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24/07/2012 | FRANCE | N°10/05814

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 24 juillet 2012, 10/05814


ARRÊT No
R. G : 10/ 05814
CL/ AI
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORANGE
17 novembre 2010
Section : Industrie

SA DELTA TERRASSEMENTS
C/
X...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUILLET 2012

APPELANTE :
SA DELTA TERRASSEMENTS prise en la personne de son représentant légal en exercice inscrite au RCS d'AVIGNON sous le no 491 184 552 1988, avenue d'Orange 84700 SORGUES
représentée par Maître Stéphanie PRUDHOMME, avocat au barreau de CARPENTRAS substituée par Maître Anne CURAT, avocat au barreau de NIMES

I

NTIMÉ :
Monsieur Frédéric X... né le 07 Octobre 1979 à NIORT ... 33990 NAUJAC SUR MER
représenté par la SCP BREUI...

ARRÊT No
R. G : 10/ 05814
CL/ AI
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ORANGE
17 novembre 2010
Section : Industrie

SA DELTA TERRASSEMENTS
C/
X...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUILLET 2012

APPELANTE :
SA DELTA TERRASSEMENTS prise en la personne de son représentant légal en exercice inscrite au RCS d'AVIGNON sous le no 491 184 552 1988, avenue d'Orange 84700 SORGUES
représentée par Maître Stéphanie PRUDHOMME, avocat au barreau de CARPENTRAS substituée par Maître Anne CURAT, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :
Monsieur Frédéric X... né le 07 Octobre 1979 à NIORT ... 33990 NAUJAC SUR MER
représenté par la SCP BREUILLOT et VARO, avocats au barreau de CARPENTRAS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 000926 du 23/ 02/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller, Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller.

GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Mademoiselle Stéphanie RODRIGUEZ lors du prononcé.

DÉBATS :
à l'audience publique du 04 Mai 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2012.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 24 juillet 2012.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Frédéric X... était embauché le 18 mai 2009 en qualité d'ouvrier d'exécution niveau I coefficient 150 par la SA DELTA TERRASSEMENTS suivant contrat à durée déterminée ensuite renouvelé le 21 juin 2009 et interrompu à son terme le 20 septembre 2009.
Il saisissait en requalification du contrat et en paiement de diverses sommes et indemnités le conseil de prud'hommes d'Orange lequel, par jugement du 17 novembre 2010, a requalifié le contrat en un contrat à durée indéterminée et condamné la SA DELTA TERRASSEMENTS au paiement des sommes de :
-1745, 28 euros à titre d'indemnité de requalification,-97, 50 euros à titre de rappel sur indemnité de trajet,-630, 38 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires,-63 euros au titre des congés payés afférents,-1745, 28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,-500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par acte du 17 décembre 2010 la SA DELTA TERRASSEMENTS a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions développées à l'audience, elle demande à la cour l'infirmation du jugement et de lui donner un de ce qu'elle reconnaît devoir à Monsieur X... les seules sommes de 1. 745, 28 euros à titre d'indemnités de requalification et de 48, 60 euros à titre d'indemnité de trajet.

Elle soutient que :
Bien que le contrat à durée déterminée conclu par la société ait été nécessité par un accroissement temporaire d'activité, il ne mentionnait aucun motif, il convient cependant d'apprécier le préjudice au regard de la petite taille de l'entreprise qui occupe moins de 11 salariés et Monsieur X... ne démontre aucun préjudice complémentaire.
La demande de rappel de 83, 83 heures supplémentaires sur 140 heures supplémentaires prétendument effectuées est infondée et le salarié reconnaît lui-même dans un courrier du 3 novembre 2009 l'avoir surévaluée, ne mentionnant que 59 heures supplémentaires lui restant dues, elle produit toutes attestations en ce sens démontrant notamment que les chantiers réalisés sur Villeneuve-lès-Avignon et Pont-Saint-Esprit ne dépassaient pas sept heures de travail effectives au quotidien.
L'indemnité de trajet réclamée n'est pas due sur sa totalité, le salarié résidant à une trentaine de kilomètres du chantier de Pont-Saint-Esprit et 25 trajets correspondant à ce chantier doivent être déduits.
Monsieur X..., reprenant ses conclusions déposées à l'audience, a sollicité :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail, dit que la rupture à l'initiative l'employeur s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SA DELTA TERRASSEMENTS au titre de la requalification et de l'indemnité de trajet,
- son infirmation pour le surplus et la condamnation de la société au paiement des sommes de :
-1. 213, 69 euros au titre du rappel sur heures supplémentaires,-121, 36 euros au titre des congés payés afférents,-10. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieux et travail dissimulé,-1. 745, 28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,-1. 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,-1. 500 euros par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :
Les contrats de travail à durée déterminée conclus les 18 mai 2009 et 21 juin 2009 sont irréguliers et doivent être requalifiés, ouvrant droit à une indemnité à ce titre.
En conséquence, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier ouvrant droit à ce double titre à indemnisation.

Les heures supplémentaires au nombre de 140, 5 qu'il a effectuées sont incontestables et, n'ayant été rémunérées que partiellement et à hauteur de 56, 67 heures il lui reste du entre les mois de mai et septembre 2009 20, 83 heures supplémentaires à 25 % et 63 heures supplémentaires à 50 %, par ailleurs la non pris en compte de la totalité des heures effectuées traduit la volonté de travail dissimulé de l'employeur et l'indemnisation à ce titre, n'étant pas cumulable avec celle venant en réparation le caractère abusif de la rupture, doit être évaluée globalement et forfaitairement avec celle-ci, enfin il lui reste dû les indemnités de trajet correspondant à 54 jours de chantiers à la distance minimale.
L'appel est abusif et dilatoire, la société sachant pertinemment que l'absence de motif du recours aux CDD entraînait leur requalification.

MOTIFS

Sur les CDD
Il n'est pas contestable que Monsieur Frédéric X... a été embauché en qualité d'ouvrier d'exécution niveau I coefficient 150 par la SA DELTA TERRASSEMENTS par deux contrats successifs à durée déterminée, d'abord le 18 mai 2009 puis le 21 juin 2009 jusqu'au terme convenu de trois mois et qu'aucun de ces deux contrats ne mentionne le motif du recours à un tel contrat d'exception ;
Le contrat à durée déterminée étant un contrat dérogatoire au droit commun, il nécessite un écrit qui doit en outre comporter des mentions obligatoires, notamment quant à l'indication du motif, qui en est une formalité substantielle énoncée par l'article L. 1242 – 12 alinéa 1er du Code du travail, dont le défaut entraîne la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée ; il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement sur la requalification opérée comme sur le montant de l'indemnité allouée à ce titre, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et doit intégrer tous les éléments du salaire ;
Sur l'indemnité de trajet
Les indemnités de trajet sont dues en raison du caractère itinérant du travail, indépendamment de l'utilisation pour les trajets de véhicules mis à disposition par l'entreprise et, selon l'article 8 – 17 de la convention collective nationale applicable des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment, l'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, sauf à être logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate de celui-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Le seul contrat de travail qui est produit prévoir quant au lieu de travail que le salarié " exercera sa prestation de travail suivant les chantiers exécutés par son employeur, notamment sur le site de Pont-Saint-Esprit. " et aucune précision n'est fournie sur une prise poste au siège de l'entreprise situé à Jonquière dans le Vaucluse, département de domiciliation du salarié ; en l'état du caractère forfaitaire de l'indemnisation, aucune considération ne permet d'écarter le chantier de Pont-Saint-Esprit des autres chantiers de l'entreprise et il convient de confirmer le jugement sur la somme allouée de ce chef ;

Sur les heures supplémentaires
S'il résulte de l'art. L 212-1-1, devenu l'article L. 3171 – 4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
En l'espèce, le seul contrat de travail du 21 juin 2009 produit aux débats prévoit une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et les bulletins de paie font mention d'un salaire mensuel de base pour 151, 67 heures travaillées et prennent en compte seulement les heures supplémentaires à 25 %, à hauteur de 9 heures pour la période du 18 au 31 mai 2009, de 17, 33 heures pour les mois de juin et juillet, de 13 heures pour le mois d'août et jusqu'au 24 août, date à laquelle le salarié a été en absence pour maladie jusqu'au terme de la relation de travail le 20 septembre 2009, soit un total de 56, 67 heures à 25 % ;
Monsieur X... présente le décompte quotidien de ses heures travaillées entre le 18 mai 2009 et son départ en congé le 17 août 2009 et des heures supplémentaires selon lui effectuées sur cette base, pour un total initialement présenté de 140 heures supplémentaires, ramené ensuite par lui dans un courrier du 3 novembre 2009 à l'employeur à 59 heures supplémentaires puis dans ses écritures à un rappel demande de rappel de 83, 83 heures supplémentaires à 25 % et 50 % restant dûes ;
L'employeur produit une attestation faisant état du départ prématuré à 15 h 30 du salarié d'un chantier à Monteux sur la seule journée du 14 août 2009 et deux attestations d'un sous-traitant et d'un autre salarié mentionnant pour un chantier à Pont-Saint-Esprit et sur le temps d'une semaine une durée quotidienne de travail de sept heures et l'absence de réalisations d'heures supplémentaires, ainsi qu'une dernière attestation d'une salariée embauchée à compter du mois d'août en qualité d'assistante de gestion et précisant que les rapports journaliers de travail étaient établis sur la base d'une journée de 8 heures ; en l'absence de production de ces derniers documents sur l'ensemble la période travaillée et de toute précision sur l'horaire collectif appliqué dans l'entreprise ;
Ces attestations ne permettent pas à elles seules de contredire la réalité de l'exécution d'heures supplémentaires qui, au vu des divergences de calculs présentés par le salarié doivent être retenues seulement à hauteur de 59 heures, ainsi que justement apprécié par les premiers juges qu'il convient de confirmer de ce chef ;
Sur le travail dissimulé
La mention sur le bulletin de paye d'un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d'emploi salarié emportant application de la sanction prévue à l'article L. 324-11-1 devenu 8221 – 5 du Code du Travail, à condition que soit établi le caractère intentionnel de cette dissimulation ; le défaut de mention de l'intégralité des heures de travail effectuées ne suffit pas en soi à prouver une dissimulation intentionnelle de l'employeur ; n'étant pas établie en l'espèce la volonté délibérée de l'employeur de sciemment dissimuler les heures de travail réellement effectuées, il y a donc lieu de rejeter la demande d'indemnisation pour travail dissimulé et de confirmer le jugement de ce chef ;

Sur la rupture
Il n'est pas contesté que les relations entre les parties ont cessé au terme survenu du second contrat à durée déterminée conclu entre les parties et il résulte de la requalification des deux contrats à durée déterminée en une relation à durée indéterminée que la rupture du seul fait de la survenue du terme contractuellement prévu est dénuée de cause réelle et sérieuse et ouvre droit pour le salarié à indemnisation au seul titre de la rupture abusive, aucune indemnité distincte pour procédure irrégulière n'étant due en l'absence de toute procédure de licenciement ;
Il convient de tenir compte que la rupture est intervenue à l'issue d'une relation de travail de moins de quatre mois, il y a lieu d'allouer la somme de 2. 000 euros, toutes causes de préjudices confondues ; il convient donc de réformer le jugement, tant en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour rupture abusive qu'en ce qui concerne la somme allouée à titre de dommages et intérêts spécifiques pour licenciement irrégulier ;
Aucune démonstration n'est faite du caractère abusif et dilatoire de l'appel de l'employeur qui conteste notamment la réalité des heures supplémentaires revendiquées, comme le montant et non le principe des indemnisations accordées par les premiers juges, il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre ;

Sur l'article 37
Le conseil de Monsieur X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 85 % par décision du 23 février 2011, sous le numéro 2011/ 000926, pour la présente instance d'appel, demande que la SA DELTA TERRASSEMENTS soit condamnée à lui verser la somme de 1. 500 euros, s'engageant à renoncer au bénéfice de l'indemnité dûe au titre de l'aide juridictionnelle ; il y a lieu d'accueillir cette demande à hauteur de la somme de 800 euros ;
La SA DELTA TERRASSEMENTS devra supporter le paiement des entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Réforme le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et sur l'indemnisation allouée pour licenciement irrégulier,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que la rupture intervenue le 20 septembre 2009 s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse et condamne la SA DELTA TERRASSEMENTS à payer à Monsieur Frédéric X... la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus,

Confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la SA DELTA TERRASSEMENTS à payer à la SCP BREUILLOT et VARO la somme de 800 euros par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
Condamne la SA DELTA TERRASSEMENTS aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président et par Mademoiselle Stéphanie RODRIGUEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05814
Date de la décision : 24/07/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2012-07-24;10.05814 ?
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