajoutant,

Condamne la société civile immobilière Theomel à payer à Mme [O] [V] la somme 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société civile immobilière Theomel de sa demande formée au titre de l'arriéré locatif à compenser avec le préjudice de jouissance et de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société civile immobilière Theomel aux dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 20/01686
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.01686 ?
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