ARRÊT No
R. G. : 14/ 00676
AJ/ CJ
COUR DE CASSATION DE PARIS 16 janvier 2014 RG : J13-10. 088
X...
C/
Y...
X...
SA AXA FRANCE IARD
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE BÉZIERS SAINT PONS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015
APPELANT :
Monsieur Tarik X...Né le 01 Août 1957 à YUDRINJANI (YOUGOSLAVIE) ...34500 BÉZIERS
Représenté par Me Marie-Camille CHEVENIER, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de NIMES.
(Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 002034 du 09/ 04/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes).
INTIMÉS :
Monsieur Gursel Y...Assigné par procès verbal de recherches infructueuses en date du 17 Juin 2014, Né le 06 Août 1976 à AGDAGMADENI (TURQUIE) ...34500 BÉZIERS
Monsieur Jasmin X...Assigné à sa personne le 17 Juin 2014 Né le 16 Septembre 1981 à ZENICA (YOUGOSLAVIE) ...34500 BÉZIERS
SA AXA FRANCE IARD Anciennement dénommée SA AXA REGLEMENTS AUTO CORPORELS immatriculée au RCS de Nanterre sous le no B 722 057 460, Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis, 313 Terrasses de l'Arche 92727 NANTERRE CEDEX
Représentée par Me Olivier BRUN de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Me Florence AUBY de la SELARL AUBY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER.
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE BÉZIERS SAINT PONS Assignée à personne habilitée le 17 Juin 2014 Place du Général De Gaulle 34500 BÉZIERS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Mai 2015.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller.
GREFFIER :
Mme Cécile JEANSELME, Greffier lors des débats, et Mme Carole MAILLET, lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Mai 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2015 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt rendu par défaut, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 10 Septembre 2015, par mise à disposition au greffe de la cour. * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. Tarik X...a été victime le 14 mai 2006 à Béziers d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule conduit par son fils Jasmin X...et qui est entré en collision avec celui conduit par M. Z...lui-même assuré par la SA Axa France IARD. Selon jugement du 22 juillet 2008, le juge de proximité du tribunal de grande instance de Béziers a condamné M. Jasmin X...à payer à M. Z...la somme de 1215, 65 ¿ en réparation de son préjudice matériel. Le 18 juillet 2008, M. Tarik X...a assigné ce dernier ainsi que son assureur en expertise médicale et paiement d'une provision devant le tribunal de grande instance de Béziers qui par jugement réputé contradictoire du 8 février 2010 a rejeté sa demande au motif que seul M. Jasmin X...était responsable de la collision. Selon arrêt du 7 décembre 2011, la cour d'appel de Montpellier a confirmé cette décision au motif que la victime, qui ne pouvait ignorer que son fils n'était pas titulaire du permis de conduire et de surcroît en complet état d'ivresse, avait néanmoins pris place dans le véhicule et avait ainsi commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident. Cet arrêt a été annulé par décision de la Cour de Cassation du 16 janvier 2014 renvoyant l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes. M. Tarik X...a procédé à la saisine de la cour et soutient dans ses dernières écritures en date du 30 juin 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des demandes et moyens que : ¿ étant passager transporté, son état d'ivresse ne le prive en rien de son droit à indemnisation, le tribunal ayant dénaturé les conditions d'application de la loi du 5 juillet 1985 ; ¿ le véhicule de M. Y...étant impliqué dans l'accident, ce dernier ainsi que son assureur lui doivent réparation de son préjudice corporel, à charge pour eux d'exercer toutes actions récursoires ; ¿ l'expertise médicale ordonnée le 18 septembre 2007 en référé n'a pu être réalisée puisqu'il était lui-même hospitalisé. M. Tarik X...conclut, au visa de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, à l'infirmation du jugement déféré, à la désignation d'un expert médical, à la majoration des intérêts de retard et au paiement par M. A...et la SA Axa France IARD d'une indemnité provisionnelle de 1500 ¿ ainsi que d'une somme de 2000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Axa France IARD par conclusions récapitulatives et en réplique du 20 octobre 2014 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, fait valoir que : ¿ la cour de cassation considère que bien que M. Tarik X...ait commis une faute inexcusable, celle-ci n'est pas la cause exclusive de l'accident dont s'agit ; ¿ les témoignages produits établissent que seul le comportement de M. Jasmin X...est à l'origine de l'accident. L'assureur demande à la cour de le déclarer entièrement responsable du préjudice subi par son père et de le condamner à garantir la SA Axa France IARD de toutes condamnations mises à sa charge ; l'assureur réclame enfin paiement d'une indemnité de 1500 ¿ pour frais de procédure.
M. Jasmin X...et Gursel Y...et la CPAM de Béziers ont été attraits en intervention forcée à l'initiative de l'appelant par actes d'huissier du 17 juin 2014. La SA Axa France IARD a elle même signifié le 19 février 2015 à M Jasmin X...sa demande de garantie. L'assignation de M. Z...ayant fait l'objet du procès-verbal de recherches prévu à l'article 659 du code de procédure civile, il est statué par arrêt rendu par défaut en application de l'article 474 du même code.
DISCUSSION
La loi de 1985 précitée édicte en son article 3 : « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ». Les conditions d'exclusion sont cumulatives et la seule faute inexcusable de la victime est insuffisante à écarter son droit à indemnisation. Or M. B...Hugues et Abdelkader C..., également passagers transportés dans le véhicule conduit par M. Jasmin X...attestent que tous les occupants étaient ivres ; M. Z...déclare aux enquêteurs de police qu'il a été percuté de face dans une intersection par le véhicule Renault 11 de Jasmin X...arrivant à vive allure « tous feux éteints » et sans s'arrêter au feu rouge ; M. Damien D...confirme en tous points les circonstances de l'accident qu'il a pu observer depuis son balcon où il se trouvait au même instant. Elles ne sont d'ailleurs pas contestées. En conséquence, M. Jasmin X...sera déclaré entièrement responsable de la collision dont s'agit et tenu en cette qualité à garantir la SA Axa France IARD des condamnations mises à sa charge en application de l'article 3 de la loi de 1985.
M. Tarik X...produit un certificat médical établi le 26 mai 2006 par le centre hospitalier de Béziers duquel il ressort qu'il a subi une plaie frontale en cours de cicatrisation, une dermabrasion du nez et de la pommette droite et que des douleurs résiduelles frontales persistent, l'incapacité temporaire partielle étant provisoirement fixée à huit jours ; selon certificat médical postérieur du 19 juin 2006, le docteur Thierry E...constate : « une impotence fonctionnelle du membre inférieur droit » ; enfin le 12 juillet 2006, le docteur Laurent F...signale une « discopathie L4- L5 et L5- S1 ». La demande provisionnelle, dont le montant n'est pas critiqué, est justifiée. Par contre, il n'y a pas lieu de statuer d'ores et déjà sur une majoration de l'intérêt de retard, chef de demande relevant de la liquidation définitive du préjudice.
* * *
Condamnée à paiement, la SA Axa France IARD ne peut prétendre à l'application de l'article 700 du code de procédure civile. M. Tarik X...étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit à lui faire application de ces mêmes dispositions. La SA Axa France IARD et M. Z...qui succombent seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 janvier 2014 ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 février 2010 par le tribunal de grande instance de Béziers et statuant à nouveau :
Ordonne une expertise médicale et commet pour y procéder le docteur Norbert G..., ..., 34500 Béziers Tél : ...qui aura pour mission de :
- convoquer M. Tarik X..., demeurant ...à BEZIERS (34500),
- faire communiquer par la victime tous documents médicaux relatifs aux faits en particulier le certificat médical initial,
- fournir, s'il y a lieu, tous renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activité professionnelle, son niveau scolaire, son statut et sa formation,
- à partir des déclarations de la victime imputables aux faits dommageables et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement en précisant au tant que possible les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,
- indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables aux faits et si possible la date de la fin de ceux-ci,
- décrire en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et mettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité,
- retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et si nécessaire reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution,
- prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produites notamment les radiographies en voyant les clichés lui-même et en déterminant si la victime a été victime de fractures vertébrales,
- recueillir les doléances de la victime en interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leur conséquence,
- décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles, Dans cette hypothèse, au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable ; au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur dire si le traumatisme a été la cause déclenchant du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir,
- procéder dans le respect du contradictoire un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
- analyser dans une discussion précise l'imputabilité entre les faits et les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant : * la réalité des lésions initiales, * la réalité de l'état séquellaire, * l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, Préciser éventuellement l'incidence d'un état antérieur,
- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou, si elle n'en a pas, a dû interrompre totalement ses activités habituelles,
- si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux, préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux au vu des justificatifs produits, si cette durée est supérieure à l'incapacité temporaire retenue dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable,
- fixer la date de consolidation qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation,
- chiffrer, par référence au " barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun ", le taux éventuel du déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) d'une ou plusieurs fonctions, persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation, dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences les conséquences de cette situation,
- lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles, dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles,
- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies, Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés,
- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif, L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit,
- lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sports et de loisirs, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,
- dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement, la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),
- indiquer le cas échéant : * si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne), * si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir,
- si le cas le justifie procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tels délais de rigueur déterminés de façon raisonnable et y répondre avec précision,
- conclure en rappelant la date de l'accident, la date de consolidation et la durée de l'incapacité temporaire totale, et en évaluant les trois postes de préjudice suivants : incapacité permanente partielle, souffrances endurées, préjudice esthétique ;
Dit que, sous le contrôle du magistrat chargé du suivi des expertises, l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 155 à 174, 232 à 248, 263 à 284 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Dit que l'expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénom et domicile, ainsi que leurs liens de parenté, d'alliance, de subordination, ou de communauté d'intérêts avec l'une ou l'autre des parties ;
Dit qu'il pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne (psychologue, psychiatre, orthophoniste... architecte...), à charge d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;
Dit que l'expert déposera son rapport écrit au greffe de la cour dans le délai de quatre mois suivant sa saisine, et en adressera copie aux parties ou à leurs représentants ;
Dit qu'en cas d'empêchement, il sera procédé à son remplacement par ordonnance à la requête de la partie la plus diligente, ou d'office ;
Condamne in solidum M. Z...et la SA Axa France IARD à payer à M. Tarik X...la somme provisionnelle de 1500 ¿ à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;
Condamne M. Jasmin X...à garantir la SA Axa France IARD de toutes condamnations mises à sa charge ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. Z...et la SA Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés aux formes de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Carole MAILLET, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,