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21/04/2022 | FRANCE | N°21/00597

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 21 avril 2022, 21/00597


ARRÊT N°



N° RG 21/00597 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-H6EQ



SL - AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

12 janvier 2021

RG :20/00048



[Z]



C/



SAS VERLINGUE ASSURANCES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE















Grosse délivrée

le 21/04/2022

à Me Roland DARNOUX

à Me Georges POMIES RICHAUD











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE


1ère chambre



ARRÊT DU 21 AVRIL 2022







APPELANTE :



Madame [V] [Z]

née le [Date naissance 4] 1936 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 2]



Représentée par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE





INT...

ARRÊT N°

N° RG 21/00597 -

N° Portalis DBVH-V-B7F-H6EQ

SL - AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PRIVAS

12 janvier 2021

RG :20/00048

[Z]

C/

SAS VERLINGUE ASSURANCES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Grosse délivrée

le 21/04/2022

à Me Roland DARNOUX

à Me Georges POMIES RICHAUD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 21 AVRIL 2022

APPELANTE :

Madame [V] [Z]

née le [Date naissance 4] 1936 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Roland DARNOUX de la SELAFA AVOCAJURIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

INTIMÉES :

SAS VERLINGUE ASSURANCES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Gilles CARIOU de la SCP NORMAND & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 6]

[Localité 1]

Assignée à personne morale le 20 avril 2021

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l'audience publique du 28 Février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Avril 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 21 Avril 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 juillet 2008, Mme [V] [Z] a chuté dans le magasin Intermarché de [Localité 9].

Le cabinet Verlingue, qui expose être courtier en assurances du magasin, a diligenté une expertise, confiée au docteur [F] et a versé des provisions à hauteur de 4 000 euros.

L'expert a établi son rapport le 4 avril 2009 et conclu à :

- une gêne temporaire totale du 19 juillet au 19 août 2008 ;

- une aide tierce personne de 3 heures par jour durant cette période ;

- une gêne temporaire partielle du 20 août 2008 au 5 mars 2009 ;

- une date de consolidation au 5 mars 2009 ;

- une absence d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique ;

- des souffrances endurées évaluées à 2/7.

Le cabinet Verlingue a fait une proposition transactionnelle à Mme [Z] le 14 avril 2009 à hauteur de 4 700 euros à laquelle la victime n'a pas donné suite.

Un second rapport a été déposé le 9 septembre 2010 par le docteur [U], missionné par l'assurance protection juridique de Mme [Z] et l'expert a retenu :

- une anxiété post traumatique pouvant faire l'objet d'une AIPP de 3 %;

- une absence de critique à l'encontre de l'évaluation médico-légale du docteur [F].

À défaut d'accord amiable, Mme [Z], par actes des 26 décembre 2019 et 2 janvier 2020, a assigné le cabinet Verlingue Assurances et la Cpam de l'Ardèche devant le tribunal de grande instance de Privas afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Retenant que l'action en indemnisation formée par Mme [Z] était prescrite en application des dispositions de l'article 2226 du code civil au regard de la date de consolidation de la victime le 5 mars 2009, le tribunal judiciaire de Privas, par jugement réputé contradictoire du 12 janvier 2021, a :

- déclaré l'action prescrite ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [V] [Z] aux dépens.

Par déclaration du 11 février 2021, Mme [Z] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 20 mai 2021 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé l'action prescrite, alors que son état de santé n'a pu intervenir comme consolidé qu'avec la seconde expertise d'août 2010 et de :

- constater la mauvaise foi de Verlingue assurances ;

- condamner Verlingue Assurances à lui verser la somme de 5 200 euros comme suit :

700 euros comme reliquat de la transaction ;

4 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- condamner Verlingue Assurances à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;

- assortir les sommes des intérêts légaux à compter du 4 avril 2011 ;

- condamner la requise à verser à la requérante la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la requise aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- l'expertise du docteur [U] ayant fait ressortir un taux de DFP de 3 %, son état de santé n'était pas consolidé avant le 31 août 2010 de telle manière que l'action n'était pas prescrite ; que le courrier recommandé envoyé le 8 octobre 2013 au cabinet Verlingue est également interruptif de prescription et que la déloyauté du cabinet Verlingue emporte la déchéance de ce dernier du droit d'invoquer la prescription conformément à la jurisprudence venant en application de l'article L. 114-1 du code des assurances ;

- elle a droit à une indemnisation intégrale de ses préjudices sur le fondement des articles 1241 et 1242 du code civil et le DFP retenu dans le cadre de la deuxième expertise, qui n'est pas pris en compte dans le cadre de l'offre, doit être indemnisé.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 23 juillet 2021 auxquelles il sera également renvoyé, la société Verlingue Assurances demande à la cour de :

À titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [Z] à son encontre prescrite ;

- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

- juger qu'elle a la qualité de courtier en assurance et qu'ainsi les demandes formulées par Mme [Z] à son encontre sont irrecevables ;

- juger qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité;

- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [Z] aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat constitué.

Elle soutient que :

- Mme [Z] avait jusqu'au 5 mars 2019 pour introduire une action en réparation de ses préjudices corporels devant le tribunal conformément aux dispositions de l'article 2226 du code civil et la proposition transactionnelle qui a été faite par courrier du 14 avril 2009 ne saurait s'analyser comme la reconnaissance par elle du droit de Mme [Z] ;

- elle n'est pas assureur, les règles relatives aux assureurs ne pouvant dès lors lui être opposées; qu'en outre, l'appelante ne démontre pas en quoi elle aurait été de mauvaise foi, ni n'indique le fondement juridique lui permettant de soutenir qu'un assureur de mauvaise foi ne pourrait se prévaloir d'une prescription ;

- l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas en l'espèce et au demeurant, le délai de prescription édicté par cet article est de deux ans et non de dix, de sorte que, retenant un point de départ de la prescription à l'expertise du 31 août 2010, la prescription aurait été acquise au 31 août 2012 ;

- elle n'est pas l'assureur du magasin Intermarché au sein duquel Mme [Z] a chuté, et ne peut donc pas se substituer à ce dernier pour garantir l'éventuelle condamnation de ladite société et Mme [Z] ne démontre pas quelle faute de gestion elle aurait commise, le refus de verser une indemnisation complémentaire en l'absence de justificatifs des préjudices ne pouvant s'analyser comme une faute.

Intimée par signification de la déclaration d'appel à personne morale le 20 avril 2021, et des conclusions, la Cpam de l'Ardèche n'a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, la procédure a été clôturée le 14 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 février 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 21 avril 2022.

La décision sera réputée contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription :

Mme [Z], victime d'une chute dans un magasin Intermarché, a engagé son action à l'encontre du cabinet Verlingue en sa qualité d'assureur du magasin.

C'est vainement que le cabinet Verlingue assurances conteste sa qualité d'assureur en se prévalant de la seule qualité de courtier en assurance alors que les pièces versées aux débats attestent de la prise en charge du dossier par le cabinet Verlingue.

Il en est notamment ainsi de la lettre adressée par le magasin Intermarché à Mme [Z] le 22 août 2008 à la suite de sa déclaration de sinistre, celle-ci ayant précisément été orientée vers le cabinet Verlingue en sa qualité d'assureur du magasin mais également de toutes les correspondances échangées entre les parties établissant que celui-ci s'est toujours présenté à la victime comme étant l'assureur du magasin.

Il est constant que l'action directe de la victime en paiement de l'indemnité exercée contre l'assureur de responsabilité n'est pas soumise à la prescription biennale prévue par l'article L114-1 du code des assurances mais obéit à la même prescription que l'action en responsabilité contre l'assuré. En effet, cette action ne dérive pas du contrat d'assurance mais trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit dès lors par le même délai que l'action de la victime contre le responsable.

Aux termes du premier alinéa de l'article 2226 du code civil, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

Si la prescription biennale peut prolonger le délai de prescription de l'action directe au-delà du délai décennal de droit commun à la condition que l'action en garantie de l'assuré contre son assureur ne soit pas prescrite, ce qui n'est en l'espèce nullement soutenu par Mme [Z], les causes d'interruption de la prescription de droit commun et de la prescription spéciale découlant de l'article L114-1 du code des assurances sont en revanche sans incidence l'une sur l'autre.

Selon les articles 2240 et suivants du code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier, par la demande en justice et par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. Mais ni les pourparlers transactionnels ni l'expertise diligentée à la requête de l'assureur ne sont constitutifs d'une reconnaissance de responsabilité interruptive du délai de prescription.

Mme [Z] expose que la seconde expertise, réalisée à sa demande en août 2010, a fait ressortir un taux de DFP de 3 % et ainsi démontré que son état de santé n'était pas consolidé. Elle soutient que la prescription ayant commencé à courir à cette date, elle n'était pas acquise au jour de la délivrance de l'assignation au cabinet Verlingue datant du 2 janvier 2020. Elle précise par ailleurs que la lettre recommandée adressée au cabinet Verlingue le 8 octobre 2013 a interrompu la prescription.

En réponse, le cabinet Verlingue fait valoir que le délai de prescription de dix ans a commencé à courir le 5 mars 2009, date à laquelle l'état de santé de Mme [Z] a été consolidé selon les rapports des docteurs [F] et [U]. Il précise que le docteur [U] n'a retenu aucune aggravation de l'état de santé depuis la date de consolidation. Il en déduit que Mme [Z] avait jusqu'au 5 mars 2019, en l'absence de tout acte interruptif de prescription avant cette date, pour introduire une action en réparation de ses préjudices corporels.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du docteur [F] du 4 avril 2009 que la date de consolidation médico-légale doit être fixée au 5 mars 2009 puisque c'est à cette date que le médecin traitant de Mme [Z] a fait un certificat de guérison. Le rapport d'examen du docteur [U] du 31 août 2010, qui a indiqué au conditionnel qu'«une anxiété post traumatique persiste qui pourrait faire l'objet d'une très discrète AIPP que l'on peut estimer à 3 % », a retenu qu'« aucune critique ne peut par ailleurs être retenue dans l'évaluation médico-légale du docteur [F] du 4 avril 2009 », confirmant en cela la date de consolidation fixée au 5 mars 2009.

En l'absence de modification expresse de la date de consolidation initialement retenue dans le premier rapport d'expertise, Mme [Z] est mal fondée à exciper d'une fixation de la date de consolidation à la date du second rapport d'expertise effectué par le docteur [U].

Mme [Z] ne peut par ailleurs se prévaloir du caractère interruptif de prescription de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par ses soins à l'assureur le 8 octobre 2013 en excipant des dispositions de l'article L114-2 du code des assurances prévoyant des causes spécifiques d'interruption de la prescription alors que son action directe est précisément régie par les dispositions de droit commun et qu'elle ne justifie d'aucune cause interruptive de prescription au sens de l'article 2240 du code civil.

Elle ne peut par ailleurs exciper de la mauvaise foi de l'assureur pour voir écarter la prescription, l'assureur l'ayant précisément informée de sa position sur le litige au fur et à mesure des investigations accomplies et notamment des expertises.

C'est ainsi à bon droit que le premier juge a considéré que le point de départ de la prescription décennale devait être fixé à la date du 5 mars 2009 correspondant à la date de consolidation et a déclaré l'action engagée par Mme [Z] à l'encontre du cabinet Verlingue assurances prescrite au regard de la date de délivrance de l'assignation le 26 décembre 2019 et la décision mérite ainsi confirmation.

Sur les autres demandes :

Partie succombante, Mme [Z] sera condamnée aux entiers dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile sans que l'équité commande de la condamner au paiement d'une indemnité au profit du cabinet Verlingue assurances destinée à compenser les frais irrépétibles exposés par ce dernier qui sera débouté de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tout comme l'appelante en ce qu'elle succombe.

Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [V] [Z] aux entiers dépens d'appel et autorise les avocats ayant fait l'avance des frais sans avoir reçu provision à les recouvrer directement.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00597
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;21.00597 ?
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