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24/07/2012 | FRANCE | N°10/05774

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 24 juillet 2012, 10/05774


ARRÊT No
R. G : 10/ 05774
PS/ AI
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
29 septembre 2010
Section : Commerce

X...
C/
SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUILLET 2012

APPELANT :
Monsieur Mourad X... né le 29 mai 1979 à MEKNES (MAROC) ... 84130 LE PONTET
représenté par Maître Philippe MOURET, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :
SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES prise en la personne de son représentant légal en exercice
10 rue des ChasseursBP 130- ZI Ville le Grand 74

103 ANNEMASSE CEDEX
représentée par la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocats au barreau D'AVIGNON

COMPOSITION DE LA...

ARRÊT No
R. G : 10/ 05774
PS/ AI
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
29 septembre 2010
Section : Commerce

X...
C/
SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 24 JUILLET 2012

APPELANT :
Monsieur Mourad X... né le 29 mai 1979 à MEKNES (MAROC) ... 84130 LE PONTET
représenté par Maître Philippe MOURET, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :
SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES prise en la personne de son représentant légal en exercice
10 rue des ChasseursBP 130- ZI Ville le Grand 74103 ANNEMASSE CEDEX
représentée par la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocats au barreau D'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller

GREFFIER :
Monsieur Yves PETIT, Greffier, lors des débats et Stéphanie RODRIGUEZ lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :
à l'audience publique du 10 Mai 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2012, prorogé au 24 juillet 2012.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 24 juillet 2012.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Mourad X... était engagé à compter du 1er septembre 2004 par la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES en qualité de chauffeur poids lourds coefficient 138 M groupe 6 moyennant une rémunération mensuelle brute de 1447, 96 euros. Il était affecté à la traction journalière Avignon-Annemasse-Avignon.
La convention collective applicable est celle des transports routiers.
En arrêt de travail pour accident du travail à compter du 22 février 2007 jusqu'au 18 septembre 2008, il recevait le 23 septembre 2008 une proposition de modification de son contrat de travail portant sur le lieu, la durée mensuelle et le poste de travail, l'employeur lui proposant un poste de chauffeur poids lourds situé à Ville la Grand (74).
Il refusait par courrier en date du 20 octobre 2008 pour des considérations familiales et pour l'absence de découverte d'un appartement à louer en Haute Savoie.
Il était licencié par courrier du 18 décembre 2008 aux motifs suivants :
" Nous avons le regret de vous notifier votre licenciement.
Les motifs économiques de cette décision, nous vous le rappelons, sont basés sur une réorganisation de la ligne Avignon-Annemasse-Avignon qui consiste à partir d'Annemasse et non plus d'Avignon et à effectuer le trajet jusqu'à Avignon et revenir sur Annemasse.
En effet, nos donneurs d'ordre nous imposent la réduction des délais de livraison.
Ainsi, les marchandises livrées sur la plate-forme d'Annemasse ou d'AVIGNON doivent désormais être livrées le lendemain. Notre camion au départ d'Avignon ne peut plus être chargé avec des marchandises de la veille.
Ainsi les marchandises au départ d'Annemasse doivent arriver au plus tard à 23 heures le même jour à Avignon pour être livrées le lendemain. Les marchandises apportées l'après midi par nos confrères sur la plate-forme d'Avignon (messageries et palettes plus) doivent être livrées le lendemain matin sur notre département.

Cette réorganisation est incompatible avec le maintien d'un poste de travail basé sur Avignon.
Le maintien de la ligne au départ d'Avignon aurait entraîné un retour à vide à Avignon et aurait nécessité l'embauche d'un chauffeur supplémentaire pour la liaison Annemasse-Avignon. Cette nouvelle embauche aurait rendu l'activité de la ligne encore plus déficitaire.

L'impact financier de cette perte d'exploitation liée à l'embauche d'un chauffeur n'aurait pas pu être répercuté sur le prix de transport des autres lignes, en raison d'une part de la concurrence importante existant dans le secteur du transport et d'autre part dans notre situation financière déséquilibrée. En effet, il ressort du bilan clos au 31 décembre 2007 les éléments financiers suivants :- perte nette : 167. 284 euros-déficit d'exploitation : 82. 649 euros
L'exploitation d'une ligne déficitaire aurait contribué à menacer l'équilibre financier de notre société ou à augmenter le prix d'autres lignes ce qui entraîne le risque de perte de clientèle.
D'autre part, en raison de l'abaissement de la vitesse de conduite sur autoroute (90 km/ h au lieu de 110 auparavant, le chauffeur n'a pas le temps matériel de procéder aux enlèvements sur le trajet retour et de rentrer sur Annemasse dans les temps de conduite autorisés soit Montélimar, Valence, Romans), les livraisons et enlèvements Avignon et ses alentours ainsi que les enlèvements sur le trajet retour ont été supprimés.
Il vous a été proposé dans le cadre de votre reclassement préalable un nouveau poste de chauffeur basé à Annemasse, proposition que vous n'avez pas acceptée.
Ces motifs nous conduisent à envisager la suppression de votre poste... "

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, il saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes, lequel par jugement contradictoire en date du 29 septembre 2010 :
- jugeait que le licenciement était intervenu pour une cause économique
-condamnait la SA messageries annemassiennes à lui payer les sommes de :-2. 500 euros à titre de rappel de congés payés,
-504 euros au titre de la prime d'ancienneté,
-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 17 décembre 2010, Monsieur Mourad X... a régulièrement interjeté appel.
Par conclusions développées à l'audience, il demande de :
- confirmer le jugement concernant le rappel de congés payés et la prime d'ancienneté,

- infirmer pour le surplus et,
- juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse condamner la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES à lui payer les sommes de :
-21. 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- ordonner la communication sous astreinte de 150 euros par jour de retard du livre unique du personnel et des bilans comptables des trois dernières années,
- dire que les sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES à lui payer la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance que pour l'appel.

Il soutient que :
Il n'y a pas eu réorganisation de l'entreprise mais une simple inversion de ligne : les mêmes livraisons sur les mêmes lignes ainsi qu'il ressort de deux attestations ;
Il n'y a pas de difficultés économiques puisqu'alors qu'il conduisait un 12 tonnes, son remplaçant descend avec des camions plus gros de 19 tonnes et semi remorques, accroissant l'activité ;
L'organisation de la livraison le lendemain sur Annemasse ou Avignon existait déjà à son époque ;
Il a été remplacé pendant sa période d'accident du travail ; du personnel a été embauché ; le second chauffeur qui effectuait la même tournée avec le camion n'a pas été licencié et habite Avignon ;
L'employeur n'a procédé à aucune recherche de reclassement et a embauché du personnel ;
Les congés payés qu'il n'a pas pu prendre avant le terme de la période fixée dans l'entreprise du fait de son accident du travail lui sont dûs.

La SA Messageries Annemassiennes reprenant ses conclusions déposées à l'audience a demandé de débouter Monsieur X... et de le condamner au paiement de la somme de 1. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
Monsieur X... a été recruté en 2004 à l'occasion de l'ouverture de la ligne Avignon-Annemasse-Avignon. Il travaillait en équipe et en alternance avec Monsieur Y...au départ d'un entrepôt mis à disposition par la société Sud Transport à Avignon ;
En 2005 et 2006, cette ligne de transport était déficitaire et ne parvenait pas à couvrir son coût de fonctionnement ; face à la situation née des arrêts de travail des deux chauffeurs, la société à été amenée à se réorganiser ; dès février 2007, la ligne est maintenue uniquement pour un transport de marchandises au départ d'Annemasse vers Avignon, retour Annemasse avec suppression des missions d'enlèvement et des livraisons régionales à partir d'Avignon, avec un seul chauffeur basé à Annemasse ;

L'économie générale de l'entreprise était déficitaire, commandant l'adoption de mesures. Or, la ligne au départ d'Avignon était source notable de pertes : ainsi, pour l'année 2006, elle représentait un coût de 188. 975, 16 euros pour un chiffre d'affaires de 106. 385, 52 euros ; le contrat de travail étant suspendu la quasi totalité de l'année 2007, ce sont d'autres chauffeurs de l'entreprise qui ont assuré la ligne réorganisée, laquelle a été abandonnée à partir de septembre 2009 ;
Monsieur X... s'est vu proposer un poste de reclassement sur la ligne de transport réorganisée qu'il a refusé ; la société ne disposait d'aucun poste de reclassement en dehors de son siège et n'avait aucune autre possibilité à formuler proche du domicile de Monsieur X....

MOTIFS

Sur le motif économique du licenciement
Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou une cessation d'activité. Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut toutefois constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.
La lettre du 18 décembre 2008 par laquelle la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES notifie à Monsieur X... son licenciement pour motif économique fait référence à une réorganisation de l'entreprise nécessitée tant par des difficultés économiques actuelles de l'entreprise éclairées par le bilan clos au 31 décembre 2007 que par les difficultés économiques particulières générées en l'absence de réorganisation de la ligne de transport jusqu'alors organisée d'AVIGNON à ANNEMASSE et retour.

La production des bilans des exercices 2007 et 2008 ne permet pas de confirmer la réalité des difficultés économiques puisque le résultat négatif de l'exercice 2007 à concurrence de 167. 284 euros est à rapprocher d'un résultat positif de 2. 732. 535 euros pour l'exercice 2006 et à la dotation du poste " autres réserves " en 2007 d'une somme de 2. 635. 703 euros, mouvement non commenté. Le résultat de l'exercice 2008 est pour sa part en nette amélioration puisqu'il ne reste négatif qu'à concurrence de 42. 624 euros.
La production de tableaux certifiés par l'expert comptable illustrant le coût de revient de la ligne Avignon Annemasse Avignon pour les années 2005 et 2006 est sans pertinence puisque les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau de l'entreprise et non de la ligne de transport.
Le 7 juillet 2009, la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES écrivait à la société SUD TRANSPORTS qu'elle cesserait d'effectuer la traction Avignon Annemasse et retour pour des raisons économiques à compter du 2 octobre 2009. Ce courrier prouve qu'à la date du licenciement de Monsieur X... non seulement la ligne de transport n'avait pas été inversée mais encore que le poste de Monsieur X... n'avait pas été supprimé, un chauffeur ayant été nécessairement affecté à la conduite sur cette ligne qui a survécu à son licenciement.
Il est également à relever que si Monsieur X... bénéficiait par son contrat initial d'une affectation expresse sur la ligne Avignon Annemasse Avignon, la proposition de reclassement qui lui est adressée le 9 novembre 2007 ne fait aucune référence à la ligne Annemasse Avignon Annemasse dont la nécessité motive son licenciement mais porte plus généralement sur un poste de chauffeur livreur poids lourd situé à Ville la grand en Haute Savoie, indice supplémentaire de l'absence d'inversion de la ligne.
Le licenciement de Monsieur X... est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Sur les conséquences
Disposant d'une ancienneté de 4 années au jour de la rupture du contrat de travail, le préjudice de Monsieur X... né de celle-ci sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 12000 € destinée tant à compenser le préjudice financier lié à la perte de l'emploi que le préjudice moral ressenti face à la période d'incertitude professionnelle qui s'ouvrait chez un jeune père en attente de la naissance de son deuxième enfant, aucune circonstance particulière n'étant établie qui pourrait permettre de considérer que la rupture serait abusive ou vexatoire et propre à ouvrir droit à une indemnisation séparée.
Il sera fait d'office application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Le surplus du jugement, non critiqué dans ses dispositions relatives au rappel de congés payés, de prime d'ancienneté et aux frais de l'instance sera confirmé, la Cour adoptant les motifs des premiers juges.
L'équité commande d'allouer à Monsieur X...une somme de 800 euros au titre de ses frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau de ce chef
Dit que le licenciement de Monsieur Mourad X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES à lui payer la somme de 12. 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Déboute Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts distincts pour préjudice moral.
Confirme pour le surplus
Y ajoutant
Condamne la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES à rembourser les indemnités de chômage en application de l'article L 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois.
Dit qu'une copie du présent arrêt sera expédiée à l'ASSEDIC devenu PÔLE EMPLOI TSA 32001 75987 PARIS CEDEX 20.
Condamne la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES à payer à Monsieur X... la somme de 800 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la SA MESSAGERIES ANNEMASSIENNES aux entiers dépens d'appel
Arrêt signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président et par Mademoiselle RODRIGUEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05774
Date de la décision : 24/07/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2012-07-24;10.05774 ?
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