La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2015 | FRANCE | N°13/00401

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile, 19 mars 2015, 13/00401


ARRÊT No

R. G. : 13/ 00401
AMH/ CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE 21 novembre 2012 RG : 09/ 00511

Y... X...

C/
Z... S. A. R. L. BLANC FRERES Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SELARL SUD JURISCONSULTE

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT DU 19 MARS 2015

APPELANTS :

Madame Béatrice Y... épouse X... née le 27 Janvier 1972 à ANGERS (49)... 31200 TOULOUSE

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par

Me Jean LELTE, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur Philippe X... né le 08 Mai 1970 à ANGERS (49)... 31200...

ARRÊT No

R. G. : 13/ 00401
AMH/ CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE 21 novembre 2012 RG : 09/ 00511

Y... X...

C/
Z... S. A. R. L. BLANC FRERES Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SELARL SUD JURISCONSULTE

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT DU 19 MARS 2015

APPELANTS :

Madame Béatrice Y... épouse X... née le 27 Janvier 1972 à ANGERS (49)... 31200 TOULOUSE

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Jean LELTE, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur Philippe X... né le 08 Mai 1970 à ANGERS (49)... 31200 TOULOUSE

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL VAJOU, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représenté par Me Jean LELTE, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS :
Maître Luc Z... Pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société PHILBEA assigné à étude d'huissier (acte refusé)... 34000 MONTPELLIER

S. A. R. L. BLANC FRERES Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social 484 Boulevard Georges Brassens 12100 MILLAU

Représentée par Me Z... A...de la SCP Z... A...B..., Postulant, avocat au barreau de NÎMES Représentée par Me Michel GOURON, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL société civile coopérative à capital variable, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège. 160 Avenue Marcel Unal 8200 MONTAUBAN

Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP REINHARD-DELRAN ET ASSOCIES, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de NIMES
SELARL SUD JURISCONSULTE au capital de 5. 000 ¿, immatriculée au RCS de Rodez, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis assignée à personne habilitée 8 avenue de la République 12100 MILLAU

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES Représentée par Me Bernard RAINERO, Plaidant, avocat au barreau de MILLAU

Maître Luc Z... pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Société Philbea, désigné à ces fonctions par ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de RODEZ le 27 mai 2014 assigné à personne habilitée le 27 juin 2014... 34000 MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 07 Janvier 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Carole MAILLET, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 20 Janvier 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2015 ; prorogé à ce jour ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 19 Mars 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour. * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 16 décembre 2005, la SARL Blanc Frères a cédé à la SARL Philbea la branche d'activité autonome portant sur le fonds de commerce de Fruits et légumes primeurs oeufs salaisons et fleurs exploité place de la mutualité ou place des consuls ou 3 place des consuls à Millau, valant cession fonds de commerce moyennant le prix principal brut de 250 000 ¿. A cet acte sont intervenus la société les Corrosols, propriétaire des locaux et la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées représentée par Maître Éric Mouysset, agissant comme mandataire de la banque, qui a consenti à la société Philbea trois prêts de 69 000 ¿, 131 000 ¿ et 30 000 ¿ destinés à payer le prix de la cession et enfin Mme Béatrice X... et M. Philippe X... en leur qualité chacun de caution solidaire et cumulable des engagements de la SARL Philbea à l'égard de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées.

Par jugement du 10 juin 2008, rendu par le tribunal de commerce de Millau à la requête de la SARL Blanc Frères, la société Philbea a été placée en liquidation judiciaire immédiate avec fixation provisoire de la date de cessation des paiements au 31 mars 2008. Maître Luc Z... a été désigné en qualité de liquidateur.
Par assignation du 9 décembre 2008, maître Z..., es qualités et les époux X... ont assigné la société Blanc Frères et la SELARL Sud Jurisconsulte devant le tribunal de commerce de Rodez en nullité de l'acte de cession du 16 décembre 2005.
Par jugement du 13 octobre 2009, cette juridiction se déclarait incompétente au profit du tribunal de grande instance de Mende.
Par jugement du 21 novembre 2012 le tribunal de grande instance de Mende a : ¿ déclaré irrecevable l'appel en cause Allianz Assurances IARD, ¿ débouté Maître Luc Z... en qualité de mandataire liquidateur de la société Philbea, M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse de leurs demandes, fins et conclusions ; ¿ donné acte à la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées de son intervention volontaire dans l'instance en cours devant le tribunal de céans opposant Maître Luc Z... es qualités et les époux X... à la SARL Blanc Frères et à la SELARL Sud Jurisconsulte enregistré sous le no 09/ 00511, ¿ constaté que ses (la CRCAM) demandes dirigées contre la SARL Blanc Frères, la SELARL Sud Juriconsulte et la SA Allianz Assurances IARD sont sans objet compte tenu du rejet de l'action principale en nullité de l'acte de cession du 16 décembre 2005 et la résolution de la vente ; ¿ constaté qu'elle (la CRCAM) déclare que ses demandes dirigées contre les époux X... en leur qualité de caution font l'objet d'une instance pendante devant le tribunal de commerce de Rodez saisi sur son assignation en date du 16 octobre 2008 et la renvoie en conséquence devant cette juridiction saisie en premier lieu ; ¿ dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ¿ condamné in solidum Maître Luc Z... ès qualités, M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse aux dépens à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de la SA Allianz Assurances IARD qui seront supportés par la SARL Blanc Frères.

Le 22 janvier 2013, M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse, ont relevé appel de cette décision.
Par acte d'huissier du 27 juin 2014, ils ont assigné en intervention forcée devant la cour en lui dénonçant le jugement dont appel, la déclaration d'appel et les conclusions déposées à l'appui de cet appel, Maître Luc Z..., mandataire judiciaire pris en sa qualité de de mandataire ad hoc de la société Philbea, désigné à ces fonctions suivant ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Rodez le 27 mai 2014.
Dans leurs dernières conclusions déposées régulièrement au greffe le 25 juin 2014 par suite d'un dysfonctionnement constaté du RPVA le 24 juin 2014 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les appelants sollicitent la cour de :- déclarer recevable au regard de l'article 555 du code de procédure civile et bien fondé l'assignation en intervention forcée délivrée à Me Luc Z... en qualité de mandataire ad hoc de la société Philbea, "- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel, Y faisant droit :- de réformer le jugement entrepris,- de prononcer la nullité de l'acte de cession, et la résolution de la vente,- de dire et juger que le comportement du rédacteur d'acte, qui est intervenu pour le compte de la SARL Philbea, et quelques mois après, en violation de toute règle déontologique, s'est retourné contre elle pour faire prononcer sa liquidation judiciaire, démontre une connivence entre lui-même et la SARL Blanc Frères ; qu'il ne pouvait être le rédacteur de toutes les parties et qu'à ce titre, il a manifestement engagé sa responsabilité, ne rapportant pas la preuve qu'il a mis en garde la SARL Philbea et les époux X... sur les dangers de l'opération projetée ;- de dire et juger que l'acte de dissolution de la SARL Au jardin de Provence, enregistré au greffe le 16 août 2005, soit quatre mois avant l'acte de cession incriminé, constitue manifestement une man ¿ uvre frauduleuse visant à dissimuler le peu de recettes ou même l'absence de recettes de ladite SARL, en l'incluant en tant que branche d'activité dans un ensemble plus vaste, dans lequel il était impossible d'individualiser la branche d'activité cédée,- de dire que le défaut d'individualisation de la branche d'activité cédée constitue manifestement une rétention d'informations et qu'en tout état de cause, il y a eu manifestement erreur sur la substance de l'article 1110 du code civil, puisque les époux X... ont cru acheter une branche d'activité dont les éléments incorporels étaient évalués à la somme de 248 000 ¿, alors que quatre mois auparavant, ces mêmes éléments incorporels étaient évalués dans un autre acte à la somme de « néant » ;- de dire et juger qu'il résulte de l'attestation du Cabinet d'expert comptable en date du 2 décembre 2009 que les pièces comptables n'ont pas été communiquées, malgré la demande qui en a été faite et que cette rétention volontaire est constitutive d'un dol ;- de condamner solidairement la société Blanc Frères et le Cabinet Sud Jurisconsult, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, rédacteur de l'acte, à rembourser et restituer le prix de la cession, à savoir la somme de 230 000 ¿, outre les intérêts et frais dus au Crédit Agricole dans le cadre du prêt qui a été consenti ;- au vu des man ¿ uvres dolosives (acte de dissolution de la personnalité morale de la SARL les Jardins de Provence quatre mois avant l'acte de cession), de condamner solidairement la société Blanc Frères et le rédacteur d'acte, soit le cabinet Sud Jurisconsult, à la somme de 25 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;- de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;- de condamner in solidum la Société Blanc Ferres et la société Sud Jurisconsult, ou tout succombant, au paiement de la somme de 5 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de condamner in solidum la société Blanc Ferres et la société Sud Jurisconsult, ou tout succombant, aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Emmanuelle Vajou, en application de l'article 699 du code de procédure civile. "

Dans leurs écritures en réplique auxquelles il est également explicitement renvoyé :

la SELARL " Le cabinet Sud Juriconsulte " au visa des articIes L 141-1 du code du commerce, 1108, 1110, 1116, 1315 du code civil, 906 et 909 du code de procédure civile, conclut le 7 janvier 2015 :- au principal, au rejet de toutes conclusions contraires, à la confirmation du jugement entrepris en toutes ces dispositions et au débouté de M. et Mme X... de l'intégralité de leur demande.- A titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de la compagnie d'assurances Allianz SA à la relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.- à l'irrecevabilité de l'intervention du Crédit Agricole et au débouté de ses demandes ;- à la condamnation solidaire de M. X..., Mme X... et SARL Philbea à payer à la société Sud Jurisconsulte la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.- à la condamnation solidaire des appelants aux entiers dépens.

la SARL Blanc Frère demande à la cour les 30 mai 2013 et 19 août 2013, au visa des articles 1116 et 1147 du code civil, L141-1 du code du commerce :- de confirmer le jugement entrepris,- de rejeter les demandes formulées par Me Luc Z... es qualités, la société Philbea, M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse ; de condamner solidairement Me Luc Z..., es qualités, les sociétés Philbea et Sud Juriconsulte aux dépens dont distraction au profit de leur conseil ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Nord Midi Pyrénées requiert la cour le 17 juin 2013 :- de statuer ce que de droit sur les mérites de l'action engagée par Me Z... et les époux X... à l'encontre de la société Blanc Frères et de la société Sud Juriconsulte ; En conséquence,- dans l'hypothèse où l'action de Me Luc Z... et des époux X... prospérerait à l'encontre de la société Blanc Frères et de la société Sud Juriconsulte, de condamner solidairement ces dernières en application des articles 1382 et suivants du code civil et l'article Ll24-3 du code des assurances, à lui payer les sommes suivantes, : * sur le prêt de 69 000 ¿, la somme de 56 201, 28 ¿ * sur le prêt de 131 000 ¿, la somme de 107 520, 52 ¿ * sur le prêt de 30 000 ¿, la somme de 24 165, 73 ¿ les intérêts sur ces sommes au taux conventíonnel à compter du 23 septembre 2008 ; de condamner les mêmes aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dans l'hypothèse où la nullité de l'acte de cession ne serait pas prononcée, de condamner solidairement M. Philippe X..., Mme Béatrice Y..., son épouse, en application des articles 1134, 1902 et suivants du code civil, à lui payer les sommes suivantes : * sur le prêt de 69 000 ¿, la somme de 56 201, 28 ¿ * sur le prêt de 131 000 ¿, la somme de 107 520, 52 ¿ * sur le prêt de 30 000 ¿, la somme de 24 165, 73 ¿ les intérêts sur ces sommes au taux conventionnel à compter du 23 septembre 2008 ; de condamner les mêmes aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Me Z..., en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Philbea ayant été assigné à personne habilitée, l'arrêt rendu sera réputé contradictoire.

SUR CE

Sur la nullité de la cession pour dol
M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse font grief au tribunal de ne pas avoir prononcé la nullité de la vente pour dol alors que les éléments constitutifs en sont réunis au regard des conditions de rédaction de l'acte, du défaut d'individualisation de la branche cédée, de la dissimulation d'actes antérieurs et de la dissimulation des chiffres.
Le dol est une cause de la nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas. Il doit être prouvé.

Il appartient donc à M. Philippe X... et à Mme Béatrice Y..., son épouse, de rapporter la preuve que la SARL Blanc Frères et son conseil la SELARL Sudjuriconsulte ont commis volontairement les manoeuvres qu'ils allèguent afin de vicier leur consentement.

Sur la rédaction de l'acte de cession

Il est constant qu'intéressés par la cession du fonds de commerce de Fruits et légumes primeurs oeufs salaisons et fleurs à l'enseigne " aux jardins de Provence " au centre ville de Millau, 3 place des consuls, appartenant à la SARL Blanc Frères-également propriétaire de l'établissement du Cap du Cres consistant en une activité de gros, demi-gros et détail exploitée au 12 boulevard Georges Brassens à Millau-, les époux X... ont été dirigés par le gérant de la société venderesse vers le cabinet de Me Mouysset, avocat.
Un compromis de vente rédigé par Me Mouysset, consacrant l'accord des parties sur la cession de l'établissement, branche d'activité autonome portant sur le fonds de commerce de Fruits et légumes primeurs oeufs salaisons et fleurs, a été signé le 29 août 2005 entre la SARL Philbea à constituer par les époux X... et la société Blanc Frères, l'enseigne " aux jardins de Provence " et la branche de commerce de Gros-demi-gros et détail étant exclues de la vente et le cédant étant débiteur d'une clause de non-concurrence à laquelle dérogeait l'exploitation du fonds de commerce de gros, demi gros et détail.
Le prix en était fixé à 250 000 ¿ dont 248 000 ¿ pour les éléments incorporels et 2 000 ¿ pour les éléments incorporels. La vente est consentie sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt bancaire de 230 000 ¿ au taux fixe hors assurance de 230 000 ¿ au taux fixe hors frais de 5 % pour une durée de 7 ans maximum. L'acte de cession devait être réitéré pour le 30 septembre 2005 au cabinet de Me Mouysset. Le cédant déclare qu'en ce qui concerne la branche d'activité vendue, il lui est impossible de déterminer le résultat de ce fonds. Il déclare expressément qu'à sa connaissance cette branche d'activité a toujours eu un résultat plus ou moins légèrement équilibré. Le cédant s'engage à tenir les livres de la comptabilité à disposition pendant trois ans.

La Société Marseillaise de crédit a refusé le prêt. Les époux X... et la société Philbea ont déposé une nouvelle demande de financement auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées et dans l'attente de cette obtention, par sous seing privé du 10 octobre 2005, la société Blanc Frères, qui a cessé toute activité le 30 septembre 2005, a donné en location gérance à la SARL Philbea constituée le 2 septembre 2005, le fonds exploité au 3 place des consuls à Millau pour une durée de deux mois à courir du 3 octobre 2005 pour expirer le 30 novembre 2005, renouvelable par tacite reconduction, moyennant une redevance mensuelle de 5 000 ¿ HT. La réserve d'activité de gros, demi-gros et détail du vendeur et la clause de non concurrence y sont réitérés dans les mêmes termes.

La société Philbea ayant obtenu un accord de financement de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées, l'acte de cession du fonds est intervenu le 16 décembre 2005. L'enseigne " Au jardin de Provence " est conservée par le vendeur. La clause de non-concurrence et son exception relative à la branche d'activité réservée par le vendeur est reprise. Le prix est de 250 000 ¿ intégrant la reprise d'un passif de 20 000 ¿ dû par le cédant à M. Robert Blanc. Les chiffres d'affaires sont reportés pour les années 2003 et 2004. Le cédant déclare qu'en ce qui concerne la branche d'activité vendue, il lui est impossible de déterminer le résultat de cette seule branche d'activité, celui-ci étant cumulé dans les comptes avec les autres branches d'activité. Il déclare expressément qu'à sa connaissance cette branche d'activité a toujours eu un résultat plus ou moins négatif.

Chacun de M. Philippe X... et de Mme Béatrice Y... épouse X... s'est porté caution solidaire du remboursement de toutes les sommes que la SARL Philbea pourrait devoir à la SARL Société Blanc Frères ou à M. Robert Blanc à concurrence de la somme de 149 500 ¿ couvrant le principal, les intérêts de retard et pour une durée de 108 mois.
De ce qui précède, il ressort que les époux X... n'ignoraient aucunement lorsqu'ils ont confié au cabinet Mouysset la rédaction de statuts de la Sarl Philbea puis les intérêts de cette société, que l'avocat qu'ils mandataient avait pour clients habituels la SARL Blanc Frères et la SCI Les Corrosols dès lors que c'est précisément le gérant de ces deux sociétés qui les a tout naturellement orientés vers le cabinet de son conseil en vue de la cession projetée.
Me Mouysset a donc été saisi par les deux parties si ce n'est de la rédaction du compromis de cession, à tout le moins, de la rédaction du bail commercial, de la location gérance et de la cession du fonds de commerce. Dans l'acte de cession, il est également le mandataire de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées.

L'article 7 du décret du 12 juillet 2005 invoqué par les appelants, dans sa version initiale seule applicable à la date des faits, prescrit que " L'avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d'un client dans une même affaire s'il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s'il existe un risque sérieux d'un tel conflit..... " Selon l'article 9 suivant, si l'avocat " est intervenu comme rédacteur unique en qualité de conseil de toutes les parties, il ne peut agir ou défendre sur la validité, l'exécution ou l'interprétation de l'acte qu'il a rédigé, sauf si la contestation émane d'un tiers. "

En l'état, les appelants n'établissent pas qu'aux dates de rédaction des actes litigieux, il existait un conflit ou même seulement un risque sérieux de conflit entre leurs intérêts, ceux de la SARL Blanc Frères, leur vendeur et ceux de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord, Midi-Pyrénées, leur banquier.
Cette preuve ne peut être rapportée par un événement qui s'est produit trois années plus tard, à savoir les poursuites en recouvrement de sa créance exercées par la SARL Blanc Frères et la SCI Les Corrosols sous la constitution de Me Mouysset, qui vont conduire à l'ouverture de la procédure collective de la SARL Philbea.
Au demeurant si faute déontologique de Me Mouysset il y a, du fait de poursuites qu'il a exercées pour le compte de ses clientes la SARL Blanc Frères et la SCI Les Corrosols à l'encontre de l'une de ses clientes passées la SARL Philbea, très probablement en vertu de l'acte de cession signé par les deux parties, cession où il est intervenu comme rédacteur unique, cette faute commise bien après la cession est sans lien avec la commission d'un dol susceptible de vicier le consentement du cocontractant la SARL Philbea lors de cette cession.
Par ailleurs, l'avocat n'est pas tenu d'alerter ses clients sur le risque de l'opération financière projetée. Une telle obligation de conseil est imposée à la banque, non à l'avocat, lequel, en sa qualité de seul rédacteur de l'acte, a pour obligation d'assurer la validité et la pleine efficacité de l'acte selon les prévisions des parties et de veiller à l'équilibre des intérêts des parties.

Force est de constater que les époux X... n'ignorent rien des motifs qui ont fait refuser à la Société Marseillaise de Crédit le prêt qu'ils sollicitaient, même si aucune pièce ne permet à la cour de les connaître expressément.
Désireux cependant d'acquérir le fonds, ils ont recherché un autre financeur et obtenu les prêts nécessaires au financement de leur projet par la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Midi-Pyrénées.
Même s'ils laissent sous-entendre une quelconque intervention de Me Mouysset dans l'octroi du prêt qui leur a été consenti par cette dernière banque, ils ne procèdent que par voie d'affirmation, le seul fait que cet avocat ait représenté le crédit agricole à l'acte de cession n'étant pas de nature à établir de plein droit une quelconque collusion entre la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées et la société venderesse.

Le défaut d'individualisation de la branche cédée

Les époux X... reconnaissent eux-mêmes qu'ils se sont fait assister lors de la cession de leur expert comptable. En dépit de l'assistance de cet expert comptable, la SARL Boudet-Ollanie-Pages et associés, de ce que ce dernier n'a pu ainsi qu'il en atteste, obtenir d'éléments détaillés concernant la branche d'activité cédée, des mentions portées tant au compromis qu'à l'acte de cession dans lequel le cédant déclare qu'il lui est impossible de déterminer le résultat de cette seule branche d'activité, celui-ci étant cumulé dans les comptes avec les autres branches d'activité et qu'à sa connaissance cette branche d'activité a toujours eu un résultat plus ou moins négatif, les époux X...- Y... ont signé l'acte de cession.

De même, les résultats globaux de l'entreprise société Blanc Frères dont dépend l'établissement de commerce acquis faisaient apparaître des bénéfices globaux de 13 271 ¿ en 2003 et de moitié soit 7 533 ¿ en 2004. Il est indéniable que ces résultats ne faisaient pas apparaître la branche d'activité seule et qu'ils ne pouvaient pas puisque la transmission universelle du patrimoine de la SARL Au Jardin de Provence à la SARL Blanc frères date du 24 décembre 2004.

Par ailleurs, il ne peut être fait abstraction que les époux X... et la SARL Philbea en formation, sont entrés dans les lieux en vertu de la location gérance à compter du 3 octobre 2005 de telle sorte que pendant une période de deux mois et demi jusqu'à la vente du 16 décembre 2005, ils ont été parfaitement en mesure de vérifier l'activité et le chiffre d'affaires de la branche d'activités acquise.

Sur la dissimulation d'actes antérieurs et la dissimulation des chiffres

Enfin, il n'est pas démontré non plus que la SARL Blanc Frères et son conseil aient dissimulé aux époux X... et à la SARL Philbea l'autonomie juridique passée de la SARL Au jardin de Provence alors même que cette dissolution par transmission est clairement mentionnée dés l'article 2 du compromis de cession du fonds de commerce sous condition suspensive du 29 août 2005 puis dans ce même article 2 de l'acte de cession litigieux qui a été relu aux parties par le rédacteur le jour même de la signature.
Elle apparaît également sur l'extrait du registre des commerces et de sociétés de Millau de la SARL Blanc Frères annexé au compromis de cession du 29 août 2005 et qui fait apparaître que la SARL " Au jardin de Provence " exploitait d'une part, dans les murs sis 484 boulevard Georges Brassens à Millau appartenant à M. Robert Blanc un premier établissement acheté 55 000 ¿ avec un début d'exploitation au 1er août 2004 et d'autre part, dans l'immeuble les Trois places, place de la mutualité à Millau, un second établissement attribué suite à dissolution, acquis par transmission universelle de patrimoine suivant acte publié le 24 décembre 2004.
Ainsi le cessionnaire et ses représentants avaient tout loisir, à la découverte de cette dissolution, de se renseigner pleinement au cours du délai précédant la réitération de la vente sur l'opération réalisée le 8 décembre 2004 et tant sur la vie sociale, sur l'opération de fractionnement des deux établissements de la SARL Au jardin de Provence dissoute que sur les comptes de cette SARL, au besoin en sollicitant un délai supplémentaire avant signature.
Cette opération de fractionnement des deux établissements de la SARL Au jardin de Provence dissoute peu de temps, après avec une branche d'activité rachetée par la SARL Blanc Frères qui sera précisément celle que décidera de conserver la société venderesse avec l'enseigne et une branche d'activité acquise par transmission universelle du patrimoine qui sera la branche d'activité vendue, ne pouvait qu'interpeller un cessionnaire diligent.
Il appartenait à la SARL Philbea et aux époux X... de prendre conseil auprès de toute personne compétente s'ils estimaient ne pas obtenir de Me Mouysset les réponses indispensables à leur prise de décision.
La cour ne peut que relever cependant que la lecture de l'acte de cession fait parfaitement ressortir cette volonté de la SARL Philbea et de ses représentants d'acquérir le fonds promptement, en l'état et sans plus ample information, puisque, au-delà des faits déjà relevés, force est de constater que la SARL Philbea, bien qu'avertie par l'avocat rédacteur de la nécessité d'obtenir des renseignements d'urbanisme, a requis l'établissement de l'acte, sans la production de ces pièces, et qu'" elle déclare et reconnaît expressément avoir décidé d'acquérir le bien dans son état à ce jour et sans demander et exiger du cédant que le bien soit en conformité avec la législation, la réglementation relative à l'hygiène, à la salubrité et à la sécurité ". Or ces non-conformités peuvent avoir des conséquences tout aussi importantes-et pas seulement pécuniaires-pour l'exploitation du fonds qu'une valorisation erronée de sa clientèle.

Les appelants ne caractérisent aucune manoeuvre de rétention sur les comptes, ne pouvant reprocher à Me Mouysset l'absence de communication de ces pièces individualisées que le vendeur annonce lui-même ne pouvoir produire.

De tout ce qui précède il résulte que M. Philippe X... et Mme Béatrice Y..., son épouse, ne rapportent pas la preuve de manoeuvres dolosives qui auraient été commises par la SARL Société Blanc Frères et le cabinet Sud Juriconsulte lors de la cession du 16 décembre 2005. En l'absence de dol établi, il ne peut y avoir nullité de la cession.

Le jugement déféré mérite donc confirmation.

Sur la nullité de la vente pour erreur sur la substance

Il n'est pas contesté que l'erreur substancielle qui a provoqué l'erreur sur la valeur peut fonder l'annulation.
Cependant, les appelants arguent d'une erreur provoquée par la réticence dolosive de la SARL Blanc Frères et ce la SELARL Sud Jurisconsulte.
Or il a déjà été établi plus haut que tant les manoeuvres que la réticence dolosives n'étaient pas rapportées en preuve.
Sur la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées
Par jugement du 24 novembre 2009, le tribunal de commerce de Rodez, statuant sur la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées a ordonné le sursis à statuer dans l'instance en paiement intentée par la banque à l'encontre de M. Et Mme Philippe X... jusqu'à l'issue de l'instance sur l'action en nullité de l'acte de vente conclu entre la société Blanc Frères et le cabinet Juriconsulte.
Après avoir constaté que les demandes en paiement formées par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées à l'encontre des époux Philippe-X...- Béatrice Y..., pris en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Philbea, formées devant sa juridiction étaient en tous points identiques à celles formées devant le tribunal de commerce de Rodez à l'encontre des mêmes parties, le tribunal de grande instance de Mende, appliquant les dispositions de l'article 101 du code de procédure civile sur les instances connexes pendantes devant deux juridictions distinctes et de même degré, a, à bon droit, renvoyé le caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées et les époux X... devant le tribunal de commerce de Rodez.
Sa décision mérite là encore confirmation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en leur appel, M. Philippe X... et Mme Béatrice Y... supporteront les entiers dépens d'appel en sus de ceux de première instance.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 au bénéfice de la SELARL Sud Jurisconsulte, de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord-Midi-Pyrénées et de la SARL Blanc Frères, laquelle ne forme une demande à ce titre qu'à l'encontre de Me Z..., liquidateur de la société Philbea qui n'a pas relevé appel du jugement de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, en matière civile, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
Condamne M. Philippe X... et Mme Béatrice Y... épouse X... solidairement aux dépens d'appel.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Mme MAILLET, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00401
Date de la décision : 19/03/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2015-03-19;13.00401 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award