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11/10/2011 | FRANCE | N°993

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 11 octobre 2011, 993


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2011

ARRÊT N 993
R. G. : 11/ 00549
RT/ SL

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIMES
29 avril 2010
Section : Commerce

SA FRANCE TELECOM
C/
X...

APPELANTE :
SA FRANCE TELECOM
prise en la personne de son représentant légal en exercice
immatriculée au RCS de Paris sous le n 380 129 866
6 Place d'Alleray
75505 PARIS CEDEX 15
représentée par Maître Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :
Madame Stéphanie X...
née le 01

Mai 1974 à MENDE (48000)
...
34920 LE CRES
comparante en personne, assistée de Maître Karine MARTIN-STAUDOHAR, avocat au barreau de PA...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2011

ARRÊT N 993
R. G. : 11/ 00549
RT/ SL

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIMES
29 avril 2010
Section : Commerce

SA FRANCE TELECOM
C/
X...

APPELANTE :
SA FRANCE TELECOM
prise en la personne de son représentant légal en exercice
immatriculée au RCS de Paris sous le n 380 129 866
6 Place d'Alleray
75505 PARIS CEDEX 15
représentée par Maître Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :
Madame Stéphanie X...
née le 01 Mai 1974 à MENDE (48000)
...
34920 LE CRES
comparante en personne, assistée de Maître Karine MARTIN-STAUDOHAR, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller,
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats, et Madame Catherine ANGLADE, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :
à l'audience publique du 28 Juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Octobre 2011, prorogé au 11 Octobre 2011

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 11 Octobre 2011,

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Stéphanie X... était embauchée le 16 décembre 1996, par la SA FRANCE TELECOM dans le cadre d'un contrat de qualification en qualité d'agent d'accueil niveau 1.
Les relations contractuelles se poursuivaient et elle était classée collaborateur, 1er niveau, et affectée en qualité de vendeur dans un premier temps à Béziers puis à partir du 1er mars 2000 à Montpellier.
Elle était élue début 2005 déléguée du personnel, réélue les 11 janvier 2007, et 22 janvier 2009 en cette même qualité. Parallèlement elle était désignée le 1er janvier 2008 comme déléguée syndicale de l'établissement secondaire AD Languedoc Roussillon.
Une instance prud'homale opposait ensuite les parties devant le Conseil de prud'hommes de Paris, car le 1er mai 2007 Madame X... avait saisi cette juridiction, enrôlée sous le numéro 07/ 05032. Le 10 mai 2007 elle avait saisi une seconde fois le même Conseil de prud'hommes, l'affaire étant alors enrôlée sous le numéro 07/ 05259.
Ces instances étaient clôturées par un jugement, en formation de départage, du 19 décembre 2007 ordonnant la jonction de deux procédures, et rejetant toutes les demandes laissant les dépens à la charge de Madame X....
Invoquant une discrimination syndicale et un harcèlement, cette dernière saisissait le 13 novembre 2008 le Conseil de prud'hommes de Montpellier. Madame X... ayant été élue le 3 décembre 2008 conseiller prud'homme, l'affaire était alors renvoyée au Conseil de prud'hommes de Nîmes.
Par jugement du 29 avril 2010 le Conseil de prud'hommes de Nîmes condamnait la société FRANCE TELECOM à payer à Madame X... les sommes de :
-6. 000 euros au titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale
-1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
La société France Telecom interjetait appel le 31 mai 2010, et une ordonnance lui était délivrée le 15 juin 2010, portant injonction de conclure dans les quatre mois.
Entre temps le 8 juin 2010, en raison de l'absence de condamnation de la société France Telecom pour les faits de harcèlement moral, Madame X... interjetait elle aussi appel de cette décision.
La SA France TELECOM n'a pas déféré à l'injonction qui lui a été faite, et se désistait le 17 décembre 2010.
En cet état était prononcée le 11 janvier 2011 une ordonnance constatant le désistement de la société FRANCE TELECOM et l'extinction de l'instance.
Madame X... formait alors un déféré à l'encontre de cette ordonnance dans les 15 jours et a sollicité la poursuite de l'instance en sa qualité de seconde appelante principale.
Elle considérait que cette ordonnance avait été prise à tort, et prétendait qu'encore à ce jour elle continuait à subir :
- des agissements anormaux englobant des actes discriminatoires, d'autant plus qu'elle avait témoigné de ce qu'elle avait enduré dans l'émission télévisuelle intitulée « Envoyé Spécial » consacrée à la société FRANCE TELECOM et diffusée le 30 septembre 2010,
- des entraves dans l'exercice de son mandat de conseiller prud'homme qui étaient venues se joindre à celles déjà subies au titre de ses autres mandats sociaux.
Elle sollicite donc l'infirmation du jugement et sollicite :
- la résiliation du contrat de travail aux torts de son employeur compte tenu du manquement de l'employeur à ses obligations,
- à titre principal cette résiliation produisant les effets d'un licenciement nul, la condamnation de la société FRANCE TELECOM à lui payer les sommes de :
* 97. 015, 20 euros au titre de dommages intérêts pour nullité du licenciement,
* 4. 042, 11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 404, 21 euros au titre des congés payés y afférents,
* 11. 398, 76 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
*109. 142, 10 euros au titre de dommages intérêts pour violation du statut protecteur.
- à titre subsidiaire au cas où cette résiliation produirait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse la condamnation de la société FRANCE TELECOM à lui payer les sommes de :
* 97. 015, 20 euros au titre de dommages intérêts pour nullité du licenciement,
* 4. 042, 11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 404, 21 euros au titre des congés payés y afférents,
* 11. 398, 76 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*109. 142, 10 euros au titre de dommages intérêts pour violation du statut protecteur.
- en tout état de cause la condamnation de la société FRANCE TELECOM à lui payer les sommes de :
* 50. 000 euros au titre de dommages-intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat l'obligeant à préserver la santé physique et mentale de ses salariés,
* 20 000 euros au titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
* 5. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de la demande au titre de l'article 1154 du Code Civil.

Quant à la société France TELECOM elle expose que :
- d'abord les faits allégués antérieurs au jugement précité du 19 décembre 2007 ne peuvent être examinés et les demandes à ce titre sont irrecevables en application des articles R 516-2 devenu R 1452-7 et R 516-1 devenu R 1452-6,
- elle ne peut être condamnée car son attitude est exempte de reproche comme elle l'établit dans ses écritures.
Elle demande donc l'infirmation du jugement et le rejet des prétentions, outre le paiement de la somme de 5. 000 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
En l'état des exposés complets et détaillés dans les conclusions, du nombre impressionnant de pièces communiquées, les prétentions des parties seront reprises et discutées, dans les motifs ci après.

MOTIFS

Sur le déféré
Attendu que l'instance d'appel a été ouverte par la société FRANCE TELECOM le 31 mai 2010 et celle-ci se désistait ensuite le 17 décembre, alors qu'entre temps Madame X... avait régulièrement relevé un deuxième appel principal ;
Attendu que si le désistement de la société et l'extinction de l'instance ont été constatés par ordonnance, ce désistement n'a affecté en réalité que l'instance ouverte par la société ; qu'en effet il est de jurisprudence constante que lorsque deux parties forment un appel principal d'un même jugement, le désistement de son appel par une partie laisse subsister celui de l'autre partie, celle-ci eût-elle accepté le désistement ; qu'ainsi l'instance ouverte par Madame X... se poursuit d'une manière autonome par rapport à la première ;
Attendu que, toutefois, pour éviter toute difficulté de compréhension de la procédure par les parties et parfaire l'intelligibilité de celle-ci, afin d'éviter que la deuxième appelante puisse penser qu'elle aurait pu se voir interdire l'accès au juge d'appel, et ce d'autant que la société n'avait pas averti son adversaire de ce désistement, il convient de rapporter l'ordonnance constatant le désistement ;

Sur les éléments matériels allégués et antérieurs au jugement
Attendu que le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris a statué le 19 décembre 2007 après débats le 20 novembre 2007 ; qu'ainsi avant cette dernière date les faits de discrimination et de harcèlement moral allégués actuellement, parfaitement connus par la salariée au fur et à mesure de leur commission, auraient dû, par application des articles R 1452-7 et R 1452-6 du Code du travail, être portés devant cette juridiction qui a statué au fond ;
Attendu que, dès lors sont irrecevables les prétentions actuellement formulées et correspondant aux faits et événements suivants :
- lettre adressée le 19 avril 2005 de Madame X... mettant en oeuvre le droit d'alerte en ces termes :
« Confer l'article L. 422-1-1 du code du travail, il fait parti de mes attributions de porter à votre connaissance que des pressions morales sont exercées sur ma personne, qui se matérialisent par exemple, par la volonté unilatérale de modifier mon régime horaire.
Cette attitude apparaît depuis que j'ai été élue déléguée du personnel par le syndicat SUD PTT, est-ce que cela s'apparente à de la discrimination syndicale ? et est donc condamnable en tant que tel ? (L. 122-49, L425-2 du code du travail) ?
Je tiens à vous rappeler qu'à ce titre, aucune modification substantielle de mon contrat de travail, aucune modification de mes conditions de travail (et les horaires en font partie) ne peuvent être prises sans mon accord (...)
D'autre part, il me serait agréable de ne pas essuyer des réflexions désobligeantes du type « il faut qu'on se parle entre quatre z'yeux » et « votre cas me cause soucis » (sic). je vous rappelle que je peut-être assistée à tout moment dans notre relation sociale, par un délégué syndical.
Confer l'article L. 422-1-1, je vous demande par la présente que nous procédions communément une enquête afin que vous prenez les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation sinon je me verrai dans l'obligation de saisir le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
J'ai été élue par le personnel et je prends mon rôle au sérieux en retransmettant leurs réclamations. En manifestant une attitude hostile à mon égard, c'est tout le personnel que vous visez.
Confer les articles L. 482-1 et L. 122-49 du code du travail, le syndicat SUD PTT sera-t-il obligé de faire constater un délit d'entrave et les discriminations syndicales à l'encontre d'un de ses délégués du personnel.
J'ose penser que vous respecterez également les nouvelles règles issues du droit IRP comme je le fais en ne dérogeant pas à celle contenue dans les accords sociaux et dans le code du travail. »
- le courriel du 28 avril 2005 du syndicat adressé au responsable des ressources humaines en ces termes :
« Nous souhaitons vous alerter sur la situation d'une de nos délégués du personnel de l'agence distribution de la DR Montpellier : Stéphanie X....
Elle est aujourd'hui confrontée à une situation d'ostracisme de la part de la hiérarchie de l'agence qui l'a amenée à user du droit d'alerte, après avoir été mis en cause sur la manière dont elle remplissait son mandat. Elle a de plus été convoquée à un entretien dit « informel » mais qu'il a mise directement en cause dans son mandat.
Etant très attachés à la bonne mise en route des nouvelles IRP, nous sommes inquiets de cette situation, ce d'autant plus que Stéphanie X... est salariée de droit privé. Nous souhaitons donc que la situation puisse revenir à une pratique normée ».
- l'acte de destruction de ses documents de travail et de la documentation lui appartenant qui avaient été jetés « malencontreusement » à la poubelle par son responsable au mois de septembre 2005, alors que ces documents étaient d'une grande importance dans la mesure où ils représentaient un an de travail et de formation, alertant l'inspection du travail et son syndicat qui sont venus sur son lieu de travail et furent reçus à la limite de l'impolitesse par le responsable de la société cet inspecteur écrivant à cette dernière pour dénoncer de tels faits le 23 septembre 2005,
- le courrier adressé le 7 août 2007 en recommandé avec accusé de réception au directeur ADSOM, lui demandant sur quels critères son augmentation avait été fixée, sachant que l'augmentation maximale à laquelle elle pouvait prétendre était de 4 %, indiquant « j'espère que ce faible taux d'augmentation qui m'est attribué en parfaite contradiction avec la reconnaissance de mes compétences professionnelles, n'est pas en lien direct avec l'activisme syndical dont je fais preuve au sein de la société ces derniers temps et plus particulièrement avec ma saisine en tant que déléguée au personnel au Conseil des prud'hommes dans le cadre du droit d'alerte prévu par les dispositions du Code du travail concernant quatre salariés dont la santé physique et mentale était en danger »
- au jour de l'entretien individuel de 2007, évaluant la période du 1er juillet au 31 décembre 2006, les objectifs de performance avaient été considérés comme dépassés, et le manager avait indiqué dans son rapport « Stéphanie s'est beaucoup investie sur son poste. Elle est toujours à la recherche d'idées pour aider ses collègues vendeurs et participe à la vie de la boutique. Elle a participé au déménagement et à la mise en place de la boutique au nouveau concept », mais contre toute attente, suite à cet entretien individuel d'évaluation, la salariée se voyait notifier une augmentation individuelle fixée à 1, 5 % pour 2006.

Sur les éléments matériels allégués et postérieurs au jugement
Attendu que le principe de prohibition des discriminations s'oppose à ce que des différenciations soient opérées entre des personnes en fonction de critères énumérés à l'article L. 1132-1 du Code du travail, et cette interdiction porte sur les motifs fondant une distinction en raison, notamment d'activités syndicales ;
Attendu que selon l'article L. 1134-1 il incombe seulement au salarié d'établir l'existence d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et ensuite à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Attendu que, selon l'article L 1152-1, le harcèlement se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu qu'enfin selon l'article L1154-1 il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu qu'en l'espèce il est invoqué par Madame X... les faits ou événements suivants :
- le 9 janvier 2008 l'inspecteur du travail intervenait auprès de la société FRANCE TELECOM en ces termes :
« Je reçois ce jour, la copie d'une lettre que le syndicat Sud de votre établissement vous a adressé récemment portant sur le fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
Je relève les critiques suivantes :
*Changement de site de réunion des délégués du personnel de Montpellier vers Narbonne apparemment sans concertation
* Limitation de la durée de réunion des délégués du personnel par le fait de la fixation d'une réunion du CHSCT le même jour.
*Fixation de la réunion des délégués du personnel en même temps que la réunion du CHSCT alors que certains membres sont titulaires des deux mandats
Je vous rappelle que vous devez veiller personnellement au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel de votre établissement. Articles L. 482-1 et L. 263-2-2 du code du travail.
Or a priori, il apparaît que les conditions requises pour ce bon fonctionnement qui nécessite la présence des représentants mandatés ne sont pas respectées Je vous demanderais donc de vous rapprocher de ces institutions représentatives du personnel afin de vous concerter et de trouver une solution pratique pour que de tels faits ne se reproduisent plus, sauf en cas de force majeure avérée "
- par courrier du 29 mai 2008 adressé au directeur de l'AD SOM Madame X... écrivait en ces termes :
« Je porte à votre connaissance le fait suivant :
Ce matin en arrivant sur mon lieu de travail j'ai eu le regret de constater que mon casier (où sont rangées mes affaires personnelles et professionnelles) avait été forcé (la serrure est complètement cassée).
J'ai demandé à mon responsable comment cela se faisait-il. Il m'a répondu que c'était un technicien de FACEO qui était intervenu.
Plusieurs questions se posent alors :
Comment se fait-il qu'on se permette d'ouvrir un casier sans la présence de la personne détenteur de celui-ci ?
Comment se fait-il qu'un technicien de FACEO puisse intervenir sans la confirmation de l'intervention à faire et sans l'accompagnement du responsable du site ou de l'adjoint présent ?''
- elle a également adressé un courrier au directeur territorial afin de dénoncer les faits et lui précisant qu'elle conservait aussi des données confidentielles afférentes à ses mandats dans le casier ayant fait l'objet d'une effraction,
- lors de l'entretien annuel d'évaluation du 22 avril 2008 concernant la période du 1er au 31 décembre 2007, tout en reconnaissant que les objectifs avaient été atteints, et que sur certains points, elle avait une maîtrise avancée et opérationnelle ou un niveau d'expertise, son manager, faisait le commentaire suivant :
« La tenue du poste de coach par Mlle X... n'est mesurable que sur le temps durant lequel elle peut l'exercer au vu de son investissement conséquent sur les fonctions annexes qu'elle exerce de ce fait, lors de sa présence en boutique le poste est tenu de manière normale satisfaisante au vu du flux de la boutique, la création du service SAV SAU et le développement de ces derniers devra nous amener à court terme à une réflexion sur la continuité d'un coach sur cette même boutique de manière à ce que chacun puisse travailler en progressant sur le domaine. Mlle X... proposant actuellement des pistes quant à son projet professionnel »
- par ailleurs le même responsable s'exprimant sur son projet professionnel et sa volonté d'évoluer sur une fonction ressources humaines ou spécialisées sur relations sociales, écrivait :
« Les fonctions tenues en dehors de la position coach à hauteur de 75 % du temps expliquent clairement le choix exprimé par Mlle X... ».
- ainsi ses mandats exercés étaient clairement pris en compte dans son d'évaluation personnelle et dans son évolution professionnelle au sein de la société, et ce bien évidemment à son détriment, et compte tenu, de ces mentions elle saisissait l'inspection du travail, qui a adressé le 21 juillet 2008, un courrier au directeur de France Telecom de Toulouse ainsi libellé :
« J'ai été saisi par Madame X... Stéphanie d'une réclamation car elle s'estime lésée dans ses perspectives professionnelles, compte tenu des mentions portées dans le rapport que vous avez établi à la suite de son entretien individuel du 22 avril 2008.
En effet, cette réclamation me paraît justifiée car j'ai pu noter des mentions que j'estime contraire aux dispositions législatives qui exigent de l'employeur une absence totale d'allusion vis-à-vis des mandats sociaux exercés,
« La tenue du poste de coach par Mlle X... n'est mesurable que sur le temps durant lequel elle peut exercer au vu de son investissement conséquent sur les fonctions annexes ; Les fonctions tenues en dehors de la position coach à hauteur de 75 % du temps explique clairement le choix exprimé par Mlle X.... »
Je vous demande de supprimer les mentions portées sur son dossier, qui font allusion directement aux mandats sociaux détenus par Mlle X....
Comptant sur la modification du rapport précité (...) »
- le 9 juin 2008 elle sollicitait une demande de formation au titre du droit individuel afin de suivre une capacité de droit dans le but d'évoluer au sein de France Telecom sur un poste plus spécialisé en relations sociales ou d'assistante, ce qui lui était refusé en ces termes :
« Vous avez formulé une demande de DIF pour une durée de 360 heures réparties en 2 fois 180 heures.
Après examen de votre dossier votre compteur DIF, fait apparaître un droit de 80 heures sachant que vous pouvez anticiper à hauteur de 120 heures. Vous n'avez pas assez de droit à DIF pour poursuivre cette formation.
Compte tenu de cet élément, j'ai le regret de vous informer que je ne peux accepter votre demande de DIF »
- le 8 juillet 2008 elle avait sollicité le bénéfice du même droit individuel à formation afin de suivre cette formation en capacité en droit et précisait souhaiter utiliser ses 120 heures de droit au droit individuel à la formation, les 60 heures restantes de formation seraient effectuées en dehors de son temps de travail sans rémunération, ce que l'employeur lui refusait le 31 juillet 2008 indiquant :
« Vous avez formulé une demande de DIF pour une durée de 160 heures, donc au-delà des 120 heures de votre droit total. Vous n'avez donc pas assez de droit à DIF pour réaliser cette formation et par ailleurs votre projet ne rentre pas dans les axes prioritaires du groupe. Compte tenu de ces éléments j'ai le regret de vous informer que je ne peux accepter votre demande de DIF et je vous encourage pour faire aboutir votre projet d'évolution à demander un CIF et de prendre contact avec le FONGECIF ».
- ainsi la société France Telecom voyant qu'elle demandait à bénéficier de la formation dans le cadre légal et pour partie à ses frais, a alors invoqué un nouveau motif de refus parfaitement injustifié et alors que son manager avait d'ailleurs donné un avis favorable à ce projet professionnel dans le rapport d'entretien annuel d'évaluation,
- par courrier du 4 septembre 2008, la société France Telecom faisait valoir que les secteurs prioritaires n'incluaient pas la formation sollicitée en parfaite contradiction avec la validation du projet professionnel de 2007.
- l'inspecteur du travail a souligné dans sa lettre du 26 avril 2011 adressée à la société FRANCE TELECOM qu'elle devait lui fournir les raisons pour lesquelles Madame X... avait été évaluée jusqu'en 2011 en tant que « coach » alors que depuis 2008 ce poste avait disparu au profit des conseillers techniques ;
- elle produit une attestation d'un délégué syndical Monsieur E... ainsi rédigé :
« J'ai été alerté à plusieurs reprises par Mlle Stéphanie X... sur ses difficultés à mener à bien ses mandats de DP et DS à l'agence distribution S OM. j'ai constaté à ces occasions un état de stress important chez Stéphanie X.... Allant parfois jusqu'aux larmes avec des états allant de la peur du licenciement au déménagement jusqu'à envisager sa démission. Je me suis rendu à plusieurs reprises à ces réunions DP en tant qu'assistant syndical et ai en effet constaté plusieurs faits que je porte à votre connaissance :
Tout d'abord le ton extrêmement virulent de la direction en la personne de Mme X pourtant responsable des relations sociales à l'encontre de notre DP Stephanie X....
Le 12/ 0212009, il a été ouvertement reproché à notre représentante des liens privilégiés avec l'inspection du travail. Élu DP moi-même depuis plus de 5 ans, je n'avais jamais vu réunion aussi hostile.
Malgré plusieurs interventions orales et par courriels alertant la direction territoriale suite pour dénoncer ces agissements, nous n'avons constaté aucune amélioration. »
Attendu que d'abord ces faits sont bien identifiés, et bien situés dans le temps et l'espace ; que si l'employeur expose qu'ils sont bénins, résultant d'incidents sans gravité, il n'en demeure pas moins qu'il ne fournit aucune explication sur la nécessité impérieuse et urgente de procéder à l'ouverture de ce casier, ou de la seule armoire de Madame X..., par une entreprise extérieure qui serait venue effectuer des travaux un samedi en l'absence des salariés et qui se serait trompé d'armoire ; que de plus l'on comprend mal pourquoi il a été nécessaire de casser cette serrure dont Madame X... avait effectivement une clef ;
Attendu qu'en ce qui concerne le fonctionnement des institutions représentatives du personnel, la matérialité des faits est établie, et si le déplacement des réunions a pu obéir à des contraintes de dernière heure, il n'en demeure pas moins que cette répétition a été d'une telle importance qu'elle a entraîné une ferme réaction de l'inspecteur du travail ;
Attendu que, sur l'évaluation dans laquelle étaient mentionnées des fonctions annexes dévoreuses de temps, et donc précisée une référence aux mandats exercés dans le cadre de l'activité syndicale de Madame X..., ces mentions ont été supprimées à la suite d'une intervention de l'inspecteur du travail, dans une lettre du 21 juillet 2008 ; que toutefois l'employeur a attendu le 13 avril 2009 pour notifier une nouvelle évaluation ;
Attendu qu'enfin il résulte d'une longue lettre de l'inspecteur du travail adressée à l'employeur le 26 avril 2011, et régulièrement communiquée sous le numéro 107 du bordereau, qu'à la suite de la communications des bulletins de paie des autres salariés, il apparaissait que Madame X... était restée « coach » alors que ses collègues étaient passés conseillers techniques, à une qualification supérieure, et qu'elle était dans le groupe de deux personnes les moins rémunérées ;
Attendu qu'actuellement l'employeur reprend à l'identique les mêmes arguments déjà exposés à l'inspecteur du travail et que celui-ci a estimé non fondés compte tenu des mentions figurant sur l'ensemble de bulletins de paie transmis par l'employeur ; que si actuellement l'employeur fait toujours référence à un groupe de plus de 200 personnes à titre de comparaison, cela n'explique pas cette situation de différence de salaires, alors que les évaluations annuelles démontrent que le comportement au travail de Madame X... n'a jamais donné lieu à un quelconque reproche ni à des insuffisances ; qu'il en découle que la décision de l'employeur de ne pas faire bénéficier Madame X... de la même évolution de carrière ou de rémunération que celle d'autres salariés dont la situation était comparable est démontrée ;
Attendu que dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de reprendre les autres faits allégués ; qu'en effet pour ceux déjà examinés ci-dessus la société ne démontre pas que les explications et pièces qu'elle fournit aux débats caractérisent des éléments objectifs permettant d'écarter toute discrimination ;
Attendu qu'au contraire l'ensemble converge pour établir la réalité d'une discrimination syndicale indiscutable et tenace, étant précisé que les faits allégués par Madame X... ayant eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et susceptible de porter atteinte aux droits de cette salariée et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, participent de la discrimination poursuivie et n'ont pas un contenu distinct ;

Sur la résiliation
Attendu que, d'abord, selon l'article L. 412-2 du Code du travail devenu L 2141-5 il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux ;
Attendu qu'ensuite l'évaluation du travail conditionnant l'avancement et donc la rémunération, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale dans l'évaluation du salarié, et toute mesure contraire est abusive et donne lieu à dommages intérêts sauf application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser ;
Attendu que, dans ces conditions, la méconnaissance par l'employeur de ces principes, tant en fixation du salaire que des autres décisions prises pour l'évaluation et la classification, est un manquement suffisamment grave justifiant le prononcé de la résiliation du contrat ;

Sur les conséquences de la résiliation
Attendu qu'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ;
Attendu que, de plus, en application des articles L. 2411-3 et L. 2421-1 lorsqu'un salarié titulaire d'une protection bénéficie d'une résiliation du contrat de travail à son profit en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués le justifiaient, de sorte que la salariée peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur, égale aux salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours ;
Attendu que pour fixer le montant de l'indemnité due, à ce titre, il convient de retenir une indemnité forfaitaire, sans déduction, égale aux salaires que la salariée aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la protection en cours au jour de sa demande, soit le 13 novembre 2008 ; qu'à cette date Madame X... était déléguée syndicale depuis le 1er janvier 2007 et déléguée du personnel réélue le 11 janvier 2007 ; qu'en revanche au jour de la demande elle n'était pas encore titulaire d'un mandat de conseiller prud'homme qui ne lui fut octroyé qu'à compter de son installation publique au Conseil de prud'hommes au mois de janvier 2009 à la suite des élections du 3 décembre 2008 ; qu'ainsi ce mandat ne fut acquis qu'en cours d'instance ;
Attendu que dès lors le mandat de conseiller prud'homme ne pouvant être pris en considération, Madame X... ne peut prétendre à une indemnité forfaitaire de 48 mois de salaires comme elle le soutient ; qu'en revanche étant déléguée syndicale elle peut prétendre à 12 mois de salaires comme elle le réclame, étant observé que la durée restante du mandat de déléguée du personnel est inférieur à cette durée ;
Attendu que cette indemnité ne doit pas être calculée sur l'assiette du salaire effectivement perçu qui résulte d'une décision de l'employeur discriminatoire, et donc illicite, mais sur le montant de 2. 163, 10 euros, montant retenu par l'inspecteur du travail et qui correspond au salaire que Madame X... aurait dû percevoir ;
Attendu qu'il doit donc être alloué à ce titre la somme de 25. 957, 20 euros ;
Attendu que le salarié protégé dont le contrat est résilié du fait de l'employeur, ce qui constitue une violation du statut protecteur peut prétendre en plus de l'indemnité allouée précédemment non seulement à des indemnités de rupture, mais aussi à une indemnité réparant l'intégralité du caractère illicite de cette rupture du fait de l'employeur et au moins égale à celle prévue à l'article L 1235-3 ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis il convient d'allouer la somme de 4. 326, 20 euros et les congés payés y afférents de 432, 62 euros ; que l'indemnité conventionnelle de licenciement, non discutée, s'élève à la somme de 12. 199, 88 euros ;
Attendu qu'en l'état de l'ancienneté dans l'entreprise de presque quinze ans de Madame X..., de son salaire moyen, de son âge pour être née en 1974, de son évolution professionnelle prévisible, de la formation envisagée, et de la nécessité de réparer un préjudice sérieux, compte tenu des événements retracés ci-dessus et qui sont à l'origine de soins médicaux il convient d'allouer la somme de 50. 000 euros en réparation de son entier dommage, tous préjudices confondus, pour rupture illicite du contrat de travail ;
Attendu qu'en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal pour les sommes contractuelles, il convient de le fixer à la date de l'audience du Bureau de conciliation du 21 janvier 2009 valant mise en demeure en l'absence de production de toute convocation ; que concernant la demande de capitalisation des intérêts la première demande en possession de la Cour est contenue dans les conclusions présentées le 27 janvier 2011 ; qu'il convient de faire droit à cette demande, la première capitalisation ne pouvant intervenir que le 27 janvier 2012, et pour les intérêts courus entre ces deux dates ;
Attendu qu'il parait équitable que la société France TELECOM participe à concurrence de 2. 000 euros aux frais exposés par Madame X... et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Statuant sur le déféré, rapporte l'ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire constatant le désistement de la société FRANCE TELECOM,
Statuant sur le fond,
Infirme le jugement déféré,
Accueille la demande de résiliation judiciaire,
Prononce la résiliation du contrat de travail entre les parties à la date du présent arrêt, pour manquements graves de l'employeur à ses obligations,
Condamne la société France TELECOM à payer à Madame Stéphanie X... les sommes de :
-25. 957, 20 euros au titre du statut protecteur,
-4. 326, 20 euros et les congés payés y afférents de 432, 62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-12. 199, 88 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-50. 000 euros en réparation de son entier préjudice pour rupture illicite du contrat de travail,
-2. 000 euros ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Fixe le point des intérêts au taux légal et celui de la capitalisation comme précisés dans les motifs,
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Régis TOURNIER Président et par Madame Catherine ANGLADE, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 993
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1) Sur le déféré : Lorsque deux parties forment un appel principal d'un même jugement, le désistement de son appel par une partie laisse subsister celui de l'autre partie, celle-ci eût-elle accepté le désistement. En l'espèce, l'instance ouverte par la salariée se poursuit d'une manière autonome par rapport à l'instance ouverte par la société. 2) Sur les éléments matériels allégués et antérieurs au jugement : En application des articles R1452-6 et R1452-7 du code du travail, les faits de discrimination et de harcèlement moral allégués actuellement, parfaitement connus par la salariée au fur et à mesure de leur commission, auraient dû être portés devant le conseil de prud'hommes qui a statué au fond. Dès lors, ces faits qui auraient dû être portés devant la juridiction prud'homale avant les débats du 20 novembre 2007 sont irrecevables. 4) Sur la résiliation : En application de l'article L. 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux. De plus, l'évaluation du travail conditionnant l'avancement et donc la rémunération, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale dans l'évaluation du salarié, toute mesure contraire étant abusive et donnant lieu à des dommages intérêts. Il s'ensuit que la méconnaissance par l'employeur de ces principes est un manquement grave justifiant le prononcé de la résiliation du contrat. 5) Sur les conséquences de la résiliation : En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 29 avril 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2011-10-11;993 ?
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