ARRÊT No
R. G : 11/ 00493 SC/ CA
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON 23 novembre 2010 Section : Encadrement
X...
C/ SAS ISOVATION
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUILLET 2012
APPELANT :
Monsieur Claude X... né le 26 Mai 1954 à SALLES... 30300 BEAUCAIRE
représenté par la SCP MAIRIN, avocats au barreau de TARASCON plaidant par Maître Philippe MAIRIN, avocat au même barreau
INTIMÉE :
SAS ISOVATION prise en la personne de son représentant légal en exercice 605 Rue du Petit Mas Z. I. de Courtine-BP 10993 84094 AVIGNON CEDEX 9
représentée par la SCP FORTUNET ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON plaidant par Maître DANIEL, avocat au même barreau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier, lors des débats et Madame Stéphanie RODRIGUEZ, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 11 Mai 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2012 prorogé au 10 Juillet 2012 puis au 24 juillet 2012,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 24 Juillet 2012.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Claude X... était embauché par la SAS ISOVATION, dont son épouse et lui étaient par ailleurs associés minoritaires, à compter du 3 avril 1990 en qualité de technico-commercial.
La convention collective applicable est celle de la plasturgie.
A compter du 19 mai 2004, et alors qu'il occupait les fonctions de responsable recherche et développement, il se voyait confier les fonctions de directeur technico-commercial.
Par courrier du 10 avril 2009, il était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 24 avril suivant.
Le 5 mai 2009, il était licencié pour motif économique par courrier ainsi rédigé :
Nous vous informons par la présente que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour le motif économique suivant :
Depuis le début de l'année 2009, nous enregistrons une baisse constante de chiffre d'affaires (-15 % à fin mars).
La visibilité de l'évolution du chiffre d'affaires est réduite de 7 semaines à une semaine et les prévisions de commande pour le mois d'avril sont à peine de 30 % du chiffre d'affaires du même mois de l'année 2008.
Les perspectives sont par ailleurs inquiétantes puisque l'un de nos principaux clients (MERIAL) annonce une baisse de son propre chiffre d'affaires.
Notre client principal (KERN FRIO) nous a indiqué que son client (SANOFI) envisage de se désengager ? ce qui entraînerait une perte prévisible concernant notre entreprise de 300 000 euros annuel de chiffre d'affaires.
Nous éprouvons les plus grandes difficultés à obtenir des augmentations de tarif, ce qui entraîne une érosion de la marge.
Dans ces circonstances, nous sommes contraints de prendre des mesures inévitables afin d'adapter les charges de l'entreprise face aux difficultés économiques auxquelles elle est confrontée.
Ces mesures sont également nécessaires afin d'assurer la sauvegarde de la compétitivité de notre secteur, soumis à une vive concurrence, et de faire face à une situation de crise généralisée.
Nous avons procédé à une réduction des frais généraux, à des négociations avec nos propres fournisseurs. En parallèle de la mise en place d'un dossier de chômage partiel, de la prise de congés par les salariés, nous avons recherché des postes de reclassement.
Il s'avère malheureusement qu'aucun poste de reclassement disponible n'existe au sein de l'entreprise. Aussi nous avons décidé de supprimer votre poste de travail.
Lors de l'entretien préalable, il vous a été remis un dossier de convention de reclassement personnalisé (...) "
Le 11 mai 2009, Monsieur X... acceptait le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé.
Contestant la légitimité de la rupture, il saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon qui, par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2010 l'a débouté de toutes ses demandes et condamné à régler à la société ISOVATION la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par acte du 27 janvier 2011, Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions développées à l'audience, il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et en conséquence de :
- à titre principal, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société ISOVATION au paiement des sommes de :
* 176. 430 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires du licenciement ;
- à titre subsidiaire, condamner la société ISOVATION au règlement d'une indemnité de 176. 430 euros pour non respect des critères relatifs à l'ordre des licenciements ;
- en tout état de cause, condamner la société ISOVATION à payer les sommes de : * 4. 900, 85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ; * 14. 702, 55 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non concurrence ; * 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il forme par ailleurs des demandes nouvelles tendant à voir condamner la société ISOVATION au paiement des sommes de :
* 9. 801, 70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 980, 17 euros au titre des congés payés afférents ; * 1. 098 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance de bénéficier du droit individuel à la formation ; * 9. 801, 70 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche.
Sur le licenciement, il fait valoir que :
- en réalité son licenciement ressort d'un motif personnel que la société ISOVATION n'a pas hésité à convertir en licenciement pour motif économique, la crise économique ayant offert une couverture inespérée ;
- si l'adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique ni le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
- s'agissant du reclassement : * le 31 mars 2009, soit 10 jours avant l'envoi de la lettre de convocation, alors que la société ISOVATION prétend qu'elle cherche à le reclasser, elle n'hésite pas à signer avec l'ancienne présidente et fille de l'actuel président, Madame B..., un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ; * le 3 mars 2009, l'employeur publiait une offre d'emploi pour un poste de directeur commercial Europe en contrat de travail à durée indéterminée dans le Vaucluse, cette offre ayant été réitérée le 12 mars 2009 puis le 9 septembre 2009 ;
- sur le motif économique : les motifs de la lettre de licenciement sont hypothétiques alors que les difficultés économiques doivent exister à la date de la rupture du contrat de travail ; l'employeur ne rapporte pas non plus la preuve de la nécessité de restructurer l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité ; la santé financière de la société est excellente et la société ISOVATION ne verse volontairement aux débats que des documents incomplets ; en réalité, son employeur voulait parvenir à son éviction pour favoriser le rachat par la société MARBRI.
Sur le non respect de l'ordre des licenciements, il soutient qu'à défaut pour la société ISOVATION de produire les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements et la procédure de licenciement de Madame Danièle Z..., il convient de lui allouer des dommages et intérêts.
Sur la régularité de la procédure de licenciement, il précise que :
- l'entretien préalable s'est déroulé le 24 avril 2009 et le licenciement a été notifié le 6 mai 2009 de sorte que le délai de 15 jours prévu par les articles L1233-15 et L1233-59 du Code du travail en cas de licenciement individuel d'un cadre n'a pas été respecté ;
- la société ISOVATION prétend qu'il s'agissait d'un licenciement collectif de sorte qu'elle doit justifier de la consultation des délégués du personnel.
Sur le préavis, il précise que son licenciement économique étant sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de préavis lui est due.
Sur le droit individuel à la formation (DIF), il souligne qu'il était titulaire de 120 heures de droits acquis à titre de sorte qu'il est fondé à être indemnisé pour perte d'une chance de bénéficier de son DIF.
Sur la priorité de réembauche, il indique qu'elle n'a été portée à sa connaissance que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisée.
Sur la clause de non concurrence, il observe que :
- la clause contractuelle stipule expressément qu'elle s'applique en cas de rupture du contrat, pour quelque cause que ce soit, et quelle que soit la partie qui en prenne l'initiative ; par conséquent, elle s'applique même si la rupture est intervenue d'un commun accord ;
- la société ISOVATION a attendu le 22 juillet 2009 soit plus de mois et demi après la lettre de licenciement pour le libérer de la clause de non concurrence, de sorte que cette renonciation est inopérante ;
- la contrepartie financière prévue par la clause de non concurrence lui est en conséquence due.
Par conclusions développées à l'audience, la société ISOVATION demande la confirmation du jugement déféré et la condamnation de Monsieur X... au paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la régularité de la procédure de licenciement, elle fait valoir que :
- lorsque l'employeur envisage de procéder au licenciement de plusieurs salariés, seul le délai de sept jours est applicable indépendamment de l'éventuel statut de cadre ; en l'espèce ce délai a été respecté ;
- s'agissant de l'absence de consultation des représentants du personnel, d'une part, un procès-verbal de carence atteste qu'il n'y avait pas de délégués du personnel au sein de la société ISOVATION, d'autre part, elle a averti la direction départementale du travail et de l'emploi de ce qu'elle procédait à un licenciement collectif ;
Sur le bien fondé du licenciement, elle soutient que :
- sur le motif économique :
* les documents comptables produits confirment la réalité des difficultés économiques et si les mesures de licenciement prises ont permis de sauvegarder sa activité, elle n'avait toujours pas retrouvé début 2011 son niveau d'activité de 2008, preuve que les difficultés économiques rencontrées durant le premier semestre 2009 étaient sérieuses et durables ;
* Monsieur X... n'a pas été licencié au profit de Madame B... ; Monsieur D... embauché en juin 2009 et remplacé par Monsieur I... en janvier 2010 disposaient de la même qualification et rémunération que Madame B..., lesquelles étaient supérieures à celles de Monsieur X... de sorte que ce dernier ne peut sérieusement prétendre avoir été remplacé dans ses fonctions ; la lecture du contrat de travail de Madame B... démontre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle embauche mais d'une régularisation intervenant au terme de la période de suspension du contrat de travail liée à la cessation de son mandat social ;
- sur le reclassement : elle a respecté son obligation de reclassement, Monsieur X... ne pouvant prétendre accéder à un poste de direction générale
Sur l'ordre des licenciements, elle précise notamment que les trois salariés qui ont été licenciés n'appartenaient pas à la même catégorie professionnelle.
Sur la priorité de réembauche, elle indique que le courrier du 5 mai 2009 mentionnait que son destinataire bénéficiait d'une priorité de réembauche.
Sur le préavis et le DIF, elle observe qu'elle s'est conformée à ses obligations en versant au salarié un mois de salaire au titre du préavis et le surplus ainsi que l'allocation relative au DIF aux ASSEDIC en l'état de l'adhésion à la convention de reclassement personnalisé de sorte que la demande de l'appelant est abusive.
Sur la clause de non concurrence, elle mentionne que :
- si une procédure de licenciement économique a bien été engagée, la rupture du contrat de travail est intervenue d'un commun accord, ce type de rupture spécifique n'étant pas visé par les stipulations contractuelles ;
- en tout état de cause, l'appelant ne justifie pas avoir respecté la clause de non concurrence jusqu'au 22 juillet 2009, date du courrier de l'employeur l'en déliant.
Monsieur X... a précisé à l'audience qu'il renonçait au moyen développé dans ces conclusions tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif qu'il n'aurait pas été informé du motif économique avant l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé.
MOTIFS
Sur la régularité de la procédure de licenciement
L'article L1233-15 du Code du travail dispose que :
" Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué. Ce délai est de quinze jours ouvrables pour le licenciement individuel d'un membre du personnel d'encadrement mentionné au 2o de l'article L1441-3. "
En l'espèce, si Monsieur X... était cadre, son licenciement notifié le 5 mai 2009 était inclus dans un licenciement concernant moins de dix salariés puisque Madame Z..., secrétaire comptable et Madame G..., manutentionnaire ont également été licenciées les 15 et 23 avril 2009.
Dès lors, seul un délai de sept jours devait être respecté entre la date de l'entretien préalable et la date de notification du licenciement, ce qui a été le cas en l'espèce l'entretien préalable s'étant tenu le 24 avril 2009 et le licenciement ayant été notifié le 6 mai 2009.
Selon l'article L1235-15 alinéa 1er du code du travail, " est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'été établi ".
En l'espèce, la société ISOVATION produit deux procès-verbaux de carence en date des 13 avril et 17 mai 2006 relatifs au premier tour et au second tour des élections des délégués du personnel.
Ainsi, aucune des irrégularités de procédure alléguées par le salarié n'est établie de sorte c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Monsieur X... de sa demande indemnitaire de ce chef.
Sur le bien fondé du licenciement
Aux termes de l'article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La réorganisation de l'entreprise constitue également un motif économique de licenciement, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement, si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
En l'espèce, la lettre de licenciement vise à la fois les difficultés économiques auxquelles la société ISOVATION serait confrontée et la nécessaire sauvegarde de sa compétitivité.
Ce courrier vise une baisse constante du chiffre d'affaires à fin mars 2009.
L'examen des pièces produites démontre effectivement que le chiffre d'affaires cumulé du premier trimestre 2009 s'élevait à 594. 816 euros au 31 mars 2009, soit une baisse de 9, 20 % par rapport au chiffre d'affaires cumulé au 31 mars 2008 (655. 093 euros).
Néanmoins, les autres éléments énoncés dans la lettre de licenciement à savoir :- une visibilité de l'évolution du chiffre d'affaires réduite de sept semaines à une semaine,- les difficultés rencontrées par la société ISOVATION pour obtenir des augmentations de tarifs, ayant pour conséquence une érosion de la marge,- l'annonce par l'un des principaux clients (MERIAL) d'une baisse de son chiffre d'affaires,- le fait que SANOFI, client de KERN FRIO, principal client de la société ISOVATION, envisagerait de se désengager, outre qu'ils ne sont prouvés par aucune des pièces produites, sont en tout état de cause s'agissant des deux derniers purement hypothétiques.
Ainsi, la seule constatation d'une baisse du chiffre d'affaires sur une durée de trois mois ne peut permettre de caractériser ni des difficultés économiques, ni même une menace sérieuse sur la compétitivité de l'entreprise nécessitant une réorganisation. Tout au plus, la société ISOVATION pouvait-elle en déduire l'existence de difficultés passagères.
D'ailleurs, l'examen des comptes clos au 31 décembre 2009 démontre que finalement, en fin d'exercice :
- la baisse de chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente n'était que plus de 7 % (2 920 111 euros au 31 décembre 2008 contre 2 712 212 au 31 décembre 2009) étant précisé que la hausse du chiffre d'affaires au 31 décembre 2008 par rapport à celui l'exercice précédent (2 608 199 euros) avait été de 12 %, de sorte que le chiffre d'affaires de l'exercice 2009 restait en progression de 4 % par rapport à celui de l'exercice 2007 ;
- le résultat d'exploitation étant largement positif (86 560 euros) ;
- la société ISOVATION dégageait un bénéfice de 63 574 euros.
Au 31 décembre 2010, le chiffre d'affaires progressait à nouveau puisqu'il était de 2 834 905 euros, soit une hausse de 4, 5 % par rapport à celui de l'exercice précédent.
Par ailleurs, la société intimée mentionne dans ses écritures que :- " ne souhaitant plus faire de déplacements en clientèle, Monsieur X... s'est progressivement détaché de ses fonctions et responsabilités " ;- " face au manque d'implication de Monsieur X..., Madame B... (présidente de la société) a été contrainte d'assumer le secteur Espagne qui représente l'essentiel de l'activité étrangère et Monsieur X... fut alors chargé seulement de l'export-pharmacie et de l'export-alimentaire qui ne représentent qu'une petite partie de la clientèle étrangère ".
Elle produit à l'appui :
- une attestation de Monsieur H...qui indique avoir intégré la société ISOVATION le 1er septembre 2004 en qualité de responsable commercial, " poste créé de par la volonté exprimée par Monsieur X... de ne plus faire de déplacements en clientèle pour raisons de santé (et avoir) pris en charge le portefeuille client existant pour la France et les DOM-TOM afin de le gérer et de le développer sous la direction de Madame B... " ;
- un tableau démontrant que les secteurs conservés par Monsieur X... représentaient qu'une faible part du chiffre d'affaires.
Ces éléments, rapprochés de l'absence de difficultés économiques ou de menace sur la compétitivité de l'entreprise, démontrent qu'en réalité, Monsieur X... a été licencié pour un motif personnel d'insuffisance professionnelle et non pour un motif économique.
Dès lors, et sans qu'il soit utile de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, il y a lieu de réformer le jugement déféré et de considérer que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'âge du salarié (55 ans à la date de son licenciement), de son salaire au moment de la rupture (4. 740, 85 euros), de son ancienneté (19 ans) et de l'évolution de sa situation depuis le licenciement, à savoir qu'après perçu des indemnités de Pôle Emploi du 16 mai 2009 au 31 juillet 2011, il n'est plus inscrit comme demandeur d'emploi depuis le 1er août 2011, sans qu'aucune précision ne soit donnée sur sa situation à compter de cette date, il lui sera alloué une indemnité de 80 000 euros en application de l'article L1235-3 du Code du travail.
Eu égard à l'absence de caractère réel et sérieux du motif du licenciement, il convient de faire application des dispositions de l'article L 1235-4 du Code du travail et d'ordonner le remboursement par la société ISOVATION des allocations chômage versées au salarié licencié dans la limite de 6 mois.
Sur les dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture
Monsieur X... ne démontre aucun préjudice distinct de celui causé par la rupture du contrat de travail.
Le jugement déféré qui l'a débouté de sa demande sera donc confirmé.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
En l'absence de motif économique de licenciement, la convention de reclassement personnalisée devient sans cause de sorte que l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de ladite convention.
En l'espèce, Monsieur X... pouvait prétendre en vertu des dispositions de la convention collective applicable à un préavis de trois mois. Il a perçu une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, après avoir accepté la convention de reclassement personnalisé, de sorte qu'il est fondé à percevoir un complément d'indemnité équivalant à deux mois de salaire, soit 9 481, 70 euros (4 740, 85 x 2) outre 948, 17 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le Droit individuel à la formation (DIF)
Le droit à formation de Monsieur X... a été immédiatement exécuté puisqu'il en a bénéficié lors des actions suivies dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé. Le salarié n'a donc subi aucun préjudice de sorte qu'il convient de le débouter de sa demande indemnitaire.
Sur la priorité de réembauche
La priorité de réembauche est mentionnée dans la lettre de licenciement du 5 mai 2009 de sorte que le jugement déféré qui a débouté le salarié de sa demande indemnitaire pour non respect de la priorité de réembauche doit être confirmé.
Sur la clause de non concurrence
L'article 11 du contrat de travail stipule que :
" La société ISOVATION exerce une activité spécifique dans le domaine de la fabrication et la commercialisation d'emballages.
Monsieur X... de par ses fonctions, a accès à la technique, au savoir-faire de la société ISOVATION, aux projets en cours et au fichier clientèle, ces éléments constituant une valeur économique essentielle pour la société.
Aussi, en cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, et quelle que soit la partie qui en prenne l'initiative, Monsieur X... s'interdit, pendant une durée de un an à compter de son départ effectif de la société, de travailler dans toute autre entreprise ou de s'intéresser directement ou indirectement à toute autre entreprise ayant une activité, principale ou accessoire, identique ou similaire à l'activité de fabrication et/ ou importation et/ ou distribution d'emballages.
Il s'interdit également pendant la même période de créer pour son compte personnel ou pour celui d'un tiers, directement ou indirectement, toute entreprise ayant un objet ou une activité principale ou accessoire identique ou similaire à celle ci-dessus décrite.
Cette interdiction s'appliquera compte tenu de la clientèle actuelle de la société ISOVATION au territoire français métropolitain.
En cas de violation de l'engagement ci-dessus, Monsieur X... sera tenu par une indemnisation au moins égale à la rémunération totale perçue au cours de sa dernière année de collaboration avec la société (...)
La société ISOVATION pourra renoncer à l'application de la présente clause de non concurrence moyennant notification par voie recommandée avec accusé de réception :- en cas de licenciement, au plus (tard) lors de la notification du licenciement ;- en cas de démission, avant l'expiration du préavis exécuté ou non de démission.
En contrepartie de son obligation de non concurrence, Monsieur X... percevra pendant la durée de la non concurrence une indemnité compensatrice brute égale à 25 % de sa rémunération brute de base (hors commissions), calculée sur la moyenne des 12 derniers mois de travail, et ce par mois d'interdiction. Cette indemnité inclut l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Le versement de cette contrepartie financière cessera dès que Monsieur X... sera libéré de sa clause de non concurrence ou dès que l'employeur y aura renoncé, mais également en cas de non respect par Monsieur X... de ladite clause. "
Les stipulations susvisées ne font aucune distinction entre les différents modes de rupture du contrat de travail, de sorte que la clause de non concurrence a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse de la rupture réputée intervenir d'un commun accord découlant de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé.
En outre, la dispense tardive de la clause de non concurrence ne décharge pas l'employeur de son obligation de paiement de la contrepartie pécuniaire et le salarié a droit à l'indemnité compensatrice, dès lors qu'il respecte l'interdiction de non concurrence.
En l'espèce, la société ISOVATION n'a libéré Monsieur X... de la clause de non concurrence que par courrier en date du 22 juillet 2009, alors que le licenciement lui a été notifié le 5 mai 2009, de sorte que cette dispense est tardive.
La société ISOVATION n'établit pas par ailleurs que Monsieur X... s'est livré à une activité concurrente et il est même avéré que tel n'a pas été le cas puisque l'appelant a perçu des allocations de Pôle Emploi sans discontinuer du 16 mai 2009 au 31 juillet 2011 soit pendant toute la durée couverte par la clause de non concurrence et même au delà.
Il convient donc de réformer le jugement déféré et de condamner la société ISOVATION à payer à Monsieur X... la contrepartie financière contractuellement prévue, soit la somme de 14. 222, 55 euros (4 740, 85 x 25 % x 12).
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il avait alloué à Monsieur X... la somme de 700 euros en application de ses dispositions et l'employeur débouté de sa demande de ce chef.
En revanche, l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et d'allouer au salarié la somme de 1. 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme le jugement déféré ;
Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS ISOVATION à payer à Monsieur Claude X... les sommes de :
-80. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-14. 222, 55 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;
Déboute la société ISOVATION de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne la société ISOVATION à payer à Monsieur Claude X... la somme de 9. 481, 70 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 948, 17 euros au titre des congés payés afférents ;
Déboute Monsieur Claude X... de ses demandes indemnitaires pour perte d'une chance de bénéficier du droit individuel à la formation et pour non respect de la priorité de réembauche ;
Condamne l'employeur à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités et dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe à Pôle Emploi (Pôle Emploi-TSA 32001-75987 Paris Cedex 20 ; no identifiant : 7925898G) ;
Condamne la société ISOVATION à payer à Monsieur Claude X... la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SAS ISOVATION aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président et par Madame Stéphanie RODRIGUEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT