La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/00312

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 28 avril 2022, 21/00312


ARRÊT N°



N° RG 21/00312 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5L2



LM



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES

27 novembre 2020

RG:18/01315



Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES)



C/



[H]

SELARL EB ARCHI













Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

Selarl Divisia

Me Pomiès Richaud

















COUR D'APPEL DE NÎM

ES



CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A



ARRÊT DU 28 AVRIL 2022







APPELANTE :



Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES) Société d'assurances mutuelles de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit...

ARRÊT N°

N° RG 21/00312 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5L2

LM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES

27 novembre 2020

RG:18/01315

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES)

C/

[H]

SELARL EB ARCHI

Grosse délivrée

le

à Selarl Favre de Thierrens

Selarl Divisia

Me Pomiès Richaud

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 28 AVRIL 2022

APPELANTE :

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES) Société d'assurances mutuelles de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Férouze MEGHERBI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [E] [H]

née le 10 Décembre 1930 à [Localité 7] (12)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL EB ARCHI immatriculée au RCS RODEZ sous le N° 494 050 578 prise en lapersonne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Décembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Madame Laure Mallet, conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et et Mme Céline Delcourt, greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 18 Janvier 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Mars 2022 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Céline Delcourt, greffière, le 28 avril 2022, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis de mission de maîtrise d' 'uvre accepté le 29 juillet 2013, Mme [E] [H] (83 ans à la signature du contrat) confiait à la Selarl Eb Archi, cabinet d'architecture assurée auprès de la MAF la réalisation d' un permis de construire pour la reconstruction de son chalet situé sur le terrain dont elle est propriétaire à [Localité 8] dans le Gard, cadastré section [Cadastre 5] lieux-dits « Le Devois » détruit à la suite d'un incendie en janvier 2013.

Le 13 mars 2014, le dossier de permis de construire déposé par la Selarl Eb Archi était accepté, ce dernier respectant le PLU local prévoyant une hauteur maximum de la construction sous l'égout du toit à 6 mètres.

Le même jour, suivant mission particulière facturée à Mme [H], la Selarl Eb Archi établissait des plans d'exécution destinés aux entreprises intervenantes à l' acte de bâtir, lesdits plans prévoyant une hauteur de la construction de 7,94 m sous l'égout du toit.

Les voisins de Mme [H] ont déposé plainte auprès de la mairie.

Le 19 janvier 2015, le maire rendait un arrêté d 'interruption des travaux sans dérogation.

Le 28 février 2015, la Selarl Eb Archi déposait un nouveau permis de construire modificatif prévoyant des travaux de mise en conformité à hauteur de 100.000,00 € selon son calcul.

Aucun accord n' intervenait entre les parties pour la prise en charge de ces frais.

Par actes des 3 et 9 décembre 2015, Mme [H] a fait assigner la selarl Eb Archi et la MAF devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Alès aux fins de désignation d'un expert judiciaire .

Par ordonnance du 7 janvier 2016, M. [J] était désigné.

Par ordonnance des 22 septembre 2016 et 20 avril 2017, les opérations d'expertise étaient étendues à la Sarl Boissière et Fils et son assureur, AXA, et à M. [B] [H].

M. [J] déposait son rapport le 4 juin 2018.

Par actes des 31 octobre et 5 novembre 2018, Mme [H] a fait assigner la Selarl Eb Archi et la MAF en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire du 27 novembre 2020, le tribunal de grande instance d'Alès a:

-condamné in solidum la selarl Eb Archi et la compagnie MAF à payer à Mme [E] [H]:

*261.975,44 € arrêtée au 30 novembre 2020 et avec intérêts au taux légal à compter de cette date,

*280 € par mois à compter du 1er décembre 2020 jusqu'à la date de versement de la somme en principal, la MAF n'étant tenue qu ' à hauteur de la somme de 259.835,79 €.

-condamné in solidum la selarl Eb Archi et la compagnie MAF à payer à Mme [E] [H] la somme 5.500 € en application de l' article 700 du code de procédure civile.

-rejeté toute autre demande.

-condamné in solidum la Selarl Eb Archi et la compagnie MAF aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire.

Par déclaration du 22 janvier 2021, la MAF a relevé appel de ce jugement.

Par déclaration du 3 février 2021, la Selarl Eb Archi a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 16 février 2021, les affaires ont été jointes.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 28 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé, la MAF demande à la cour de :

Vu l'article 1.1 des conditions générales de la police MAF

Vu le chapitre 1 des annexes des conditions générales de la police MAF

Vu l'article 1964 du code civil

Vu l'article L 121-15 du code des assurances

Vu le code des devoirs professionnels des architectes

Vu l'article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances

Vu l'article L 113-7 du code des assurances

Vu l 'article 566 du code de procédure civile

-réformer le jugement en ce qu'il a:

*condamné in solidum la selarl Eb Archi et la compagnie MAF à payer à Mme [E] [H]:

.261.975,44 € arrêtée au 30 novembre 2020 et avec intérêts au taux légal à compter de cette date,

.280 € par mois à compter du 1er décembre 2020 jusqu' à la date de versement de la somme en principal, la MAF n'étant tenue qu' à hauteur de la somme de 259.835,79 €,

*condamné in solidum la selarl Eb Archi et la compagnie MAF à payer à Mme [E] [H] la somme 5.500 € en application de l' article 700 du code de procédure civile,

*rejeté toute autre demande,

*condamné in solidum la Selarl Eb Archi et la compagnie MAF aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire.

Statuant à nouveau des chefs de jugement critiqués:

A titre principal:

-mettre la MAF hors de cause en l'absence de faute de l'architecte en lien avec les dommages allégués

A titre subsidiaire,

-mettre la MAF hors de cause en l'état de l'exercice anormal de la profession par l'architecte basé sur la faute volontaire,

-mettre la MAF hors de cause, l'aléa conditionnant la police MAF ayant été anéanti par le comportement de son assuré.

A titre plus subsidiaire,

-mettre hors de cause la MAF en l'état de la faute dolosive de son assurée,

A titre encore plus subsidiaire,

-rejeter la solution de démolition/reconstruction et dire et juger qu'il y a lieu d'indemniser la demanderesse dans les termes de la solution alternative proposée,

-rejeter tous préjudices supplémentaires comme étant non établis.

En tout état de cause,

-rejeter l'appel incident de Mme [H].

Dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement et d'une condamnation de la MAF,

-juger qu'elle ne peut être tenue que dans les limites de son contrat relativement à sa franchise et son plafond sur l'ensemble des condamnations,

-condamner Mme [H] à payer à la MAF la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux dépens.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 23 décembre 2021, auxquelles il est expressément référé, la Selarl Eb Archi demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1231 du code civil

Vu les dispositions des article L. 113-1 al. 2 et L. 121-15 du code des assurances

Vu le jugement prononcé par le tribunal judiciaire d'Alès le 27 novembre 2020

-accueillir l'appel interjeté à son encontre par la Selarl Eb Archi comme régulier en la forme et juste au fond,

-rejeter l'appel de la part de la MAF en ce qu'il tend à faire juger qu'elle ne doit pas garantie des dommages allégués par Mme [H],

-rejeter l'appel incident de Mme [H] réclamant l'infirmation de celles des dispositions de la décision attaquée ayant rejeté sa réclamation en réparation d'un prétendu préjudice financier,

-Infirmer la décision entreprise,

Au principal

-dire et juger que la SELARL Eb Archi n'a pas manqué à ses obligations contractuelles et n'encourt aucune responsabilité au titre des dommages allégués par Mme [H],

-prononcer sa mise hors de cause pure et simple,

Subsidiairement

-rejeter comme infondées toutes prétentions de Mme [H] en réparation des travaux de mise en conformité de l'ouvrage excédant la somme de 102 474,97 €,

-dire et juger n'y avoir lieu à indemnisation d'une quelconque perte de valeur vénale,

-dire et juger n'y avoir lieu à indemnisation d'un préjudice de jouissance ou d'un préjudice financier,

-condamner la MAF à relever et garantir la SELARL Eb Archi de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

-condamner in solidum Mme [E] [H] et la MAF à payer à la SELARL Eb Archi la somme de 5 000 € en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer,

-dépens comme de droit.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 12 janvier 2022, auxquelles il est expressément référé, Mme [E] [H] demande à la cour :

Vu les articles 1134,1147 et suivants (anciens) du code civil,

Vu le code de l'urbanisme et notamment l'article L 480-4.

Vu l'article L113-17 du code des assurances.

Vu les articles 783 et 784 du code de procédure civile.

-confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [H] au titre de son préjudice financier,

-recevoir Mme [H] en son appel incident limité à la question de l'indemnisation de son préjudice financier et infirmer le jugement sur ce point,

-condamner in solidum la Selarl Eb Archi et la MAF à payer à Mme [E] [H] la somme de 25.800,76 € en réparation du préjudice financier qu'elle a subi en raison de la faute de la Selarl Eb Archi,

-condamner in solidum la Selarl Eb Archi et la MAF aux dépens d'appel et à payer à Mme [E] [H] la somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

Sur les demandes de Mme [E] [H] ,

Sur la responsabilité de la Selarl Eb Archi,

Selon l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.»

Selon l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.»

La Selarl Eb Archi, selon devis accepté en date 29 juillet 2013, s'est vu confier la mission d'établir le permis de construire du chalet à reconstruire.

Le 13 mars 2014, elle a été chargée de la réalisation des plans généraux d'exécution des ouvrages.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le dossier de permis de construire déposé par la Selarl Eb Archi, et accepté, respectait le Plan local d'urbanisme (PLU) prévoyant une hauteur maximum de la construction sous l'égout du toit à 6 mètres mais que les plans d' exécution destinés aux entreprises intervenantes à l' acte de bâtir prévoyaient une hauteur de la construction de 7,94 mètres sous l'égout du toit.

M. [J] explique que le dépassement de la hauteur sous l'égout (8,40 m au lieu de 7,94 m) n'est pas la cause génératrice du problème initial de non-respect du P.L.U ayant entraîné l'arrêt de la construction par décision du maire de la commune.

La Selarl Eb Archi ne conteste pas l'origine des désordres mais fait valoir que la modification des plans a été demandée par M. [B] [H], fils et représentant de Mme [E] [H], qui souhaitait que le deuxième étage du chalet soit habitable, que ce dernier, notoirement compétent puisqu'il est couvreur, a dirigé le chantier, rappelant que l'architecte n'avait qu'une mission partielle, et que la maître de l'ouvrage a accepté le risque.

Or, il résulte des pièces contractuelles que seule Mme [E] [H] est maître d'ouvrage ayant signé les contrats de maîtrise d''uvre.

Par ailleurs, elle est propriétaire du terrain sur lequel est édifiée la construction, a signé le dossier de permis de construire initial et le permis de construire modificatif de 2015 et a réglé les factures que lui a adressées l'architecte.

L'analyse des courriels échangés entre l'architecte et plus particulièrement M. [B] [H] révèle nullement que ce dernier a donné des instructions ou demandé une modification des plans ou même qu'il ait été le mandataire de sa mère qui avait des contacts directs avec la Selarl Eb Archi.

Il convient également de relever que l'ensemble de la fratrie envoyait des mails à l'architecte, étant rappelé que Mme [E] [H], âgée de plus de 87 ans, ne maîtrise pas ce mode de communication.

Par ailleurs, ces mails ne contiennent pas des instructions mais bien des questions posées à l'homme de l'art.

Le seul fait que M. [B] [H] soit intervenu en sa qualité de couvreur pour effectuer des travaux qui relèvent de sa compétence, n'établit pas qu'il se soit comporté comme un maître d''uvre.

Au demeurant, l'expert indique page de 10 son rapport que « même l'architecte, M. [C], n'a pas dit qu'un membre de la famille [H] lui avait demandé de ne pas respecter le plan local d' urbanisme. »

Quant à l'acceptation des risques, elle ne peut être invoquée utilement par la Selarl Eb Archi, cette dernière ne démontrant pas avoir informé le maître de l'ouvrage des risques encourus lui permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, l'absence d' intervention dans la direction du chantier ne saurait exonérer la Selarl Eb Archi de cette obligation qui nait avec la réalisation des plans.

En conséquence, la Selarl Eb Archi a bien commis une faute en réalisant des plans d'exécution contraires aux exigences du PLU dont la connaissance relève de son art et qui est à l'origine du dommage subi par Mme [H] du fait de cette illégalité .

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la Selarl Eb Archi .

Sur la garantie de la MAF,

La MAF dénie sa garantie à son assurée, la Selarl Eb Archi.

Elle oppose une non-garantie aux motifs :

-que le risque est non couvert par la police pour résulter d'un exercice anormal de la profession d'architecte,

-que l'aléa conditionnant la police MAF a été anéanti par le comportement de son assuré qui a commis une faute volontaire,

-que l'architecte subsidiairement a commis une faute dolosive.

Mme [H] soutient que la MAF se fonde sur des conditions générales qui ne sont pas signées et ne visent aucun contrat particulier .

Or, outre le fait que la Selarl Eb Archi, assurée de la MAF, ne soutient pas un tel moyen et ne conteste pas avoir eu connaissance des conditions générales versées aux débats par son assureur, les conditions particulières signées par la Selarl Eb Archi indiquent que l'adhérent déclare avoir pris connaissance, préalablement à la signature du contrat, de la fiche d'information conforme à l'arrêté du 31 octobre 2003 et des conditions générales.

*Sur l'exercice anormal de la profession,

La Maf soutient que le comportement fautif de l'assuré n'entre pas dans le champ de la garantie en ce qu'il enfreint les conditions d'exercice de la profession d'architectes puisque la Selarl Eb Archi a exercé son activité dans le cadre du présent chantier en contrevenant aux dispositions du contrat d'assurance lesquelles renvoient expressément à la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et au décret du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes et notamment son article 12 du code des devoirs professionnels des architectes selon lequel «L'architecte doit assumer ses missions en toute intégrité et clarté et éviter toute situation ou attitude incompatibles avec ses obligations professionnelles ou susceptibles de jeter un doute sur cette intégrité et de discréditer la profession.

Pendant toute la durée de contrat, l'architecte doit apporter à son client ou employeur le concours de son savoir et de son expérience.».

L'assureur fait valoir que l'établissement de plan violant une règle d'urbanisme et un acte administratif (arrêté interruptif des travaux) procède d'un exercice anormal de la profession d'architecte.

La Selarl Eb Archi fait valoir qu'elle a commis une faute dans l'exercice normal de sa mission d'architecte en ne respectant pas la hauteur maximale imposée par le PLU et que rien dans les éléments produits depuis l'origine de ce dossier ne permet d'envisager un exercice anormal de la profession .

Il convient de constater que l'architecte a établi des plans du permis de construire conformes aux règles d'urbanisme, la non-conformité résidant uniquement dans les plans d'exécutions étant rappelé que l'architecte n'a pas suivi le chantier.

Il a certes commis une faute dans le cadre de son activité d'architecte mais n'a nullement procédé à un exercice anormal de la profession.

Les jurisprudences citées par la MAF ayant reconnu l'exercice anormal de la profession mettent en évidence des pratiques douteuses des architectes et une confusion entre les activités et les rôles exercés par lesdits maîtres d''uvre, ce qui n'est pas démontré au cas d'espèce.

Ce moyen de non-garantie sera dès lors rejeté.

*Sur l'absence d'aléa ,

Le contrat d'assurance, par nature aléatoire, ne peut porter sur un risque que l'assuré sait déjà réalisé.

En l'espèce, il est constant qu' au moment de la formation du contrat le risque n'était pas réalisé puisqu'il est intervenu postérieurement.

Cependant, l'architecte a commis un manquement délibéré à ses obligations puisqu'il a « en toute connaissance de cause enfreint la réglementation » ainsi que le caractérise l'expert, la Selarl Eb Archi ayant élaboré des plans d'exécution non conformes au PLU alors qu'il avait pourtant établi les plans initiaux du permis de construire conformes.

La démolition des travaux réalisés est la conséquence de l'illégalité de ceux -ci.

Ainsi, sans même retenir la faute intentionnelle du maître d''uvre, un tel comportement a supprimé l'aléa au contrat d'assurance.

Infirmant le jugement déféré, Mme [H] sera déboutée de ses demandes à l'encontre de la MAF.

Sur les préjudices,

*Sur les travaux de remise en conformité,

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les travaux de mise en conformité du chalet avec le permis de construire modifié imposent de rabaisser la toiture pour avoir une hauteur à l'égout de 6,00 m.

Les travaux comprennent les démolitions et la reconstruction, les honoraires de maîtrise d''uvre, de SPS,du bureau de contrôle et une assurance dommage-ouvrage.

M. [J] a estimé ces travaux à la somme de 192.937,44 € TTC reprenant l'estimation des experts techniques, M. [T] [A] de la SARL E.T.B et M. [V] [N].

La Selarl Eb Archi soutient que certains des travaux préconisés (partie garage, réseaux extérieurs, partie habitable et terrasse couverte et non couverte) ne sont pas nécessaires tandis qu'elle conteste le pourcentage des honoraires de maîtrise d''uvre, d'assurance dommages ouvrages, outre les honoraires pour mission OPC.

Elle estime ainsi que seule l'évaluation de la solution alternative à hauteur de 102 474,97 € chiffrée par la société Etudes et Quantum devra être retenue.

En préliminaire, il y a lieu de constater que la solution retenue par l'expert a été acceptée par toutes les parties comme le rappelle l'expert judiciaire page 8 de son rapport.

Par ailleurs, force est de constater que le chiffrage des travaux qui aurait été fait par la société Etudes et Quantum n'a pas été communiqué à l'expert judiciaire malgré plusieurs demandes de sa part et qu'il n'est toujours pas communiqué à la cour dans la présente instance, ne permettant dès lors aucune comparaison quant à la consistance et au chiffrage des travaux.

Au demeurant, l'expert judiciaire répondant à un dire de la MAF émanant de M. [Y] du cabinet Sud expertises qui expliquait la solution de réparation proposée ( conservation du chalet tel qu'il a été réalisé et de refaire le toit supérieur en accentuant les pentes des toitures pour redescendre les égouts du toit nord et sud à 6 mètres) réalisée et évaluée à la somme de 102 474,97 €, a indiqué page 10 de son rapport, que ces travaux n'étaient pas conformes au permis de construire modificatif accordé le 24 février 2015 alors que la solution retenue par le rapport d'expertise est strictement conforme au permis de construire et avait été chiffrée par deux techniciens.

En conséquence, les remarques techniques de la Selarl Eb Archi, au demeurant non soumises à l'expert judiciaire, sont inopérantes.

Le coût de souscription d'une assurance dommages-ouvrage et d'une mission OPC, nécessaires au regard de la nature des travaux de reprise, est en lien de causalité avéré avec les désordres litigieux sans qu'il importe qu'elle aient ou non été souscrites initialement.

Quant aux pourcentages retenus au titre des honoraires de maîtrise d''uvre (10%) ou de l'assurance dommages ouvrages( 3,5%), ils ne sont pas exagérés puisqu'il convient de procéder aux démolitions et à la reconstruction de l'ouvrage.

Enfin, par des motifs que la cour adopte, le premier juge a pertinemment relevé que le consentement ne se présume pas, qu'en signant la demande de permis de construire modificatif, Mme [H] n'a fait que répondre aux sollicitations de la commune qui exigeait qu 'elle mette sa construction en conformité avec le PLU et que n'étant pas homme de l' art, elle n' avait pas les connaissances techniques nécessaires pour donner un consentement éclairé aux solutions techniques préconisées par l' architecte pour parvenir à la mise en conformité de l'immeuble d'autant que le chiffrage des travaux de la société Etudes et Quantum ne lui a jamais été soumis.

Il convient de rappeler que l'expert avait reçu pour mission de chiffrer les préjudices de Mme [H] in concreto et qu'aucune évaluation forfaitaire, contrairement à ce que soutient la MAF, n'a été réalisée.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé mais uniquement en ce qu'il a condamné la selarl Eb Archi à payer à Mme [E] [H] la somme de 192.937,44 € TTC arrêtée au 30 novembre 2020 et avec intérêts au taux légal à compter de cette date.

*Sur le préjudice de jouissance,

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que Mme [H] a subi ou subira trois périodes durant lesquelles sa jouissance a été ou sera troublée :

- la période consécutive à l'arrêt des travaux durant laquelle Mme [H] a dû quitter les lieux, soit une période de trois mois entre le 1er janvier 2015 et le 31 mars 2015, soit 800 € par mois X 3 mois=2400 €

- la période d' occupation partielle qui a couru à compter de sa réintégration dans son logement et qui perdurera jusqu'à exécution des travaux de reprise que l' expert a chiffrée à la somme de 280 € par mois depuis le premier avril 2015.

- la période de réalisation des travaux de mise en conformité que l' expert a évaluée à six mois et pendant laquelle Mme [H] sera à nouveau obligée de quitter le chalet, soit 800 € par mois X6 mois=4800 €

La Selarl Eb Archi conteste la fixation de la valeur locative du bien à la somme mensuelle de 800 € sans fournir d'élément permettant de remettre en cause cette évaluation de l'expert judiciaire qui, eu égard aux caractéristiques du bien, sera retenue.

Il ne peut, par ailleurs, être reproché à Mme [H] de n'avoir pas formulé d'observations aux sollicitations de la mairie ayant amené à l'arrêté interruptif des travaux et avoir saisi la juridiction qu'en décembre 2015 alors même que cet arrêté était en toute hypothèse fondé sur la faute avérée de l'architecte et que l'architecte avait réalisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur n'ayant abouti sur aucune offre d'indemnisation.

En conséquence, la condamnation prononcée uniquement à l'encontre de la Selarl Eb Archi au titre du préjudice de jouissance sera confirmée.

*Sur la perte de valeur vénale,

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la mise en conformité du chalet entraîne une perte de surface habitable de 15,74 m2.

M. [J], dans sa réponse au dire de la MAF, a indiqué qu'entre la surface du permis de construire initial et celle du permis modificatif, la surface habitable a bien été réduite par la suppression d'une chambre à l'étage et par la diminution de 4,25 m2 dans la salle de séjour, réfutant le fait que cette perte de surface habitable résulterait de la non-conformité au plan local d'urbanisme lorsque la hauteur à l'égout a été portée à 7,94 m. Par ailleurs, pour les motifs exposés ci-avant, il n'est pas démontré que la modification sur les plans d'exécution ait été sollicitée par le maître de l'ouvrage.

La diminution de la valeur vénale est donc bien consécutive à la faute commise par l'architecte.

Il est constant que cette perte de surface habitable entraîne une perte de valeur vénale, le nombre de m2 habitables étant un des critères essentiels de la valeur d'un bien sur le marché immobilier.

Quant à l'évaluation de la valeur vénale du bien à 2700 € le m2, celle-ci a été réalisée par M. [A] de la Sarl ETB et l'architecte ne produit aucun élément permettant de la remettre en cause sérieusement.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé uniquement en ce qu'il a condamné la selarl Eb Archi à payer à Mme [E] [H] la somme de 42 498 € au titre de la perte de la valeur vénale.

*Sur le préjudice financier,

Mme [H] sollicite la somme de 25 800, 76 € au titre de son préjudice financier .

L'expert judiciaire a chiffré un préjudice financier d'un montant de 25.800,76 €, observant que les travaux effectués se sont chiffrés à la somme de 260.444,16 € alors que le coût originel était fixé à la somme de 234.644,16 €, invoquant des « travaux inutiles ».

Pour autant, le rapport de la Sarl ETB n'avait pas retenu ce préjudice et M. [J] n'explicite pas les montants annoncés pas plus que les travaux qu'il qualifie « d'inutiles ».

A supposer les montants exacts, le lien de causalité entre ce surcoût et la faute de l'architecte, qui n'avait au demeurant aucune mission de suivi de chantier, n'est pas démontré.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de cette demande.

Sur l'appel en garantie de la Selarl Eb Archi à l'encontre de la MAF,

La MAF considère que cette demande est nouvelle pour ne pas avoir été formulée en première instance et qu'elle est donc irrecevable.

Selon l'article 564 du code de procédure civile «A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Il est constant, en l'espèce, que cet appel en garantie n'avait pas été formulé en première instance.

La Selarl Eb Archi fait valoir d'une part que le dispositif de la Maf ne formule pas une fin de non-recevoir mais énonce seulement « juger l'argumentation de l'architecte nouvelle et l'écarter» et d'autre part qu'un fait nouveau s'est manifesté en cause d'appel constitué par la cessation de la direction du procès par l'assureur .

Même si la formulation du dispositif de la MAF est maladroite, il n'en demeure pas moins qu'il contient bien une demande de fin de non-recevoir pour cause de demande nouvelle.

Cependant, il résulte des circonstances de la cause et des pièces versées aux débats que la MAF, après avoir pris la direction du procès en première instance, a cessé de le faire en appel.

Pour autant, pour les motifs exposés ci-avant, la garantie de la MAF n'est pas mobilisable.

En conséquence, la Selarl Eb Archi sera déboutée de son appel en garantie.

Sur les demandes accessoires,

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Selarl Eb Archi supportera les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à Mme [H] ses frais irrépétibles de première instance et d' appel. Il lui sera alloué la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser supporter à la MAF ses frais irrépétibles de première instance et d' appel. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme partiellement et statuant à nouveau sur le tout pour un meilleure compréhension et y ajoutant,

Déboute Mme [E] [H] de ses demandes à l'encontre de la MAF,

Condamne la Selarl Eb Archi à payer à Mme [E] [H] :

*la somme de 192.937,44 € TTC arrêtée au 30 novembre 2020 avec intérêts au taux légal à compter de cette date au titre des travaux de mise en conformité,

*la somme de 26 240 € au titre du préjudice de jouissance arrêtée au 30 novembre 2020,

*la somme de 280 € par mois à compter du 1er décembre 2020 jusqu'à la date de versement de la somme en principal au titre des travaux de mise en conformité,

*la somme de 42 498 € au titre de la perte de la valeur vénale,

Déboute Mme [E] [H] de sa demande au titre du préjudice financier,

Déclare recevable la demande d'appel en garantie de la Selarl Eb Archi à l'encontre de la MAF,

Déboute la Selarl Eb Archi de son appel en garantie à l'encontre de la MAF,

Condamne la Selarl Eb Archi aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Selarl Eb Archi à payer à Mme [E] [H] la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute la Maf de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la Selarl Eb Archi aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 2ème chambre section a
Numéro d'arrêt : 21/00312
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.00312 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award