ARRÊT No
R. G. : 13/ 03320
AJ/
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 06 mai 2013 RG : 11/ 04505
X... X...
C/
B... SCP C... ET D...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2015
APPELANTS :
Madame Marie-Christine X... épouse Y... née le 01 Novembre 1953 à Kouba Algérie... 34000 MONTPELLIER
Représentée par Me Patrick LEONARD, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de NÎMES
Monsieur Louis X... né le 16 Juillet 1960 à KOUBA ALGÉRIE...... 17220 ST FELIEU DE GUIXOLS-ESPAGNE
Représenté par Me Patrick LEONARD, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de NÎMES
INTIMÉS :
Monsieur Pierre B...... 34000 MONTPELLIER
Représenté par Me COSTE BERGER PONS DAUDE de la SCP COSTE BERGER PONS DAUDE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NÎMES
SCP C... ET D..., prise en la personne de ses liquidateurs amiables, domiciliés ès qualités... 34000 Montpellier
Représentée par Me BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN ARNAUD PETIT, Plaidant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE Représentée par Me Christine BANULS de la SCP GUALBERT BANULS RECHE, Postulant, avocat au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Juin 2014 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. André JACQUOT, Président, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Vanessa CHRISTIAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
A l'audience, en présence de Mme Joëlle LIOTARD, greffier stagiaire.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Janvier 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Février 2015 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 26 Février 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour. * * * EXPOSE DU LITIGE
M. Louis X... est décédé le 25 novembre 1999 en laissant pour lui succéder ses deux enfants Marie-Christine X... épouse Y... et M. Louis X... issus de son premier mariage avec feue Aline Z..., Mme Claudine A... sa seconde épouse et les deux enfants issus de cette union, Jean-Louis et Pierre X.... Il avait constitué de son vivant la SARL X... qui a fait l'objet d'une expropriation et s'est vue attribuer à ce titre une indemnité de 2 202 370 ¿. Mme Claudine A..., nouvelle gérante de la SARL X... a distribué au titre de l'exercice 2005 un dividende global de 1 425 961 ¿ qu'ont contesté les héritiers Y.../ X... en estimant qu'il s'agissait d'un boni de liquidation devant revenir aux nus-propriétaires. Ils ont engagé une procédure à cette fin devant le tribunal de commerce de Montpellier par l'intermédiaire de Me Pierre B..., avocat ; par jugement du 22 novembre 2006, cette juridiction a constaté que l'objet social de la SARL X... était éteint et a prononcé sa dissolution en désignant un liquidateur amiable qui a déposé un rapport le 12 juin 2007 en suite duquel Me B... a pris des conclusions de reprise d'instance aux fins de faire condamner Mme Claudine A... à rembourser les sommes perçues au titre des dividendes. Selon nouvelle décision du 19 août 2009, le tribunal de commerce de Montpellier a déclaré irrecevables les demandes des consorts X... au motif que le jugement précédent du 22 novembre 2006 était une décision au fond et que la procédure ne pouvait être poursuivie par voie de conclusions ; il a également condamné à titre reconventionnel les consorts Y.../ X... à payer à Mme Claudine A... la somme de 18 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier ainsi qu'une indemnité de 4 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme M. C. Y... et M. L. X... ont relevé appel de cette décision sous la constitution de la SCP C... et D..., alors avoués à la cour ; parallèlement Me B... a fait délivrer le 25 août 2009 une nouvelle assignation devant le tribunal de commerce de Montpellier reprenant les demandes figurant dans ses conclusions de reprise d'instance ; la procédure d'appel a été radiée le 18 janvier 2010, faute pour Mme M. C. Y... et M. L. X... d'avoir conclu dans les délais impartis et le 11 mai 2010 la cour d'appel de Montpellier a constaté l'extinction de l'instance par désistement des appelants.
Considérant que tant l'avocat que la société d'avoués avait commis une faute en se désistant sans réserve de l'appel interjeté contre le jugement du 19 août 2009 les ayant condamnés à paiement, Mme M. C. Y... et M. L. X... les ont attraits en déclarations de responsabilité et paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Nîmes qui par jugement contradictoire du 6 mai 2013 les a déboutés de leurs demandes et condamnés in solidum à payer à chaque défendeur la somme de 2 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme M. C. Y... et M. L. X... ont relevé appel de ce jugement et soutiennent dans leurs dernières écritures en date du 11 février 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des demandes et moyens que : ¿ Me B... a commis une première faute en déposant devant la juridiction commerciale des conclusions en reprise d'instance manifestement irrecevables et une seconde en se désistant devant la cour d'appel de Montpellier du recours à l'encontre du jugement du 19 août 2009 les condamnant à paiement ; ¿ l'avoué qui est le mandataire de son client a manqué à son devoir de conseil, la présence d'un avocat à la procédure ne le dispensant pas de cette obligation et la plus élémentaire prudence devait le conduire à attirer leur attention sur les risques d'une décision de radiation ; ¿ il est indifférent que Me Pierre B... ait eu la direction du procès, la SCP C... et D... ne pouvant réduire son rôle à celui d'un greffier et il est tout aussi indifférent qu'elle ait été saisie par cet avocat et non pas directement par eux, la notion de « dominus litis » n'ayant aucune consistance dans les relations avocat ¿ avoué ; ¿ la jurisprudence que cite la SCP C... et D... « est à des années-lumière du cas d'espèce présentement soumis à la cour » ; ¿ le cautionnement bancaire a été mis à la charge de Mme Claudine A... pour garantir aux nus-propriétaires le règlement des sommes leur revenant et le paiement d'une indemnité de 18 000 ¿ a été prononcé sans justificatif de règlement ; ¿ dans son courrier du 7 septembre 2009 la SCP C... et D... a admis elle-même que le jugement de 2009 était entaché d'une erreur procédurale grossière qu'elle tente aujourd'hui de nier très maladroitement ; ¿ ils ont communiqué les pièces produites devant la juridiction commerciale et qui sont sans rapport avec les condamnations pécuniaires prononcées.
Les appelants concluent à la réformation intégrale du jugement déféré et demandent principalement à Me Pierre B... et subsidiairement à la SCP C... et D... le paiement de la somme de 22 000 ¿ à titre de dommages-intérêts ; ils réclament enfin paiement d'une indemnité de 6 000 ¿ pour frais de procédure.
Me Pierre B..., par conclusions récapitulatives et en réplique du 9 décembre 2013 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, fait valoir que : ¿ à aucun moment les consorts Y.../ X... n'expliquent en quoi ils avaient une chance sérieuse d'obtenir la réformation du jugement de 2009 par la cour d'appel de Montpellier et ils ne peuvent simplement soutenir en procédant par affirmation péremptoire que cette condamnation est « surréaliste » ; ¿ leur préjudice éventuel ne peut correspondre qu'à une partie de la somme de 18 000 ¿ et non à sa totalité, les frais irrépétibles ne constituant pas un préjudice indemnisable ; ¿ subsidiairement la SCP C... et D... a admis dans son courrier du 31 mai 2010 qu'elle n'a pas attiré l'attention de l'avocat sur les conséquences d'un désistement sous prétexte qu'il était « le meilleur avocat de la place ». Me Pierre B... conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement à la garantie de la SCP C... et D... ; il sollicite paiement par tout succombant d'une indemnité de 5 000 ¿ pour frais de procédure.
La SCP C... et D..., explique enfin dans ses conclusions récapitulatives et en réplique du 26 mars 2014 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, que : ¿ Me Pierre B... a été chargé de diligenter de nombreuse procédures pour les appelants dans le cadre du litige les opposant aux héritiers du second lit de leur auteur et la procédure d'appel devant la cour de Montpellier a fait l'objet d'une radiation en application des dispositions de l'article 915 ancien ; ¿ elle a pris soin de l'avertir de l'expiration du délai de quatre mois alors applicable et a offert de conclure au dernier jour de ce délai soit le 7 janvier 2010, ce à quoi le collaborateur de Me Pierre B... a répondu « de ne rien faire » et qu'elle ne pouvait rappeler une seconde fois au « meilleur avocat de la place » les conséquences d'une radiation qu'il était à même d'apprécier ; ¿ il avait la direction du procès et de toutes les procédures engagées pour le compte des héritiers Y.../ X..., la SCP d'avoués n'ayant elle-même aucune maîtrise du dossier et aucune faute ne peut lui être reprochée ; ¿ subsidiairement il n'existe aucun lien causal entre le préjudice allégué par les appelants et la faute prétendue, le jugement de 2009 n'étant pas dénué de motivation et Mme Claudine A... ayant justifié de son préjudice financier par le maintien d'une caution bancaire du 5 juillet 2006 au 24 juin 2009 à hauteur de 600 000 ¿ ; ¿ Mme M. C. Y... et M. L. X... sont particulièrement fortunés et la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 9 avril 2013, les a condamnés au paiement d'une indemnité de 10 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile ; ¿ en réalité, ils n'ont jamais cru à leurs chances de succès car ils n'auraient pas manqué d'initier une procédure en désaveu d'avocat pour annihiler le désistement litigieux ; ¿ le courrier du 7 septembre 2009 dont ils s'emparent est sans emport dès lors que Me Pierre B..., en charge de toutes leurs procédures, était seul susceptible d'apprécier l'opportunité des diligence à entreprendre et que le dessaisissement du tribunal sur la demande principale ne lui interdisait pas de statuer sur la demande reconventionnelle d'un caractère autonome ;
¿ ils ne pouvaient échapper à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et ne peuvent prétendre au paiement de la somme de 18 000 ¿ qui ne saurait être égale à l'avantage procuré par une chance qui se serait réalisée ; ¿ l'action poursuivie contre la SCP d'avoués est ainsi abusive.
La SCP C... et D... conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants au paiement des sommes de 4 000 ¿ en application de l'article 1382 du Code civil et de 8 000 ¿ pour frais de procédure.
DISCUSSION
Au regard du fondement délictuel de la responsabilité civile d'un auxiliaire de justice, sa mise en ¿ uvre exige l'établissement d'une faute dans l'accomplissement de son mandat, d'un préjudice réparable qui peut être constitué par la perte d'une chance de gagner un procès et enfin d'un lien de causalité entre chacun de ces éléments. En l'espèce il n'est pas douteux que Me B... en s'abstenant de conclure devant la cour d'appel après avoir diligenté un recours au nom de Madame M. C. Y... et M. L. X... et surtout en donnant instruction formelle de ne pas le faire à la SCP C... et D..., avoués constitués, puis en se désistant sans réserve de ce recours sans en informer préalablement ses mandants, a commis une faute par manquement aux devoir de diligence et de conseil dès lors que les consorts Y.../ X... se trouvaient définitivement condamnés à paiement par application de l'article 403 du code de procédure civile. Ce grief ne peut être reproché à la SCP d'avoués qui a offert à Me B... d'établir des conclusions « avec les moyens du bord » pour éviter la radiation de la procédure devant la cour d'appel et ses conséquences tirées de l'article 915 alinéa 3 ancien ainsi qu'il ressort de son courrier non contesté du 31 mai 2010.
S'agissant du préjudice, il convient d'examiner si les appelants disposaient d'une chance « sérieuse » d'obtenir la réformation du jugement du tribunal de commerce du 19 août 2009 portant condamnation à paiement et la SCP C... et D... fait justement observer à ce titre qu'il leur appartient de reconstituer le débat dont ils ont été privés devant la cour d'appel. Or : ¿ ils ne répliquent aucunement à l'argumentaire développé par cette dernière selon lequel l'irrecevabilité d'une demande principale ne fait pas obstacle à la recevabilité d'une demande reconventionnelle dès lors qu'elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant ; ¿ en l'espèce le jugement précité du 19 août 2009 a donné mainlevée du cautionnement bancaire de 600 000 ¿ ordonné par décision de référé du 29 juin 2006 aux fins de garantir les droits successoraux des appelants et a fait droit à la demande de Madame Claudine A... en réparation de son préjudice financier évalué notamment sur une rémunération de l'établissement bancaire à concurrence d'un pour cent par an soit 18 000 ¿ au total, aucune pièce ne venant contredire le principe d'une telle rémunération ou en établir un caractère tellement excessif qu'il aurait nécessairement incliné la cour à le réduire.
Pour faire reste de droit aux appelants, il faut encore ajouter que : ¿ par assignation du 25 juin 2009 ils ont saisi le tribunal de commerce des mêmes demandes que celles figurant dans les conclusions en reprise d'instance du 22 juillet 2008 déclarées irrecevables mais que par jugement du 18 janvier 2012, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 9 avril 2013, le tribunal de commerce de Montpellier a constaté la péremption de cette procédure ; ¿ ils n'ont initié aucune procédure de désaveu d'avocat, recevable devant toute juridiction et qui aurait pu aboutir à la nullité du désistement opéré et par conséquent à un examen au fond de l'appel diligenté le 7 septembre 2009.
Il convient dès lors de débouter Mme M. C. Y... et M. L. X... de leur demande.
Sur les demandes annexes :
Aucun élément ne permet de soutenir que la procédure aurait dégénéré en abus du droit d'agir en justice et l'interprétation erronée de ses droits par un plaideur, qui use d'une voie de réformation légale, ne dégénère elle-même en abus qu'en cas d'erreur grossière équipollente au dol ; la SCP C... et D... n'excipe pas par ailleurs d'un préjudice qui en serait directement issu ; sa demande en paiement de dommages-intérêts est rejetée.
Elle est par contre fondée, ainsi que Me B..., à solliciter l'application de l'article 700 du code de procédure civile en raison de la succombance des appelants. Pour les mêmes motifs ces derniers seront condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré ; Déboute la SCP C... et D... de sa demande en paiement de dommages-intérêts ; Condamne Mme M. C. Y... et M. L. X... à payer à Me B... et à la SCP C... et D... la somme de 2 000 ¿ chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Les condamne aux dépens dont le recouvrement est autorisé aux formes de l'article 699 du même code.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Madame CHRISTIAN, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,